KORPÜS ANIMÜS
SLUB de Gombrowicz
Y.J. Henri passe de l'innocence à l'âge adulte. Avec sa pureté
initiale, il observe les mécanismes de l'homme face à
l'homme, ses masques... jusqu'à les porter lui-même.
Quelle est la plus grande difficulté dans la mise en scène de ce texte?
B. S. Rien n'est expliqué. Les motivations des personnages
ne sont jamais données. Dans sa préface, Gombrowicz met
en garde contre le fait de vouloir interpréter ou incarner les
personnages. Il dit qu'ils sont artificiels, que tout est formel.
Or, la pièce parle précisément de forme, d'apparence, de
codes. L'homme ne peut exister sans le regard de l'autre qui
lui colle un masque et lui donne une identité.
Y. J. Henri rêve-t-il, est-il fou? La pièce reste sans réponse. Il
nous faut reconstituer un fil dramaturgique clair et logique,
pour construire un squelette qui permette le jeu et la
direction des acteurs.
Mais le plus déroutant, c'est que ce monde n'est pas si fou.
C'est notre monde, régi par le langage, par des codes et des
conventions, dont parfois on ne sait plus trop à quoi ils se
réfèrent. Slub fait l'effet d'un voyage dans un pays lointain
aux coutumes étranges: le voyageur s'étonne d'abord, mais
très vite il doit comprendre les nouveaux codes et les
intégrer.
La pièce est-elle actuelle pour vous?
B. S. Oui et non! Le pouvoir et ses dérives sont toujours
d'actualité. Les questions d'identité aussi. Mais, c'est vrai que
le texte est très "abstrait", très formel. Les personnages sont
stéréotypés. C'est ce qui évite de tomber dans la banalité,
dans l'anecdote.
Et de conserver l'universalité du texte?
B. S. Oui. Il y a une atemporalité qu'on cherche à maintenir,
dans le choix des costumes, de la scénographie, des images.
Y. J. C'est l'humanité qui nous interpelle dans cette pièce.
L'autodérision de l'homme, de nos peurs, de notre besoin de
reconnaissance. Elle rappelle que nous nous ressemblons
tous. C'est une manière de rire de soi, de rire de l'homme, de
le désacraliser.
Définiriez-vous votre théâtre de "politique" ou "engagé"?
B. S. On ne fait pas un théâtre politique qui défend une idée
ou une vision sociale. Si on a un engagement, c'est dans la
manière de raconter des histoires, dans notre volonté de
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