NormalisatioN
UN CHEMIN PAVÉ DE BULLES
Bulletin No 9 | Octobre 2013
1
La situation économique et financière mondiale serait-
elle en voie de normalisation ? La question revient comme
un leitmotiv depuis près de 5 ans. Les indicateurs avan-
cés de croissance esquissent en effet une timide reprise,
les banques centrales semblent avoir trouvé la corde
sensible des marchés, les banques commerciales pro-
mettent le “plus jamais ça” en matière de gouvernance,
les hedge funds redeviennent fréquentables et les Etats,
propulsés aux commandes du monde économique, au-
raient enfin trouvé la juste mesure entre relance de
croissance et austérité budgétaire. Largement de quoi
justifier, après tout les marchés ont toujours raison, une
hausse entre 30 et 40 % sur les indices boursiers depuis
mi-2012. Nous n’y croyons pas.
Retour à la normale. Pour les lecteurs qui gardent
quelques souvenirs de statistique descriptive, le terme
raisonne comme la cloche d’une loi de probabilité par-
faitement symétrique. Le monde économique et finan-
cier, suivant un processus aussi fragile que fascinant,
serait-il donc irrésistiblement amené à rejoindre sa
moyenne historique ? Gardons à l’esprit l’intuition de
la loi gaussienne pour qualifier la normalisation de
l’après-crise financière.
Nous reprenons dans un premier temps notre cane-
vas d’analyse1 pour lui appliquer la chronologie des
interventions publiques mises en œuvre depuis 2012.
Nous nous concentrons une fois de plus sur les liens de
causalité entre les variables macro-financières et les
risques qu’ils impliquent en matière d’allocation d’ac-
tifs et de gouvernance d’investissement. La démarche
nous amène à formuler trois postulats fondamentaux.
A savoir :
I. les économies occidentales ont entamé une nor-
malisation financière d’autant plus abrupte qu’elles
sont devenues dépendantes des interventions pu-
bliques non-conventionnelles;
II. ces politiques non-conventionnelles ont un coût
très supérieur aux gains attendus, déficit d’efficaci-
té qui est à l’origine du “taper” de la Fed (réduction
de l’assouplissement monétaire), lui-même dé-
clencheur d’un cercle vicieux dont il sera difficile de
s’extraire;
III. la dynamique de normalisation financière est telle
qu’elle pourrait impliquer une normalisation réelle
à marche forcée. Dans notre gouvernance, elle pré-
cipiterait un changement de régime de marchés sy-
nonyme d’un repositionnement de portefeuille.
En matière de gestion, nous constatons que les po-
litiques de taux bas ont biaisé la perception du risque
et les primes de risque qui en dépendent. Le niveau de
corrélation entre les classes d’actifs, qui a fortement
augmenté tant en situation haussière que baissière des
marchés, crée une difficulté supplémentaire de gestion.
Nous cherchons à compenser cette “perte du degré de
liberté de gestion” par une approche cœur-satellite ori-
ginale. Le cœur du portefeuille est allégé au profit de ce
que nous appelons un “satellite de momentum” soumis
à une gouvernance stricte de gestion des risques.
Pour reprendre les termes du FMI, une “transition
épique” semble bel et bien avoir débuté2. Elle prend la
forme d’une double normalisation financière et réelle
qui pourrait annoncer un nouveau régime de marchés.
Bulletin No 9 | Octobre 2013
2 - Allocution de C. Lagarde du 3 octobre 2013, Washington D.C.1 - Bulletins 6 : Croissance et croyances et 8 : Impunité de rhétorique
iNtroductioN
2
SYNOPSIS ASSET MANAGEMENT SA • Rue Centrale 5 • CH - 1003 Lausanne • T +41 21 331 01 40 • www.synopsis.ch
SCHÉMA CAUSAL
UN ENVIRONNEMENT MACRO-
FINANCIER SOUS FORTE INFLUENCE
Maîtrise des risques extrêmes
Risques extrêmes toujours
présents
SPHÈRE FINANCIÈRE
ÉCART DE VALORISATION
alimenté par les autorités publiques
Crédibilité des banques centrales
Effets de richesse et de crédit
1
Problèmes structurels
toujours présents
SPHÈRE RÉELLE
Rebond cyclique traditionnel
alimenté par les autorités publiques
Crédibilité des banques centrales
Effets de richesse et de crédit
FINANCIER SOUS FORTE INFLUENCE
Maîtrise des risques extrêmes
Risques extrêmes toujours
présents
SPHÈRE FINANCIÈRE
ÉCART DE VALORISATION
alimenté par les autorités publiques
CERCLE VICIEUX
Coût/échec des politiques monétaires
Problèmes structurels
toujours présents
SPHÈRE RÉELLE
Rebond cyclique traditionnel
alimenté par les autorités publiques
CERCLE VICIEUX
Coût/échec des politiques monétaires
Source : Synopsis Asset Management
UN ENVIRONNEMENT MACRO-FINANCIER SOUS FORTE INFLUENCE
scHÉma causal
3
Décembre 2011 : c’est le référentiel que nous gardons à
l’esprit afin d’établir une “chronologie des interventions
publiques”, interventions qui ont depuis lors profondé-
ment marqué le paysage de la planète finance. L’exer-
cice permettra de dessiner les contours d’un schéma
causal, cadre d’analyse basé sur les relations de cause
à effet, riche d’enseignements au moment d’évaluer le
bilan des mesures publiques.
Nous débutons par les deux tranches de LTROs annon-
cées en décembre 2011 et février 2012. Elles avaient
pour but de substituer le blocage du marché interban-
caire, suite à la crise souveraine européenne, par un
mécanisme centralisé. Les problèmes furent cependant
vite relayés par une fragmentation économique des pays
du sud de l’Europe. Ils poussèrent la Banque centrale
européenne à défendre “coûte que coûte” la monnaie
unique (le célèbre “whatever it takes” de Mario Draghi).
L’objectif annoncé s’inscrivait dans ce que la BCE quali-
fiait alors de “cercle vertueux” : une maîtrise des risques
financiers capable d’insuffler une reprise économique
réelle. C’est dans ce sens que se prononçait presque une
année plus tard, au mois de mai 2013, le président de la
banque centrale américaine en affirmant que l’assou-
plissement monétaire était en bonne voie d’atteindre
ses objectifs : un taux de chômage inférieur à 6.5% pour
une inflation maîtrisée. Mais à peine énoncé, le cercle
vertueux semblait déjà avoir une face cachée. Plusieurs
voix discordantes dont celle de la BRI, la banque des
banques centrales, s’opposaient frontalement à la rhé-
torique de Bernanke. La BRI n’hésitant pas à mettre les
investisseurs en garde contre le coût et l’efficacité des
politiques monétaires non conventionnelles3. Au même
moment, la Banque centrale chinoise (PBoC) plaçait
les établissements bancaires face à leurs responsabi-
lités en refusant de contenir les taux de refinancement.
C’est un fait peu relayé : bon nombre d’économies émer-
gentes, Chine en tête, ont combattu la crise financière
par une avalanche de liquidités auxquelles les établisse-
ments bancaires se sont depuis accoutumés.
Le “taper” de la Fed et la non-intervention de la PBoC
semblent avoir marqué un tournant dans la politique in-
terventionniste de l’après-crise financière. Ils illustrent
de notre point de vue le “cercle vicieux” du schéma cau-
sal, sorte de reflet du cercle vertueux défendu par les
autorités publiques. Une explication intuitive du “cercle
vicieux” réside dans le bilan coûts-bénéfices que pour-
raient avoir les interventions publiques sur le système
économique et financier : trop d’interventions tuent les
interventions. Le choc de taux qui suivit le “taper” de la
Fed incita les autres banques centrales à s’en distan-
cer. En effet, la BCE, la BoE, la BoJ ou même la BNS ne
peuvent se permettre une hausse brutale de leurs taux
d’intérêt domestiques. En vain : c’est précisément ce qui
s’est passé. Acculées, elles étaient dès lors contraintes
d’envisager de nouvelles techniques de communication
jusque-là peu conformes à leur doctrine : la BCE et la
BoE annonçaient coup sur coup qu’elles allaient quan-
tifier leurs objectifs économiques.
Le “taper” et la hausse des taux allaient pourtant pré-
cipiter un tournant bien plus fondamental de la crise
financière : une crise de balances courantes jusque-là
maintenue sous silence.
Bulletin No 9 | Octobre 2013
3 - Le Temps du 24.06.2013 : La BRI doute de l’effet des politiques de
relance. L’article commente le 83ème rapport annuel de la BRI publié
le 23 juin 2013
Historique des iNterveNtioNs publiques
4
INTERVENTIONS PUBLIQUES
DES RÉACTIONS EN CASCADE
MESURES PUBLIQUES & ÉVOLUTION DES MARCHÉS
Déc.
11
Jan.
12
Fév.
12
Mar.
12
Avr.
12
Mai.
12
Jui.
12
Jui.
12
Aoû.
12
Sep.
12
Oct.
12
LTRO 1 ‘WHATEVER IT TAKES’ QEternity
2500
2600
2700
2800
2900
3000
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www.synopsis.co
Déc.
11
Jan.
12
Fév.
12
Mar.
12
Avr.
12
Mai.
12
Jui.
12
Jui.
12
Aoû.
12
Sep.
12
Oct.
12
LTRO 2 OMT
2000
2100
2200
2300
2400
* Indice calculé par JP Morgan
INTERVENTIONS PUBLIQUES
Nov.
12
Déc.
12
Jan.
13
Fév.
13
Mar.
13
Avr.
13
Mai.
13
Jui.
13
Jui.
13
Aoû.
13
Sep.
13
‘WE DO PRE-COMMIT’
94
96
98
100
102
Actions européennes
Devises émergentes contre $US (échelle de droite)
*
www.synopsis.co
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Sources : Synopsis Asset Management, Bloomberg
Nov.
12
Déc.
12
Jan.
13
Fév.
13
Mar.
13
Avr.
13
Mai.
13
Jui.
13
Jui.
13
Aoû.
13
Sep.
13
TAPER NO TAPER
86
88
90
92
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DES RÉACTIONS EN CASCADE
iNterveNtioNs publiques
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