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Rencontres 2017 : Brexit, quels risques ?
Le mercredi 22 mars 2017, l’IEFP organisait une conférence au Conservatoire National des Arts et
Métiers (CNAM), dans le cadre du « printemps de l’économie », sur le sujet suivant : Brexit, quels
risques ?
Devant un auditoire de plus de 400 personnes composé en majorité de lycéens, étudiants en BTS et classe
préparatoire, Christophe Alix, journaliste économique au journal Libération a animé un débat auquel
participaient :
Christian NOYER, Président de La finance pour tous, ancien Gouverneur de la Banque de France
Olivier DAVANNE, Professeur associé à l’Université Paris Dauphine et administrateur de La finance pour tous
Arnaud MAGNIER, Directeur des affaires européennes et internationales de l’Association Française de Gestion
Thierry PHILIPPONNAT, Directeur de l’Institut Friedland, Président du Forum Français de l’Investissement Responsable
Le Brexit va surtout pénaliser le Royaume-Uni
Les intervenants étaient unanimes à ce sujet : le Royaume-Uni sera le grand perdant du Brexit.
Christian Noyer estime qu’à horizon de 10-15 ans, le PIB du Royaume-Uni sera
inférieur de 3 % par rapport à ce qu’il serait si le pays n’avait pas quitté l’Union
Européenne (UE).
Le Président de notre association explique ce manque à gagner par « moins de travail,
d’investissement et de productivité », en raison de l’étroitesse du futur marché
britannique.
Olivier Davanne a souligné l’embellie économique observée depuis le vote du
Brexit. En effet, le Royaume-Uni a enregistré une croissance de +1,8 % en 2016, une
progression nettement plus robuste qu’en France par exemple (+1,1 %). Néanmoins,
Olivier Davanne est persuadé que cette progression est une anomalie de court terme
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provoquée par la dévaluation de la livre sterling. Il estime que le Royaume-Uni va
rapidement entrer dans une zone de turbulences économiques qui nuira aux
consommateurs et à l’économie britanniques.
Le double discours des dirigeants britanniques
Arnaud Magnier a affirmé de son côté que les dirigeants
britanniques tiennent un double discours.
D’un côté, ils affichent en public une confiance totale dans les bénéfices du Brexit.
Mais en coulisses, ils sont très inquiets des retombées négatives de la sortie de l’UE.
Thierry Philipponnat l’a rejoint dans ce constat. Il dit avoir
rencontré de nombreux experts britanniques au cours des derniers
mois et a révélé qu’ils étaient extrêmement préoccupés de l’avenir du Royaume-Uni.
Côté services financiers, la sortie de l’UE va entraîner inévitablement la perte du
passeport financier pour les activités réalisées depuis le Royaume-Uni (autorisation de
vendre des services financiers à toute l’Europe). Thierry Philipponnat estime le chiffre
d’affaires du secteur financier à Londres à 225 Mds d’€ (12 % du PIB du
Royaume-Uni) et pense que la part de l’activité qui nécessite le passeport européen représente 20
% du secteur (soit environ 40-50 Mds d’€). Ces activités devront être déplacées au sein de l’UE. Il
s’agira d’une perte importante pour le Royaume-Uni, même si Londres restera sans doute la 1ère place
financière mondiale…
Le Brexit finalement plus défavorable aux Britanniques
Finalement, Christian Noyer a mis en relief un aspect particulièrement cruel du Brexit, à savoir que
ce sont les Britanniques qui ont voté pour le Brexit qui vont en souffrir le plus. Selon l’ancien
gouverneur de la Banque de France, ce sont les filières industrielles de province qui vont être le plus
touchées, avec des fermetures d’usines et une flambée du chômage. En effet, les industriels hésiteront à
continuer à localiser une partie de la fabrication des automobiles ou des avions dans un pays non membre
de l’Union européenne, avec toutes les contraintes et tous les coûts qui y seront associés.
La France bénéficierait d’une relocalisation de certains métiers de la City
Les 40 à 50 milliards perdus par la Grande-Bretagne à cause de la perte du passeport européen seront
gagnés par les pays d’Europe continentale, notamment en termes de retombées fiscales pour les Etats.
Sur ce sujet, Olivier Davanne estime qu’il faut sortir d’une pensée commune qui décrie aveuglément
la finance alors qu’elle implique des externalités positives pour les Etats, notamment sur le plan
fiscal.
Arnaud Magnier a insisté sur l’attractivité de la place financière de Paris. Voici, à ses yeux, les
principaux avantages de la capitale française par rapport à sa principale concurrente (Francfort) :
Deuxième place financière européenne derrière Londres
3 banques françaises dans le top 10 européen (une seule allemande)
Une force de travail abondante et qualifiée dans le secteur financier
La France est à l’avant-garde des « Fintechs » au niveau mondial
Il subsiste en revanche, selon lui, un manque d’attractivité subjectif dû à la moindre influence politique et
économique de la France au niveau européen depuis quelques années.
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La sortie de l’UE sera longue, complexe et coûteuse pour les Britanniques
Le Royaume Uni et l’Union européenne doivent négocier deux choses : un éventuel traité de libre-échange
et les conséquences financières de la sortie. A défaut d’accord, la Grand Bretagne serait traitée
comme un pays tiers sans aucune condition préférentielle, sachant que les accords de libre-échange
profitent plus au petit (la Grande Bretagne) qu’au gros (l’UE).
Olivier Davanne prévoit un bras de fer dans la « facture de sortie » de l’UE.A ce stade, l’Europe réclame au
Royaume-Uni 60 Mds d’€, notamment au titre du financement des retraites des Britanniques fonctionnaires
de l’UE. Le Royaume-Uni quant à lui ne se dit prêt pour l’instant à débourser que 3 Mds d’€. Tels sont les
enjeux aujourd’hui, et les discussions vont être très longues.
Christian Noyer identifie les normes comme un énorme problème à venir. Elles sont aujourd’hui
communes à l’UE, et le Royaume-Uni va devoir engager des négociations secteur par secteur dans le
cadre de sa sortie. Thierry Philipponnat a complété ce propos avec une anecdote concernant la sortie du
Groenland de l’UE en 1982. A cette époque, le Groenland n’avait qu’un secteur (la pêche) et 50 000
habitants, et pourtant il avait fallu pas moins de 5 ans de négociations pour mettre en oeuvre la sortie de
l’UE !
Questions-Réponses
Le débat s’est poursuivi sous forme de questions-réponses dans la salle.
Un élève a demandé si la sortie du Royaume-Uni n’allait pas affaiblir la place de l’UE dans le
monde.
Olivier Davanne a répondu que l’UE allait inévitablement perdre en puissance sur la scène internationale,
étant donné que le Royaume-Uni est la cinquième économie au monde et également la cinquième plus
grande puissance militaire. Olivier Davanne a affirmé que ce phénomène était néanmoins très difficile,
voire même impossible, à chiffrer.
Un autre étudiant a demandé si le Brexit n’allait pas provoquer un effondrement du système
financier en Europe.
Thierry Philipponnat a répondu que ce scénario, agité par certains Britanniques n’était pas du tout
réalistecar il existe en Europe continentale4 banques dans le top 10 européen(BNP Paribas, Crédit
Agricole, Société Générale, Deutsche Bank) qui ne demanderont pas mieux que de développer leur offre
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en Europe si leurs concurrents - et notamment américains - ne déplacent pas leurs activités de Londres
vers l’Europe continentale. Selon lui, ce mouvement va se faire et il en veut pour preuve que Goldman
Sachs a récemment annoncé le déplacement de certaines activités en Europe continentale (sans préciser
où pour l’instant).
A la question « La Grande Bretagne peut-elle encore faire machine arrière ? », Christian Noyer a
répondu que le Royaume-Uni devrait s’adresser à la Cour Européenne de Justice si ce processus était
envisagé. Etant donné qu’une telle procédure irait à l’encontre de l’objectif même du Brexit, l’ensemble du
panel a estimé qu’une telle issue était hautement improbable.
EN SAVOIR PLUS
Mot de la finance Brexit
Interview de Christian Noyer sur le Brexit
Le site du Printemps de l’économie
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