Concurrence fiscale entre Etats
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3- Depuis un demi siècle environ, les Etats, du moins ceux qui
ont opté pour l’économie de marché, cherchent à attirer les
investissements privés en les encourageant y compris par l’instrument
fiscal. Le désengagement de l’Etat des activités économiques,
fortement encouragé par les instances financières internationales,
s’opère progressivement au prix d’un interventionnisme fiscal de plus
en plus utilisé par l’ensemble des Etats. Tout se passe comme si
l’interventionnisme fiscal se substituait à l’interventionnisme
économique, même si l’interventionnisme fiscal n’a pas été à l’abri de
la critique1. Tous les Etats recourent, à des degrés divers, à
l’instrument fiscal comme régulateur économique et comme
catalyseur de l’investissement. Chaque Etat se propose d’être
fiscalement plus accueillant en recourant, s’il le faut, aux mesures
incitatives dérogatoires. La neutralité de l’impôt a dû alors s’adapter et
recevoir un contenu variable, pour tenir compte de l’utilisation de
l’impôt dans une finalité extérieure à la fonction traditionnelle de
couverture des charges publiques.
4- L’économie de marché, qui s’impose aujourd’hui comme
une fatalité pratiquement à tous les pays, se traduit par une tendance
vers la disparition quasi-totale des frontières économiques pour
favoriser la libre circulation des biens, des services et des capitaux.
Dans cet espace qui se construit, la concurrence souvent vantée, voire
vénérée, en raison de sa corrélation étroite avec le mérite, devient de
plus en plus rude entre Etats pour attirer les investissements. Ces
derniers à leur tour, sont confrontés à une rude compétition à l’échelle
planétaire. D’où, l’insistance sur la compétitivité comme vertu
immanquablement recherchée non seulement par l’entreprise, mais
aussi par les politiques publiques.
La compétitivité est désormais un principe cardinal qui tend
à gouverner à la fois l’univers économique et l’univers politique.
Le droit ne peut plus ignorer cet impératif économique majeur et doit,
à cet effet, se réinventer pour gérer cette nouvelle réalité économique
traversée, plus qu’elle ne l’était auparavant, par les contradictions les
plus aiguës et dont la conciliation peut échapper au seul pouvoir
normatif étatique.
1 Maurice LAURE, Traité de la politique fiscale, PUF, 1956, Science fiscale, PUF,
1993, p. 59 et s.