RESUMES DES INTERVENTIONS
Jacqueline Carroy, historienne des sciences, EHESS/Centre Alexandre Koyré
Rêves exemplaires. Maury, Freud et Lacan
Ce parcours historique dessinera à grands traits, au prisme de deux rêves
exemplaires, l’un de Maury (voir ci-dessous), autrefois célèbre et actuellement
oublié, l’autre de Freud (l’injection faite à Irma, Interprétation du rêve, chap. II),
élevé au statut de « rêve des rêves » par Lacan en 1955, comment la
psychanalyse a accrédité en France de nouveaux modèles de récits oniriques. Il
invitera ainsi, plus généralement, à s’interroger sur l’exemplarité de certains rêves
au sein des savoirs et des cultures d’une époque.
Maury guillotiné
« J’étais un peu malade, et je me trouvais couché dans ma chambre, ayant ma mère à mon chevet. Je
rêve de la Terreur : j’assiste à des scènes de massacre, je comparais devant le tribunal révolutionnaire,
je vois Robespierre, Marat, Fouquier-Tinville, toutes les plus vilaines figures de cette époque terrible ;
je discute avec eux ; enfin, après bien des évènements, que je ne me rappelle qu’imparfaitement [et
dont je ne voudrais pas vous ennuyer, messieurs,] je suis jugé, condamné à mort, conduit en charrette,
au milieu d’un concours immense, sur la place de la Révolution ; je monte sur l’échafaud ; l’exécuteur
me lie sur la planche fatale, il la fait basculer, le couperet tombe, je sens ma tête se séparer de mon
tronc ; je m’éveille en proie à la plus vive angoisse, je me trouve sur le col [cou] la flèche de mon lit qui
s’était détachée et qui était tombée sur mes vertèbres cervicales à la façon du couteau de la guillotine.
Cela avait eu lieu à l’instant, ainsi que ma mère me le confirma, et cependant c’était cette sensation
externe que j’avais prise, comme dans le cas que j’ai cité plus haut, pour point de départ d’un rêve où
tant de faits s’étaient succédé. » (Maury Alfred, « Nouvelles observations sur les analogies des
phénomènes du rêve et de l’aliénation mentale. Mémoire lu à la Société médico-psychologique dans sa
séance du 25 octobre 1852 », Annales médico-psychologiques, I, 1853, p. 404-421 ; repris dans Le
sommeil et les rêves. Études psychologiques sur ces phénomènes et les divers états qui s’y rattachent,
Paris, Didier, 1878, 1e éd. 1861, p. 161-162)
Arianna Cecconi, ethnologue, IMéRA
Communications nocturnes : le rêve, pour dépasser des frontières.
Les obstacles à la communication entre les individus, en raison de la distance
spatiale, de la mort, ou encore des différences linguistiques, sont parfois
dépassés dans les rêves. Dans de nombreuses sociétés humaines, passées ou
actuelles, ce qui arrive en rêve est considéré d’une grande valeur et d’une grande
réalité. Dans cette intervention nous explorerons, selon une approche
comparative, certaines formes de communications oniriques qui peuvent s’établir
dans les contextes où la parole diurne est empêchée, et les effets que ces
communications peuvent produire. Le rêve est un registre narratif en soi, grâce
auquel peuvent circuler certaines expériences et mémoires individuelles et
collectives.