Chromogranine A La famille des chromogranines regroupe 3 glycoprotéines solubles acides localisées dans les granules de sécrétion des cellules endocrines et neuroendocrines : • la chromogranine A (CgA) : c’est une protéine de 439 acides aminés (49 kDa) codée par un gène présent sur le chromosome 14 ; • les chromogranines B et C ont été isolées plus tardivement. La CgA est présente en grande quantité dans la médullosurrénale, où elle représente le constituant principal des granules denses sécrétant les catécholamines avec lesquelles elle est excrétée. La CgA serait une prohormone, précurseur de peptides biologiquement actifs et régulant la sécrétion des hormones corésidentes. Son clivage protéolytique conduit entre autres à la pancréastatine (inhibiteur de la libération d’insuline en réponse au glucose) et à la chromostatine (inhibiteur de l’exocytose des cellules chromaffines). À ce jour, tous les peptides de clivage ne sont pas connus. En raison de son origine, la CgA est considérée comme un marqueur spécifique des tumeurs endocrines et neuroendocrines. Son expression est plus élevée dans les tumeurs non différenciées. Dans des conditions physiologiques de stimulation du système sympathique (stress modéré), la CgA n’est pas un marqueur sensible de la réponse catécholaminergique. Sur coupe histologique, la CgA est considérée comme un excellent marqueur immunohistochimique. Sa détection dans les cellules tumorales permet d’affirmer le diagnostic de tumeur neuroendocrine. Par ailleurs, certaines tumeurs endocrines non sécrétantes conservent la faculté d’exprimer la CgA, permettant ainsi leur identification (carcinome médullaire de la thyroïde, adénomes hypophysaires, insulinomes non fonctionnels). Jusqu’à récemment, le dosage de la CgA sérique était réalisé par techniques immunologiques par compétition avec une sensibilité variable selon la nature des anticorps, reconnaissant la CgA entière et ses différents fragments. En raison de la complexité de sa protéolyse et de sa maturation post-traductionnelle, son dosage suppose la prise en compte de la protéine intacte ainsi que des fragments majeurs de dégradation, rendant délicat l’emploi d’anticorps monoclonaux. Depuis peu, une technique sandwich a été développée, à deux anticorps monoclonaux dirigés contre deux régions épitopiques de la partie médiane de la molécule moins touchée par les phénomènes de protéolyse. Les valeurs usuelles, indépendantes de l’âge et du sexe, sont inférieures à 100 ng/ml. En dehors des tumeurs neuroendocriniennes, des augmentations non spécifiques de la CgA ont été observées chez les sujets atteints : • d’hypertension : quelle qu’en soit la cause ; • d’insuffisance rénale chronique : par diminution de la clairance rénale à des taux identiques à ceux des tumeurs endocrines ; • d’insuffisance cardiaque ou d’infarctus : le taux, proportionnel à la sévérité de la maladie, peut atteindre 10 fois la normale ; • de gastrite chronique ou de patients sous traitement par inhibiteurs de pompe à protons ; • d’insuffisance hépatique ; • d’hyperparathyroïdie primitive ou d’hyperplasie des cellules C thyroïdiennes. Les principales tumeurs susceptibles de produire de la CgA sont les suivantes : phéochromocytome, gastrinomes, tumeurs carcinoïdes et neuroendocrines multiples pour lesquels le dosage de CgA est le plus discriminant mais aussi neuroblastome, carcinome médullaire de la thyroïde, cancer parathyroïdien, tumeurs pancréatiques, duodénales et antéhypophysaires, cancers du poumon à petites cellules. La sensibilité de ce test pour le diagnostic des tumeurs neuroendocrines est de 92 % et la spécificité de 96 %. Dans les phéochromocytomes, la CgA présente une sensibilité diagnostique (87 %) voisine de celle du dosage des catécholamines plasmatiques (84 %). Sa spécificité s’avère nettement moins bonne : 74 %, à comparer aux 88 % des catécholamines plasmatiques. Cependant, l’adjonction au dosage des catécholamines de celui de la CgA permettrait d’augmenter la spécificité du diagnostic à 98 % chez les patients présentant une fonction rénale normale. Le taux de CgA est proportionnel à la masse tumorale. C’est un très bon index de radicalisation de l’exérèse et un bon marqueur de suivi. Dans les cancers médullaires de la thyroïde (CMT), la CgA est exprimée parallèlement à la calcitonine. Les taux de CgA sont modérément corrélés à ceux de la calcitonine et ne s’élèvent pas sous pentagastrine. Par ailleurs, la CgA ne constitue pas un bon marqueur du suivi de la maladie du fait de sa longue demi-vie et n’atteint des taux pathologiques qu’à des stades très avancés. Le dosage de la calcitonine demeure donc la référence pour le diagnostic précoce et le suivi des cancers médullaires de la thyroïde. Les taux les plus élevés ont été observés chez les patients présentant des CMT métastastiques. Dans les tumeurs neuroendocrines gastrointestinales, la CgA est augmentée dans 80 % des cas. Le taux est cor- rélé à la masse tumorale et peut donc être utilisé comme facteur pronostique, particulièrement pour les tumeurs de l’intestin moyen (tumeurs carcinoïdes). Elle est augmentée chez 93 % des patients qui présentent des métastases pulmonaires. Dans les tumeurs neuroendocrines pancréatiques, du type VIPome, somatostatinome, glucagonome, les taux de CgA sont habituellement élevés et servent pour le suivi du patient. Dans le gastrinome (ou syndrome de Zollinger-Ellison), son rôle n’est pas encore complètement défini. Les taux élevés de CgA peuvent être dus autant à l’hyperplasie des cellules enterochromaffineslike qu’aux cellules tumorales (gastrinome) et l’ablation d’une partie de l’estomac réduit le taux tout autant que l’ablation de la tumeur. Pour le suivi du traitement des tumeurs neuroendocrines, la difficulté réside dans le fait que les analogues de somatostatine, donnés en traitement, réduisent les taux de CgA circulant indépendamment d’un effet sur la tumeur. La CgA peut également aider au diagnostic des tumeurs neuroendocrines « non fonctionnelles » ou « cliniquement silencieuses ». Dans les neuroblastomes, le dosage de CgA est un test sensible et spécifique pour le diagnostic chez les enfants. Il peut être utilisé aussi dans l’évaluation de la réponse au traitement et en tant que facteur de pronostic pour la survie. Dans les cancers du poumon à petites cellules, la CgA n’atteint pas les performances de la NSE (neuron specific enolase), qui reste le meilleur marqueur de ces tumeurs. La CgA peut être utilisée pour le suivi thérapeutique et pour le dépistage des récidives. Dans le cancer de la prostate, la CgA peut être augmentée en absence de PSA supérieure à 4 ng/ml. La détection de CgA peut prédire l’insensibilité de la tumeur à un traitement hormonal. Les taux élevés sont plutôt en faveur d’un mauvais pronostic. ☞ ( Calcitonine, Catécholamines, Neuron specific enolase, VIP National Academy of Clinical Biochemistry (NACB). Guidelines for the use of tumor markers in neoplasms of the dispersed neuroendocrine system. Disponible sur : http://www.nacb.org/lmpg/tumor/chp3n_neuroendocrine. pdf Nehar D, Claustrat B, Lombard-Bohas C, Riou JP, Sassolas G. Intérêt du dosage de la chromogranine A dans les tumeurs neuroendocrines. In : 17es Journées Nationale de Biologie. Lyon : Association des Internes et Anciens Internes en Pharmacie des Hôpitaux de Lyon, 2000 ; pp. 196-198.