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RENCONTRES FINANCIÈRES DES DÉCIDEURS DE LA SANTÉ
Le 7 avril 2011
Perspectives économiques et financières
Émile GAGNA
Économiste, Dexia Asset Management
Il nous a semblé important de commencer par un point sur la conjoncture économique et
financière, avant d’aborder des sujets qui vous sont probablement plus familiers.
Je voudrais faire un petit retour en arrière :
•
2008 a été l’année de l’éclatement de la crise. Dans le sillage de la faillite de
Lehmann Brothers, on a assisté à une paralysie des marchés financiers qui a entraîné
l’économie réelle en chute libre.
•
2009 a été l’année de la crise de l’économie réelle, avec la montée du taux de
chômage, la chute de l’activité, etc.
•
2010 est désormais terminée. Nous pouvons la qualifier, nous semble-t-il, d’année de
la reprise.
Comment dès lors qualifier 2011 ? Eh bien 2011 devrait être l’année de la confirmation. Bien
sûr, certains doutes persistent, mais nous pensons que la reprise engagée en 2010 devrait
se poursuivre en 2011.
Dans la suite de l’exposé, je vais plus particulièrement évoquer les économies développées :
les États-Unis, la zone euro et la France en particulier. Même si la reprise est bel et bien
engagée dans ces économies, elles sont désormais beaucoup plus vulnérables à tout choc.
Or, nous sommes dans un environnement assez instable. Récemment, deux chocs ont
retenu notre attention.
Le tremblement de terre au Japon
Le premier choc est le tremblement de terre qui est survenu au Japon, dans la région de
Tôhoku. Avant d’évaluer les conséquences de cette catastrophe naturelle, il est important de
souligner que nous nous plaçons dans le cadre où une catastrophe nucléaire de plus grande
ampleur est évitée. Il s’agit d’un grand « SI », il faut en avoir conscience.
Rencontres financières des décideurs de la santé – le 7 avril 2011
Selon nous, la première manière dont ce tremblement de terre a affecté l’économie
japonaise, c’est par une destruction de richesses : stock du capital productif (usines, routes,
infrastructures) et richesses immobilières (maisons et villes submergées). Les premières
estimations – fournies par le gouvernement japonais – tournent autour de 200 à
300 milliards de dollars de dégâts. Pour fixer les idées, cela représente quatre fois les dégâts
occasionnés par l’ouragan Katrina aux États-Unis en 2005.
Au-delà des destructions de richesses occasionnées, il est important d’appréhender les
conséquences en termes d’activité, c’est-à-dire de flux et non plus de stock. De ce point de
vue, il nous semble que les conséquences ne se cantonneront pas à la seule région
directement affectée (environ 5 % de l’économie japonaise), mais s’étendront à l’ensemble
du territoire. Elles devraient néanmoins être plutôt temporaires. Nous pensons qu’à l’horizon
de plusieurs mois, nous devrions revenir vers les niveaux de production industrielle qui
prévalaient avant le tremblement de terre – en tout cas dans la partie du Japon qui n’a pas
été directement touchée par le tremblement de terre.
Enfin, un dernier effet jouera favorablement sur l’activité : l’effort de reconstruction qui va
être engagé et porté par l’État japonais va amortir et compenser en partie la baisse de
l’activité liée au tremblement de terre. C’est un point assez important. Le gouvernement
japonais est déjà en train de penser à la reconstruction et de débloquer de l’argent pour
financer cet effort.
Les conséquences sur le reste du monde et plus particulièrement les économies développées
nous semblent devoir rester relativement minimes. En effet, moins de 5 % des exportations
des États-Unis et de la zone euro sont à destination du Japon.
À un niveau plus microéconomique ou sectoriel, des effets défavorables sévères pourront
néanmoins se faire sentir. Mais nous sortons ici du champ de l’analyse macroéconomique et
nous ne sommes pas les mieux outillés pour donner des éléments très précis à ce sujet. Il
est toutefois très probable que des ruptures dans la chaîne de production surviennent et
donnent lieu à d’importantes difficultés de production dans certains secteurs.
La dernière conséquence que nous voulions souligner concerne les finances publiques
japonaises. Vous n’ignorez pas que l’État est très fortement endetté. La dette publique
avoisine les 200 % du PIB (contre 90 % en France). Nous ne doutons pas qu’à court terme,
les Japonais aient les moyens de financer l’effort de reconstruction en levant éventuellement
des fonds sur les marchés financiers. Toutefois, les conséquences de ce tremblement de
terre sont claires : déjà fragiles, les finances publiques japonaises sont désormais encore
plus vulnérables qu’elles ne l’étaient avant la crise.
Le tremblement de terre du Japon est le premier choc sur lequel nous avons voulu attirer
votre attention. Nous estimons que ses conséquences devraient être absorbables par
l’économie mondiale, c’est-à-dire sans occasionner de perte majeure d’activité au niveau
global.
La hausse du prix du pétrole
En revanche, le deuxième choc nous semble avoir des conséquences macroéconomiques
plus importantes. Il s’agit de la hausse du prix du pétrole. Alors qu’en fin d’année 2010, le
prix du baril de Brent était d’environ 90 dollars, il est désormais au-dessus des 120 dollars.
Très clairement, cette hausse du prix du pétrole va freiner les économies développées
comme les économies émergentes.
Pourtant, le niveau des stocks est aujourd’hui assez élevé : en 2010 en moyenne, les pays
de l’OCDE disposaient de 90 à 95 jours de demandes en stock, soit le plus haut depuis le
début des années 90.
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Rencontres financières des décideurs de la santé – le 7 avril 2011
En outre, les capacités de production disponibles de l’OPEP – les capacités qui ne sont pas
utilisées pour l’instant, mais qui sont rapidement mobilisables – sont également élevées (de
4 à 5 millions de barils par jour, un niveau pas atteint depuis le début des années 2000). En
soit, ce facteur devrait justifier un prix du pétrole aux alentours de 80-90 dollars aujourd’hui
qui monterait progressivement à 100 dollars puis 110 dollars, mais seulement
progressivement.
Dans ces conditions, comment expliquer la hausse récente du prix du pétrole ? Et bien tout
simplement par l’instabilité géopolitique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, notamment
en Lybie où la production de pétrole est aujourd’hui au plus bas. Or la Lybie produit
habituellement environ 2 millions de barils de pétrole par jour : le véritable niveau des
capacités excédentaires de l’OPEP est donc nettement inférieur à ce qu’il semble être de
prime abord.
La forte baisse de la production de pétrole en Lybie n’est en outre pas l’unique problème à
l’heure actuelle puisqu’elle peut être assez facilement compensée par les autres pays de
l’OPEP. Le véritable problème réside dans l’inquiétude qui porte sur l’ensemble de la région,
dont l’Arabie Saoudite qui est le second plus gros producteur de pétrole et qui dispose des
réserves les plus importantes. Si une certaine instabilité devait régner dans ce pays-là, alors
cela justifierait des niveaux de prix du pétrole nettement plus élevés qu’ils ne le sont à
l’heure actuelle. Ce n’est pas le scénario que nous envisageons, mais le simple fait que sa
probabilité ait augmenté explique largement la hausse récente du prix du pétrole.
La première conséquence, la plus évidente, est une hausse du prix de l’essence à la pompe.
Nous le constatons clairement aux États-Unis : le prix de l’essence à la pompe a augmenté
de 20 à 30 % sur la fin de période.
C’est également le cas dans les pays de la zone euro. En revanche, l’effet y est moins
important, même s’il n’est pas négligeable. En effet, la structure de taxation dans les pays
de la zone euro amortit en partie la hausse du prix du pétrole.
Pour résumer, la hausse du prix du pétrole va freiner l’économie mondiale et les économies
développées en particulier. Elle ne nous semble néanmoins pas de nature à remettre en
question la reprise dans ces dernières… du moins pour l’instant.
Perspectives économiques aux États-Unis
Aujourd’hui, la convalescence du marché immobilier américain est loin d’être terminée. En
effet, le taux d’incidents de paiement reste élevé et pas seulement sur les prêts subprimes,
mais sur l’ensemble des prêts immobiliers.
L’afflux de maisons sur le marché immobilier lié à ces nombreux défauts induit des pressions
à la baisse sur les prix. Alors qu’en janvier et en juin 2010, les prix de l’immobilier étaient
légèrement repartis en hausse – des politiques de soutien de la demande dans le secteur de
l’immobilier résidentiel avaient été alors mises en place – les prix de l’immobilier sont
aujourd’hui en train de baisser à nouveau.
Nous pensons que cette baisse devrait se poursuivre, mais sur un rythme modéré. Ses effets
sont bien évidemment défavorables, mais ils ne devraient pas empêcher l’économie
américaine de poursuivre sa reprise.
En effet, depuis quelques trimestres, l’économie est clairement repartie sur un rythme de
croissance annuel autour de 3 %. Cette croissance n’est pas extraordinaire pour une reprise,
mais elle reste respectable.
Ce dynamisme a permis au marché du travail de s’améliorer un peu. Les créations d’emplois
dans le secteur privé progressent désormais au rythme d’environ 200 000 emplois par mois
et le taux de chômage a baissé de 10 % à 8,8 % en quelques mois. Le retour au plein
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emploi devrait prendre toutefois de longues années. En revanche, le simple fait que le taux
de chômage baisse à nouveau signifie que l’économie américaine est en train de se
rapprocher d’une trajectoire que l’on pourrait qualifier de croissance auto-entretenue, c’està-dire qui n’a pas de raison de s’essouffler par elle-même si elle ne subit pas de nouveau
choc.
Certes la hausse du prix du pétrole va freiner la consommation au premier semestre, mais si
le prix du pétrole se stabilise, cet effet va progressivement disparaître.
De plus, le plan de soutien décidé par l’Administration Obama à la fin de l’année 2010
représente une stimulation qui n’est pas du tout négligeable : la baisse de 2 % des
cotisations sociales pour les salariés en particulier a redonné un peu de revenu aux ménages
début 2011.
Pour conclure rapidement sur les États-Unis, la reprise est engagée. Après avoir prévu une
croissance du PIB supérieure à 3 % en 2011, la hausse récente du prix du pétrole nous a
amenés à revoir ces prévisions en baisse autour de 2,7 %. Pour nous, cette croissance est
suffisante pour faire baisser le taux de chômage et maintenir l’économie américaine sur un
sentier de croissance auto-entretenue.
Pour autant, l’économie américaine va être, au cours des prochaines années, confrontée au
rééquilibrage de ses finances publiques. En s’assurant contre un risque de rechute de
l’économie avec un nouveau plan budgétaire fin 2010, l’Administration Obama a reporté le
nécessaire rééquilibrage des finances publiques à plus tard. À ce jour, d’importantes
incertitudes subsistent quant à l’ampleur et à la date du début de ce rééquilibrage.
Par ailleurs, même si la baisse du taux de chômage est amorcée, la convalescence sera
longue. Nous pensons que trois ou quatre ans seront nécessaires avant de revenir au vers
6 %.
Dans ce contexte, la réserve fédérale a toutes chances de rester accommodante pendant
encore de longs mois. Par conséquent, les taux d’intérêt à long terme du trésor américain
devraient rester relativement bas pendant la plus grande partie de l’année 2011, en dessous
de 4 %.
Perspectives économiques dans la zone euro
Du côté de la zone euro, l’économie est également repartie. La particularité de la zone euro
réside dans la dispersion des situations entre pays : alors que certains sont en train de
rebondir (de manière plus ou moins marquée), d’autres – confrontés aux conséquences de
l’éclatement d’une bulle immobilière et/ou parce qu’ils ont entamé un rééquilibrage
important de leurs finances publiques – sont toujours en récession.
Toutefois, prise dans son ensemble, l’économie de la zone euro a rebondi. Au cours des
trimestres à venir, l’environnement extérieur devrait continuer d’être porteur.
Du côté de l’investissement, le choc a été violent et le niveau de l’investissement a
considérablement baissé. Il est en train de repartir. Là encore, les indicateurs avancés nous
disent que le taux de croissance de l’investissement en équipement dans la zone euro
devrait accélérer. Selon une enquête de l’INSEE, les industriels français prévoient une
hausse de 15 % de l’investissement en France en 2011.
Le marché du travail devrait également s’améliorer lentement. Les créations d’emploi sont
pour l’instant au point mort, mais les indicateurs avancés indiquent un redémarrage des
créations d’emplois ; ce qui, joint à l’amélioration de la confiance des ménages, devrait
soutenir la consommation en 2011.
L’incertitude principale pesant sur l’économie européenne concerne l’impact du rééquilibrage
des finances publiques sur la croissance. Dans le cas de la France par exemple, une
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réduction graduelle du déficit primaire de 5 points de PIB est nécessaire entre 2011 et 2015
pour stabiliser le ratio dette sur PIB en 2015.
Si l’effort annoncé dans le cadre du Pacte de Stabilité et de Convergence est bien d’environ
5 points de PIB, il n’est pas réparti sur cinq ans, mais seulement trois années. Ce trait est
commun à la plupart des pays de la zone : l’effort annoncé pour 2011 est nettement
supérieur à ce que supposerait un rééquilibrage graduel sur cinq ans des finances publiques.
En 2011, la croissance en sera donc d’autant plus freinée.
La mise en place du mécanisme permanent pour aider les États européens en difficulté après
2013 est une bonne nouvelle. En revanche, nous ne pensons pas que ce nouveau
mécanisme mette un terme à la crise de la dette souveraine. Il n’absout en effet pas les
pays en question de réaliser des efforts très conséquents pour rééquilibrer leurs finances
publiques… ce qui ne manquera pas de peser sur leur croissance.
Pour conclure, l’activité a redémarré dans la zone euro et n’a pas de raison de s’arrêter dans
les prochains mois. Le rééquilibrage des finances publiques va brider la croissance sans
toutefois pousser de nouveau la zone euro en récession. Au total en 2011, la croissance
serait proche de 2 %. L’économie française ne devrait, comme par le passé, pas s’écarter
beaucoup de la moyenne de la zone euro.
Dans ce contexte, la hausse très probable à venir des taux de la BCE ne doit pas se
comprendre comme un resserrement de la politique monétaire visant à freiner l’économie. Il
s’agit plutôt d’une normalisation de la politique de taux extrêmement bas menée au pire de
la crise. Par conséquent, cette normalisation devrait se poursuivre très graduellement en
2011 et les taux d’intérêt allemands à 10 ans devraient rester faibles, autour de 3,5 %.
Questions de la salle
J’ai une question sur le risque inflationniste qui a été abordé tout à fait à la fin de votre
exposé. Est-ce qu’il ne reflète pas la tentation des uns et des autres d’effacer leur dette à un
moment donné ?
Émile GAGNA
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Nous ne doutons pas du fait que ce soit une tentation. Mais dans la zone euro, la Banque
centrale européenne est indépendante et l’a montré à plusieurs reprises. Elle le prouvera
encore cet après-midi en montant les taux dans un environnement qui n’est pas très
favorable pour tous les pays de la zone euro. Nous avons peu d’inquiétudes à ce niveau.
Nous pensons que la BCE va rester assez fidèle à son engagement de délivrer une inflation
légèrement inférieure à 2 % d’une manière durable dans la zone euro.
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