
dossierpolitique 24 novembre 2003 Numéro 43/2
nationale suisse alimente généreusement le marché mo-
nétaire, les taux d’intérêt appliqués aux preneurs de crédit
ne changent pas, voire augmentent à cause des risques de
défaillance. Cette pratique est souvent incomprise, sur-
tout lorsque le rythme d’adaptation des taux d’intérêt du
crédit varie au cours d’un cycle, c’est-à-dire lorsque
l’adaptation des intérêts est plus faible en période de
baisse des taux qu’en période de hausse.
Jusqu’en 1994, la courbe de l’expansion des crédits a
suivi celle de la croissance nominale du PIB. Aujourd’hui,
elles ne sont plus aussi proches. En conséquence, le coef-
ficient de corrélation est tombé de 0,8% pour la période
de 1987 à 1994 à 0,1% (Credit Suisse). Ce découplage dé-
coule d’une multitude de facteurs :
– les changements structurels radicaux dans les années
1990,
– les conditions favorables du marché des capitaux placé
sous le signe de la « nouvelle économie » jusqu’en
2000,
– le niveau élevé des pertes et des amortissements enre-
gistrés par les banques en lien avec la crise immobi-
lière,
– l’avancée du secteur des services,
– l’optimisation des méthodes de gestion du capital cir-
culant, du capital investi, etc.
Depuis 2000, le nombre de crédits accordés par les
banques à des entreprises suisses du secteur privé et
n’appartenant pas au secteur de la finance ont reculé. Ce
segment représente près d’un tiers des affaires de crédit.
En phase de ralentissement conjoncturel, un tel recul, qui
reflète une diminution de la demande de crédits, est nor-
mal. En comparaison avec des périodes antérieures de di-
minution de l’activité économique, le ralentissement de
l’expansion du crédit est plus marqué. On constate une
croissance inhabituellement faible du crédit, tant du côté
des groupes d’emprunteurs que des groupes bancaires.
Lorsque l’on tente d’expliquer l’évolution du crédit, on
se heurte non seulement à d’importants problèmes de
données, mais aussi au problème bien connu
d’identification. La correction continue des marchés des
actions a diminué l’actif net des banques, mais aussi des
entreprises en quête de crédit. L’amenuisement de la sol-
vabilité des entreprises à la recherche d’un crédit se tra-
duit par une détérioration des conditions de crédit. De
plus, l’expansion du secteur tertiaire influence l’allocation
des crédits : la demande de crédits bancaires diminue.
Il est donc difficile de dire dans quelle mesure le petit
nombre des crédits est lié à la demande de crédit ou à
l’offre de crédit – changement de l’évaluation des risques
chez les banques. Pour élucider la question de savoir s’il y
a resserrement général, il faudrait comparer empirique-
ment la fonction correspondant à la demande de crédits
avec les observations effectives. Si un modèle de de-
mande ne permettait pas d’expliquer le recul observé, ce
serait un signe de perturbations du côté de l’offre. Une
telle étude économique n’existe pas en Suisse, raison pour
laquelle il faut être prudent lorsqu’on affirme être proche
du point critique en matière de crédit, aussi dit « credit
crunch ». Il s’agit de comprendre une situation où l’offre
de crédit des banques est plus basse que l’on pourrait s’y
attendre compte tenu des taux d’intérêt pratiqués et de la
rentabilité des projets d’investissement. En d’autres ter-
mes : les entreprises n’obtiennent plus de crédits en dépit
de leur solvabilité élevée parce que les banques manquent
de liquidités. Ainsi, la croissance du crédit serait limitée du
côté de l’offre. Il n’est pas question de cela en Suisse. Il
n’est pas admissible non plus de reprocher aux banques,
en vrac, de mettre trop peu de crédit à la disposition des
PME.
Autre thème : l’accord de Bâle II
A ce jour, les nouvelles prescriptions de Bâle sur les fonds
propres (Bâle II), qui font actuellement l’objet de débats
publics, n’ont influencé les opérations de crédit que dans
la mesure où ces discussions ont suscité dans les banques
une prise de conscience accrue des bénéfices et des ris-
ques. Cela dit, il est possible que la tendance à la différen-
ciation des conditions de crédit, déjà présente, se soit en-
core accentuée. Dans ce contexte, on oublie souvent que
les banques sont tenues, depuis longtemps, de couvrir
leurs prêts dans l’intérêt à la fois de la stabilité du système
bancaire et de la sécurité des investissements des clients.
Cependant, les crédits ne doivent plus être couverts sys-
tématiquement à un taux fixe, mais à un taux variant en
fonction de la solvabilité de l’emprunteur.
Ceci n’est pas l’endroit pour exposer en détail le
contenu de l’accord de Bâle II. Faciliter l’attribution des
crédits jusqu’à un million de francs (crédit retail) et re-
noncer aux suppléments pour les crédits longue durée est
important pour les PME1
. D’une manière générale, il
existe des raisons plausibles pour que l’accord de Bâle II
n’ait qu’une influence mineure sur les affaires de crédit,
grâce à l’adoption précoce par les banques suisses d’une
tarification des crédits tenant compte du risque et à une
couverture par des fonds propres grosso modo identique.
Cela est notamment lié au fait que l’accord de Bâle II
1 Le classement dans la catégorie « retail » implique que ces
crédits sont couverts à hauteur de 6% au lieu de 8%.
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