V° PARTIE : L`ACTUALITE DE COURNOT Comment cerner

V° PARTIE: L'ACTUALITE DE COURNOT
Comment cerner la pensée pédagogique de Cournot à
travers son oeuvre philosophique, économique et historique ?
Comment établir la différence entre ce qu'il pense vraiment
et ce qu'il s'autorise à dire ou à écrire. Quel est le sens
de son discours, lorsque l'on sait qu'il utilise les référen-
ces culturelles sécurisantes et parfois artificielles,parce
que conventionnelles,du milieu universitaire conservateur ?
Existe-t-il chez lui une pensée pédagogique révolutionnaire
et expérimentale,notamment dans une perspective évolutive,ou
s'agit-il
d'une
série de réflexions telles qu'on les trouve
dans les études biographiques,les mémoires ou les souvenirs ?
Il apparait d'ailleurs important de remarquer que
c'est
dans ses Souvenirs que Cournot,sans doute plus libre de
l'expression de sa pensée, exprime ses positions politiques
et sa conception de l'éducation en relation avec les institu-
tions sociales. Prudent, en ce qui concerne l'impact que la
religion peut et/ou doit avoir sur la jeunesse en formation,
il n'hésite pas ici à prendre position plus nettement "l'on
est également forcé de reconnaître que l'infiltration d'un
esprit monacal ou clérical dans l'éducation de la jeunesse
doit à la longue produire un certain rapetissement des idées,
un certain amoindrissement dans la virilité du caractère na-
tional " (1).
(1) A.COURNOT : Souvenirs p: 183
Un exemple significatif concerne le baccalau-
réat,
déjà largement analysé et exploité dans les Institu-
tions :"
c'est
vers cette époque (1821) que l'on fit la
mal-
heureuse découverte que le but des études du collège est d'ob-
tenir un diplôme ; et une fois ce moyen trouvé de donner à
un phénomène intellectuel insaisissable une forme matériel-
le et sensible, le bon sens français s'empressa de tirer la
conséquence que le moyen le plus rapide, le plus économique,
le plusr d'obtenir le parchemin désiré est le moyen
pré-
férable et que tout ce qui, dans l'éducation des collèges,
ne "mène pas au baccalauréat ne mène à rien...On ne vit plus
dans le collège qu'une fabrique de bacheliers, pouvant être
(l'expérience le prouvait) avantageusement remplacée par
d'autres fabriques d'où les entrepreneurs élagueraient
habi-
lement tout ce qui ne conduisait pas au but. Le gouvernement
était assiégé de solliciteurs à l'entrée de toutes les car-
rières,
et pour en réduire le nombre, il exigea le baccalau-
réat là où la nature des choses ne l'exigeait pas, ce qui
t activer la fabrication artificielle" (1). Cournot s'atta-
que à la perversion du système, au niveau des familles et de
leur motivation, et à celui du gouvernement.
C'est
tout le
système éducatif qu'il problèmatise en soulevant la nécessi-
té de repenser les finalités et les moyens. Cela implique
une analyse de l'histoire de l'éducation,
c'est
à dire des
relations entre
l'Ecole
et le pouvoir politique, économique
et culturel.
(1) A.COURNOT : Souvenirs, p: 192-193
CHAPITRE I : COURNOT, HISTORIEN DE L'EDUCATION
L'originalité de sa philosophie,notamment en
ce qui concerne l'importance du hasard et sa conception de l'hi
toire,
reflète-t-elle une vision synthétique des différents sys
tèmes,
à la façon de Victor Cousin ? A-t-elle été influencée
par les travaux de A.Comte
mais,
alors,comment établir une
correspondance avec sa pensée pédagogique ?
A) SOCIOLOGIE ET PEDAGOGIE :
Cournot,en tant que mathématicien spécialisé dans
les probabilités, a tenté d'analyser l'harmonie pré-établie de
1'Univers.Ainsi, il établit une relation entre les disciplines
scientifiques et philosophiques.il étudie les faits et tente
de les catégoriser dans une optique déterministe " Cette
opti-
que se révèle aussi bien dans sa conception de l'histoire que
de la philosophie.Dans une certaine mesure,1'avenir peut être
maîtrisé,tout au moins prévisible,mais le hasard peut interve-
nir et modifier le cours des événements.D'où sa réserve en ce
qui concerne l'avenir de nos institutions pédagogiques. Le
pas-
sé éclaire le présent mais dans quelle mesure intervient-il
également dans l'avenir ? " H.Barreau souligne cet aspect
dans son article sur la conception du temps chez Cournot. Le
hasard n'est-il pas synonyme d'intervention divine ? Il fau-
drait y voir alors une pensée mystique.
C'est
ce que pensait
R.Aron dans l'introduction à la philosophie de l'histoire :
"le réalisme du hasard peut dissimuler le sens
d'une
interven-
tion providentielle. Il n'est pas possible au philosophe de
se mettre à la place de Dieu, ni même de s'instituer en
pro-
phète,
mais il ne lui est pas possible non plus de prétendre
que
l'appel
à une Cause première soit sans valeur" (1). Pour
R. Aron : "la philosophie de l'histoire consiste traditionnel-
lement à interpréter la "signification" du devenir, et cette
phrase doit être prise dans son acceptation banale. L'évolu-
tion a pour signification soit le développement de la liber-
,
soit le progrès de la science, soit l'accroissement de
l'altruisme et la réalisation de la cité positive. Nous som-
mes donc amenés,chaque fois qu'il est question de philoso-
phie de l'histoire, à parler du "sens du devenir" ou du "sens
de l'évolution" (cette expression est d'ailleurs obscure :
s'agit-il
de valeur, de but, ou bien de fait général) ? (2).
A. Devaux pense que "Tout se passe comme si le monde avait été
construit de telle sorte qu'il puisse apparaître à l'intelli-
gence humaine, qui lui est mystérieusement, mais irrécusable-
ment accordé comme "la manifestation cosmique de la pensée
divine"...
C'est
pourquoi la croyance doit normalement venir
au secours de la connaissance et le probable prolonger le
certain. Pourtant, Cournot laisse à chacun la responsabili-
té de son interprétation personnelle,ses "rencontres" dont
fourmillent l'histoire du monde et de l'histoire des hommes"(3)
(1) R. ARON : Note de BARREAU à l'Introduction à la philosophie
de l'histoire (p : 184)
(2) R. ARON : La philosophie critique de l'histoire note H (p : 302)
(3) A. COURNOT : Nature, fonction et avenir de la croyance religieuE
dans Etudes... (p : 207)
Mais comment expliguer l'attachement de Cournot
aux détails, au détriment de la philosophie générale contenue
dans les systèmes pédagogiques.Il ne propose d'ailleurs pas
explicitement une pédagogie particulière. Tout au plus pou-
vons-nous l'envisager à travers ses explications et ses
cri-
tiques des systèmes éducatifs à travers l'histoire. Seule sa
conception de 1'évolutionnisme historique se situe en rela-
tion avec une théorie globale des progrès de l'humanité.
Mais,
à la différence de Hegel dans sa philosophie de l'histoire,
l'avenir, pour lui, n'apparaît pas nécessairement positif. On
remarque que nombreux sont, au XIX° siècle, les ouvrages qui
traitent de l'histoire de l'enseignement ou qui se proposent
d'analyser, en particulier, certaines disciplines
scolaires(1):
(1) Par exemple,parmi les ouvrages sur l'histoire :
SAINT REAL : De l'enseignement de l'histoire (1842)
-Sur la philosophie :
C.BERNARD : L'enseignement actuel de la philosophie dans les
lycées et collèges (1862)
SAISSET : Critique et histoire de la philosophie (1865)
-Sur les langues :
SAVOYE : Considérations sur
l'état
de l'enseignement des lan-
gues vivantes dans les collèges de France (1846)
-Sur la religion :
J.SIMON : la religion naturelle -(1856)
MATTER : Histoire de la philosophie dans ses rapports avec
la religion depuis
l'ère
chrétienne (1854)
-Sur l'Université
J.SIMON : De l'université (1850)
-Sur l'enseignement secondaire :
A.RENDU : De 1'instruction .secondaire (1842)
-Sur la liberté d'enseignement :
Mgr.DUPANLOUP : De la liberté d'enseignement (1844)
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