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Paris, le 14 décembre 2011
Groupe EDF
Pôle Droit de la Concurrence
Patrick Veglis
Benoît Blottin
Réponse à la consultation publique de l’Autorité de la concurrence sur les programmes
de conformité
1. Le Groupe EDF salue le choix de l’Autorité de se doter d’un document-cadre relatif aux programmes
de conformité aux règles de concurrence et, par là même, d’y associer les entreprises souhaitant
apporter leur contribution par le biais de cette consultation publique. Une nouvelle fois, l’Autorité
démontre son rôle moteur au sein de l’Union européenne.
2. Il semble effectivement important qu’un programme de conformité efficace puisse répondre aux
deux objectifs identifiés par le document-cadre, à savoir prévenir les risques d’infraction d’une
part, et gérer les cas d’infraction qui n’ont pas pu être empêchés, d’autre part. Les vertus des
programmes de conformité aux règles de concurrence ne sont plus à démontrer, les entreprises
ayant, en tout état de cause, pour obligation de respecter les règles de concurrence.
3. Comme indiqué lors d’une réunion avec des membres de l’Autorité1
, la conformité aux règles de
concurrence s’inscrit depuis plusieurs années au cœur des préoccupations du Groupe EDF, qui ne
cesse d’orienter ses efforts vers une véritable culture de la concurrence, adaptée au Groupe et à la
complexité du secteur de l’énergie.
4. Toutefois, le projet de document-cadre ne semble pas aller dans le sens d’une incitation à mettre
en place et/ou développer les programmes de conformité tels qu’envisagés par l’Autorité. Le
projet reste dans son ensemble particulièrement rigide, son esprit général risquant de scléroser
la motivation des entreprises à développer un programme de conformité le plus efficace
possible.
1 Réunion du 28 octobre 2011 avec Fabien Zivy, Pierre Debrock et Edouard Leduc pour l’Autorité ; Jean-Baptiste Siproudhis, Patrick Veglis et
Benoît Blottin pour le Groupe EDF.
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5. EDF est parfaitement consciente de la difficulté afférente au projet ambitieux de l’Autorité. Mais le
projet publié, trop directif, ne prend pas en compte les difficultés pratiques relatives à la mise en
place de ces programmes, particulièrement au sein des grandes entreprises.
6. Au regard de l’expérience d’EDF en matière de conformité au droit de la concurrence, le projet
propo apparaît contestable à plusieurs égards. A tout le moins, EDF estime qu’il nécessite tantôt
une clarification des zones d’ombre, tantôt une remise en cause de sa lettre même.
7. La réponse apportée à cette consultation publique s’articule autour de cinq axes principaux :
I. Les conditions de réduction d’amende posées par l’Autorité n’incitent aucunement les
entreprises à se doter d’un programme de conformité
II. L’approche faisant de l'existence d’un programme de conformité une contrainte pour que
les entreprises mettent en œuvre le cas échéant la procédure de clémence doit être
abandonnée
III. L’Autorité doit clarifier la mise en œuvre des programmes de conformité à l’aune de la
jurisprudence mère-filiale
IV. Les informations collectées par les entreprises dans le cadre de leur programme de
conformité doivent faire l’objet d’une protection particulière
V. Une responsabilisation particulière des salariés au titre des programmes de conformité au droit
de la concurrence ne paraît pas indispensable
* * *
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I. Les conditions de réduction d’amende posées par l’Autorité n’incitent aucunement les
entreprises à se doter d’un programme de conformi
8. EDF partage l’idée selon laquelle les raisons qui motivent la mise en place de programmes de
conformité vont au-delà du seul espoir d’obtenir une réduction de la sanction pouvant être
imposée2
. Il paraît acquis que les entreprises choisissent de se doter d’un programme de
conformité en premier lieu pour prévenir toute infraction aux règles de concurrence. Bon nombre
d’entreprises n’ont d’ailleurs pas attendu l’avis des autorités de concurrence pour développer ces
programmes.
9. La possibilité d’obtenir une réduction de sanction ne doit pas être abordée comme une fin en soi et,
de surcroît, une éventuelle réduction d’amende ne devrait pas être accordée de façon
automatique.
10. Toutefois, les conditions dans lesquelles, selon le projet, cette réduction serait envisageable, c'est-
à-dire via la procédure de non contestation des griefs et la prise d’engagement, apparaissent
comme un véritable frein à la mise en place ou l’amélioration des programmes de conformité et
soulèvent des interrogations multiples.
11. Considérant qu’aucun programme de conformité, aussi efficace soit-il, ne pourra faire disparaître
totalement le risque de pratique anticoncurrentielle, ces conditions de réduction d’amende
risquent d’avoir un effet pervers sur la stratégie des entreprises dans leur politique de conformité :
i) les entreprises qui ne disposent pas d’un programme de conformité pourraient être tentées
d’attendre un éventuel contentieux pour proposer l’engagement de mettre en place ce type de
programme : elles bénéficieraient, en contrepartie, d’une réduction de la sanction ;
ii) les entreprises qui disposent déjà d’un programme de conformité pourraient ralentir
volontairement son déploiement : dans l’hypothèse d’un contentieux elles disposeraient ainsi
d’une marge de manœuvre suffisante qui leur permettrait de s’engager à l’améliorer, et obtenir par
conséquent une réduction d’amende.
12. Dans ces deux hypothèses, les entreprises pourraient profiter d’un effet d’aubaine paradoxal, sur le
mode « mieux vaut guérir que prévenir ».
13. La différence de traitement entre les entreprises ayant déjà mis en place un programme de
conformité « sérieux », et celles qui ne le déploieraient qu'à l'occasion d'une procédure engagée à
leur encontre, conduit à une situation déséquilibrée : les secondes auront toute latitude pour
proposer des engagements encadrant la mise en place d'un programme de conformité complet et
obtenir ainsi une réduction pouvant s'élever jusqu'à 10% de l'amende encourue ; les premières, en
revanche, rencontreront les plus grandes difficultés pour améliorer un programme de conformité
déjà complet et, par conséquent, ne pourront obtenir une quelconque réduction d’amende.
14. Envisager une réduction d’amende seulement dans le cadre de la non contestation des griefs
accompagnée de la prise d’engagement conduit indubitablement à un imbroglio juridique, ne
faisant que renforcer la question de l’opportunité de mettre en place de tels programmes : en
2 Point 12 du projet
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pratique, le déploiement d’un programme de conformi ambitieux ne serait nullement
« récompensé » lors d’un contentieux.
15. Une telle position conduirait, d'une certaine manière, à encourager l'attentisme des entreprises et
non à prendre les devants.
16. Ainsi, l’Autorité semble ignorer que la mise en place d’un programme de conformité aux règles de
concurrence le plus efficace possible est une opération délicate, longue, coûteuse, permanente et
volontariste, faisant figure en pratique, au sein d’une grande entreprise, d’un numéro de haute
voltige3
. Les seules conditions dans lesquelles cette réduction d’amende est envisageable, c'est-à-
dire via la procédure de non contestation des griefs accompagnée de la prise d’engagement, sont
donc insatisfaisantes.
17. L’Autorité semble fermer ainsi la porte à toute possibilité de réduction d’amende en tant que
circonstance atténuante, quand bien même une entreprise qui ne souhaite pas plaider coupable
serait capable de démontrer qu’elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour éviter une
violation des règles de concurrence.
18. A cet égard, l’Autorité doit permettre aux entreprises de présenter leur programme lors d’un
contentieux et en dehors de la procédure de non contestation des griefs, pour prouver leur bonne
foi. A ce titre, aucun programme de conformité, aussi efficace soit-il, ne pouvant éviter tout risque
de pratique anticoncurrentielle, l’Autorité devrait pouvoir, le cas échéant, atténuer la sanction de
l’entreprise qui aurait réussi à démontrer que son programme de conformité est sérieux en dépit
de la pratique qui lui est reprochée.
19. A contrario, il pourrait être envisageable d’aggraver la sanction de l’entreprise qui se servirait de
son programme de conformité afin d’encourager les pratiques anticoncurrentielles. Ces
programmes de conformité de « façade » ou en « trompe-l’œil », dans le sens où ils serviraient à
inciter la violation des règles de concurrence, devraient être analysés au titre des circonstances
aggravantes.
20. A la lumière de ces remarques, il ressort que la démarche volontariste de l’entreprise désireuse de
mettre en place un programme de conformité le plus complet possible doit être analysée par
l’Autorité en dehors de la procédure de non contestation des griefs, au cas par cas. L’éventuelle
réduction d’amende, à la suite d’une analyse in concreto du programme de conformité, serait la
mesure la plus incitative pour que les entreprises développent sans attendre et de la meilleure
manière des programmes de conformité.
3 A noter que les entreprises peuvent être amenées à développer des programmes de conformité dans plusieurs domaines, p.ex. au regard
du droit pénal.
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II. L’approche faisant de l'existence d’un programme de conformité une contrainte pour
que les entreprises mettent en œuvre le cas échéant la procédure de clémence doit être
abandonnée
21. « Dans le cas où une infraction est commise et où l’entreprise ou l’organisme en cause ne présente
pas de demande de clémence, ou que les conditions permettant de bénéficier de cette procédure ne
sont pas remplies, l’Autorité considère qu’il n’est pas justifié de tenir compte de l’existence de son
programme de conformité dans le cadre de la détermination de sa sanction pécuniaire4
».
22. L’Autorité estime qu’il est de la responsabilité de l’entreprise de présenter aussi rapidement que
possible une demande de clémence dans l’hypothèse où cette dernière viendrait à découvrir une
infraction grâce à son programme de conformité.
23. Ce lien automatique entre la procédure de clémence et les programmes de conformité doit être
supprimé. Utiliser les programmes de conformité comme levier pour contraindre les entreprises à
employer la procédure de clémence est de nature à réduire la motivation qu’elles devraient avoir
dans leur politique de conformité.
24. L'Autorité ne devrait pas utiliser l'existence du programme de conformité pour pousser les
entreprises à mettre en œuvre la procédure de clémence en cas de détection d'une entente.
L'utilisation de la procédure de clémence doit être la conséquence d'une démarche volontariste des
entreprises et non d'un « engagement éthique » découlant de la mise en place d’un tel programme.
III. L’Autorité doit clarifier la mise en œuvre des programmes de conformité à l’aune de la
jurisprudence mère-filiale
25. Les sociétés mères sont responsables des pratiques anticoncurrentielles commises par les filiales
qu’elles contrôlent, lorsqu’elles n’ont pas pu établir la preuve de l’autonomie de celles-ci, ou que
certains indices sont venus en caractériser l’absence5
.
26. Du fait de la sévérité des critères de la jurisprudence, et comme cela a bien souvent été souligné, la
preuve de l’autonomie d’une filiale est, pour l’entreprise, particulièrement difficile à rapporter,
s’apparentant à une probatio diabolica.
27. La détermination de la responsabilité de la société mère suppose en effet l’examen par les autorités
de concurrence d’un faisceau d’indices et notamment de l’ensemble des liens économiques,
organisationnels et juridiques qui l’unissent à sa filiale. Ces indices sont donc susceptibles d’être de
natures très différentes.
28. Or, afin d’être efficace, un programme de conformité se doit de couvrir l’ensemble des filiales d’un
groupe.
4 Point 24 du projet
5 Quand bien même les autorités de concurrence ont l’obligation de motiver leurs décisions en la matière, les critères dégagés par l’arrêt
Akzo du 10 septembre 2009 de la CJCE impose aux sociétés mères un très haut standard de preuves si elles ne veulent pas se voir imputer
la pratique de leur filiale.
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