Dal Santo
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institutions d’éducation, alliés à l’exécution lente de la politique d’Arabisation ont obligé, de fait,
la première et même la deuxième génération de ces écrivains maghrébins à l’écriture en français.
Toutefois ce ne sont pas les écrivains qui forment le sujet de cette enquête. Jusqu’à présent, les
études de littérature francophone ont accordé peu d’attention aux cas de bilinguisme et d’auto-
traduction bien que plusieurs écrivains aient démontré leur conscience linguistique par l’écriture
en français et en arabe ou par la traduction entre ces deux langues.3
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Plutôt qu’une telle étude, je
me concentrerai sur les auteurs maghrébins qui savent s’exprimer couramment et aisément en
deux langues : qu’est-ce que l’auteur atteint et sacrifie par l’usage de chaque langue ? Cette
question nous dirige non seulement vers une analyse de l’efficacité de l’Arabisation quand il
s’est agit de renforcer la culture arabe au Maghreb par la réintégration officielle de la langue
arabe, mais aussi vers l’extérieur du Maghreb, vers l’analyse des dynamiques éditoriales dans le
monde arabe. Comment l’écrivain maghrébin peut-il se faire entendre dans sa langue face à la
possibilité de la censure par les gouvernements arabes ? Et s’il réussit à se faire publier dans le
monde arabe, comment la langue-même agit-elle comme acteur politique, exerçant
paradoxalement une censure immanente sur les choix expressifs de l’auteur ?
Certes, l’Algérie et le Maroc ont connu deux expériences avec l’empire français assez
différentes : pour les Algériens, la lutte contre la France a donné lieu à des batailles meurtrières,
et ce carnage a duré huit ans de 1954 à 1962. Au contraire, pour le Maroc, la transition a été plus
fluide. Après tout, le Maroc n’a pas été une colonie française, mais stricto sensu un protectorat
français. Cependant dans les deux cas la France a réussi à effacer toute trace de l’utilisation de la
langue arabe dans les institutions administratives et gouvernementales, et par conséquent chaque
3 Dobie, Madeleine. “Francophone Studies and the Linguistic Diversity of the Maghreb.” Comparative Studies of
South Asia, Africa, and the Middle East, Vol.23, No.1&2 (2003), pp.32-40, p.37.