Pour aller plus loin

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Gros-Câlin par Jean-Quentin Châtelain : danse avec les mots
Par Armelle Héliot le 21 novembre 2013 7h52
Au Théâtre de l'Oeuvre, Bérengère Bonvoisin met en scène le comédien dans une adaptation du célèbre texte d'Emile Ajar. Irrésistible.
Un décor composé de quelques éléments. Un bloc debout à cour, un bloc couché à jardin et derrière
des éléments dressés qui ressemblent à des cheminées d'aluminium brossé. Les éléments sont recouverts d'une mosaïque à dominante jaune avec des carrés blancs, gris, noirs.
L'affiche est un python bien lové sur lui-même, un beau python à écailles jaunes et blanches et qui
nous fait face...avec quelques taches noires...
Crédit Photo Dunnara Meas
Un hommage au peintre Gilles Aillaud, hommage secret signé par le scénographe Arnaud de Segonzac et évidemment par Bérangère Bonvoisin, metteur en scène pleine de tact et d'intelligence de
ce spectacle très réussi. Le motif reprend celui d'une oeuvre de Gilles Aillaud.
Crédit photo Dunnara Meas
Les lumières de Ricardo Aronovich rythment le récit, comme un partenaire bienveillant de l'homme
qui surgit en scène dans une tunique noire à l'orientale.
Il est pieds nus. Comme chez lui. Jean-Quentin Châtelain. Un acteur grand. Avec une personnalité
forte.
Il porte la barbe et cela lui donne quelque chose d'un bel Assyrien !
Monsieur Cousin ne vient pas de Babylone, mais de Paris...et de l'imagination cocasse de Romain
Gary qui publia Gros-Câlin dès 1974, un an avant le livre qui lui offrirait son deuxième Goncourt.
Gros-Câlin est en effet le premier livre d'Emile Ajar.
C'est Thierry Fortineau, mort très jeune, qui avait adapté le texte pour le théâtre et l'avait joué.
On pense à lui fugitivement. Mais juste pour un salut. Jean-Quentin Châtelain est immédiatement
dans la vérité de cet homme qui a adopté un python de 2,20 m...
Il l'a ramené avec lui dans son petit appartement de banlieue et l'a baptisé Gros Câlin...Il s'en occupe
bien même s'il a un peu de mal à le nourrir : c'est si mignon une petite souris blanche...
Vous connaissez sans doute ce texte merveilleux, aussi drôle que bouleversant. On nous y raconte
une histoire abracadabrante, on nous parle de solitude et de désarroi, de courage aussi car ce Monsieur Cousin en a beaucoup de courage -comme de coeur.
Au bureau, chez lui, il rêve. Il a besoin d'amour. Il en donne beaucoup. Mais ce qui est beau dans le
récit tel que l'écrit Romain Gary, c'est que c'est sans pathos. Cousin décrit. A nous de comprendre.
Jean-Quentin Châtelain avec sa voix si particulière, une musique, un lointain accent suisse, une
originalité puissante de tout l'être. La voix le dit, mais tout le corps, la manière d'être, de bouger, de
s'asseoir, de se coucher un moment sur la banquette de mosaïque, tout dit l'originalité et l'ultra sensibilité.
Bérangère Bonvoisin est très fine et elle a très bien conduit ce travail. Il y a un équilibre très
délicat entre la solitude et Cousin/Châtelain et le fait qu'il s'adresse à un auditoire : dans l'ouvrage il
se "livre" littéralement, sur scène, on ne peut pas faire abstraction de la présence du public.
Le comédien, fugitivement, s'adresse à nous. Il nous prend implicitement à témoin. C'est très subtil
et cela nous implique d'une manière très tendre.
Jamais on a si bien entendu l'écriture même de Romain Gary. Ce n'est pas la moindre vertu de ce
spectacle.
Parce que Jean-Quentin Châtelain est un comédien exceptionnel, il nous dévoile le style même,
on entend comme jamais les curiosités de la langue, les emplois étranges que fait parfois Gary/Cousin
de certains mots.
Il danse avec les mots. Les phrases sont comme d'invisibles partenaires de ce jongleur spirituel.
On rit, on sourit, on pleure, on s'esclaffe, on a les larmes aux yeux, on rit aux larmes et on est admiratif
de la performance magnifique : la sincérité formidable du "personnage" et l'engagement de l'interprète, si grand artiste, qui de toutes ses fibres est, une heure quinze durant, Monsieur Cousin et qui
nous fait comprendre tout...
Jean-Quentin Châtelain parvient à rendre attachant et poétique l'antihéros de
Gary-Ajar
Par Jacques Nerson, Valeurs Actuelles, le mardi 10 Décembre 2013 à 01:00
Sur scène, où il est prouvé que les personnages les plus banals, lorsqu’ils sont incarnés par de bons
acteurs, peuvent faire passer une bonne soirée.
Avant de célébrer comme il le mérite ce superbe travail de Jean-Quentin Châtelain et de sa metteuse
en scène, Bérangère Bonvoisin, saluons leur élégance : ils ne passent pas sous silence l’inoubliable
prestation de Thierry Fortineau, mort en 2006, qui fut le premier à porter ce texte à la scène. Au
contraire, ils reprennent son adaptation sans y changer une ligne et lui dédient leur spectacle. Par
ailleurs, Châtelain est, sans lui ressembler, un acteur de même nature que Fortineau. Sa rondeur, avec
cette barbe blanche en collier qui le fait ressembler à Robert Hue, sa douceur, ses intonations traînantes, vestiges d’une enfance suisse, sa fragilité secrète, tout chez lui rend attachant et poétique le
personnage de M. Cousin, un employé de bureau aussi insignifiant que les petits bonshommes de
Sempé, mais qui noue un jour amitié avec un python de 2,20 mètres ramené d’Afrique…
Le python magnifique
Par Philippe Chevilley - Les Echos | Le 06/12/2013
La solitude, ça n'existe pas... quand on vit avec un gros python câlin. Même si le serpent fureteur fait
peur aux voisins, aux bonnes et rebute les possibles fiancées. De toute façon, la cohabitation de Monsieur Cousin avec son animal n'est que provisoire. C'est en attendant mieux : le mariage avec sa jolie
collègue de bureau noire... Mais arrêtons là. Sinon nous allons tout raconter du premier roman de
Romain Gary écrit sous le pseudonyme d'Emile Ajar, qui n'est fait que de rebonds et de digressions
drolatiques. Un roman devenu pièce de théâtre sous la plume de Thierry Fortineau. Et un spectacle
rondement mis en scène par Bérangère Bonvoisin, merveilleusement interprété par Jean-Quentin
Châtelain au Théâtre de l'Oeuvre.
Etrange Cousin
Il y a beaucoup de choses dans ce « Gros-Câlin » : de l'humour, de la satire, de l'érotisme, de la
gaudriole, de l'espoir et du désespoir, de l'absurde... La solitude, ça n'existe pas, parce que tout le
monde est seul et fait semblant de ne pas l'être, en s'inventant... son python. Jean-Quentin Châtelain
est homme à porter toute la drôlerie et la tristesse du monde. Avec son indéfectible accent suisse, il
compose un Cousin étrange et familier - notre cousin - tour à tour enjoué et mélancolique. Tout est
clair et fou dans ce qu'il profère avec candeur... On le découvre homme, on le quitte serpent, enroulé
autour de notre âme.
Dans le décor jaune à petits carreaux - est-on dans une salle de bain ou au zoo ? -, inspiré des peintures
de Gilles Aillaud, le comédien se déploie, tel un « chaman » dans sa drôle de robe-chemise noire agité, puis immobile, lové, reptilien. Il étonne, inquiète, amuse, jusqu'à la truculence. Puis il amorce
avec finesse sa redescente, l'abandon des rêves d'amour, la mue de l'homme en python.
Le tonnerre d'applaudissements qui salue sa performance à la fin est plus qu'un gros câlin pour JeanQuentin Châtelain, c'est une preuve d'amour.
Jean-Quentin Châtelain porte avec tendresse et finesse la drôlerie poignante du
premier roman d’Emile Ajar, alias Romain Gary. Un pur plaisir.
Par Gwénola David, La Terrasse, 13 décembre 2013
Il vit à petits feux, furtivement enfoui au milieu infini de l’agglomérat du Grand Paris. Serré dans son
deux-pièces immensément vide, il aime à se lover dans le moelleux de Gros-Câlin quand le cœur a le
pleur gros et l’esprit la grise mine. Gros-Câlin s’allonge sur deux mètres vingt tout en tendresse, sans
compter quand il s’enroule amoureusement. C’est un python bien sûr. Monsieur Cousin l’a ramené
d’un voyage en Afrique, bouleversé soudain au sortir de l’hôtel par la solitude du reptile. Modeste
employé de bureau, il habite seul avec lui, sort prudemment, se fond dans l’anonymat, se révolte de
temps à autre en toute discrétion, généralement dans l’abstention, et prend ses rêves pour des réalités,
sans préméditation mais avec désarmante gentillesse. Il songe beaucoup à sa collègue de travail, Mademoiselle Dreyfus, et ses minijupes colorées… « Je suis un faible, je le dis sans me vanter. Je n’ai
aucun mérite à ça, je le constate, c’est tout. On ne sait pas assez que la faiblesse est une force extraordinaire et qu’il est très difficile de lui résister. » remarque-t-il. Il a aussi le sens de l’observation
et de la clandestinité.
Personnage paradoxal
Dans le monde de Cousin, les choses bizarrement sont reliées selon d’improbables « à cause de », et
souvent même se refusent tout bonnement à suivre la logique commune, pourtant déjà passablement
absurde. Les mots d’ailleurs s’en trouvent tout chamboulés et se collent en lignes perplexes. Dans
son premier roman publié sous le pseudonyme d’Emile Ajar, en 1974, Romain Gary fait sécession
avec « la gueule qu’on [lui] avait faite », celle d’un paisible Goncourt, mais aussi avec le bon ordre
du langage. Il en retourne l’impeccable marqueterie à coups d’humour pour dévoiler, dans les écarts
et décalages, une société de plus en plus individualiste et technocrate, la solitude de l’homme enseveli
sous le manque d’amour. Reprenant l’adaptation réalisée par feu Thierry Fortineau, Jean-Quentin
Châtelain est ici guidé par Bérangère Voisin, qui signe une mise en scène d’une subtile délicatesse.
Excellant dans l’exercice du monologue, le comédien délivre toutes les teintes de ce texte drôle et
poignant, philosophique et désespéré. Sa voix si singulière s’attarde parfois pour caresser les voyelles,
s’étrangle dans un sursaut d’angoisse, enchaîne les pataquès avec innocente aisance et s’évade en
escapades où les sons étincellent. Tout son corps aussi parle, raconte la sensibilité extrême d’un être
en mal de tendresse. « Elle me serra très fort dans ses bras et me caressa dans ce silence au goutteà-goutte qui fait bien les choses. La tendresse a des secondes qui battent plus lentement que les
autres. » L’émotion aussi.
L'illusion déchirante d'un bonheur qui se referme
Par Brigitte Salino, LE MONDE | 09.12.2013 à 10h22
Jean-Quentin Châtelain joue gros-Câlin et c'est magnifique... Il faut l'entendre, parce que les grands
acteurs sont rares et qu'il en est un, à part. Unique en son royaume de la parole
Pour aller plus loin
Etude d’un court-métrage inspiré de Gros Calin
"Le python" de Julien David
Sophie rêve de trouver le grand amour, mais elle se retrouve seule avec le python
de son voisin comme unique compagnie...
Pour regarder la vidéo, allez sur Arte Replay http://videos.arte.tv/fr/videos/le-python-de-julien-david--7715308.html
Résumé
Sophie, 55 ans, est vendeuse en librairie dans une grande enseigne à Paris.
C’est une femme seule, un peu caractérielle, dont le cœur est à prendre.
Pendant les vacances, elle garde l’animal de son voisin de palier : un python.
Alors qu’elle s’habitue à le nourrir, Sophie fait la connaissance de Georges, un client
de la boutique.
Elle vit avec lui le début d’une aventure, mais leur liaison tourne court.
Sophie, blessée, se retrouve seule avec le python comme unique compagnie.
Biographie :
Né en 1978, Julien David vit et travaille à Paris.
Il est diplômé de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs.
Julien David a fait ses débuts en envoyant ses premières vidéos à l'émission "Les Films
Faits À La Maison". Une dizaine de ses créations ont été ainsi sélectionnées et diffusées sur Canal Plus, de 2003 à 2006.
En 2005, il écrit et réalise avec "La Nouvelle Trilogie", toujours sur Canal Plus, sa première fiction : "les Multiples". Cette série d'animation de 6 épisodes de 13 minutes est
une satire sociale sur fond de mondialisation.
Il travaille ensuite de 2008 à 2010 pour l'émission "Cut Up", revue documentaire diffusée sur Arte, en adaptant 7 documentaires radios en films d'animation de 2 minutes.
En 2012, il réalise son premier court-métrage "Le Python", film de 17 minutes, pré
acheté par Arte et soutenu par la mairie de Paris et le CNC.
Depuis 2012, il est également un des auteurs de l'émission Dr CAC, diffusé quotidiennement sur France 5, à 20h20.
En parallèle de son activité d'auteur-réalisateur, Julien David peint et dessine. Il a
illustré l'album "Les Malheurs de Marine, une biographie satirique de Marine Le Pen",
édité au Seuil en 2007 et a exposé dans différentes galeries d'art : à Berlin (Galerie
Pankow), à Orléans (Wall Galerie), et à Paris (New HeArt City Gallery).
Depuis 2004, il est aussi intervenant en cinéma d'animation aux Gobelins, l'école de
l'image.
Filmographie :
FILMS
2012-2011
Co-scénariste du long-métrage intitulé LA CAROTTE produit par Manny Films.
FORMATS COURTS / SERIES TV
2012
Co-scénariste de la série DR CAC, produite par Program 33, diffusée sur France 5.
2011-2010
Co-scénariste de la série UN FILM SANS, produite par Pépino Productions, diffusée sur TPS.
2010-2008
Adaptation et réalisation de sept formats courts d'animation produits par Quark Productions.
Diffusés dans CUT UP sur Arte. Suçothérapie (2'30) / Prof (2'09) / Papa (2'17) / Barbier (2'14) /
Perroquet (1'53) / Marguerite (2'00) / Retraite (1'53).
2009
Rédaction et réalisation d'un magazine produit par La Parisienne d'Images diffusé dans LES
FILMS FAITS EN FAMILLE sur Canal Plus Family. Les Films Faits En Famille spécial Cinéma (26').
2006-2003
Scénariste et réalisation de huit films vidéos auto-produits diffusés dans LES FILMS FAITS A LA
MAISON sur Canal Plus. Vive la politique / Bon Anniversaire / Super-Chien I / Misère au Menu
/ Tsughetti / Scream from Thousand Lakes / Les Clefs / Un con devant la télé.
2005
Co-scénariste et réalisation d'une série d'animation, produite par La Parisienne d’Images et
diffusée dans LA NOUVELLE TRILOGIE sur Canal Plus. Les Multiples (84').
2004
Scénariste et réalisation d'un film vidéo auto-produit diffusé dans le MENSOMADAIRE sur Canal Plus. Super-Chien II (9'00).
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