Le travail informel : entre théorie et expérience
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de la dernière décennie du XXème ont produit aussi des changements culturels à partir
de l’introduction dans la population d’un "fort dispositif d’individualisation" (Battistini,
2004). Dans le même sens, la transformation intégrale de l'économie et l'impact des
politiques étatiques néo-libérales ont produit une pression sur le marché du travail, qui,
progressivement, a été dominé par la présence massive de chômeurs et de travailleurs
informels. Ensuite, une « nouvelle physionomie sociale » s'est installée avec
l'augmentation de la pauvreté, la détérioration des conditions de travail, et
l'individualisation sociale 2 (Borón, 1995).
Au moment du développement de l'hégémonie néo-libérale, le travail informel s’est
constitué comme une des options possibles pour des milliers de travailleurs. Ainsi, chacun
de ceux qui rentrait dans ce type d'activité explorait les différentes alternatives de travail,
lesquelles n’avaient pas nécessairement une relation avec leur formation, leurs savoirs
productifs et les tâches développées dans des emplois formels précédents (Busso et
Gorban, 2004).
Ces activités se sont métamorphosées pendant la crise de 20013, devenant plus visibles à
partir des modifications sur le marché du travail : baisse des salaires, augmentation du
sous-emploi, hausse du taux de chômage, etc. Cette transformation a changé l'espace
public, la façade des grandes villes argentines, en expulsant les chômeurs ou les salariés
pauvres, vers l'auto-subsistance. Par conséquent notre propos consiste à analyser plus
particulièrement le travail dans les foires et marchés de rue, catégorisé comme une forme
de travail informel des plus visibles de ces dernières années pour sa localisation dans les
espaces publics, et "en plein soleil". Selon diverses estimations la quantité de
« feriantes »4 a significativement augmenté depuis cette période. Non seulement ce travail
a représenté une option pour des personnes qui par tradition familiale ou par choix
personnel l’avaient choisi depuis longtemps, mais aussi pour celles qui ont trouvé dans ce
choix une solution provisoire à leur problème d'emploi.
1 Légalistes, structuralistes, et dualistes.
2 La société argentine était, jusqu’aux années 70, une société avec de la mobilité sociale ascendante, des
classes moyens puissantes, des syndicats forts, des grands entreprises publiques. La dictature militer (1976-
1983) a implanté un autre "modèle d'accumulation" fondé sur la spéculation financière (Torrado, 1992).
Maintenant plus du 50% des argentins est pauvre, le 13% la population active est au chômage (Instituto
Nacional de Estadísticas y Censos www.indec.gov.ar), les entreprises publiques ont été privatisé.
3 La crise de décembre 2001 a produit le renoncement du Président de la Rua, dans un environnement de
mobilisation sociale. Elle a été une des crises les plus fortes de l'histoire de l’Argentine avec des
conséquences économiques, politiques et culturelles pour l'ensemble de la société (Boyer et Neffa, 2004 ;
Battistini, 2002a ; Giarraca, 2001 ; Svampa et Pereyra, 2003).
4 Dénomination plus générique qui s’utilise en Argentine pour se référer à ceux qui travaillent dans les foires
et les marchés de rue.