Le risque en anesthésie 285
de marge de manœuvre pour les opérateurs, cet enchaînement conduit à la catastrophe,
comme à Tchernobyl [8]. Pour limiter les conséquences des défaillances, le système
comporte des défenses, conçues comme des barrières matérielles (par exemple contrôle
d’accès) ou non (par exemple procédures) disposées en série dans le déroulement du
processus. L’accident ne peut survenir que si plusieurs défenses sont successivement
mises en défaut, du fait de défaillances dans l’organisation ou le travail humain liées à
une mauvaise observance des règles ou des procédures. Ces mises en défaut font souvent
suite à des glissements progressifs des pratiques aboutissant à la « déviance normale »
qui a conduit à l’explosion de la navette Challenger [10]. Ces migrations de pratiques
surviennent rapidement, de façon rapidement irréversible.
L’analyse de ces défaillances conduit à des mesures correctives dont la description,
l’application et l’efcacité font l’objet d’un retour d’expérience. Celui-ci est conçu
comme un élément central de l’amélioration de la sécurité en permettant la valorisation
de l’expérience par la mutualisation des expériences de chacun. Il formalise la mémoire
de l’organisation et contribue à la culture de sécurité indispensable au traitement des
risques résiduels.
2.2. ANALYSE EN ANESTHÉSIE [3]
Le processus de l’anesthésie est bien codié, ce qui permet de lui appliquer assez
aisément une analyse systémique. Dans ce cadre, la dénition des défaillances système
a été précisée [11, 12, 13] pour faire la part de ce qui revient à des défaillances évitables
et ce qui relève de l’aléa thérapeutique. La confusion de ces deux catégories expose à
surévaluer les défaillances système jusqu’à 92 % des causes racine [13].
Moyennant ces ajustements, le modèle [11] identie 93 % des causes racines comme
relevant d’éléments organisationnels, techniques ou humains. Les 7 % restants relèvent de
l’état du patient. Ces chiffres soulignent la méconnaissance de nombreux facteurs favori-
sant la survenue d’accidents d’anesthésie par les analyses épidémiologiques classiques.
L’approche systémique permet de décrire le poids des facteurs en cause :
• 27 % des accidents comportent des facteurs techniques,
• 27 % des accidents comportent des facteurs organisationnels,
• 40 % des accidents comportent des facteurs humains.
Les défaillances humaines sont sous-estimées ici par rapport aux 70 % généralement
admis car, dans ce modèle, les défaillances liées à l’équipe sont intégrées aux défaillances
de l’organisation, constituant donc des défaillances système.
L’organisation nécessaire à la maîtrise du risque anesthésique repose sur :
• Une stratégie et des objectifs faisant de la sécurité une priorité managériale,
• Une structure qui associe :
- l’adéquation entre les compétences et les fonctions,
- la distribution des responsabilités,
- le transfert aux nouveaux arrivants d’informations spéciques au site,
- la qualité et la disponibilité des procédures de travail,
- la supervision des tâches à risque.
• Une culture de sécurité qui associe :
- des normes et des règles pour faire face aux risques,
- des comportements collectifs de sécurité,
- une réexivité collective sur les pratiques de sécurité.
La réexivité sur les pratiques est renforcée par la mise en place d’un retour d’ex-
périence.