L`ONU se prononce contre toutes formes de clonage humain France

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Lettre d’analyse sur l’actualité bioéthique
N°63 : Mars 2005
L’ONU se prononce contre toutes formes de clonage humain
L’Assemblée générale des Nations-Unies
a adopté le 8 mars 2005 une Déclaration
sur le clonage des êtres humains, texte
non contraignant mais de référence.
Interdiction de tout clonage
« Les Etats Membres sont invités à
adopter toutes les mesures voulues pour
protéger comme il convient la vie humaine
dans l’application des sciences de la vie et
à interdire toutes les formes de clonage
humain dans la mesure où elles seraient
incompatibles avec la dignité humaine et la
protection de la vie humaine. Les Etats
Membres sont en outre invités à adopter
les mesures voulues pour écarter le risque
de l’exploitation des femmes dans
l’application des sciences de la vie et à
adopter et appliquer sans délai une
législation nationale donnant effet aux
dispositions de la Déclaration ». Le texte a
été adopté à une large majorité : 84 voix
pour, 34 contre et 37 abstentions.
Des années de discussion
Après plusieurs années de discussion
sans trouver d’accord, malgré une large
majorité se déclarant hostile à toutes les
formes de clonage humain (cf. Gènéthique
n° 37, 47, 58 et 60), la Sixième
Commission a enfin adopté le 18 février
2005 une déclaration favorable à une
interdiction totale du clonage humain et
l’ Assemblée générale des Nations Unies
vient de confirmer ce vote.
Une victoire à l’arraché
La victoire semble facile si l’on considère
le nombre de voix, elle a pourtant été
obtenue à l’arraché… La phrase centrale a
été très disputée : « interdire toutes les
formes de clonage humain dans la mesure
où elles seraient incompatibles avec la
dignité humaine et la protection de la vie
humaine ». Deux amendements visant à
retirer du texte toute référence à la
protection de la vie humaine dans les
techniques de clonage ont été rejetés in
extremis.
Vie humaine ou dignité humaine ?
L’amendement proposé par la Belgique
en particulier, visait à modifier le texte en
ces termes : « interdire le clonage
reproductif d’êtres humains ; interdire
toutes les formes de clonage humain dans
la mesure où elles seraient incompatibles
avec la dignité humaine ».
Garder seulement la référence à la dignité
humaine, en supprimant celle à la vie
humaine pouvait exclure la protection de
l’embryon : ceux qui souhaitent mener des
recherches sur l’embryon et le clonage
refusent tout statut et dignité à l’embryon
humain car ils ne le reconnaissent pas
comme un être humain.
A l’inverse, le texte adopté visant la
protection de la vie humaine inclut
l’embryon ; l’usage de la notion de vie
humaine sur le plan biologique permet de
sortir du faux débat autour de la définition
de l’embryon ou de l’être humain. Cet
amendement belge a été refusé à trois
voix seulement. La tension était clairement
perceptible dans la salle.
Les réactions
Si le texte conserve quelques ambiguïtés,
il reste très précieux. Les réactions des
promoteurs du clonage le confirment… Ils
ressentent le texte comme une défaite et
comme une menace pour le clonage
thérapeutique. La Chine, la Belgique et la
Grande-Bretagne ont déclaré qu’ « ils ne
se sentaient pas liés par cette déclaration
de l’ONU, non contraignante ». Le
représentant de l’Inde a vanté les mérites
du clonage thérapeutique
et de la
« révolution médicale » qu’il promet, repris
par les représentants de la Corée, de la
Thaïlande, de l’Espagne, du Japon, du
Brésil, de Singapour, du Canada, de la
Fédération de Russie et des Pays-Bas. La
France était, elle aussi, favorable au
niveau international à autoriser le clonage
thérapeutique, pourtant interdit au niveau
national… Dans un communiqué de la
Maison Blanche, Georges Bush a
« applaudi » le vote de l’ONU, estimant
que le clonage « est un affront à la dignité
humaine ». Les Etats-Unis, la majorité des
pays africains et arabes ont voté en faveur
de l’interdiction de toute forme de clonage,
de même que l’Allemagne, le Mexique, la
Hongrie et bien sur le Costa Rica et le
Honduras, porteurs du texte retenu.
La Constitution européenne
D’ores et déjà, bien que les pays
européens soient très divisés sur cette
question, la Constitution européenne, ne
prévoit dans son article II-63 que
l’interdiction du clonage reproductif…
France : accélération de la recherche sur les cellules souches embryonnaires
Alors que l’Agence de biomédecine,
prévue par la loi du 6 août 2004 relative à
la bioéthique, n’est toujours pas mise en
place, trois arrêtés signés le 16 février
2005 par le ministre de la Santé Philippe
Douste-Blazy et François d’Aubert,
ministre de la Recherche, manifestent la
volonté du gouvernement de développer
la recherche sur les cellules souches
embryonnaires (JO, 3 mars 2005). Les
deux premiers autorisent l’INSERM
(Institut national de la santé et de la
recherche médicale) à importer de Suède
(Société Cellartis AB) une lignée de
cellules souches embryonnaires humaines
et à mettre en œuvre le protocole de
recherche en vue d’effectuer des
recherches sur les potentialités des
cellules neuronales dans le traitement de
la maladie de Huntington. Un troisième
arrêté autorise l’association Généthon à
conserver et à céder dans les conditions
prévues par la loi des cellules souches
embryonnaires humaines importées.
Gènéthique – n°63 - mars 2005
Le premier programme à bénéficier de
cette autorisation est le projet I-Stem,
dirigé par le Pr Marc Peschanski, né d'un
partenariat entre l'Inserm et l'université
d'Evry, financé majoritairement par l'AFM.
L’action gouvernementale s’inscrit-elle
dans la mouvance européenne, du moins
telle qu’elle semble s’exprimer aujourd’hui
au Parlement européen ? Celui-ci vient
d’adopter, le 10 mars 2005, une
Résolution destinée, à titre principal, à
condamner les trafics d’ovules humains et,
au delà, à mettre en garde contre les
risques de dérive de la recherche sur
l’embryon et le clonage pour se concentrer
sur l’utilisation des cellules souches
adultes (cf. article ci-dessous).
Résolution du Parlement européen contre le commerce d’ovules et le clonage
Le Parlement européen a adopté le 10
mars 2005, par 307 voix pour, 199 voix
contre et 25 abstentions, une résolution
sur le commerce d’ovules humains dans
laquelle il s’oppose à la commercialisation
des ovules et demande l’encadrement des
dons.
Les parlementaires ont suivi le député vert
allemand Hiltrud Breyer, en réaction à la
diffusion de reportages qui ont dévoilé
l’existence en Roumanie d’une clinique
spécialisée dans le don d’ovules à des
ressortissantes de l’Union européenne,
contre compensation financière (cf.
Gènéthique n° 62).
Risque médical
Les parlementaires soulignent le risque
médical que comporte le prélèvement
d’ovules pour la vie et la santé des
femmes suite à une hyperstimulation
ovarienne.
Eviter l’exploitation des femmes
Le Parlement insiste aussi sur la
« protection des personnes vulnérables
susceptibles d’être des victimes de trafic,
en particulier les femmes » et rappelle
qu’une femme contrainte de vendre tout
ou partie de son corps, y compris des
cellules reproductives, devient la proie des
réseaux criminels organisés qui se livrent
au trafic des personnes et des organes ».
Il invite les Etats membres à prendre des
mesures pour éviter l’exploitation des
femmes et demande à la Commission
européenne de faire « le plus vite possible
un bilan des législations nationales sur le
don
d’ovules
et
du
système
d’indemnisation pour le don d’organe et de
cellules reproductives ».
Refus de tout clonage
Dans le cadre de cette résolution, les
députés européens se félicitent de la
déclaration de l’Assemblée générale des
Nations Unies du 8 mars 2005 qui
mentionne explicitement la nécessité
d’écarter le risque de l’exploitation des
femmes ; ils invitent la Commission à
retirer tout financement au clonage des
êtres humains dans le cadre de tout
programme de l’Union européenne et en
particulier du 7e programme-cadre de
recherche.
Ne pas financer la recherche sur
l’embryon
En ce qui concerne la recherche sur les
embryons et les cellules souches
embryonnaires, le Parlement demande à
la Commission d’appliquer le principe de
subsidiarité afin que les Etats-membres
dans lesquels ce type de recherche est
autorisé financent celle-ci au moyen de
leurs budgets nationaux, l’Union devant se
concentrer sur les recherches sur les
cellules souches adultes et ombilicales qui
sont autorisées dans tous les pays et ont
déjà permis le traitement de patients avec
succès. Rappelons qu’en novembre 2003,
après des débats houleux, la majorité des
députés européens s’était déclarée
favorable au financement de la recherche
impliquant la destruction d’embryons mais
les ministres européens de la Recherche
n’avaient pas réussi à se mettre d’accord ;
il semble que, depuis lors, aucune
décision n’ait été prise au niveau
européen (cf. Gènéthique n° 40, 45 et 48).
C’est, semble-t-il, le commissaire
européen chargé de la Recherche qui
autorise, au cas par cas, de financer la
recherche sur les embryons.
Pékin + 10 : débat sur la santé de la reproduction
Du 28 février au 11 mars 2005, s’est tenue
au siège de l’ONU, à New York, une réunion
d’examen et de suivi des engagements pris
dans le « Programme d’action de Pékin »
adopté en 1995 par la quatrième
Conférence mondiale sur les femmes.
Santé en matière de reproduction
Dans son article 94, le programme de
Pékin propose : « la santé en matière de
reproduction est un état de bien-être
total… Elle suppose le droit de mener une
vie sexuelle satisfaisante en toute
sécurité, et la liberté et la possibilité de
décider si et quand on veut avoir des
enfants. Cela implique qu’hommes et
femmes ont le droit d’être informés sur les
méthodes sûres, efficaces, abordables et
acceptables de planification familiale et
d’utiliser celle qui leur convient ou toute
autre méthode de régulation des
naissances qui ne soit pas illégale, ainsi
que le droit à des services de santé… ».
L’article est suffisamment vague pour
inclure l’avortement parmi les méthodes
de régulation des naissances. De là à en
faire un droit…
Droit à l’avortement ?
Des associations féministes ont voulu
profiter des discussions en cours pour
faire reconnaître l’avortement comme un
droit et ainsi l’imposer aux pays qui ne
l’ont pas légalisé. Les Etats-Unis ont
rapidement réagi en proposant par
amendement que soit mentionné
explicitement que le document de Pékin
n’a pas créé un droit à l’avortement. En
quelques jours, cet amendement a reçu
un si grand nombre de signatures de
soutien d’associations du monde entier
(678, 000 ) que le lobby féministe a
préféré éviter le débat.
L’amendement ayant perdu sa raison
d’être, les Etats-Unis l’ont retiré et se
félicitent de cette victoire.
Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune - 31 rue Galande 75005 Paris
Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné, Rédacteur en chef : Aude Dugast
Contact : Aude Dugast – [email protected] Tel : 01.55.42.55.14 - Imprimerie PRD S.A. – N° ISSN 1627 - 498
Gènéthique – n°63 - mars 2005
Gènéthique – n°63 - mars 2005
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