l'opinion aux sondages. Chacune des trois composantes de la politique moderne ne pouvant
exister sans l'autre et constituant en quelque sorte son contrepoids mutuel.
Ce consensus sur la complémentarité entre les trois principales rationalités de la
communication politique est récent et constitue le point de rencontre de deux processus de
nature différente. D'une part, il est la solution au problème qui a hanté la fin du 19e siècle et la
première moitié du 20e siècle: A quelle condition peut-il y avoir une démocratie dans une
société de masse, l'histoire tragique du
XXe
siècle montrant souvent leur irréductibilité. D'autre
part, il est l'aboutissement du projet démocratique, inauguré par la révolution du 18e siècle: un
jeu politique tempéré par la presse libre et par l'expression de l'opinion publique.
La force de ce consensus vient probablement de ce qu'il est le point de rencontre entre
une logique fonctionnelle
:
comment « gérer » la société de masse, et d'une logique normative
:
comment adapter le modèle de la démocratie, inventé dans une société inégalitaire, à une société
de masse égalitaire. C'est pourquoi les médias et les sondages ont été finalement acceptés, tout
simplement parce qu'ils permettaient l'adaptation du modèle démocratique à la société de
masse2. La communication venait ainsi au secours de la démocratie ou plutôt lui permettait de
se transformer en démocratie de masse. Mais cette place plus grande prise par la communication
dans le fonctionnement de la démocratie
s'est
souvent accompagnée d'un discours critique
dénonçant la politique spectacle ou la domination de la communication sur la politique.
Ce texte vise, au contraire, à montrer que l'émergence de la communication dans la
communication politique traduit en réalité la reconnaissance d'une logique conflictuelle. Les
trois logiques constitutives de la communication politique (l'information, la politique, la
communication) ne sont pas complémentaires, mais au contraire conflictuelles et c'est leur
interaction qui structure la communication politique considérée non pas comme un espace de
« communication », mais comme le lieu d'affrontement de logiques contradictoires.
La reconnaissance de cette absence de complémentarité ne conduit pas à invalider le
modèle démocratique, comme le pensent certains esprits critiques qui, en soulignant les écarts,
voire les contradictions entre la politique, l'information et l'opinion publique, concluent à
l'impossibilité d'un jeu démocratique authentique3. Notre hypothèse est inverse: le décalage
entre ces trois approches est une nécessité structurelle au fonctionnement de la communication
politique et à son rôle dans le jeu démocratique. Maintenir l'hétérogénéité entre ces trois
rationalités est d'autant plus nécessaire que dans la vie politique elles sont proches les unes des
autres. C'est dans les décalages de cette communication « ratée » que réside la communication
politique.
L'objet de ce texte est donc de montrer que l'affrontement politique se fait
aujourd'hui
sur un monde communicationnel, et que le triomphe apparent de la communication sur la
politique, est en réalité à interpréter autrement, comme la condition pour que la politique,
comme l'affrontement, existe à l'échelle d'une démocratie de masse.
Ce changement a trois conséquences. La première concerne la politique qui dans la
démocratie de masse est inséparable des médias et des sondages qui sont les seuls moyens pour
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