LE KERATOCONE
Qu’est ce que le kératocône ?
Une déformation évolutive de la cornée responsable d’une myopie
et d’un astigmatisme irrégulier
Le kératocône est une maladie déformante de la cornée qui perd
progressivement sa forme normalement sphérique (en ballon de football) pour
prendre localement la forme d’un cône de plus en plus cambré («pointe » du ballon
de rugby).
Cette déformation progressive, non inflammatoire, entraîne une myopie et un
astigmatisme. L’évolution peut se faire vers l’apparition d’un astigmatisme irrégulier
pouvant s’accompagner d’une baisse de la fonction visuelle sur 20 ou 30 ans.
Tant que l’astigmatisme est régulier, ceci nécessite une simple correction
optique par verres de lunettes.
Lorsque l’astigmatisme devient irrégulier, parfois au bout de plusieurs années,
et en cas de correction insuffisante par lunettes, des lentilles de contact peuvent
devenir nécessaires. Il s’agit alors de lentilles spécifiquement adaptées par un
spécialiste. Plutôt que les lentilles souples hydrophiles, qui ne peuvent corriger la
déformation de cornée, on peut utiliser des lentilles rigides, composites (souple et
dures type « Janus ») ou superposées (une lentille rigide sur une lentille souple) en
adaptation « piggy back ».
Beaucoup plus rarement, l’intolérance progressive aux lentilles de contact du
fait d’une déformation extrême, requiert la réalisation d’une chirurgie de la cornée,
laser excimer thérapeutique, anneau intra-cornéen, photopolymérisation à la
riboflavine / UVA ou plus tardivement, greffe de la cornée, lamellaire profonde
prédescemetique ou perforante.
Une affection très fréquente,
La prévalence (nombre de cas dans la population) varie de selon les étude 50
à 230/100 000 habitants. Cependant, des chiffres extrêmes ont été publiés, allant de
4/100 000 voire à 600/100 000.1-9
Le chiffre le plus fréquemment retenu est de 1/2 000 (0.05%) en France avec
une prévalence allant jusqu'à 11 % chez les myopes candidats à la chirurgie
réfractive.
Environ 50% des apparentés au premier degré des sujets porteurs d’un
kératocône présentent des anomalies de la topographie cornéenne.
Ces discordances peuvent être expliquées par
- La variation de l'incidence selon les pays (fréquent au Japon)
- Par la différence des critères diagnostiques du kératocône selon les auteurs.
- Par la différence de sensibilité des tests de dépistage
Nous avons étudié par topographie cornéenne de courbure
(vidéokératoscopie) la prévalence du kératocône chez les appelés du contingent
âgés de 18 à 22 ans. Nous avons retrouvé selon des critères classique (index de
Maeda-Klyce) une prévalence de 1.19% sur un groupe de 690 sujets (Assouline,
Santiago et coll).
Cette affection peut être latente de nombreuses années. La majorité des cas
sont détectés chez l’adulte jeune (82% avant l’âge de 40 ans).
Une des principales causes de greffe de la cornée
Le kératocône est une affection fréquente, bénigne dans la grande majorité
des cas, mais qui représente l’une des premières causes de greffe de la cornée en
France, en Europe et aux Etats-Unis (entre 20 et 40% des greffes de cornée).
La probabilité d’avoir à subir une greffe de cornée en cas de kératocône peu
évolué diagnostiqué à l’âge adulte est cependant extrêmement faible.
Le kératocône : une maladie rarement invalidante et
exceptionnellement responsable de cécité
Une étude de l’impact du kératocône détecté après incorporation sur la
carrière des aviateurs de l’armée américaine a montré que cette affection avait une
faible probabilité d’induire un handicap visuel significatif, de nature à affecter le
déroulement des activités professionnelles de ces sujets.
L’évolution rapide et invalidante du kératocône est plus fréquente si
- le début est précoce (avec la fin de la puberté)
- il existe une forte asymétrie entre les deux yeux
- l’évolution est initialement rapide
- il existe un facteur allergique
- il existe un facteur microtraumatique
Le kératocône ne peut, en principe, aboutir spontanément à la perforation de
la cornée et n’est pas considéré comme une affection comportant un risque
classique de cécité.
Cependant, les complications potentielles de son évolution peuvent aboutir
dans des circonstances exceptionnelles à une perte significative de la vision. On
peut en particulier citer parmi ces complications graves :
- l’infection sévère de la cornée sous lentille de contact
- le décollement de rétine (comme chez tous les myopes),
- les complications opératoires sévères lors de la greffe de cornée
- le rejet définitif de la greffe de cornée
- les conséquences d’une contusion oculaire sévère sur greffe de cornée
La prise en charge du kératocône doit de ce fait être confiée à des praticiens
très spécialisés et compétents.
La cause du kératocône demeure inconnue
Cette affection est probablement d’origine génétique, mais la nature assez
complexe de son mécanisme n’a pas été élucidée.
Il n’est pas actuellement établi si le kératocône est une «dystrophie »
(synthèse de matériel anormal par le tissu cornéen) ou une «dégénérescence »
(vieillissement anormal du tissu cornéen)
Cinq facteurs sont couramment cités et étudiés par de nombreuses équipes de
recherche:
- le caractère génétique (hérédité, anomalies chromosomiques),
- l’allergie générale ou oculaire (maladie atopique, kérato-conjonctivite printanière)
- les microtraumatismes mécaniques
- les anomalies du tissu cornéen
- l’amincissement cornéen (chirurgie de la myopie par Lasik)
Aspects génétiques
Le rôle de l'hérédité a été suggéré par l'observation de nombreux cas
familiaux, représentant 6 % à 50% des cas selon la méthode de diagnostic utilisée.
7, 8, 24-63
Néanmoins, il est difficile devant une atteinte familiale de faire la part entre
l'hérédité et l'action de facteurs de risques communs sur les membres d'une même
famille.
Certaines anomalies chromosomiques comme la trisomie 21 (mongolisme)
sont associée plus fréquemment au kératocône. Environ 5 à 15 % des sujets
trisomiques 21 présentent un kératocône.
Le mode de transmission autosomique dominant à pénétrance variable parait
actuellement le plus probable. La pénétrance serait de 20 % selon HAMMERSTEIN,
d'après une étude portant sur 56 familles soit 236 patients.
En s'appuyant sur ces données on évalue le risque d'atteinte pour la
descendance à moins de 10 % lorsque l'un des deux parents est porteur d'un
kératocône.
Les études récentes d’analyse de liaison génétique ont suggéré l’implication
des chromosomes 21, 16, 17 et 18.
Aucun gène responsable n’a pu être identifié pour l’instant. Plusieurs gènes
différents pourraient être impliqués dans l’apparition du kératocône dans des familles
différentes.
Rôle de l’allergie
L'allergie (maladie atopique) est observée dans 7 % des cas de kératocône,
une incidence bien supérieure à celle retrouvée dans la population générale.
Facteurs mécaniques
Il repose sur la fréquence qui semble accrue de façon significative du
kératocône dans les cas où la cornée subirait des agressions mécaniques.
Frottement oculaire
Les antécédents de frottement oculaire sont fréquemment signalés dans la littérature
avec une prévalence évaluée entre 66 et 73 %.
Une étude montre que la déformation de la cornée est plus accentuée du côté de la
main dominante...
Floppy eyelid syndrome
Ce syndrome d'éversion palpébrale se voit chez les patients obèses dormant
sur le ventre. Il s'agit d'une hyperlaxité tarsale de la paupière supérieure qui est
éversée et recouverte de papilles conjonctivales. Le kératocône peut se développer
chez ces patients.
Mesure de la pression intraoculaire
Dans le kératocône, la résistance mécanique de la cornée est moindre, ce qui
peut fausser la mesure de la pression intraoculaire et le dépistage du glaucome. En
particulier, la mesure de la pression par tonometrie à air pulsé est plus basse que la
mesure par applanation Goldman si la cornée est plus fine. 139
Anomalies du tissu cornéen
Histopathologie
Les modifications de la structure de la cornée observées à l’échelon
microscopique ou ultrastructural sont bien identifiées. 10-23 Le principal problème
posé par l’histopathologie du kératocône est qu’il est actuellement impossible de
déterminer si les modifications observées à un stade tardif (plicatures en « z » ou
rupture de la couche de Bowman, notamment sont primitives (à l’origine de la
maladie) ou secondaires à la déformation de la cornée
Biochimie
De même que pour l’histopathologie, il est actuellement impossible de
déterminer si les modifications biochimique observées à un stade tardif dans les
cornées de kératocônes avancés prélevées à l’occasion de la greffe sont primitives
(à l’origine de la maladie) ou secondaires à la déformation de la cornée, à la
cicatrisation ou à l’inflammation oculaire d’origine allergique.
Le kératocône serait plus fréquemment rencontré au cours de certaines
maladies du tissu conjonctif. Une anomalie du métabolisme tissu cornéen
(collagène ou protéoglycanes) est peut-être en cause.
Associations pathologiques
Plus de 70 affections ont été liée au kératocône, parmi lesquelles :
- l’allergie
- l’amaurose congénitale de Leber
- la maladie de Marfan
- le prolapsus de la valve mitrale
- le syndrome d’Ehlers-Danlos
Comment faire le diagnostic du kératocône ?
Le diagnostic est facile à un stade avancé
Circonstances habituelles de découverte
L’astigmatisme irrégulier évolutif est la principale circonstance de découverte
du kératocône. L'astigmatisme myopique irrégulier peut être détecté par
l’ophtalmologiste au moyen de différentes méthodes.
En particulier, l’apparition, la modification, ou l’asymétrie de la myopie ou de
l’astigmatisme après l’âge normal de stabilisation (fin de la croissance du globe
oculaire soit 18 à 35 ans selon le sexe et le degré de myopie) en l’absence de
modification significative de la longueur axiale de l’oeil mesurée sur l’échographie
sont très évocatrices.
Critères cliniques
Les méthodes classiques, moins performantes, suffisent pour les cas
avancés.
La rétinoscopie consiste à observer le reflet de la lumière projetée sur le fond
d’œil au travers de la pupille. On remarque dans le kératocône une distorsion du
reflet rouge du fond d'œil, pouvant donner naissance à un effet de ciseau : le reflet
lumineux, au lieu d'être distribué de façon régulière, a un centre sombre qui le divise
en deux branches.
La kératométrie manuelle à l’ophtalmomètre de Javal-Helmoltz est de moins
en moins pratiquée. À un stade avancé, les mires sont inégales, elles ne sont pas
situées dans le même plan de la cornée, elles sont considérablement déformées et il
est pratiquement impossible de mettre leurs axes dans le prolongement l'un de
l'autre.
L'examen opthalmologique détecte des signes caractéristiques
L’examen à l’œil nu de la cornée montre 2 signes typiques dans les cas très évolués
- signe de Munson : dans le regard vers le bas le cône déforme la marge de la
paupière inférieure
- signe de Rizzutti : lorsque l’on éclaire latéralement la cornée, la focalisation de
la lumière se projette sur la surface de la cornée et non pas au delà du limbe scléro-
cornéen comme dans une cornée normale.
L’examen de la cornée au biomicroscope (lampe à fente) permet d’observer les
signes typiques des formes évoluées :
- Les stries cornéennes de Vogt sont profondément situées dans le stroma cornéen
postérieur, juste en avant de la membrane de Descemet. Ce sont des lignes de
contrainte, verticales, obliques, fines, qui disparaissent lorsque l'on exerce une
pression externe sur le globe. Elles sont généralement alignées le long du méridien
de plus grande courbure.
- Les lignes cicatricielles superficielles intéressent le stroma antérieur au sommet du
cône. Elles ont souvent un aspect réticulaire au début. Elles résultent d’une
métaplasie fibreuse (migration de cellules kératocytaires fibroblastiques au travers
des ruptures de la couche de Bomwan)
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