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Décembre 2011 : c’est le référentiel que nous gardons à
l’esprit afin d’établir une “chronologie des interventions
publiques”, interventions qui ont depuis lors profondé-
ment marqué le paysage de la planète finance. L’exer-
cice permettra de dessiner les contours d’un schéma
causal, cadre d’analyse basé sur les relations de cause
à effet, riche d’enseignements au moment d’évaluer le
bilan des mesures publiques.
Nous débutons par les deux tranches de LTROs annon-
cées en décembre 2011 et février 2012. Elles avaient
pour but de substituer le blocage du marché interban-
caire, suite à la crise souveraine européenne, par un
mécanisme centralisé. Les problèmes furent cependant
vite relayés par une fragmentation économique des pays
du sud de l’Europe. Ils poussèrent la Banque centrale
européenne à défendre “coûte que coûte” la monnaie
unique (le célèbre “whatever it takes” de Mario Draghi).
L’objectif annoncé s’inscrivait dans ce que la BCE quali-
fiait alors de “cercle vertueux” : une maîtrise des risques
financiers capable d’insuffler une reprise économique
réelle. C’est dans ce sens que se prononçait presque une
année plus tard, au mois de mai 2013, le président de la
banque centrale américaine en affirmant que l’assou-
plissement monétaire était en bonne voie d’atteindre
ses objectifs : un taux de chômage inférieur à 6.5% pour
une inflation maîtrisée. Mais à peine énoncé, le cercle
vertueux semblait déjà avoir une face cachée. Plusieurs
voix discordantes dont celle de la BRI, la banque des
banques centrales, s’opposaient frontalement à la rhé-
torique de Bernanke. La BRI n’hésitant pas à mettre les
investisseurs en garde contre le coût et l’efficacité des
politiques monétaires non conventionnelles3. Au même
moment, la Banque centrale chinoise (PBoC) plaçait
les établissements bancaires face à leurs responsabi-
lités en refusant de contenir les taux de refinancement.
C’est un fait peu relayé : bon nombre d’économies émer-
gentes, Chine en tête, ont combattu la crise financière
par une avalanche de liquidités auxquelles les établisse-
ments bancaires se sont depuis accoutumés.
Le “taper” de la Fed et la non-intervention de la PBoC
semblent avoir marqué un tournant dans la politique in-
terventionniste de l’après-crise financière. Ils illustrent
de notre point de vue le “cercle vicieux” du schéma cau-
sal, sorte de reflet du cercle vertueux défendu par les
autorités publiques. Une explication intuitive du “cercle
vicieux” réside dans le bilan coûts-bénéfices que pour-
raient avoir les interventions publiques sur le système
économique et financier : trop d’interventions tuent les
interventions. Le choc de taux qui suivit le “taper” de la
Fed incita les autres banques centrales à s’en distan-
cer. En effet, la BCE, la BoE, la BoJ ou même la BNS ne
peuvent se permettre une hausse brutale de leurs taux
d’intérêt domestiques. En vain : c’est précisément ce qui
s’est passé. Acculées, elles étaient dès lors contraintes
d’envisager de nouvelles techniques de communication
jusque-là peu conformes à leur doctrine : la BCE et la
BoE annonçaient coup sur coup qu’elles allaient quan-
tifier leurs objectifs économiques.
Le “taper” et la hausse des taux allaient pourtant pré-
cipiter un tournant bien plus fondamental de la crise
financière : une crise de balances courantes jusque-là
maintenue sous silence.
Bulletin No 9 | Octobre 2013
3 - Le Temps du 24.06.2013 : La BRI doute de l’effet des politiques de
relance. L’article commente le 83ème rapport annuel de la BRI publié
le 23 juin 2013
Historique des iNterveNtioNs publiques