! "! Support cours :Globalisation financière et Crise financière. Support Cours : Finances-Banques- Assurances : Globalisation financière et Crise financière. A.DAHMANI [email protected] La globalisation financière (ou mondialisation financière) désigne la constitution d'un marché régional intégrant des financements extérieurs. Ce volet financier de la globalisation comporte trois dimensions : géographique (mobilité des capitaux d'un pays à un autre), fonctionnelle (le marché de capitaux était compartimenté : • marché monétaire, • marché boursier, etc.) et temporelle (Les marchés fonctionnent aujourd'hui 24/24 H et en temps réel). Les flux financiers forment le secteur le plus bouleversé par l'interopérabilité mondiale et les technologies de l'information d'où leur rôle important dans les phénomènes de mondialisation en général. o Sous l'influence des différents acteurs : • le FMI • la Banque mondiale (consensus de Washington, 1989), • Et l’Union Européenne (les « quatre libertés » de l'Acte unique, 1986) Les marchés ont subi à la fin du XXe siècle une triple évolution (parfois nommée « les 3 D »): • déréglementation, abolition du contrôle des changes et des restrictions aux mouvements de capitaux, elle favorise les innovations financières ; • désintermédiation ou accès direct des opérateurs aux sources de financement sans passer par des intermédiaires ; ! #! • décloisonnement, c’est-à-dire éclatement des compartiments qui existaient que ce soit du point de vue géographique, fonctionnel ou temporel. Aujourd'hui une sphère financière globalisée existe au cœur de l'économie mondiale. Conséquences Développement des marchés La globalisation financière a favorisé le financement des entreprises et celui des balances des paiements. En supprimant les obstacles à la circulation des capitaux elle a donné une impulsion sans précédent aux marchés financiers. Traitées et diffusées à l'échelle mondiale, les informations financières créent des spéculations et une forte volatilité des capitaux. Elles apportent une fluidité des investissements en fonction des perspectives économiques, mais leurs effets sont parfois considérés comme devenus incontrôlables par le système bancaire et le système financier international. Déconnexion entre finance et production Il s'agit ici du phénomène de financiarisation qui n'a que des liens indirects avec la mondialisation financière. Les nouveaux acteurs de la finance en général, et par contrecoup ceux de la finance internationale en particulier, recherchent la liquidité et la rentabilité financière à court terme, alors que les entreprises ont besoin de financements durables. Les investisseurs financiers de portefeuille à but dit spéculatif ont supplanté les investissements directs à but industriel et commercial dans les mouvements internationaux de capitaux. Certains voient une relation entre la mondialisation et l'instabilité financière (risque systémique). Certaines des innovations financières ont pour objectif de protéger les agents économiques contre l'instabilité des taux d'intérêt et des taux de change. En effet, après la fin du système de Bretton Woods en 1973, on est passé d'un système de change fixe à celui de change flottant entrainant comme dit précédemment une instabilité des taux d'intérêt et des taux de change. Mais ces nouveaux instruments financiers pourraient être eux-mêmes facteurs d'instabilité. Les marchés à terme atteignent une ampleur et une complexité telles qu'ils apparaissent incontrôlables. Des excès dans leur utilisation ont joué un rôle dans certaines faillites récentes et crises financières. Ce constat s'applique surtout aux produits dérivés (contrats à terme, options, swaps) où, pour se couvrir des risques de fluctuation, les grandes entreprises, les compagnies d'assurance, les caisses de retraite, etc. échangent des contrats sur les taux d'intérêt et les devises. Ils constituent un instrument efficace de gestion des risques de change et des taux d'intérêt. Ces contrats dérivés facilitent toutefois la spéculation financière en raison de leurs effets de levier qui décuplent le potentiel de prise de risque. Les contrats à terme d'instruments financiers permettent de prendre des positions en n'immobilisant qu'une faible partie des liquidités sous forme de dépôts de garantie (3% sur le MATIF). Il en est de même pour les options pour lesquelles la prime payée est faible par rapport au montant de l'actif sous-jacent. Ils sont ainsi des instruments favoris des spéculateurs, qui peuvent les utiliser plus facilement dans les marchés de gré à gré. Ces marchés sont en effet beaucoup moins transparents que les marchés organisés. Un facteur qui joue en sens inverse est l'essor du capital non coté, qui fait que le sort des entreprises devient moins lié aux fluctuations boursières et permet une gestion à plus long terme. Manque de transparence Certains magistrats ont lancé des appels pour dénoncer ! $! "l'existence de comptes non publiés de clients occultes", dans les chambres de compensation internationales telles que Clearstream, ce qu'ils ont appelé les « boîtes noires » de la mondialisation financière. D'où l'enchérissement du ratio McDonought issu du comité de Bâle II qui définit dans l'un de ses piliers l'exigence de la transparence de l'information des banques à l'agent qui désire savoir (communication financière... La libéralisation financière Des années 1980 et 1990 Comment s’est opérée la libéralisation financière dans les années 1980 et 1990 et quels ont été ses effets sur les économies nationales ? Le livre d’Yves Tiberghien propose des réponses originales à ces questions sur la double base d’une analyse théorique en économie politique et d’une comparaison inédite entre la France, le Japon et la Corée. La libéralisation financière des années 1980 et 1990 Par Sébastien Lechevalier Recensé : Yves Tiberghien, Entrepreneurial States : Reforming Corporate Governance in France, Japan, and Korea, Cornell University Press, Studies in Political Economy, 2007, 255 p., 40 !. Comment la libéralisation financière a-t-elle pu être conduite dans l’ensemble des pays les plus développés dans les années 1980 et 1990, alors qu’il n’y avait pas de consensus politique ? Pourquoi ces réformes n’ont-elles pas conduit à une convergence des économies nationales vers le modèle anglo-saxon caractérisé par la domination des mécanismes de marché ? Le livre d’Yves Tiberghien, maître de conférences à l’université de British Columbia (Canada), vise à répondre à ces questions. Son approche s’oppose à la perspective dominante en économie, qui explique le caractère quasi-mécanique des transformations en cours par le progrès technique et/ou la mondialisation, processus eux-mêmes inévitables. Dans son analyse du processus de libéralisation financière, Tiberghien met au contraire l’accent sur l’intermédiation par les politiques : les transformations contemporaines des économies nationales – qu’il résume par l’expression « restructuration des entreprises » (corporate restructuring) – est certes le résultat de pressions extérieures, mais ne peut se comprendre sans l’intermédiation volontaire (voire volontariste) des politiques qui procèdent aux réformes structurelles : cela signifie que le renforcement des mécanismes de marché dans des économies coordonnées ne peut se faire sans l’intervention du politique. La libéralisation financière est analysée par Tiberghien à l’aide du concept de « golden bargain » : elle n’a rien d’un processus automatique mais est le résultat d’un accord donnant-donnant entre d’un côté les investisseurs internationaux qui garantissent l’afflux abondant de capitaux et les gouvernements qui s’engagent à assurer une rentabilité élevé de ce capital par des mesures de dérégulation de l’économie facilitant la restructuration des entreprises. En ce sens, Tiberghien s’inscrit dans l’axe de recherche qui analyse la diversité des capitalismes (Amable, 2003 ; Streeck & Yamamura, 2003 ; Streeck & Thelen, 2005, etc.) et est de ! %! fait très proche du courant dit « variétés du capitalisme » (ou VOC) en ce qu’il combine une approche d’économie politique et une analyse centrée sur la firme (Hall & Soskice, 2001). Disons-le tout de suite : Le livre de Tiberghien est remarquable et ce pour au moins deux raisons. C’est tout d’abord un vrai livre d’économie politique, résultat de recherches qui se confrontent à des questions proprement économiques et qui donnent des réponses originales sur la base d’une méthodologie faisant appel à des outils de science politique. Ensuite, c’est une entreprise comparative de trois systèmes nationaux. Si la comparaison France – Japon est relativement classique, surtout en ce qui concerne le mode d’intervention de l’État dans l’économie (Sautter, 1996), l’introduction de la Corée est tout à fait originale et réellement pertinente pour la démonstration de Tiberghien. De fait, l’originalité de ce livre repose sur la confrontation d’un modèle théorique solide à des terrains connus de première main, à travers une analyse des politiques de réforme et de l’évolution des institutions et sur la base d’enquêtes de terrains, notamment d’interviews, mises au service d’une analyse de la recomposition du processus de décision (process tracing analysis). Malgré ces qualités évidentes, ce livre est méconnu en France, ce qui est d’autant plus dommageable qu’il offre une ouverture originale à nos débats trop souvent franco-français. Le principal intérêt de ce livre pour nous est en effet de répondre à la question de la réforme en proposant une étude minutieuse de cas nationaux qui peuvent a priori nous paraître exotiques, à nous qui ne convoquons « l’international » que par les États-Unis – qui jouent à la perfection le rôle de repoussoir/attracteur – et qu’à travers un benchmarking systématique avec l’Allemagne ou le Royaume-Uni. L’idée implicite de Tiberghien est qu’on peut apprendre au moins autant d’une comparaison avec le Japon et la Corée. Corée, Japon et France : trois modèles de réforme et de changement institutionnel La démarche comparative de Tiberghien débouche sur un premier résultat essentiel, la diversité des trajectoires japonaise, française et coréenne. De ce point de vue, la France et le Japon représentent des cas antithétiques ; dans le premier cas, un discours antimarché s’est accompagné d’une transformation profonde et rapide, notamment sous un gouvernement socialiste ; dans le second cas, un discours néolibéral a débouché sur des changements plus modérés. Quant à la Corée, elle représente le cas d’une coïncidence entre le discours et les actes qui ont débouché sur une transformation rapide des institutions. Dans le cas de la France, Tiberghien revisite l’expérience du gouvernement Jospin et montre que c’est manquer l’essentiel que de proposer une interprétation de la politique menée entre 1997 et 2002 qui insiste sur les lois et mesures emblématiques que furent les 35 heures et les emplois jeunes ou sur un discours pour le moins méfiant à l’égard de la mondialisation. De façon paradoxale, c’est pendant ces cinq années que la France a connu sa phase la plus intense de libéralisation. Tiberghien obtient ce résultat sur la base d’une analyse systématique des lois votées alors, dont l’impact est mesuré de façon comparative et sur la base d’interviews avec les acteurs principaux. On y découvre au passage une bonne dose de cynisme. Ce chapitre est à lire de toute urgence. En ce qui concerne l’application du modèle au cas japonais, Tiberghien brasse au passage un certain nombre de questions essentielles du point de vue de l’économie politique du Japon, telles que la répartition du pouvoir entre bureaucratie et politiques ou les rapports des forces entre ministères, ou l’évaluation de ! &! l’impact réel de la pression extérieure (gaiatsu) américaine. Il propose également une évaluation originale des contributions respectives des premiers ministres japonais depuis le milieu des années 1990. En l’occurrence, il modère l’importance que l’on accorde trop souvent à Koizumi Junichiro, premier ministre d’avril 2001 à septembre 2006. Au sein d’une galerie de portraits d’entrepreneurs politiques, Tiberghien met également l’accent sur le rôle et la personnalité de Yosano Kaoru, ministre de l’Économie et de l’Industrie sous le premier ministre Obuchi (juillet 1998 – avril 2000). Une très bonne maîtrise des questions économiques et industrielles ainsi qu’une base électorale urbaine font de lui le type même de l’entrepreneur politique. Selon Tiberghien, c’est la nécessité de conserver le soutien de l’électorat urbain qui a fait de lui le chantre des réformes. Quant à la Corée, elle présente le cas d’une transformation structurelle sous l’action caractéristique d’entrepreneurs politiques, notamment du président Kim Dae-Jung, élu en décembre 1997, au plus fort de la crise financière qui a secoué alors l’Asie en général et la Corée en particulier. Analyser les processus de décision politique pour comprendre la diversité des modèles de réforme Pour répondre à la question initiale, il est nécessaire, selon Tiberghien, d’ouvrir la boîte noire du processus de décision politique : sa démonstration repose sur une certaine représentation de la sphère politique et notamment sur la mise en avant du rôle de « l’entrepreneur politique ». Ce dernier peut être défini comme un individu, bénéficiant d’une connaissance particulière des transformations en cours et d’une situation politique qui peut lui faire espérer un rôle important dans un futur proche. Il agit en faveur de la libéralisation parce qu’il escompte que, ce faisant, il va améliorer sa propre position dans le futur. Autrement dit, l’intérêt propre est la principale motivation de l’entrepreneur politique, même si cette dernière est parfois renforcée par la volonté de moderniser la nation et de rendre service à la communauté. Tiberghien est alors en mesure d’expliquer la diversité des trajectoires non pas par la variété des chocs économiques, les différences de préférences des électeurs ou la dynamique des coalitions électorales mais par des variables politico-structurelles, l’autonomie stratégique politique (SPA) et la délégation bureaucratique stratégique (SBD). La SPA caractérise les conditions dans lesquelles l’entrepreneur politique peut échapper au contrôle des partis et des coalitions. Concrètement, cette variable comprend notamment l’autonomie au sein du parti ou le degré de contrôle sur l’agenda législatif. Quant à la SBD, elle mesure ce qui permet à l’entrepreneur politique d’éviter les obstacles et les critiques. La situation la plus confortable de ce point de vue est d’être entouré d’une bureaucratie transversale, c’est-à-dire ne défendant pas d’intérêt sectoriel, avec en son cœur une élite unifiée (formée dans une même école comme l’ENA en France). L’existence d’organisations internationales sur lesquelles on peut faire porter la nécessité de la réforme conduit également à une SBD plus élevée. Deux critiques, quelques questions laissées ouvertes et un appel à la recherche Ce livre est une invitation à la recherche, en ce qu’il ouvre plusieurs pistes et en ce qu’il propose une thèse provocante et stimulante, donc critiquable. ! '! D’une part, ce faisant, Tiberghien a tendance à mettre de côté l’influence de groupes (tels les investisseurs internationaux), et plus encore de forces, tel le progrès technique, qui interviennent en partie indépendamment des individus et des groupes. D’autre part, ne peut-on pas voir d’autres motivations dans l’action des dirigeants politiques que celles associées à l’entreprenariat politique ? De plus, la contribution de Tiberghien suscite plusieurs questions qui restent sans réponse dans ce livre. Parmi elles, on peut citer les suivantes : Pourquoi les électeurs votent-ils contre leur intérêt (du moins à court terme) ? Tiberghien se focalise en effet sur l’intérêt des dirigeants politiques à réformer, mais il semble de mettre de côté celui des électeurs, qui n’est certainement pas négligeable dans une démocratie, sauf à penser que c’est une donnée aisément manipulable par les entrepreneurs politiques. Pourquoi trois systèmes nationaux qui ont été efficaces par le passé ne le seraient plus aujourd’hui ? L’explication dominante des économistes est que cela s’explique par le changement d’environnement économique marqué par l’accélération du progrès technique et la mondialisation. Quant à la réponse de Tiberghien, elle repose sur le « golden bargain », ce qui implique un certain arbitrage, non pas entre équité et efficacité mais entre deux formes d’efficacité, d’un côté le processus de destruction créatrice et une meilleure allocation du capital, de l’autre côté les liens de coordination au cœur de la définition de l’avantage comparatif. On est en droit de ne pas se satisfaire pleinement de ces deux types de réponse. Cependant, elles démontrent, selon nous, que ce livre est susceptible de devenir une référence et d’être discuté comme il se doit. De plus, il manifeste une réelle urgence, celle de lancer des programmes de recherches comparatifs dignes de ce nom, impliquant des pays et des régions hors-Europe et hors États-Unis, sur des questions auxquelles nos réponses s’appuient sur des analyses trop souvent domestiques. 1 - Le développement de la crise et son impact sur l'accumulation La crise actuelle se déclenche au cœur de la sphère financière : en cela, elle revêt immédiatement un caractère global par les conséquences qu’elle va produire. Elle a éclaté à Wall Street et dans le système bancaire américain. Elle s’est répercutée immédiatement en Angleterre, autre centre financier majeur. Elle s’est rapidement propagée dans le reste du monde. Elle se marque par des pertes considérables de valeurs. Elle touche les institutions financières les plus anciennes et les mieux assises. Alors qu’on ignore si elle est terminée, la crise financière s’est vite transmise à l’économie réelle, provoquant un début de récession mondiale. L’élément catalysateur : la crise des "subprimes" Les principales étapes de cette crise qui a éclaté en août 2007 sont connues : à l’origine, des prêts à des ménages américains fragilisés «subprimes», puis un retournement du marché immobilier et la hausse des taux d'intérêt aux Etats Unis à la fin de l'année 2006 (pour une chronologie des événements, voir l’annexe 1). La crise actuelle a alors débuté avec les difficultés rencontrées par les ménages américains à faible revenu pour rembourser les ! (! crédits qui leur avaient été consentis pour l’achat de leur logement. Ces crédits étaient destinés à des emprunteurs qui ne présentaient pas les garanties suffisantes pour bénéficier des taux d’intérêt préférentiels (en anglais « prime rate », mais seulement à des taux moins préférentiels « subprime»). L’endettement de ces ménages américains a pu s’appuyer sur les taux d’intérêt extrêmement bas pratiqués pendant des années par la Banque centrale des Etats-Unis (la « FED »), à partir de 2001, après la crise boursière sur les valeurs « internet ». En outre, les crédits étaient rechargeables, c’està-dire que régulièrement, on prenait en compte la hausse de la valeur du bien, et on autorisait l’emprunteur à se ré-endetter du montant de la progression de la valeur de son patrimoine. Les intermédiaires financiers se sont alors engagés dans une distribution agressive de prêts hypothécaires immobiliers à taux variable aux ménages américains, quel que soit leur niveau de revenus. Octroyés sur la valeur estimée des biens et non sur la capacité de remboursement, nombre de ménages sont ainsi devenus propriétaires sans en avoir vraiment les moyens. Autre caractéristique, ces crédits ont été souvent accordés avec des taux variables. Plus précisément, les charges financières de remboursement étaient au démarrage très allégées pour attirer l’emprunteur. Elles augmentaient au bout de 2 ou 3 ans et le taux d’emprunt était indexé sur le taux directeur de la FED. Certains des prêts immobiliers qui étaient identifiés comme plus risqués que les autres «subprimes» se sont alors retrouvés associés, par les opérations de titrisation, à d’autres créances, dans des véhicules d’investissement essentiellement détenus par les professionnels, mais également indirectement par des particuliers au travers de fonds communs de placement. S’est ainsi développé un modèle dans lequel les produits changent de forme en permanence et sont portés par des investisseurs de nature diverse (banques, investisseurs institutionnels, hedge funds, particuliers, etc.) soumis à des réglementations différentes. La croissance des prix de l’immobilier et l’afflux de liquidités sur le marché américain ont contribué au développement de l’ingénierie financière de la titrisation. La demande de produits structurés échangés sur les marchés de gré à gré (« over the counter » – OTC), en cash ou sous forme de produits dérivés, s’est ainsi considérablement accrue hors du contrôle des régulateurs. Entre 2000 et 2007, porté par une hausse continue des prix de l’immobilier et un laxisme grandissant dans les conditions d’octroi des prêts, le marché des RMBS a connu un développement spectaculaire, passant de 640 à plus de 2 000 milliards de dollars. Sur ce total, la part des crédits «subprimes» est elle-même passée durant la même période de 8% à plus de 20%. L’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis a déstabilisé l’ensemble du dispositif en ruinant la confiance des marchés et en provoquant une spirale d’ajustement à la baisse des actifs titrisés. Lorsqu’à partir de fin 2005, la Réserve Fédérale commença à relever les taux d’intérêt, les ménages américains les plus fragiles ne furent plus en mesure d’assumer la charge de leur dette. Ce qui s’est passé est finalement assez facile à comprendre. La banque centrale a progressivement relevé ses taux de 1 % en 2004 à plus de 5 % en 2006 pour tenir compte de l’évolution de l’inflation et de la croissance américaine. Les charges financières des emprunts se sont considérablement alourdies. Un nombre croissant de ménages n’a pu faire face. Phénomène nouveau, un nombre croissant d’entre eux choisirent de se défaire de leur bien ! )! immobilier, mais de conserver leurs automobiles et leurs cartes de crédit. Le taux de défaut de paiement sur les prêts hypothécaires des ménages, qui atteignait à peine 4% en 2005 a alors considérablement augmenté pour atteindre 10% en septembre 2007, puis 20% à la fin de cette même année. Les actifs détenus par les banques ayant le plus fort effet de levier (les CDO) furent les premiers affectés, subissant des dégradations rapides de leur notation qui était jusqu’alors de première qualité, et entraînant de très lourdes pertes pour les banques. L’effondrement de la valeur des prêts "subprimes" et des titres adossés aux prêts hypothécaires a conduit à la disparition des marchés de ces produits, depuis lors désertés par les acheteurs et les vendeurs. Cette situation a eu trois conséquences pour les banques : les banques ont dû honorer leurs engagements vis à vis des investisseurs financiers en leur accordant des lignes de crédit en urgence ; les banques ont ensuite rapatrié massivement dans leurs comptes les instruments de titrisation ; cette situation d’illiquidité s’est propagée au marché interbancaire, à la faveur d’une méfiance grandissante entre contreparties, justifiant ainsi des interventions massives de la part des banques centrales pour apporter des financements à court terme au marché . Les banques centrales et certaines autorités de marché avaient dès le début 2004, mais plus généralement depuis 2006, alerté sur les risques spécifiques que comportait le modèle de titrisation. Cependant, ces avertissements sont restés lettres mortes. Les superviseurs, pourtant informés du développement des activités de hors bilan et de l’augmentation de l’effet de levier, n’ont pas jugé utile d’intervenir, à supposer qu’ils en aient eu les moyens légaux. Par ailleurs, les établissements financiers, tout autant que les investisseurs, n’ont pas pris ces avertissements au sérieux et ont continué de croire à la qualité des produits, à la croissance de leur valeur et à leur rendement, et ce d’autant que les agences de notation n’avaient pas pris la mesure des risques systémiques associés au retournement annoncé du marché immobilier américain. Les pertes annoncées par les grandes banques internationales au titre de l’exercice 2007 (147 milliards d’euros) ont confirmé l’ampleur de leurs difficultés et nécessité l’intervention des banques centrales pour sauver celles dont la chute aurait eu des conséquences systémiques. D’autres banques ont dû faire appel à des investisseurs externes, y compris des fonds souverains, pour restaurer leur situation financière. Même si les pertes pour l’exercice 2007 n’ont représenté qu’une part relativement limitée du total de leurs actifs, il n’en demeure pas moins que les banques ont vu leur fonds propres diminuer et n’ont pas tiré encore, à ce jour, l’ensemble des conséquences de la crise des «subprimes». La rupture de l’été 2007 A l’été 2007 le taux de non remboursement sur les crédits « subprime » dépassait 15 % contre 5 % en moyenne à la même époque pour l’ensemble des crédits hypothécaires aux Etats-Unis, chiffre lui-même record depuis 1986. Certes les défauts de paiement ne conduisent pas tous à la faillite de l’emprunteur et à la vente du bien hypothéqué. Mais on estimait, fin août 2007, que près d’1 million d’emprunteurs avaient perdu leur logement. Ce pourrait concerner in fine quelque 3 millions de ménages américains. L'accélération des défauts sur les prêts hypothécaires « subprime », précipitant le repli du marché de l'immobilier, avec des liquidations massives et en catastrophe, a été à l'origine du premier choc de liquidité agrégé. ! *! Lorsque la crise a frappé au mois d'août 2007, les marchés des titres adossés à des crédits hypothécaires à risque sont devenus illiquides au moment même où des investisseurs très endettés, comme les fonds spéculatifs, devaient ajuster leurs positions ou se séparer de positions perdantes. Les fonds spéculatifs se sont ainsi trouvés bloqués sur des positions défavorables au moment où ils recevaient des appels de marge de leurs courtiers de premier ordre. La situation s'est aggravée du fait qu'en l'absence de transactions, il n'y avait pas de prix de marché susceptibles de servir de référence. En conséquence, les fonds spéculatifs ont suspendu leurs transactions et le marché des CDO et les marchés des dérivés de crédit connexes ont pour ainsi dire cessé d'exister. Les émetteurs de CDO n'ont pu vendre leurs stocks et ont arrêté de procéder à de Nouvelles émissions. La réaction des banques centrales et les injections de liquidités Un trait frappe dans le déroulement de la crise : Les injections de liquidité des banques centrales sur les marchés monétaires n'ont eu aucun effet dans la résolution de la crise ; Les marchés monétaires à échéance de trois mois ont été très vite bloqués, le sont demeurés par la suie, et le demeurent encore (voir annexe 8 pour approfondir le fonctionnement du marché interbancaire et du mécanisme d’injection de liquidités). Les injections de liquidité ont été indispensables parce qu'elles compensent les difficultés de financement des banques (et de quelques assureurs). Toutefois la liquidité globale est restée abondante et disponible au niveau macroéconomique. La forte croissance de la liquidité mondiale est liée à celle de la base monétaire mondiale, elle-même alimentée par la croissance des réserves de change des banques centrales. De facto, la quantité d'actifs liquides et monétaires augmente rapidement. Mais, il peut y avoir simultanément abondance de liquidités monétaires et pénurie de liquidité sur certains marchés, comme le marché interbancaire. Cette crise de liquidité n'est donc pas une crise de liquidité globale, mais une crise liée à l'arrêt de la réallocation des liquidités entre des agents économiques, entre ceux qui ont un excédent de liquidité (en cash) et ceux qui ont un déficit, un besoin, de liquidité. On en déduit que les injections de liquidités par les Banques Centrales ne peuvent pas venir à bout de la crise, compte tenu de sa nature. La crise actuelle met à jour le paradoxe dans lequel des niveaux de liquidités globalement très élevés contrastent avec des situations d’illiquidité sur certains marchés financiers. Ces situations d’illiquidité apparaissent lorsque les investisseurs se retirent du fait d’une crise de confiance sur des produits spécifiques pouvant conduire à des crises de solvabilité des acteurs, notamment des banques les plus fragiles. Le retournement de conjoncture les exposait directement à des risques de liquidité en cas de retournement du marché. Cette situation a rendu les établissements financiers extrêmement dépendants du marché interbancaire qui est la principale source de financement à court terme. Le piège s’est refermé avec l’assèchement des prêts entre banques et du financement à moyen terme par les fonds monétaires de banques qui étaient toutes devenues emprunteuses, en raison de leurs différentes expositions. Seules des injections massives de liquidité des banques centrales ont permis d’éviter un effondrement en masse des plus grands établissements financiers de la planète. Ainsi, dans un contexte de désintermédiation bancaire qui a permis le financement du marché immobilier par des produits non régulés, la perte de confiance en ces produits, qui prenaient insuffisamment en compte les réalités micro - (la situation des débiteurs) et macro - économiques (la situation du marché immobilier) a mené à une crise financière majeure, qui ! "+! s’est traduite de façon imprévue par une illiquidité ponctuelle, mais progressivement généralisée, sur les marchés interbancaires. Cette crise a surpris tous les acteurs par son ampleur et sa propagation rapide qui étaient largement dues au niveau de transformation massif des véhicules de titrisation et, plus fondamentalement, aux effets de la globalisation des marchés extrêmement sensibles à la confiance . Les injections de liquidité sur les marchés interbancaires par les banques centrales permettent transitoirement d'écarter l'aggravation de la crise à court terme par sa propagation (en prévenant des cessations de paiements, des ventes d'actifs), mais elles ne peuvent aucunement mettre un terme à la dynamique déstabilisante induite par l'interaction entre la baisse des prix des actifs, la perte de fonds propres par les intermédiaires financiers, et les ventes forcées d'actifs. Dans tous les cas, les mesures successivement annoncées par la Fed et d’autres banques centrales n’ont eu que très peu d’effets. Les marchés financiers d’aujourd’hui sont dominés par des institutions non bancaires – banques d’investissement, fonds de placements sur les marchés monétaires, fonds spéculatifs, prêteurs hypothécaires n’acceptant pas les dépôts, les véhicules de titrisation, voire fonds d’investissement nationaux ou locaux – qui n’ont aucun accès direct ou indirect aux liquidités fournies par les banques centrales. Toutes ces institutions non bancaires présentent aujourd’hui des risques de voir une pénurie de liquidités. Les législations interdisent aux banques centrales de prêter à des institutions non bancaires. Le risque est donc permanent de voir une sorte de “course aux guichets” (“Bank run”) toucher les institutions financières non bancaires, en raison de leurs dettes à court terme et de leurs actifs non liquides à plus long terme – c’est du moins ce que laissent penser les problèmes de certaines banques, de certains fonds de placements sur les marchés monétaires, de certains fonds d’investissements nationaux et de certains fonds spéculatifs. Il y a peu de chances que les banques re-prêtent à ces institutions non bancaires les fonds qu’elles ont empruntés aux banques centrales, compte tenu de leurs propres problèmes de liquidités et du peu de confiance qu’elles accordent aux agents non bancaires. Mais, avec la crise, les Banques centrales ont du s'adapter. Prenons l'exemple de la FED. Les premières innovations de la Banque centrale américaine en matière d’accès à la liquidité ont eu lieu le 12 décembre 2007 avec, tout d'abord, le lancement de la Term Auction Credit Facility (TAF). Il s’agit de fournir des liquidités aux banques commerciales et institutions de dépôts jugés solvables sous forme de prêts complètement collatéralisés, avec une gamme d’actifs très large (voir le tableau ci-dessous). L’innovation est dans l’anonymat, le mode de d’adjudication (enchères fixant le taux d’intérêt), la durée fixe (28 jours) et le montant (30 Md$ par enchère). L’enchère a lieu toutes les 2 semaines, donc il est prévu d’apporter au marché 60 Md$ de liquidités de façon permanente. Mais ce montant s'est révélé bien trop faible par rapport à l'ampleur de la crise, comme le montre l'évolution des chiffres du tableau ci-dessous. Septembre 2008 : le double choc de Lehmann et de AIG En septembre 2008, on a pu observer une accélération brutale de la crise. Le gouvernement américain, après avoir sauvé Bear Stearns en mars de la même année et les deux rehausseurs de crédits hypothécaires Fannie Mae et Freddie Mac, ne fait rien pour empêcher ! ""! finalement la faillite de Lehman Brothers, un des membres éminent de l'oligopole bancaire mondial et évite de justesse la faillite du géant AIG. 1 - Lehman Brothers, la quatrième banque d'affaires américaine, s'est mise sous la protection du chapitre 11, tandis que Merrill Lynch est simultanément reprise pour 50 milliards de dollars par Bank of America. L'onde de choc de cette faillite touche alors tout le secteur bancaire mondial. Cette banque avait traversé la crise de 1929, mais n'aura finalement pas résisté à la crise des «subprimes». La banque américaine, qui avait commencé dans le négoce du coton, était plus que centenaire. Fondée par les frères Lehman en 1850, elle s'était tournée rapidement vers le financement des chemins de fer et des géants de la distribution. Plus récemment, la banque avait vu son siège détruit par les attentats du 11 septembre. Reste que Lehman avait jusqu'à maintenant bonne réputation sur la place new-yorkaise. Il y a un an, le magazine «Fortune» lui avait décerné le prix de la banque d'investissement la plus admirée des Etats Unis. Le paysage bancaire américain s'en trouve bouleversé La faillite de Lehman Brothers a quelque peu éclipsé l'autre très gros événement de la même journée : le rachat de Merill Lynch par Bank of America. Celle-ci met quelque 50 milliards de dollars pour s'offrir la banque d'affaires américaine et, du même coup, se hisser au premier rang mondial de son secteur. A la mi-septembre, la finance américaine sort de bouleversements sans précédent. Les opérations concernant Lehman et Merrill achevées, et plusieurs mois après le rachat de Bear Stearns par JPMorgan Chase, il ne restera plus que deux banques d'affaires outre-Atlantique : Goldman Sachs et Morgan Stanley. De leur côté, les rehausseurs de crédit Fannie Mae et Freddie Mae ont été nationalisés et sont désormais destinés à disparaître. Mais il restait encore une épreuve à subir. 2 – Le 17 septembre, le gouvernement américain décide en effet de nationaliser l’ex numéro un mondial de l’assurance, American Insurance Group (AIG). La question que tout le monde se pose alors est pourquoi AIG méritait d'être sauvée par la puissance publique et pas la banque d'affaires Lehman Brothers, qui elle aussi avait des filiales profitables à côté de ses actifs "toxiques". La faillite du numéro un mondial de l'assurance, compte tenu de sa taille, aurait pu entraîner une crise systémique, ont jugé les autorités. Au risque d'encourager les groupes financiers à devenir trop gros pour disparaître, et ce au détriment de leurs concurrents plus petits. AIG avait dans ses comptes 440 milliards de dollars de "credit default swaps" (CDS). Ces instruments financiers sont des polices d'assurance complexes contre le défaut d'obligations. Cette diversification de ses métiers d'assureur dommage et assureur vie avait été décidée par AIG il y a une vingtaine d'années. Le débouclage désordonné de ces CDS, outre qu'il est difficile à effectuer, aurait entraîné de nouvelles dépréciations d’actives et causé de lourdes pertes dans le secteur bancaire, qui n'en a pas besoin à ce moment-là . Le sous-secrétaire au Trésor pour la stabilité financière a souligné que l'engagement renforcé des pouvoirs publics était indispensable à "la stabilité du système financier", car une faillite d'AIG aurait des répercussions en cascade sur l'ensemble de la finance mondiale, par le biais des contrats d'assurance contre le risque de crédit (CDS) qu'il a souscrits. AIG est un puissant émetteur de dettes pour financer son activité. Et ses créanciers sont les plus grandes banques de la planète. En contrepartie du risque d'encourager les institutions financières à grossir, la Fed a demandé des ! "#! conditions drastiques aux actionnaires et créanciers d'AIG. Le prêt de deux ans de 85 milliards accordé à l'assureur sera rémunéré 8,5 points au-dessus du taux interbancaire classique. L'Etat a des options qui vont lui permettre de contrôler 80% du capital et de diluer les actionnaires actuels. Il a, en outre, exigé la démission du PDG.En deux mois, le gouvernement a pratiquement doublé son aide à l'assureur américain AIG, la portant de 85 milliards de dollars à 150 milliards. En parallèle, il a aussi adouci les conditions de celle-ci, alors que le groupe vient de publier une perte record de 24,5 milliards au troisième trimestre. C'est un événement unique, ce n'est pas le début d'un nouveau programme », a insisté Neel Kashkari, responsable du TARP (Troubled Assets Relief Program) lors de la Securities Industry and Financial Markets Associations conférence à New York. Le gouvernement a en effet puisé 40 milliards de dollars dans ce fonds de 700 milliards destiné à secourir les services financiers pour prendre la participation au capital d'AIG. « Cette action était nécessaire pour maintenir la stabilité de notre système financier », a-t-il affirmé. Sur une première tranche de 350 milliards de dollars, 290 milliards ont déjà été attribués à des banques et AIG, le seul à ne pas en être, en a reçu la plus grosse part" Le montant ultime du coût du sauvetage d'AIG pourrait potentiellement être équivalent à l'ensemble de la richesse produite en un an par des pays comme l'Ukraine, la Hongrie, le Pakistan ou les Philippines. Ainsi de l’éclatement de la crise des «subprimes» à la faillite de Lehman Brothers en passant par le sauvetage de AIG, les marchés ont fait preuve, pendant plus d’un an, de leur incapacité à surmonter seuls la crise. Ni les dépréciations massives d’actifs, ni les recapitalisations tout aussi importantes, ni les tentatives de mise en place de fonds de soutien privés ne sont parvenues à faire revenir la confiance dans un système bancaire rendu exsangue par l’importance et la complexité des produits structurés disséminés au sein du système financier. Ce dont témoigne la persistance de tensions continues et exceptionnelles sur les taux interbancaires. On peut y voir la source de la crise économique qui se déploie désormais Le crédit Crunch et son impact économique En effet, le désordre monétaire et financier contamine dorénavant l’économie réelle . La récession touche la plupart des pays occidentaux. C’est assez logique. Il y a d’abord d’énormes pertes de valeurs. Il y a ensuite la fragilisation du secteur bancaire. Malgré les injections massives de liquidités opérées par les banques centrales, la méfiance entre les banques privées, leur incertitude à l’égard de la qualité de leurs actifs, la peur de l’insolvabilité conduisent celles-ci à resserrer fortement le crédit aux entreprises et aux particuliers, réalisant ce qu’on appelle un « crédit Crunch ». Il y a encore l’impact de la crise immobilière sur le logement, le bâtiment et la consommation de très nombreux ménages endettés, tout particulièrement aux Etats-Unis. Il y a enfin une perte générale de confiance des acteurs économiques, ce qui est toujours néfaste pour l’activité. Quelle sera l’ampleur de cette crise ? Elle variera sans doute, selon les zones et les pays. Par zone, on sait que les pays émergents devraient garder des taux de croissance plus élevés que les économies matures, puisqu’ils sont en phase de décollage. Mais n’oublions pas les fortes tensions que le développement impose à leurs structures sociales. Avec un taux de croissance du PIB qui deviendrait inférieur à 7 ou 8 %, la Chine pourrait souffrir de troubles plus grands que la Belgique ! "$! et la France avec un taux zéro. D’après les prévisions du FMI, la croissance mondiale en 2009 ne devrait pas dépasser 3 %. Celle des pays émergents sera limitée à 6 ou 7 %. Celle des économies développées sera proche de zéro. Plus précisément, pour les Etats-Unis, le Fonds Monétaire International a ainsi revu en baisse de 1,9% à 1,6% son estimation de croissance cette année, et de 0,8% à 0,1% sa projection de croissance en 2009. La zone euro voit ses perspectives également sensiblement révisées en baisse : de 1,7% à 1,3% en 2008, et de 1,2% à 0,2% pour 2009. Concernant les pays émergents, la projection d’une croissance de 6,9% en 2008 est maintenue, mais revue de 6,7% à 6,1% pour 2009. La question est par conséquent de savoir si la récession sera courte ou longue et si elle ne dégénèrera pas en dépression. On y reviendra. Source FMI Autre élément très important de la crise financière, l'envolée, au cours des neufs premiers mois de l'année 2008, des matières premières agricoles et du pétrole. Cette envolée a rendu particulièrement sensible le sujet des investissements croissants réalisés par de grands investisseurs institutionnels sur les marchés de futures (contrats d’achat ou de vente à terme). Or il est indéniable qu’une « vague » de liquidités s'est portée sur ces marchés : les investisseurs, principalement des fonds, se sont dirigés très fortement vers le marché des matières premières, d’autant plus que de nombreuses études de banque vantent les bénéfices, tant en termes de diversification que de protection, contre l’inflation de ces investissements très peu corrélés aux marchés boursiers. Sur le long terme, l’équilibre des marchés reflète l’évolution anticipée des prix résultant de l’équilibre de l’offre et de la demande physique, en tenant compte, en particulier pour le pétrole, de la croissance de la demande adressée par la Chine et l’Inde. Mais, il est évident qu’une bulle temporaire, favorisée par l’ampleur des capitaux investis par ce type d’investisseurs (260 Mds$ à fin mars 2008 sur le marché à terme de Chicago contre 13 Mds$ à fin 2003). Il est clair qu’une part des volumes aujourd’hui échangés sur ces marchés ne corresponde pas à des activités normales de couverture de besoins physiques . Ces échanges affectent sur le court terme le prix spot, et donc favorisent le développement d’une bulle. La volatilité excessive sur ces marchés due aux larges volumes de trading constitue également une autre problématique importante. Le caractère tout à fait spécifique de ces marchés, qui traitent de produits vitaux à l’échelle mondiale, appelle de fait une vigilance renforcée et pose la question d’éventuelles restrictions à apporter aux opérations réalisées par certains de ces investisseurs. Bien que l’essentiel des bourses correspondantes soient américaines, le London Metal Exchange ainsi que de nombreux marchés non régulés, traitent également des contrats de ce type ou des dérivés. A tout le moins, parmi les actions possibles, figure la nécessité d’une transparence accrue à trois niveaux : transparence des stocks physiques ; transparence dans le fonctionnement des marchés et notamment des marchés à terme et si possible des marchés OTC avec la création d’une chambre de compensation unique permettant un dénouement rapide et efficace des transactions ; transparence dans l’échange d’information entre autorités de régulation de ces marchés, au-delà de celles directement nécessaires à la supervision des bourses concernées. Chaque pays devra tracer son chemin face à la crise. Ceux dont les fondamentaux économique sont les plus sains, dont les marges de manœuvre sont les plus grandes (en matière de comptes publics comme d’endettement) et dont l’appareil productif est plus performant résisteront mieux que les autres La bombe à retardement des ! "%! CDS Pour terminer, soulignons qu’en cas de nouvelles faillites, un danger très grand guette le système financier. C'est l'activation des fameux CDS (Crédit Default Swap), qui sont des produits de couverture contre le risque de défaut d’un établissement ou d’un pays (Pour un approfondissement de ce produit, voir l'annexe 5). Si leur activation devait avoir lieu à une grande échelle, hypothèse qu’on ne peut écarter, il faudrait alors procéder à la nationalisation quasi intégrale de toutes les banques des pays développés, car les chiffres sont ici gigantesques : l’encours de ces produits s’élève en effet à 55 000 milliards de dollars. Actuellement, les vendeurs de ce type de couverture, confrontés aux risques que représentent les défaillances d’établissements financiers (du type AIG) sont obligés d’élever les garanties apportées. Les CDS sont des sortes d’assurances contre une défaillance de l’emprunteur : le vendeur de CDS s’engage à rembourser à sa place en échange d’une prime variant en fonction du marché et de la qualité de l’emprunteur. Les contrats d'assurance CDS obligent l'assureur (généralement une banque ou un rehausseur de crédit) à régler une dette lorsqu'un un débiteur (généralement, une banque ou une institution financière) est en défaut de paiement . Ces pratiques lient étroitement les banques européennes aux banques américaines qui, ellesmêmes, se tiennent indissociablement garantes les unes des autres. Mais les banques se sont longtemps crues en sécurité, car elles ont pris de nombreuses assurances auprès des rehausseurs de crédit. Echangés à grande échelle, remixés et recompilés en une impressionnante pharmacopée de titres dérivés, les titres RMBS et CDOs et leurs garanties CDS ont été achetés et vendus par les banques d'investissements telles que Fortis Investments, Deutsche Bank et par toutes les banques d'investissements européennes. Par exemple, les rehausseurs de crédit (« monolines ») ont été sévèrement affectés par la crise des «subprimes», notamment à travers l’encours de dérivés de crédit (CDS de CDO) qu’ils portent, estimé à 125 Mds$ pour un total d’actifs garantis de 2 500 Mds$. L’enjeu des discussions menées actuellement sous l’égide de la Réserve Fédérale sur le partage des pertes correspondantes entre banques et monolines ou leur étalement dans la durée, est clé, compte tenu de la base limitée de leurs capitaux (30 Mds). La réaction des Etats : mesures nationales et mesures coordonnées Au fur et à mesure que la crise s’est étendue les premiers à être réhabilités ont été les Etats. Dans la panique générale, les groupes financiers et parfois les entreprises se sont tournés vers eux. Pourquoi ? Parce qu’il n’y avait pas d’autre recours que ces pouvoirs légitimes, dotés de souveraineté, représentatifs des peuples et, à ce titre, capables de lever des ressources. Pour autant, si les dogmes du néolibéralisme ont été écornés, rien n’indique qu’ils ne pourraient pas renaître, avec les mêmes conséquences, une fois la grande peur passée. C’est pourquoi, aux yeux de leurs responsables, à moyen terme, une régulation s’impose. Le sommet du G20 qui s’est tenu à Washington, le 15 novembre, a représenté un premier pas dans la direction qu’ils souhaitaient. Certes, il a été préparé hâtivement, mais les travaux couvrant le spectre le plus large émanent au niveau international du Financial Stability Forum (FSF). Cette instance mandatée à cette fin par les ministres des finances du G-7 et les gouverneurs des banques centrales, et dont les conclusions ont été approuvées en avril 2008. Un rapport complet incluant des priorités immédiates a été présenté ! "&! lors de la réunion du G-8 d’Osaka en juin de la même année. Ces mesures prioritaires, dont plusieurs devaient être mises en œuvre sous cent jours, préconisent une transparence accrue sur les risques et les véhicules hors bilan, les techniques de valorisation comptable, l’amélioration de la supervision bancaire et de la gestion du risque de liquidité et l’élaboration d’un code de conduite des agences de notation. Lors de sa réunion de juillet 2008, le G-8 a souligné l’importance de la mise en œuvre des recommandations du rapport du FSF et a enjoint les acteurs du secteur privé, les autorités nationales de supervision ainsi que les organismes internationaux, à faire diligence en la matière. Mais à côté de cette mobilisation internationale, les premières réponses effectives à la crise ont été d’abord nationales. La mobilisation financière sans précédent des Etats Le renflouement est en cours dans les pays occidentaux. La Réserve Fédérale des Etats-Unis, la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre et d’autres banques centrales se sont portées au secours des établissements financiers menacés. Les Etats, américain avec le plan Paulson première et deuxième manière, européens, nationalement et dans un plan concerté, sont intervenus avec plus de puissance encore. Ils ont donné leur garantie pour des sommes énormes et apporté des financements directs (sous forme de crédits ou de participations en capital). Ces interventions massives ont écarté certes le risque d’une banqueroute généralisée. Mais si le système a été, pour le moment, restabilisé, il n’est pas certain qu’il soit totalement assaini. Chaque semaine de nouvelles pertes sont annoncées et des établissements sont fragilisés. L’extrême complexité des montages et des produits financiers, la fragilité des fonds spéculatifs, l’opacité des paradis fiscaux rendent malaisée l’appréciation de la situation par les banques, les agences de notation, les autorités de régulation et, désormais, les gouvernements eux-mêmes. La finance internationale a ses « trous noirs ». Ainsi, la majeure partie des 11.000 hedge funds recensés sont localisés dans des paradis fiscaux non contrôlés. Les plans Paulson 1 et 2 Dès lors, les moyens pour lutter contre la crise ont complètement changé de nature et de dimension. Le plan Paulson, qui envisageait, dans une première mouture, de racheter les créances toxiques aux banques pour un montant de 700 milliards de dollars, s’est transformé partiellement en un plan d’apports de fonds propres aux plus grandes banques. Notons que c'est sur les conseils des cinq plus grandes banques américaines que ce changement a été proposé. Pourquoi 700 milliards de dollars ? Le Trésor voulait débarrasser, au départ, les banques de leurs actifs "toxiques" à l'origine de la crise. En éliminant le "ver dans le fruit", il comptait ainsi restaurer la confiance dans le système financier. Mais à quel prix seraient rachetés les actifs « subprime » des banques ? Henry Paulson s'est alors aperçu qu'il était peu efficace de racheter des actifs toxiques parce qu'il y a des problèmes de fixation du prix d'achat de ces titres. Le plan a donc changé de nature depuis le 14 octobre. Aussitôt 250 milliards ont été alloués à la recapitalisation bancaire. La question était de savoir ce qu'il allait faire avec les sommes restant à sa disposition. Il a décidé d'utiliser cet argent pour favoriser le crédit à la consommation parce que les banques n'en accordent plus actuellement. Les données que l'on a sur la consommation des ménages aux États-Unis sont catastrophiques : il faut donc faire en sorte que le consommateur retrouve des marges et puisse ! "'! continuer à emprunter. Le plan initial est donc réorienté vers la consommation. Mais personne ne peut dire si cela sera suffisant pour la relancer. D'ailleurs, on ne connaît pas encore le détail de ces nouvelles mesures négociées avec la Réserve fédérale américaine. Le plan de sauvetage américain est financé par le Trésor, donc par le contribuable. Les sommes seront octroyées en trois étapes : 250 milliards de dollars ont donc été immédiatement accordés au Trésor suivis de 100 milliards octroyés, si nécessaire, à la demande du président, puis 350 milliards sujets à un nouveau vote du Congrès. Deux comités externes surveilleront la manière dont sont dépensées ces sommes. Quelles sont les institutions financières susceptibles d'être sauvées ? Les banques américaines, mais aussi des collectivités locales, des fonds de pension et des petites banques commerciales, pourront profiter de l'offre. Les banques étrangères qui disposent de filiales aux Etats-Unis seront aussi acceptées. En revanche, les fonds spéculatifs devraient être exclus du programme. Le 3 octobre, la Chambre des représentants américains a approuvé, par 263 voix contre 171, le plan de 700 milliards de dollars élaboré par le secrétaire d'État au Trésor Henry Paulson et baptisé "Loi sur la stabilisation économique d'urgence de 2008". Un plan qui avait été rejeté en première lecture, le 29 septembre, par 228 voix contre 205. Avec l'approbation par la Chambre, cette loi, qui donne des moyens historiques au Trésor américain pour intervenir sur le secteur financier, est entérinée par le Congrès. L’objectif du plan est de donner à l'État les moyens et l'autorité de racheter les actifs dépréciés des institutions financières mises à mal par la crise des prêts immobiliers à risque, les «subprimes». Plus d'une douzaine de banques ont déjà fait faillite aux États-Unis. Comment plus précisément les sommes du plan Paulson se répartissentelles pour l'instant ? 250 milliards ont été dépensés pour la recapitalisation bancaire : 125 pour les grandes banques, 125 pour les banques régionales. 40 milliards de plus ont été dépensés pour sauver l'assureur AIG. Il reste 60 milliards à allouer sur les 350 milliards de la première enveloppe du plan. Pour les 350 milliards restants, il faut encore l'accord du Congrès pour les utiliser. Une partie des sommes encore disponibles seront destinées à recapitaliser des institutions financières non bancaires (ex : les assureurs) même si on ne peut pas encore dire qui en bénéficiera. Le plan Paulson ne ressemble donc plus au plan initial qui avait été prouvé par le Congrès après de difficiles négociations... En réalité du plan initial, il ne reste rien. On s'aperçoit que les critiques de nombreux économistes qui prédisaient que l'on aurait des difficultés pour fixer un prix de rachat des actifs toxiques par l'État étaient valables et que l'administration américaine les a sous-estimées. Henry Paulson a donc été obligé de changer son fusil d'épaule . Les plans européens Comme les États-Unis, l’Europe est confrontée aujourd’hui à son plus grave danger depuis la seconde Guerre mondiale. Elle a le pouvoir de sauver ou de détruire l’économie de 27 Etats. C’est pourquoi les européens tentent de bâtir également des plans pour le rachat d'actions de leurs banques. Dans l'esprit de leurs gouvernements, il est dit explicitement que les prises de participations ne concerneront que les plus grandes banques et ne seront que temporaires. Les autres banques sont destinées à être rachetées ou à tomber en faillite. ! "(! Enfin, partout, on met en place des systèmes plus ou moins sophistiqués de garantie d’Etat sur les crédits interbancaires afin de restaurer la confiance sur les marchés monétaires. Les Pays-Bas ont été les premiers à avancer l'idée d'un plan de sauvetage européen, à l'image de celui de 700 milliards de dollars mis sur pied par les Etats-Unis, chaque pays contribuant à hauteur de 3% de son Produit intérieur brut. Mais le projet, qui a eu les faveurs de la présidence française de l'Union européenne, a été immédiatement torpillé par l'Allemagne et la Grande-Bretagne, qui privilégient des solutions nationales. Berlin, en particulier, ne veut pas avoir à payer la facture pour les problèmes bancaires d'autres pays. 1 - Le plan de sauvetage. A la mi-octobre 2008, et après plusieurs semaines d'atermoiements, le plan de sauvetage de l'économie européenne concocté par les 15 pays de la zone euro a été péniblement entériné dans le cadre du Conseil européen, à Bruxelles, par les 27 pays de l'Union. Ce plan prévoit d'allouer 1700 milliards d'euros afin de garantir le système bancaire européen. Toutefois, les chefs d'État et de gouvernement européens n'ont pas atteint le consensus sur l'ensemble du texte présenté pas le président en exercice du Conseil de l'Union européenne, le Français Nicolas Sarkozy. Outre les 1700 milliards d'euros de garanties, le plan de sauvetage prévoit la mise en place d'une « cellule de crise financière » qui coordonnera l'action de la présidence tournante du Conseil de l'UE, de la Banque centrale européenne (BCE) et du président de l'Eurogroupe. Afin de limiter l'influence de la fluctuation des marchés sur les bilans des banques, les normes comptables seront par ailleurs revues. L'Union européenne accepte également l'idée d'une réforme « réelle et complète du système financier international », telle que la France l'avait proposée. Mais derrière cet affichage, les dirigeants européens ont sous-estimé les répercussions de la crise financière sur le système bancaire du continent. Ils n’ont pas jugé utile un plan comme celui de Paulson, préférant agir au cas par cas à travers des actions unilatérales, comme celles de l’Irlande, la Grèce et l’Allemagne, potentiellement déstabilisantes. Les risques sont particulièrement graves dans la zone euro : la BCE applique une politique monétaire unique mais elle ne peut pas jouer le rôle de dernier recours. L’Union monétaire devrait rechercher normalement une harmonisation des politiques budgétaires et une centralisation du contrôle financier. Ce qui actuellement n’est pas le cas. 2 - Le plan de relance. La Commission européenne a présenté, le 26 novembre 2008, un plan de relance économique de 200 milliards !, soit 1,5% du PIB de l'UE, faisant appel aux Etats membres (170 milliards !, soit 1,2% du PIB), au budget de l'UE (14,4 milliards !) et à la Banque européenne d'investissement (15,6 milliards !). Ce plan, destiné à coordonner les politiques des Etats membres, s'articule en 2 volets : un "stimulus budgétaire" et des "investissements intelligents". Du côté du stimulus budgétaire, la Commission invite les Etats membres à adopter des plans de relance et à appliquer le Pacte de stabilité et de croissance et les règles en matière d'aides d'Etat avec souplesse, tandis que la Commission facilitera les paiements relevant des fonds structurels et sociaux. Du côté des investissements intelligents, elle propose des initiatives européennes en faveur des voitures vertes (5 milliards !), des bâtiments économes en énergie et des "usines de demain". ! ")! La Commission a demandé au Conseil européen d'approuver ce plan les 11 et 12 décembre prochains. La Commission européenne a surtout répondu à la demande des Etats membres en annonçant qu'elle serait plus "flexible" face aux déficits nationaux, qui seront inévitables. En effet, le Pacte de stabilité et de croissance prévoit un déficit annuel ne pouvant dépasser 3 % du PIB. Cependant, il prévoit qu'en cas de "circonstances exceptionnelles", de déficit peut être plus important. En reconnaissant le caractère exceptionnel de la crise, la Commission permet donc une application plus souple de cette règle. Le commissaire en charge des Affaires économiques et monétaires a cependant rappelé aux Etats membres que la Commission avait des "lignes rouges" à ne pas dépasser, et qu'ils devaient respecter autant que possible le Pacte, et ce "pour les générations futures". Au menu des prochaines réunions des ministres européens figurent les propositions de la Commission européenne sur les fonds propres des banques. La rémunération des dirigeants pourrait être aussi débattue, en raison des critiques qui se multiplient sur les « parachutes dorés ». Sera également discuté, a affirmé le Premier Ministre anglais à l’issue du Sommet de Paris, l’octroi par la Banque Européenne d’Investissement (BEI) d’une enveloppe de 31,5 milliards d'euros à destination des PME. La réunion du G20 : bilan critique de la conférence Les principales mesures. Le sommet du 15 novembre du G20 s’est conclu par une déclaration faite d’affirmations de principe et de déclarations d’intention. À cette déclaration est joint un plan d’action plus précis dont la mise en œuvre est placée sous la responsabilité des ministres des Finances du G20. Un certain nombre d’actions immédiates doivent en principe être engagées d’ici au 31 mars 2009. Les objectifs en sont de « renforcer la transparence et la responsabilité, promouvoir une régulation saine, promouvoir l’intégrité des marchés financiers, renforcer la coopération internationale et réformer les institutions financières internationales ». Un deuxième sommet doit se tenir au mois d’avril 2009, normalement à Londres, avec cette fois la participation du nouveau Président américain. C’est à ce moment-là qu’on verra si un véritable consensus se dessine entre les grands pays et, surtout, si des actions sont engagées dans le sens d’une véritable régulation du système financier international. Revenons au contenu de la réunion du G20 à Washington, le 15 novembre 2008. Celle-ci s'est penchée à la fois sur les causes de la crise financière actuelle, sur les mesures prises et à prendre, sur la situation qui prévalait à la mi-novembre, sur les actions à entreprendre immédiatement, sur les principes communs de la réforme des marchés financiers, sur l'engagement en faveur d’une économie mondiale ouverte, enfin sur le plan d’action pour la mise en œuvre des principes de réforme . Sur les causes de la crise, la déclaration est très lapidaire. Elle en identifie trois : - les acteurs des marchés ont cherché à obtenir des rendements plus élevés sans évaluer les risques de façon adéquate et sans faire preuve de la vigilance requise ; - les établissements financiers n’ont souvent pas mis en œuvre des pratiques saines en matière de gestion des risques, les produits financiers sont devenus de plus en plus complexes et opaques, rendant possible des effets de levier excessifs ; enfin, les superviseurs n’ont pas réussi à évaluer les risques qui s’accumulaient sur les marchés financiers et à y répondre de manière adéquate, à suivre le rythme des innovations financières et à prendre en compte les ramifications systémiques des mesures de régulation nationales. Après avoir rappelées les mesures déjà prises, les participants au G20 tombent d’accord sur la nécessité d’une ! "*! réponse politique plus large, d'abord en matière d'actions immédiates. Pour répondre aux défis de la crise, il faut reconnaître l’importance du soutien que la politique monétaire, utiliser des mesures budgétaires pour stimuler la demande interne, aider les économies émergentes et en développement pour qu’elles puissent avoir accès au financement notamment à travers des facilites de liquidités du FMI ; encourager la Banque mondiale et les autres banques multilatérales de développement d’utiliser leurs pleines capacités en soutien de l’agenda de développement. Outre les mesures énoncées cidessus, le G20 souhaite mettre en œuvre des reformes destinées à renforcer les marches financiers et les régimes de régulation afin d’éviter de futures crises. La régulation relève avant tout de la responsabilité des régulateurs nationaux, qui constitue la première ligne de défense contre les instabilités des marchés. Toutefois, nos marchés financiers sont d’envergure mondiale. Il est donc indispensable d’intensifier la coopération internationale entre régulateurs, de renforcer les normes internationales, où cela est nécessaire, et de veiller a leur application uniforme afin d’assurer une protection contre les évolutions néfastes transfrontalières, régionales, et mondiales qui affectent la stabilité financière internationale. Les politiques qu'il s'agit de promouvoir doivent répondre aux cinq principes communs suivants. Renforcer la transparence en matière de 1- transparence sur les produits financiers complexes 2 - Favoriser une régulation garantissant que tous les marchés, produits et acteurs financiers soient soumis à une régulation ou à une surveillance selon le cas (avec l'exercice d'une surveillance stricte sur les agences de notation) Promouvoir l’intégrité des marchés 3 - financiers, notamment en prenant des mesures de protection contre les risques financiers illicites issus de juridictions non coopératives et en promouvant l’échange d’informations, notamment en ce qui concerne les juridictions qui ne se conforment pas encore aux normes internationales en matière de secret bancaire et de transparence. 4 - Renforcer la coopération internationale, notamment sur les flux de capitaux transfrontaliers. 5 -Reformer les institutions financières internationales de matière à ce qu’elles reflètent mieux l’évolution des poids économiques respectifs dans l’économie mondiale afin d’accroitre leur légitimité et leur efficacité. Il est demandé par ailleurs aux ministres des finances de formuler des recommandations supplémentaires dans les domaines suivants : • atténuation de la pro cyclicité dans les politiques de régulation : • harmonisation des normes comptables, • en particulier pour les titres complexes, • en période de tensions ; • renforcement des marchés des produits dérivés de crédit et réduction de leurs risques systémiques, • y compris sur les marchés de gré à gré ; • révision des pratiques en matière de rémunération en ce qui concerne les incitations à la prise de risques et à l’innovation ; • et révision du mandat, • de la gouvernance et des besoins en ressources des institutions financières internationales, • définition du champ d’action des institutions d’importance systémique • et détermination de leur régulation et surveillance de façon appropriée. La déclaration se poursuit par un vibrant appel en faveur d’une économie mondiale ouverte, fondée sur les principes du libre marché, notamment : • l’Etat de droit, • le respect de la propriété privée, • l’ouverture des échanges et des investissements, la concurrence entre les marchés et des systèmes financiers ! #+! efficaces et régulés de manière adéquate. On ajoute qu'il faut éviter une régulation excessive qui entraverait la croissance et exacerberait la réduction des flux financiers, y compris vers les pays en développement. Enfin le G20 énonce le plan d’action pour la mise en œuvre des principes de réforme. Il faut s'assurer que toutes les institutions financière d’importance systémique sont régulées de manière appropriée, et que les dispositifs de cessation d’activités permettent une cessation progressive et ordonnée des activités des grandes institutions financières complexes., que les structures de rémunérations ne récompensent pas les rendements excessifs à court terme ou la prise de risque. Les superviseurs doivent collaborer pour créer des collèges de surveillance pour toutes les grandes sociétés financières transnationales afin de renforcer la surveillance des entreprises transnationales. Les grandes banques mondiales devront se réunir annuellement avec leur collège de surveillance afin de discuter de manière approfondie des activités et de l’évaluation des risques que courent ces entreprises. Impasses et évaluation critique La volonté d’agir des gouvernements ne pourra être véritablement évaluée que lors des prochaines rencontres internationales. L’argument de l’impuissance ne pourra plus être en effet invoqué par eux . Les peuples les ont vus, dans l’urgence, nationaliser des banques ou entrer à leur capital, renflouer des compagnies d’assurance, imposer de nouvelles réglementations (par exemple, l’interdiction de la spéculation à la baisse sur les valeurs financières décidée par les Autorités de marché britannique et américaine). Pour ne rien dire des centaines et des centaines de milliards de dollars, d’euros, de livres sterling, de francs suisses, de yens et de yuans mobilisés sous forme de garanties, de crédits, d’apports en capital ou de plans de relance. Les opinions publiques accepteraient sans doute mal de voir les gouvernements retourner à la passivité, alors qu’il s’agirait, en des temps redevenus plus ordinaires, de réguler et de réglementer. En effet, on a vu que des sommes considérables allaient à des secteurs et parfois à des acteurs qui s’étaient montrés défaillants. Ils conçoivent que c’était inévitable pour écarter une banqueroute et protéger les épargnants. Mais ils savent bien que les ressources publiques versées seront financées, au bout du compte, par un accroissement de l’endettement public, lequel pèse sur le contribuable. Ils ne veulent pas que tout cela ne serve à rien et que puisse se reconstituer une nouvelle bulle financière. A la lumière des premiers travaux du G20 et de l'analyse qui vient d'être faits dans ce rapport de la crise et de ses causes, il est possible maintenant de mettre en perspective les propositions et d'en faire un premier examen critique. - La première observation touche le domaine monétaire. Le G20 de Londres n'a manifestement pas cherché à aborder la question de la réforme du système monétaire international, alors que l'une des causes fondamentales des dérèglements financiers que l'on observe depuis plus de trente ans tient à la double libéralisation des taux de change et des taux d'intérêt. Cette double libéralisation a été, comme on l'a montré, à l'origine de bulles financières gigantesques à base de produits dérivés. Il faudrait donc profiter de cette crise pour négocier et instaurer des rapports plus stables entre les principales zones monétaires, autour du dollar, de l’euro, du yen et du yuan, par exemple. C’est dans ce sens que pourrait être rebâti un système monétaire équilibré et stable. On sait que, depuis 1971, les Etats-Unis n’ont plus aucune ! #"! obligation en ce qui concerne leur monnaie. Ils l’émettent et elle est forcément acceptée, puisqu’elle sert de monnaie d’échange et de réserve internationale et qu’eux sont la première puissance économique du monde. À l’extérieur, les différents pays doivent supporter l’appréciation ou la dépréciation du dollar (avec des implications commerciales) en fonction d’une politique pour l’essentiel définie à Washington. À l’intérieur, assurées de voir financés leurs déficits budgétaire et commercial grâce aux capitaux replacés aux Etats-Unis par les pays pétroliers et la Chine, les autorités américaines ont favorisé un endettement croissant des ménages américains. Cette politique a été pratiquée jusqu’à l’absurde par l’administration Bush. Le « nouveau Bretton Woods » ne peut donc se réduire à renforcer le rôle et les moyens du FMI dans l’architecture financière internationale. L’objectif devrait être à terme de reconstruire, avec les pays émergents et les pays moins avancés, un nouvel ordre monétaire mondial fondé sur une certaine stabilité des monnaies. Ainsi pourrait-on par exemple réduire l’énorme marché des changes d’aujourd’hui. Il faut aussi agir dans le champ des produits dérivés et sur la politique des taux d’intérêt . Sans revenir à une politique de taux complètement administrés comme ce fut le cas longtemps, après guerre, il faudrait pourtant mettre fin à la totale dérégulation d’aujourd’hui, qui livre la forte instabilité des taux à la spéculation, sous prétexte de couverture. Cela suppose que les Etats et les autorités de régulation reprennent la main. Des réformes de cette ampleur ne sont envisageables que dans le cadre d’une réflexion d’ensemble sur l’économie globalisée. Or seconde observation, le débat engagé au G20 devrait trouver son prolongement dans un cadre plus large encore, qui doit être celui des Nations Unies. Cette perspective n'est malheureusement pas encore à l'ordre du jour. En effet, au-delà du redressement du système monétaire et financier, toutes les nations doivent aussi répondre aux défis du développement durable et au scandale de la pauvreté et des inégalités dans le monde. Sur un plan plus technique, troisième observation, il est possible que la crise entraîne un réexamen de la titrisation et de ses procédés. Mais il n'est pas certain que cet examen soit approfondi et puisse ouvrir le débat sur les fondements mêmes de ces opérations. Certes, il y a une discussion sur l'efficacité du modèle de titrisation « originate-and-distribute » (octroi puis cession de crédits). Mais on peut penser que ce modèle économique a tout simplement planté le décor de la crise financière, en créant notamment la paralysie sur les marchés interbancaires précisément en raison de la méfiance engendrée par les produits titrasses. Face à ce type d'observations, certains préconisent d'obliger ceux qui octroient des prêts à détenir une proportion minimum des titres dans leur propre bilan. D'autres pensent, au contraire, que ce système ne protégerait pas les banques contre un retournement du marché (par exemple de l'immobilier résidentiel), ce qui les rendrait plus prudentes dans l'attribution des crédits et en renchérirait le prix. Des réformes dans ce sens résoudraient, disent-ils, les problèmes sur les marchés de titres, mais au prix d'un risque accru pour le système bancaire et d'un surcoût pour les consommateurs. La vraie difficulté tient en réalité à ce que les couches de dérivés (notamment les dérivés de crédit) s'empilent les unes sur les autres. Il en résulte que les spécialistes, les investisseurs financiers, et même les ! ##! agences de notation n'ont pas pu pleinement mesurer le risque induit par les produits structurés qui ont été émis sur les marchés et achetés. Le débat sur les agences de notation quatrième observation, est de ce fait peu soluble. Certes, les agences sont payées par ceux qu’elles notent et ne sont pas supervisées. De plus, elles n’encourent pas de responsabilité en cas de mauvaise performance. Pour certains, elles devraient être supervisées et leurs méthodes inspectées par les régulateurs. C'est probablement ce qu'il faut souhaiter. Mais il faudrait surtout encourager une simplicité et une transparence dans la conception même des titres financiers, ce qui va à l'encontre des tendances actuellement à l'œuvre au sein de la finance globalisée. - La récente réunion du G20 à Pittsburg s’est avérée très décevante. Elle annonce – sans formulation plus précise ou technique la révision des normes en matière de fonds propres des banques et en matière de rémunération. Une très grande latitude est ainsi laissée aux Etats pour interpréter cette formule très générale. Il est précisé ensuite que les marchés de produits dérivés vont être davantage organisés (point 17 du communiqué) ; mais, peut-on vraiment se satisfaire d’une réforme qui consiste finalement à mieux organiser la spéculation ? Enfin, il est dit que la gouvernance du FMI va être revue, dans la limite de 5% des droits de vote (point 19) ; là aussi, on peut s’interroger sur les raisons d’une telle limitation, qui ne peut qu’aller à l’encontre d’une véritable légitimation politique de l’institution. Pour aller plus loin dans ce sens, le débat engagé au G20 devrait trouver son prolongement dans un cadre plus large encore, qui devrait être celui des Nations Unies. Cette perspective n'est malheureusement pas encore à l'ordre du jour. En effet, audelà du redressement du système monétaire et financier, toutes les nations devraient pouvoir être associées dans les réponses à apporter aux défis du développement durable et au scandale de la pauvreté et des inégalités dans le monde. Sur le fond, deux grands sujets ont été absents de toutes ces réunions internationales. • Ils sont parfaitement identifiables et sont probablement des clés majeures pour transformer en profondeur les logiques folles de ce capitalisme financier : • le sujet monétaire et le sujet de la valeur actionnariale. Pour reprendre une métaphore médicale, • le traitement du premier relève plutôt d'une intervention chirurgicale car la zone problématique est parfaitement circonscrite. Le traitement du second foyer, cancérigène, est beaucoup plus complexe, car il a produit des métastases qui se sont déjà répandues un peu partout. 1. La virulence de la question monétaire tient au départ à la double libéralisation des marchés monétaires ; libéralisation des changes au début des années 1970, et libéralisation des taux d'intérêt au début des années 1980. 2. Comme on l’a examiné dans la première partie de cet article, pour protéger l'économie réelle de ces deux chocs, une industrie financière de couverture des risques s'est développée. A la veille de la crise des «subprimes», la sphère financière était devenue hypertrophique par le nombre de ces produits de couverture et par le volume de leurs transactions : près de 40 fois supérieur au volume des transactions de la sphère réelle. Or, il n'y a pas de produits de couverture sans contrepartie spéculative. Et la spéculation se nourrit aussi bien d'une bulle qui se forme, que d'une bulle qui éclate, puis se dégonfle. Voilà le facteur hautement déstabilisant. La tumeur liée à l'hypertrophie de la finance globale n'aurait pas également ! #$! pu se développer sans les effets de levier d'endettement gigantesques rendus souvent possibles par les banques elles-mêmes, notamment en raison de leurs opérations hors-bilan. Les réunions du G20 laissent inchangées les logiques de formation des produits de couverture et donc de fonds spéculatifs. Pourtant, quand on voit la composition des produits spéculatifs (pour l'essentiel, des produits de couverture des taux de change et des taux d'intérêt), il suffirait de revenir sur le double mouvement de libéralisation des marchés de la monnaie pour dégonfler, d'un seul coup, la sphère financière et permettre aux acteurs de retrouver des horizons temporels longs pour leurs échanges internationaux et leurs financements. Concrètement, cela revient à bâtir un nouveau système monétaire international, en fixant des règles du jeu sur l'évolution des taux de change et des taux d'intérêt, bref à terme, concevoir la monnaie comme un bien commun de l'humanité. Cela revient aussi à abandonner le règne de l'étalon dollar, au profit dans un premier temps d’un panier de monnaie. Bref, une véritable opération chirurgicale. 2. L’autre question qui déstabilise l'économie mondiale, se voit dans les pratiques liées à la valeur actionnariale. Issue de lois fiscales américaine (loi Erisa, plan 401K), la gestion des fonds de pension par capitalisation change du tout au tout durant les années 80. Elle devient beaucoup plus agressive en raison de la concurrence que se livrent entre eux les principaux gestionnaires de fonds pour récolter l'épargne retraite. De là naît la norme financière des 15% de retour sur investissement comme gage de l'efficacité de leurs placements. Cette norme implique que les gestionnaires de fonds deviennent hyper-exigeants, comme actionnaires, lorsqu'ils placent, par exemple, les ressources qu'on leur a confié dans les firmes cotées en bourse. Derrière les formules de « valeur actionnariale » ou de « création de valeur pour les actionnaires », il faut naturellement y voir l'emprise croissante des investisseurs institutionnels sur la gestion de l'entreprise et sa financiarisation. La « nouvelle gouvernance » des firmes apparaît alors en Grande Bretagne au début des années 90 et dans le reste de l'Europe ensuite. Les pratiques de la valeur actionnariale ont changé complètement le visage des firmes, leur gestion et leur organisation. En effet, l'exigence d'une rentabilité financière fixée a priori implique un transfert de risque massif sur la gestion de l'entreprise qui se voit contrainte dorénavant à une obligation de résultat. Qui plus est à un niveau tout à fait redoutable. Le résultat sur la relation de travail est considérable. L'organisation du travail, le marché du travail s'en trouvent bouleversés. Les pratiques de flexibilisation, d'externalisation, de délocalisation se multiplient. La pression financière sur le monde du travail devient telle que les dépenses de santé augmentent de façon nette ; puis sont venues les plans sociaux alors même que les firmes dégagent des profits ou encore les « licenciements boursiers ». Faire du profit n'est plus suffisant. Il faut maintenant atteindre la norme exigée par les nouveaux actionnaires. On le comprend, ces nouvelles pratiques sont intenables ; elles ont été à l'origine de la déformation de la valeur ajoutée au détriment des salaires durant les années 90. Elles sont à la source des inégalités de revenu criantes que l'on observe aujourd'hui. Aucune trace de ces questions ne figure dans la déclaration finale du G20. Les pratiques liées à la valeur actionnariale et à la nouvelle gouvernance des firmes touchent l'ensemble des firmes qui sont cotées dans les différentes places financières du monde. Mais, les grands investisseurs ! #%! s'intéressent de plus en plus aux entreprises non cotées. Mais là, comme le risque apparaît plus grand, l'exigence de rentabilité passe à un niveau nettement supérieur, de l'ordre de 25%.. . Ne peut-on pas penser que l'extension de cette logique effrayante à un nombre immense d'entreprises est analogue à une prolifération de type cancérigène ? Quels sont les moyens pour lutter contre cette prolifération ? La réponse à cette question est redoutable, car ici, il n'y a pas de solutions miracles. Certes, il faudrait que les Etats-Unis acceptent de revenir sur leurs lois fiscales, mais il très probable que le lobby des grands investisseurs s'y opposerait de toute ses forces. D'autres pistes mériteraient d'être explorées. Indiquons-les rapidement. Tout d'abord, la consolidation des secteurs mutualistes, coopératifs et associatifs en les aidant à retrouver leurs principes fondamentaux de solidarité. Ensuite, la transformation des sociétés de capitaux actuelles en véritables firmes alternatives partenariales dont il faudrait élaborer les principes de gouvernance, d'attribution des droits de propriété et de répartition des résultats. Enfin, proposition en apparence iconoclaste, mais dont on peut assez facilement justifier le principe : la suppression des bourses actions. Celles-ci en effet ne sont plus depuis longtemps pourvoyeuses de capitaux nouveaux. Chronologie des principaux événements Année 2007 14–22 juin Selon des rumeurs, deux fonds alternatifs investis en titres adossés à des prêts hypothécaires de moindre qualité "subprime", gérés par Bear Stearns, auraient subi de lourdes pertes et $3,8milliards d’obligations seraient mises en vente pour financer des appels de marge. Il est confirmé par la suite que l’un des fonds est maintenu grâce à l’injection de capitaux, le second devant, en revanche, être liquidé. 10–12 juillet S&P met sous surveillance négative $7,3milliards d’ABS série 2006 garantis par des prêts au logement et met sous surveillance des opérations de CDO exposées à ce type de sûreté; Moody’s déclasse $5milliards d’obligations adossées à des hypothèques supprime et place 184tranches de CDO adossés à des hypothèques sous surveillance en vue d’un possible déclassement. Fitch met sous surveillance négative 33classes de 19CDO structurés. 30 juillet–1er août En Allemagne, la banque IKB annonce des pertes liées aux "supprime" et révèle s’être tournée vers son principal actionnaire, Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW), pour s’acquitter de ses engagements financiers dans le cadre de lignes de crédit liées à une structure d’émission de papier commercial adossé à des actifs (ABCP) exposée aux "subprime". Un fonds de secours de !3,5milliards est constitué par KfW et un groupe de banques des secteurs public et privé. 31 juillet–9 août American Home Mortgage Investment Corp. annonce son incapacité à financer ses obligations de prêt puis demande, une semaine plus tard, à bénéficier du chapitre11 de la loi sur les faillites. Union Investment, un gestionnaire de fonds allemand, interrompt les retraits de l’un de ses fonds . Trois programmes ABCP, dont un lié à American Home, allongent l’échéance de leurs emprunts, fait sans précédent. BNP Paribas gèle les rachats sur trois fonds de placement, invoquant une incapacité à procéder à une évaluation appropriée des actifs en raison du contexte. 9–10 août La BCE injecte !95milliards de liquidités sur le marché interbancaire, marquant le début d’une série d’interventions exceptionnelles des banques centrales. La Réserve fédérale procède à trois appels d’offres exceptionnels de fonds au jour le jour pour un total de $38milliards et publie un communiqué ! #&! comparable à celui de la BCE. 13–17 septembre Northern Rock, banque britannique spécialisée dans le crédit immobilier, connaît des problèmes de liquidité qui provoquent une fuite des épargnants et l’annonce de l’instauration, par le gouvernement britannique, d’une garantie des dépôts. 18 septembre– De grands établissements financiers font état de dépréciations successives et de pertes 4 novembre trimestrielles. Plusieurs dirigeants d’établissement quittent leur poste dans le cadre d’une réorganisation de la haute direction. 11–23 octobre Moody’s déclasse quelque 2500titres subprime émis en 2006, suivi par S&P. S&P met en outre sous surveillance négative 590CDO et déclasse 145tranches de CDO représentant un total de $3,7milliards ; la même semaine, Moody’s baisse la note de 117tranches de CDO, Fitch place quelque $37milliards de CDO sous revue. 24 octobre– Plusieurs organismes de garantie financière déclarent des pertes au troisième 5 novembre trimestre; Fitch annonce son intention de revoir à la baisse la note AAA de certains rehausseurs de crédit. 12 décembre Les banques centrales de cinq zones monétaires annoncent une action concertée destinée à fournir à de nombreux établissements financiers les liquidités nécessaires pour passer le changement d’année. 19 décembre L’organisme de garantie financière ACA est déclassé de A à CCC par S&P, ce qui provoque des appels de garantie de la part de ses contreparties, avec lesquelles plusieurs périodes de report sont négociées au cours des mois suivants. S&P fait passer de «stable» à «négative» la perspective d’autres rehausseurs de crédit. Suggère que les marchés ont accordé davantage d’importance aux risques d’une augmentation soudaine des taux de défaut. La stabilité relative des primes implicites dans les contrats à terme pour les échéances plus lointaines montré, pour sa part, que ce risque supplémentaire était en grande partie anticipé sur le court terme (graphique VI.1, cadres du milieu et de droite). Dans le même temps, à leurs sommets de mars 2008, les primes CDS à haut Année 2008 2–4 janvier La faiblesse de l’indice d’achat PMI et du marché de l’emploi révèle un ralentissement marqué de l’économie américaine et suscite des craintes quant à la croissance mondiale. 14–31 janvier La BCE, la Banque nationale suisse et la Réserve fédérale procèdent à de nouvelles opérations de financement à long terme en dollars . 15 janvier Citigroup annonce des pertes au quatrième trimestre, du fait, en partie, de nouvelles dépréciations à hauteur de $18milliards sur des positions liées à des titres hypothécaires. D’autres établissements financiers communiquent par la suite des informations similaires. 18–31 janvier Fitch rabaisse de deux crans (de AAA à AA) la note du rehausseur de crédit Ambac, avant de ramener les rehausseurs SCA et FGIC à respectivement A et AA. Quelque 290000 émissions assorties d’une garantie financière, essentiellement des obligations de collectivités territoriales, sont alors déclassées. Plus tard, S&P rabaisse FGIC à AA. Au cours des semaines suivantes, les trois grandes agences de notation interviennent de nouveau sur la note des rehausseurs de crédit. 21–30 janvier Dans un contexte de faiblesse généralisée des marchés des actions et de la dette, la Réserve fédérale abaisse de 75pb son taux directeur hors réunion du comité de politique monétaire. Elle procède à une réduction supplémentaire de 50pb la semaine suivante. 24 janvier La Société Générale découvre la fraude d’un trader qui fait perdre 4, milliards d’euros à la banque 17 février Nothern Rock est nationalisé 28 février– Peloton Partners annonce la liquidation d’un fonds ABS de $2 milliards 7 mars Le fonds d’obligations hypothécaires de Carlyle Group s'avère incapable de répondre aux appels de ! #'! marge, ce qui entraîne la suspension de sa cotation sous la pression des investisseurs requérant la vente de certains avoirs. Les tensions se propagent sur les marchés des emprunts d’État européens, avec une forte différenciation de liquidité entre émetteurs et segments de marché. 7–16 mars La Réserve fédérale annonce une hausse de $40 milliards des montants alloués à son nouveau dispositif d’adjudication (Term Auction Facility). Quelques jours plus tard, elle étend son activité de prêt de titres par une facilité à terme (Term Securities Lending Facility) de $200 milliards grâce à laquelle il est possible d’emprunter des titres du Trésor contre un large éventail d’actifs éligibles. Plus tard dans la semaine, elle annonce une nouvelle facilité de crédit aux intermédiaires spécialisés (Primary Dealer Credit Facility), qui octroie des prêts comparables à l’escompte. Certaines banques centrales annoncent d’autres initiatives, parmi lesquelles de nouvelles adjudications de crédits en dollars. 14–17 mars Bear Stearns, dans l’incapacité de reconduire des pensions, est à court de liquidités. Elle obtient un emprunt d’urgence au guichet de l’escompte avant d’être rachetée par JPMorgan. 2 mai La BCE, la Banque nationale suisse et la Réserve fédérale annoncent une nouvelle extension des opérations d’apports de liquidité en dollars. Juillet Le cœur du système immobilier américain est atteint avec les deux mastodontes de la titrisation hypothécaire, Fannie Mae et Freddie Mac qui sont nationalisés début septembre . 31 août Allianz vend Dresdner bank à Commerzbank 7 septembre Plan de sauvetage de 200 milliards de dollars pour Fannie Mae et Freddie Mac 15 septembre Faillite de Lehman Brothers et rachat de Merill Lynch par Bank of America 17 septembre Nationalisation de AIG (premier assureur mondial) Llyods TSB achète HBOS pour 30 milliards de livre 22 septembre Goldman Sachs et Morgan Stanley deviennent des banques commerciales 29 septembre Les trois Etats du Bénélux injectent 11,2 milliards d’euros pour prendre 49% de Fortis 30 septembre 6,4 milliards d’euros sont injectés dans Dexia par la France et la Belgique, mais aussi par trois régions belges ainsi que de grands actionnaires 5 octobre BNP Paribas annonce la reprise de Fortis hors Pays Bas pour 14,5 milliards d’euros 8 octobre Nationalisation partielle de RBS, Llyods TSB et HBOS 15 novembre Réunion du G20 à Washington. 11 décembre Bernard Madoff est arrêté pour avoir monté une fraude estimée à 50 milliards de dollars 12 décembre La justice belge bloque la vente de Fortis à BNP Paribas en suivant l’action de petits porteurs 16 décembre La Fed baisse son taux directeur à 0,25% Terminologie de la titrisation L’avantage supposé d’une opération de titrisation est de permettre au détenteur des créances sous-jacentes de refinancer celles-ci. On va donc trouver des actifs typiquement illiquides, par exemple des créances sur des particuliers, impossibles à céder directement car chacune est spécifique et nécessite un traitement administratif. On va chercher aussi des créances de petits montants, comme des crédits à la consommation, dont chacune individuellement génère de faibles revenus (à l’échelle d’un investisseur institutionnel en tous cas !) mais qui mises toutes ensemble constituent un panier global d’une valeur suffisante. Un des premiers usages de la titrisation est donc de créer un actif négociable, et donc un marché, à partir d’actifs qui ne le sont pas. Au début du processus de la titrisation, une compagnie (« originateur ») décide de vendre un certain groupe de ces titres. Ce groupe d'actifs est mis en commun et vendu à une entité légale externe -- véhicule ad hoc dédié (SPV : Special Purpose Vehicle). Cette entité (SPV) émet des titres qui, après évaluation par ! #(! une agence de notation, seront placés auprès d'investisseurs. Mais la terminologie liée aux opérations de titrisation est multiple. Il se peut d’ailleurs qu’étant donné le tarissement actuel des opérations de titrisation, certains de ces termes tombent rapidement dans l’oubli. Tout d’abord le terme ABS (AssetBacked Securities) lui-même est porteur d’une certaine ambiguïté : par commodité, il est utilisé pour désigner l’ensemble des titres issus des titrisations, puisque après tout c’est bien ce que le nom veut dire. Mais c’est un faux ami . En fait on devrait utiliser le terme d’ABS pour tout ce qui n’est pas rattaché aux créances hypothécaires, ce qui donne deux catégories (entre parenthèses la nature des actifs sous-jacents) pour les titres à moyen-long terme, auxquelles s’ajoute une troisième catégorie, celle des titres à court terme : 1 - MBS : Mortgage Backed Securities, titrisation de créances hypothécaires, dont : *RMBS : Residential Mortgage Backed Securities (crédits hypothécaires aux ménages) *CMBS : Commercial Mortgage Backed Securities (crédits hypothécaires aux entreprises) 2 - ABS : titrisation de tout autre type d’actifs. * CBO : Collateralized Bond Obligation (obligations) * CLO : Collateralized Loan Obligation (prêts bancaires) * CDO : Collateralized Debt Obligation (actifs divers, généralement non hypothécaires) ; la particularité des CDO est d’être structurés en « tranches » de niveau de risques croissant. 3 - ABCP : Asset-Backed Commercial Paper : titres à court terme garantis par des créances commerciales L’entité initialement détentrice des créances (l’originateur) commence par vendre celles-ci à une entité juridique spécialement créée pour protéger les investisseurs finaux du risque face à l’émetteur des créances, le SPV (Special Purpose Vehicle), aussi appelé « conduit ». Selon les cas, le SPV revend ensuite le pool de créances à un « trust » qui émet les titres (le trust est en fait utilisé pour plusieurs opérations de titrisation et chapeaute donc plusieurs SPV), soit émet directement les titres. Le SPV est plus une enveloppe juridique qu’un élément réellement actif dans l’opération. Le rôle déterminant est joué par l’arrangeur, généralement une banque, qui va mettre en place l’opération, évaluer le pool de créances et la façon dont celui-ci sera alimenté, les caractéristiques des titres à émettre, la structuration éventuelle du fonds. La structuration a pour objectif de modeler les caractéristiques des titres en fonction des besoins des investisseurs finaux : au lieu de se contenter de leur reverser les revenus générés par les créances, on va définir à l’avance les règles d’amortissement du titre. Certains ABS sont dits « rechargeables » c’est-à-dire que le pool de créances peut être réalimenté en cours de vie du titre. Cela permet de refinancer par des obligations à long terme des créances (comme les encours de carte de crédit) à court terme. Enfin l’arrangeur joue un rôle important dans le placement des titres auprès des investisseurs finaux (la distribution). Bien souvent les titres ne sont pas émis sur un marché négociable mais placés de gré à gré auprès de quelques investisseurs. L’ensemble : originateur – SPV – arrangeur constitue le modèle « originate to distribute » (OTD) qui a connu un succès considérable au cours des dernières années . Il y a une distinction importante à faire entre les montages « classiques » de titrisation, où les créances sont effectivement cédées au SPV (« true sale »), et les titrisations dites « synthétiques », où l’originateur reste propriétaire des créances mais n’en cède que les risques au SPV, via un dérivé de crédit. Cette opération ne rapporte pas de liquidité au cédant mais lui permet d’externaliser les ! #)! risques liés à la détention des actifs titrisés. Tous les ABS sont des titres de nature « obligataire » donc représentatifs d’une créance, à durée de vie limitée et distribuant des revenus calculés suivant des règles connues à l’avance (mais pas nécessairement garantis pour autant !). Au-delà de cela, toutes sortes de profils de calcul des coupons et des remboursements sont possibles. L’unique source de revenu du SPV, qu’il va pouvoir redistribuer aux investisseurs, réside dans les revenus générés par les créances sous-jacentes : ceux-ci sont de deux natures, des paiements d’intérêt d’une part, des remboursements de capital d’autre part. On va donc assez naturellement affecter les collectes en intérêts au paiement des intérêts sur les titres émis, et les collectes en capital au remboursement des titres. Historique de la titrisation La titrisation des actifs a débuté aux États-Unis dans les années 1970. Auparavant, les banques prêtaient à des clients et conservaient les portefeuilles de prêts jusqu'à l'échéance, en les finançant par les dépôts de leurs clients. L'envolée du crédit après la seconde guerre mondiale contraint les banques à trouver de nouvelles ressources, en particulier avec des débuts de titrisation, d'abord appliqués aux prêts immobiliers puis de plus en plus élargis à d'autres produits. En février 1970, le département américain au logement et au développement urbain effectue la première véritable titrisation sur des prêts immobiliers. Le marché se développa par l'ajout d'améliorations successives comme l'utilisation de Fonds commun de créance connu sous le nom de « Special Purpose Vehicle » (SPV) qui sont montés pour assurer une dé corrélation de risque entre les risques portés par les titres issus de l'opération de titrisation et vendus aux investisseurs et les risques portés par l'établissement cédant les actifs sous-jacents de l'opération de titrisation. Cela a permis en 1985 la titrisation pour la première fois d'un actif autre qu'un portefeuille de crédits immobilières, des crédits pour l'achat de voiture en l'occurrence. L'opération de 1985 était une titrisation d'un montant de 60 millions de dollars effectuée par le Marine Midland Bank. En 1986, eut lieu la première titrisation d'un portefeuille de crédits de cartes bancaires, pour un montant de 50 millions de dollars . En 1987, dans le cad