ii Comparaison de l’implantation d’une démarche d’ergonomie participative et d’outils d’analyse
du travail destinés aux tâches variées dans deux entreprises au contexte différent IRSST
observés sur leur façon de travailler plutôt que de chercher les causes des problèmes rencontrés, comme
les ergonomes le proposent. De plus, les participants ont de la difficulté à poser les spécifications des
solutions et sont très réticents à collaborer avec les ingénieurs de l’entreprise, comme le veut l’approche
participative. En fin de projet, une évolution est observée : les participants des groupes ergo recherchent
davantage les causes des problèmes et acceptent finalement de travailler avec les ingénieurs. De plus, leur
vison de l’ergonomie s’élargit. La prise d’autonomie est cependant faible. Les participants maîtrisent mal
la démarche proposée et n’assument pas les rôles prévus d’animation des réunions et de secrétariat; ils
n’assument pas non plus l’enregistrement vidéo des activités de travail analysées.
L’analyse des représentations des participants fait également ressortir des différences entre les deux
entreprises. À l’usine 2, où il y avait eu récemment une expérience d’analyse participative d’une situation
de travail, dès le départ, les participants ont une vision systémique de la prévention et de l’ergonomie.
Les participants se sentent capables d’analyser le travail et de concevoir des solutions. De plus, ils se
sentent bien supportés par leurs pairs et par la direction, ils ont confiance que les solutions proposées
seront implantées. À l’usine 1, où il n’y avait aucun passé en ergonomie, au début du projet, la vision de
la prévention et des accidents s’articule surtout autour de la responsabilité individuelle. Cette
représentation évolue en cours d’intervention vers une vision plus systémique qui intègre d’autres
dimensions, comme l’organisation et l’aménagement des postes. Les participants se sentent appuyés par
les autres travailleurs mais certains mettent en doute le sérieux de la direction, ce qui entraîne un
sentiment de pessimisme. Les participants des deux entreprises sont à l’aise avec les outils proposés par
les ergonomes et ont une perception très positive des réunions de travail.
Dans la discussion, les chercheurs soulignent que l’approche développée pour l’analyse des tâches variées
n’est pas généralisable à toutes les entreprises et que des efforts devraient être maintenus pour développer
des démarches mieux adaptées aux entreprises au contexte plus difficile. Les chercheurs soulignent la
complémentarité entre les méthodes utilisées par les ergonomes pour analyser les difficultés rencontrées
par les participants et celles utilisées par l’andragogue pour analyser les représentations.
Les chercheurs expliquent les différences observées entre les deux entreprises par des facteurs liés au
contexte et à la culture d’entreprise et soulignent aussi l’influence possible de facteurs individuels.
L’analyse des difficultés rencontrées par les participants mène à des constats généraux sur
l’apprentissage de l’ergonomie en milieu de travail.
Finalement, les chercheurs proposent un bilan de l’intervention dans ces deux entreprises au contexte si
différent.
Le bilan dans l’usine 2 est très positif. Des transformations d’envergure ont été générées et les
participants ont très bien maîtrisé la démarche d’analyse de poste. Toutefois le gain au niveau des
représentations est faible, car celles-ci étaient déjà riches et complexes au début de l’intervention.
Le bilan dans l’usine 1 est plus mitigé. Là aussi des transformations significatives ont été implantées,
cependant des difficultés importantes ont été rencontrées. Malgré une évolution non négligeable, en fin de
projet, des difficultés subsistent et la prise d’autonomie est faible. Cependant, compte tenu de la situation
initiale, le gain au niveau des représentations est beaucoup plus important et des barrières importantes ont
été franchies.
Ainsi, les chercheurs pensent que l’apport de l’intervention a été plus significatif à l’usine 1, celle au
contexte non favorable. Dans une perspective de prévention des TMS, les chercheurs discutent de
l’importance de poursuivre des recherches afin d’adapter les démarches d’intervention aux usines au
contexte difficile, où il y a peu d’études, en raison des risques et des difficultés que cela soulève.