R E V U E D E P R E S S E Revue de presse CHIRURGIE MAMMAIRE CONSERVATRICE ET RADIOTHÉRAPIE : UNE POSSIBILITÉ THÉRAPEUTIQUE POUR LE CARCINOME LOBULAIRE IN SITU ? Cutuli B, de Lafontan B, Quetin P, Mery E. Breast-conserving surgery and radiotherapy: a possible treatment for lobular carcinoma in situ. European Journal of Cancer 41 2005:380-5. Résumé. Le carcinome lobulaire in situ du sein est traité le plus souvent par une chirurgie mammaire de type conservatrice, plus rarement de type mastectomie. Cette étude a porté sur une série de patientes présentant un carcinome lobulaire in situ (CLIS) traité par chirurgie conservatrice et radiothérapie du sein. De 1980 à 1992, 25 patientes avec un âge moyen de 54 ans ont bénéficié d'une tumorectomie (20) ou quadrantectomie (5), associée à une irradiation totale du sein (dose médiane 52 Gy). Cinq patientes avaient une lésion palpable, dix-neuf des images mammographiques isolées et, une, un écoulement mamelonnaire. Douze patientes ont reçu du tamoxifène à la dose de 20 mg par jour pendant deux ans. Le taux global de carcinome bilatéral était de 17,6 % (2 synchrones, 1 métachrone). La médiane de survie étant de 153 mois (de 58 à 240), une seule récidive locale infiltrante a été enregistrée. Aucun cas de carcinome lobulaire in situ traité par radio-chirurgie n'a été décrit en détail dans la littérature jusqu’à nos jours. Le taux de carcinome lobulaire infiltrant, survenant après diagnostic de carcinome lobulaire in situ sur biopsie seule, est de 15 %. Ainsi, le traitement radiochirurgical conventionnel pourrait représenter une alternative intéressante vis-à-vis d’une chirurgie conservatrice ou d’une mastectomie, en sachant que la chirurgie ou la radiothérapie peuvent être le seul traitement proposé. Commentaire. Le carcinome lobulaire in situ représente 1 à 2 % des cancers mammaires et 15 à 20 % de tous les carcinomes in situ. Il est plus reconnu comme étant un facteur de risque de survenue de cancer que comme un cancer véritable, d’où la proposition d’Haagensen et al., en 1978, d’utiliser le terme de “néoplasie lobulaire”. Ce terme de “néoplasie lobulaire” regroupait toutes les lésions lobulaires allant de l’hyperplasie lobulaire atypique jusqu’au carcinome lobulaire in situ. Les carcinomes lobulaires in situ ont un risque de survenue de carcinome infiltrant deux fois supérieur aux hyperplasies lobulaires atypiques. En 2003, l’OMS a suggéré de regrouper toutes ces lésions sous l’appellation de “néoplasie intra-épithéliale lobulaire”, ou “lobular intra-epithelial neoplasia”, ou LIN. La Lettre du Sénologue - n° 28 - avril/mai/juin 2005 Cette décision s”appuie sur les résultats d”études de biologie moléculaire montrant que les hyperplasies lobulaires atypiques et les carcinomes lobulaires in situ sont des proliférations néoplasiques, et ont un profil génétique identique entre eux et à celui du carcinome infiltrant. L’OMS individualise trois groupes : LIN1 (HLA), LIN2 (HLA + CLIS), LIN3 (CLIS pléomorphe). La LIN3 est caractérisée par un comblement et une distension des lobules avec parfois nécrose centrale, par des cellules non cohésives de grande taille, atypiques, pléomorphes, n’exprimant pas la E-cadhérine D’après les résultats de l’essai NASBP B-17 (recul de 5 ans), les LIN3, et en moindre proportion les LIN2, ont un risque plus élevé d’association avec un carcinome infiltrant. Les LIN3 semblent donc s’individualiser des deux autres groupes et nécessiter une reprise chirurgicale en cas de découverte sur biopsie, afin de vérifier l’absence de contingent infiltrant associé. Un enregistrement prospectif devrait permettre d’évaluer l’intérêt d’une radiothérapie complémentaire en cas de chirurgie conservatrice dans le sous-groupe de plus mauvais pronostic (LIN3). ■ E. Mery, Institut Claudius-Regaud, Toulouse. DENSITÉ MAMMOGRAPHIQUE, DENSITÉ MINÉRALE OSSEUSE ET RISQUE DE CANCER DU SEIN Kerlikowske K, Shepherd J, Creasman J, Tice JA, Ziv E, Cummings SR. Are breast density and bone mineral density independent risk factors for breast cancer ? J Natl Cancer Inst 2005;97: 68-74. Résumé. Les auteurs examinent les corrélations entre la densité mammographique (DM), mesurée qualitativement selon les types BI-RADS ou quantitativement en pourcentage de surface dense d’une part, la densité minérale osseuse (DMO) d’autre part, et le risque de cancer du sein dans une étude cascontrôle de 108 cas versus 436 contrôles. Ni la densité minérale vertébrale ni celle de la hanche ne sont corrélées avec la DM, quelle que soit la modalité de mesure. Ni la densité minérale vertébrale ni celle de la hanche ne sont associées significativement avec le risque de cancer du sein. En revanche, les femmes dont la DM est dans le sextile le plus élevé ont un risque de cancer du sein environ triplé par rapport aux femmes du sextile le plus bas (OD : 2,7 ; IC 95 % : 1,4-5,4). Les auteurs concluent, après une analyse multivariée prenant en compte les autres facteurs de risque connus, que la DM est significativement associée à une augmentation du risque de 27 R E V U E D E cancer du sein alors que ce n’est pas le cas de la DMO, même si celle-ci est un marqueur possible de l’exposition totale aux estrogènes au cours de la vie. Commentaire. Cette étude suggère donc qu’une des raisons pour lesquelles la DM contribue au risque de cancer du sein est indépendante des effets médiés par les estrogènes. Cette hypothèse est soutenue par l’observation qu’une importante DM est aussi fortement associée à des cancers du sein récepteurs estrogènes positifs que récepteurs estrogènes négatifs (1), renvoyant à des biomarqueurs moléculaires encore inconnus, mais très certainement liés à des facteurs génétiques. En analysant 353 paires de jumelles homozygotes australiennes et 218 paires de jumelles homozygotes canadiennes et américaines d’une part, et 246 paires de jumelles hétérozygotes australiennes et 134 paires de jumelles hétérozygotes canadiennes et américaines d’autre part, il a été montré que le coefficient de corrélation du pourcentage de DM varie respectivement entre 0,61 et 0,67 pour les paires de jumelles homozygotes et 0,25 à 0,27 pour les paires de jumelles hétérozygotes, permettant de conclure qu’ajustés à l’âge, 63 % de la densité mammographique relèvent d’une cause génétique, 20 à 30 % du poids, de la parité et du statut hormonal (2). R É F É R E N C E S B I B L I O G R A P H I Q U E S P R E S S E lymphe ponctionné que pour le nombre de consultations médicales. Les auteurs concluent qu’il n’est pas possible de prendre position pour une rééducation précoce ou retardée. Commentaire. Une patiente opérée pour un cancer du sein prend naturellement une position de protection de la zone opérée avec l’épaule surélevée et en avant. Cela a pour conséquence un blocage progressif de l’épaule qui motive la rééducation postopératoire qui, elle-même, augmente le nombre de lymphocèles. Cette rééducation est d’autant plus laborieuse qu’elle est réalisée de façon tardive. Il est facile de donner quelques conseils à la patiente le jour de l’intervention et le lendemain pour la rassurer sur la “solidité” de la cicatrice et pour l’encourager dans la réalisation des mouvements naturels (toilette, coiffage...). Cela évite le blocage de l’épaule et la rééducation “en force”. La mobilisation doit être fréquente (toutes les heures) et douce. Elle permet un retour plus rapide à la vie normale. Lors de la consultation avant la mise en route de la radiothérapie postopératoire, on retrouve encore trop fréquemment des patientes qui n’ont pas récupéré de façon complète la mobilité de leur épaule. Elles ont alors beaucoup de mal à s’installer dans une position confortable pour l’irradiation (bras vers l’arrière) et leur positionnement s’améliore progressivement au cours des cinq semaines d’irradiation, cette modification nuisant à la qualité du ciblage. ■ B. de Lafontan, Institut Claudius-Regaud, Toulouse. 1. Ziv E et al. Mammographic density and estrogen receptor status of breast cancer. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev 2004;13:2090-5. 2. Boyd NF et al. Heritability of mammographic density, a risk factor for breast cancer. N Engl J Med 2002;347:886-94. ■ G. Boutet, 28, rue de Norvège, 17000 La Rochelle DOIT-ON RETARDER LA RÉÉDUCATION DE L’ÉPAULE CHEZ DES PATIENTES OPÉRÉES D’UN CANCER DU SEIN ? Shamley DR, Barker K, Simonite V, Beardshaw A. Delayed versus immediate exercises following surgery for breast cancer: a systematic review. Breast Cancer research and Treatment 2005;90(3):263-71. Résumé. La chirurgie pour cancer du sein peut entraîner la formation d’un lymphocèle le plus souvent axillaire. Elle peut aussi avoir pour conséquence une diminution de la mobilité de l’épaule qui motive des exercices de rééducation. Les lymphocèles, quant à eux, sont ponctionnés quand ils sont trop volumineux, donc gênants et/ou douloureux. Le risque de cette ponction est la surinfection. La question est de savoir s’il faut retarder la rééducation de l’épaule pour diminuer le risque de lymphocèle. Les auteurs ont comparé deux groupes de patientes opérées pour un cancer du sein avec, selon le groupe, rééducation précoce ou retardée. Ils ont évalué pour chaque groupe la mobilité de l’épaule dans le temps, les ponctions éventuelles de lymphocèles et, plus globalement, les conséquences des lymphocèles. La rééducation retardée diminue très significativement la formation de lymphocèles (p = 0,00001), mais il n’a pas été retrouvé de différence significative tant pour le volume de 28 IDENTIFICATION DU GANGLION SENTINELLE APRÈS UNE CHIMIOTHÉRAPIE NÉOADJUVANTE CHEZ DES PATIENTES ATTEINTES D’UN CANCER DU SEIN Mamounas EP, Brown A, Anderson S et al. Sentinel Node Biopsy after Neoadjuvant Chemotherapy in Breast Cancer: Results from National Surgical Adjuvant Breast and Bowel Project Protocol B-27. JCO 2005april;23(12):2694-702. Résumé. Les auteurs présentent l’analyse d’une sous-population de l’essai NSABP B-27 ayant bénéficié de la procédure du ganglion sentinelle avec curage axillaire systématique après une chimiothérapie néoadjuvante. Parmi les 2 411 patientes incluses dans l’étude, 428 (18,1 %) ont bénéficié de la biopsie du ganglion sentinelle, 76 % sont N0 clinique. La détection du GS est réalisée par méthode combinée dans seulement 54,7 % des cas, par radioisotope dans 14,7 % des cas et par bleu seul chez 29,9 % des patientes. Le taux d’identification global est de 84,8 % et augmente de façon significative avec l’utilisation du radioisotope (78,1 % avec le bleu, 88,9 % avec radioisotope seul, 87,6 % avec la méthode combinée). Il n’y a pas de différence significative dans la détection en fonction de la taille tumorale, du statut ganglionnaire, de l’âge de la patiente et de la date d’inclusion dans l’essai. Le taux de faux négatifs est de 10,7 % dans cette étude. Les réponses clinique et histologique tumorales n’influencent pas, de façon significative, le risque de faux négatif, ainsi que la méthode de détection du ganglion sentinelle. Commentaire. Il s’agit de la plus importante étude de faisabiLa Lettre du Sénologue - n° 28 - avril/mai/juin 2005 lité de la technique du ganglion sentinelle après chimiothérapie néo adjuvante avec un nombre de patientes comparable aux études multicentriques du ganglion sentinelle lors d’une chirurgie première. Les résultats en termes de taux d’identification et de faux négatif sont également superposables et éclairent sur la faisabilité de la procédure après un traitement néoadjuvant. Il faut tout de même noter l’hétérogénéité des pratiques de détection. Le taux de faux négatifs est de 0 à 17 % dans la littérature (la dernière étude venant d’être publiée dans Annals of Surgery retrouve, sur 4 117 patientes, 2,5 % de risque de FN avec 94 % de taux d’identification). Pour conforter ces résultats, nous attendons les résultats de l’essai GANEA du groupe des chirurgiens de CLCC qui évalue de façon prospective, la fiabilité de la technique du ganglion sentinelle dans ce même groupe de patientes traitées par chimiothérapie néoadjuvante, l’exérèse du ganglion sentinelle étant toujours suivie d’un évidement. Dans l’essai NSABP B-27, l’utilisation du docétaxel en néoadjuvant a permis une réduction du taux d’envahissement axillaire, avec seulement 15,5 % de risque de N+ en cas de réponse histologique complète. On peut alors se poser la question de la perte d’information sur l’envahissement ganglionnaire du fait du traitement néoadjuvant, et de l’utilité de l’expertise ganglionnaire avant le début du traitement, éventuellement avec la procédure du ganglion sentinelle. ■ VIIIes Journées de l’hôpital Saint-Louis 22-23 septembre 2005 Les événements de l’année en sénologie clinique Cercle républicain, 5, avenue de l’Opéra, 75001 Paris Organisateurs : Marc Espié et André Gorins. Renseignements et inscriptions : Secrétariat scientifique du Dr Mars Espié, service oncologique et des maladies du sein, hôpital SaintLouis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris. Tél. : 01 42 49 92 93. Nous Nous faisons faisons de de vos vos spécialités spécialités notre notre spécialité... spécialité... Société du groupe de presse et d'édition santé La Lettre du Sénologue - n° 28 - avril/mai/juin 2005 29