8.4. Le Brésil, locomotive de la croissance latino-américaine : Des bases économiques stables Le Brésil est, tant en superficie qu'en population, le plus grand pays d'Amérique latine, et un géant industriel et économique. En ce qui concerne la parité de pouvoir d'achat, le pays est la neuvième plus grande économie mondiale. Aux périodes successives de croissance élevée puis faible du passé, à la croissance limitée par des taux d'inflation élevés ainsi que par la dette étrangère succède aujourd'hui une période de stabilité, de croissance et de progrès social, et ce grâce aux réformes effectuées dans les années '90, auxquelles se sont ajoutées des mesures macro-économiques et sociales supplémentaires. Le Brésil a développé au cours des dix dernières années un cadre macroéconomique solide. L'objectif principal était de réduire la vulnérabilité de l'économie et d'en renforcer le dynamisme. Les éléments les plus importants à cet égard sont la discipline fiscale continue et une politique monétaire axée sur la lutte contre l'inflation, qui ont fait en sorte de réduire la vulnérabilité fiscale et externe. Le passage à un système de cours de change flexible permet en outre à l'économie de s'adapter rapidement aux chocs externes. Des réserves internationales ont également été constituées en masse au fil des années, lesquelles peuvent être utilisées pour prévenir une correction trop radicale du cours de change. Tous ces éléments pris ensemble ont fait en sorte que l'économie brésilienne a pu aborder la crise à partir d'une position plus solide et enregistrer plus rapidement de nouveaux chiffres de croissance positifs. Loi de Responsabilité Fiscale Un élément important du cadre macroéconomique axé sur la stabilité mérite que l'on s'y attarde: la 'Loi de Responsabilité Fiscale' (LRF). Cette loi est décrite par la Banque mondialecomme une 'meilleure pratique' sur le plan du fédéralisme fiscal. La loi mettait enfin de l'ordre dans la politique fiscale du Brésil, qui causait jadis beaucoup de soucis. La loi a été approuvée en 2000, après de longues discussions. Les dispositions principales de la loi consolident les institutions fiscales et établissent un cadre global de planification, d'exécution et de transparence fiscales et ce, à la fois au niveau fédéral, régional et communal. La LRF exige ainsi, entre autres, tous les quatre mois un rapport détaillé sur l'affectation du budget et le respect de la LRF par l'administration fiscale. En ce qui concerne les dépenses, la LRF prévoit, entre autres, des plafonds pour les dépenses du IHK-Infos 11/12-2009 personnel, allant Jusqu'à 60% pour les dépenses fédérales et jusqu'à 50% pour les dépenses régionales et communales. Si ces plafonds sont dépassés dans la période de quatre mois, la situation doit être rectifiée au cours des huit mois suivants. Des peines sévères, d'emprisonnement notamment, pour ceux qui agissent en contradiction avec les dispositions de la LRF, garantissent le strict respect de la loi. En ce qui concerne la dette publique, la LRF prévoit un plafond fixé à 120% des revenus courants au niveau national et régional. Lorsque cette limite est dépassée, la dette doit êtreramenée en dessous du maximum autorisé au cours des 12 mois suivants. Toute émission de dette est strictement interdite dans l'intervalle. La LRF ne prévoit que deux cas dans lesquels ce plafond peut ne pas être respecté. La première exception se rapporte à une situation de catastrophe nationale ou de siège déclarée par le Congrès. La seconde s'applique en temps de récession économique, définie comme un rythme de croissance économique inférieur à 1 % sur une base annuelle. Dans ce cas, le délai consenti pour ramener la dette publique en dessous du maximum autorisé est porté à deux ans. Impact limité de la crise financière Les établissements financiers brésiliens n'ont presque pas été exposés à des produits toxiques. D'importants tampons ont en outre été mis en place dans le passé, ce qui fait que les établissements financiers brésiliens n'ont finalement pas fort souffert de l'actuelle crise financière. La régression globale a toutefois touché l'économie brésilienne par le biais d'une soudaine restriction du crédit externe et d'une forte baisse des prix des matières premières et de la demande d'exportation. La dislocation des marchés financiers mondiaux a en outre 56 entraîné un manque de liquidités pour les établissements financiers et les entreprises brésiliennes. L'accès au crédit est de ce fait devenu plus difficile, principalement pour les petites et moyennes entreprises. Les autorités brésiliennes ont réagi au moyen d’incitants axés sur l’abaissement des taux d’imposition et sur l’augmentation des dépenses publiques, représentant environ 0,5% du PIB. Les autorités se sont promis d'arriver de nouveau en 2010 à un solde primaire plus élevé. La Banque centrale du Brésil a également contribué à la stimulation de la relance grâce à l'assouplissement significatif de la politique monétaire pendant la crise. Du fait de la faible inflation, la Banque centrale du Brésil a pu faire baisser le taux directeur de 450 points de base depuis janvier 2009. L'équivalent de 3,5% du PIB a été injecté sous forme de liquidités suite à la décision de réduire les exigences en matière de réserves des établissements financiers. Le chiffre de croissance moyen de l’économie brésilienne est trop souvent resté en dessous de la moyenne latino-américaine Le Brésil est le premier pays d'Amérique latine à avoir renoué avec des chiffres de croissance positifs. Au cours du deuxième trimestre de cette année, les marchés financiers se sont de nouveau tournés vers l'économie brésilienne, la prime de risque sur les obligations d'Etat brésiliennes a baissé et la stabilisation des prix des matières premières à un niveau supérieur a contribué, compte tenu de l'importance des matières premières dans l'exportation, à la IHK-Infos 11/12-2009 relance de l'économie. Le Brésil continuera également à moyen terme, grâce à son grand marché intérieur, à ses biens et marchés d'exportation diversifiés et à ses relations croissantes avec l'Asie, à entraÎner les autres pays d'Amérique latine dans son sillage. S'appuyer sur les bases existantes Le cadre macro-économique a donc jeté les bases d'une croissance économique stable. Le chiffre de croissance moyen de l'économie brésilienne est toutefois encore trop souvent resté en dessous du chiffre de croissance global et de la moyenne latinoaméricaine et ce, même avant la crise. La croissance potentielle n'est en effet toujours pas pleinement exploitée. Les charges administratives élevées, les nombreuses régulations ainsi que l'infrastructure défectueuse, les taux d'imposition élevés, le coût des crédits et les marchés de l'emploi peu flexibles, sont des facteurs importants à prendre en considération. La pauvreté et l'inégalité, malgré la tendance à la baisse, demeurent à un niveau relativement élevé pour un pays au revenu moyen, et l'accès à l'enseignement secondaire reste difficile. Une étude du Forum économique mondial montre toutefois une évolution positive. Selon cette étude, le Brésil est le pays qui a récemment enregistré le plus de progrès sur le plan de la compétitivité. Le Brésil a avancé de 8 places, devançant ainsi pour la première fois la Russie et comblant partiellement-le fossé qui existe avec la Chine et l'Inde, les deux autres pays du BRIC. Frederic Teerlynck 57 Le président Lula s’est adressé aux chefs d’entreprise belges Le Brésil vers le top 5 mondial Depuis son élection en 2002 à la tête du plus grand Etat d'Amérique latine et sa réélection avec plus de 60% des suffrages en 2006, Luiz Inacio Lula da Silva a pu rassurer les milieux d'affaires, perplexes face à la foudroyante ascension de cet ancien ouvrier métallurgiste et syndicaliste. Mieux même, alors que le monde peine à sortir du marasme économique, le bilan et les perspectives affichées par le président brésilien constituent une fameuse bouffée d'oxygène. De quoi remonter le moral des chefs d'entreprise belges, qui ont pu l'écouter lors du Business Forum Brésil-Belgique organisé par la FEB le 5 octobre dernier. Un heureux hasard a fait que le président Lula rendait visite à notre pays, tout juste auréolé de la victoire remportée par Rio dans la course à l'organisation des Jeux olympiques de 2016. Une victoire, mais aussi une énorme responsabilité, applaudie comme il se doit par ses hôtes beiges. « Nos énormes besoins en logistique portuaire sont des opportunités pour les entrepreneurs belges ». Le Président Lula Cette 'bonne nouvelle' aura encore décuplé l'enthousiasme et l'élan d'un président et d'une nation tout entière, qui apparaît déjà comme un nouvel Eldorado. Sorte de cerise sur le gâteau, cet énorme défi organisationnel s'ajoute en effet aux déjà nombreuses opportunités de développement. "L'organisation de la Coupe du Monde de foot en 2014, les Jeux olympiques en 2016 s'ajoutent à d'autres chantiers majeurs pour les prochaines années, tels que le développement d'un réseau de trains à haute vitesse ou l'exploration de nouveaux champs pétrolifères ", a pointé le président Lula, qui n'a pas manqué d'adresser un message plus direct à son auditoire belge, rappelant au passage que la création de la 'Cia Siderurgica Belgo-Mineira' dans les années 20 avait été essentielle pour le développement industriel du pays : "Nos énormes besoins en matière de logistique portuaire ou en développement des voies d'eau constituent autant d'opportunités pour IHK-Infos 11/12-2009 les entrepreneurs belges ", at-il notamment indiqué, bien conscient que l'essor du Brésil ne sera durable que grâce à l'apport de compétences scientifiques et technologiques étrangères. Marolinha Le président Lula a fait remarquer avec une certaine malice que les régulateurs financiers des pays occidentaux "viennent au Brésil pour y voir comment fonctionnent notre système bancaire" Un système bancaire qui impose des réserves de fonds propres élevées pour maîtriser les effets de levier. "Nous avons réussi à gérer la 'marolinha' (ndlr: littéralement 'petite vague') de la crise économique et financière et devrions retrouver une croissance supérieure à 5% dès l'année prochaine. Si nous continuons à ce rythme, nous serons bientôt la cinquième économie mondiale." Le Brésil se situe déjà dans le top 10, avec un PIB proche de celui de l'Italie ou de la Russie. Certaines de nos entreprises ont déjà commencé à profiter de cet essor - le volume des échanges commerciaux belgo-brésiliens a doublé en 4 ans pour atteindre 6 milliards de dollars en 2008, avant une chute estimée à 30% cette année - et cela devrait logiquement s'accélérer. Car comment expliquer, pour un pays ouvert comme le nôtre (85% du PIB belge est généré à l'exportation), que le Brésil, qui espère rejoindre le top 5 des économies mondiales, ne soit que notre 27e client? • Olivier Fabes 58 "La consommation Interne est déjà repartie à la hausse" Miguel Jorge, ministre brésilien pour le Développement, l'Industrie et le Commerce extérieur, était à Bruxelles pour vanter les nombreuses opportunités d'affaires dans son pays. Interview éclair. Le développement économique du Brésil, à peine freiné par la crise économique mondiale, représente autant d'opportunités d'investissement dans le secteur énergétique, dans la logistique portuaire, dans l'agroalimentaire, etc. Quel est votre premier argument de 'vente' du Brésil? "C'est tout d'abord le formidable potentiel de notre marché intérieur pour les produits de consommation. La classe moyenne représente désormais plus de la moitié de la population brésilienne. 10 millions de nouveaux emplois formels ont été créés ces cinq dernières années. Le salaire minimum a augmenté de 46% depuis 2003. En outre, la jeunesse de notre population est un atout majeur pour l'avenir." Comment résiste cette consommation intérieure face à la crise mondiale? "II Y a eu fin 2008 et début 2009 un ralentissement de l'achat de biens durables, mais la tendance est repartie à la hausse depuis quelques mois. Les ventes de véhicules ont par exemple augmenté de 9% depuis mars, tout comme les ventes d'appareils électroménagers." Le climat des affaires au Brésil peut pourtant encore rebuter certains investisseurs. Votre pays a reculé de deux places pour être 129" (sur 183) dans le classement Doing Business de la Banque Mondiale… "Les Brésiliens mettent un point d'honneur à toujours respecter un contrat. La liberté d'entreprendre et la confiance générale dans les affaires se sont beaucoup améliorées." A combien estimez-vous les investissements nécessaires pour les JO de 2016 ? "Nous estimons les investissements nécessaires en infrastructures à plus de 15 milliards d'euros, dont 4,2 milliards seront ouverts à des projets menés par des sociétés privées." Quel est le plus grand défi économique de votre pays? "La reprise du commerce mondial et la libéralisation des échanges. Notre santé économique dépendra de plus en plus de notre capacité à exporter." • "10 millions de nouveaux emplois formels ont été créés ces 5 dernières années" IHK-Infos 11/12-2009 59 Manne pétrolière Le Brésil est béni des dieux de l'énergie. L'essentiel de l'électricité provient de sources d'énergie renouvelable. Le gouvernement chiffre à 73% l'approvisionnement en électricité provenant de pas moins de 160 centrales hydr électriques. Au niveau mondial, le Brésil s'est fait une réputation comme plus grand exportateur mondial d'éthanol, biocarburant produit à partir de la canne à sucre. Les Brésiliens présents au Business Forum de Bruxelles ont répété que l'explosion de la production d'éthanol (27 milliards de litres en 2008, soit une augmentation de 17,9% en un an) se faisait sans préjudice pour la production de denrées alimentaires et sans empiéter sur la forêt amazonienne, véritable poumon de la planète. Une grande partie de la production de canne à sucre pour l'éthanol est concentrée dans le sud-est du pays, à 2.500 km de la forêt amazonienne. Les Brésiliens ne manquent pas de préciser que le rendement à l'hectare (litres d'éthanol produits) de la canne à sucre est six fois supérieur à celui du maïs (utilisé aux Etats-Unis). Le Brésil est devenu le troisième plus grand producteur et consommateur de biodiesel dans le monde. Paulo Tigre, vice-président de la Confédération brésilienne pour l'industrie (CNI), a plaidé à Bruxelles pour la création d'un marché mondial de l'éthanol, sans barrières douanières. A ceux qui craindraient que le Brésil devienne trop dépendant de la canne à sucre, les autorités brésiliennes répondront que le pays peut désormais ajouter la corde 'pétrole et gaz' à son arc. En 2008, de nouvelles réserves de pétrole et de gaz ont en effet été découvertes dans des bassins sédimentaires (on parle de zone pré-sel, car sous une couche de sel), environ 6.000 mètres au-dessous de la surface de la mer. Petrobas, la compagnie pétrolière publique brésilienne, estime que le volume de ces réserves sous-marines est d'au moins 5 milliards de barils, un nombre quatre fois plus élevé que la production actuelle. Cela pourrait faire du Brésil un géant pétrolier. Cette manne pétrolière est un atout formidable pour sortir définitivement certaines régions du pays du sous-développement et lutter contre la pauvreté. Mais elle peut aussi alimenter une bulle de dépenses exagérées et une prospérité éphémère de la part d'un pays qui, comme le rappelle The Economist*, a souvent démontré au cours de son histoire qu'il investissait peu et économisait encore moins. * Edition du 5 septembre 2009. Forward novembre 2009 IHK-Infos 11/12-2009 60