Dossier pédagogique des Equipes Populaires Belgique - België P.P. - P.B. 5000 - Namur 1 BC 4854 Bureau de dépôt : 5000 Namur mail. N° d’agréation : P 204078. Photo : M Van Dieren Bimestriel n° 128 • Septembre-Octobre 2008 Publicité : La dictature des marques pub Contrastes sept-oct 2008 Equipe de rédaction : Valérie Albertuccio, Françoise Caudron, Benoît Dassy, Christine Steinbach, Monique Van Dieren. Rédactrice en chef : Monique Van Dieren Mise en page : Hassan Govahian Impression : Corelio Editeur responsable : Michele Di Nanno, rue de Gembloux, 48, 5002 - Namur Tél : 081/73.40.86 Fax : 081/74.28.33 Courriel : [email protected] www.bap.propagande.org Pour s'abonner à Contrastes (10€ par an pour 6 numéros) : • Ecrivez un courriel à [email protected] avec la mention :"Je souhaite m'abonner à Contrastes" + vos coordonnées. Ou • Renvoyez le formulaire ci-dessous. Le premier numéro vous parviendra dès réception des 10€. Marqués comme du bétail… La pub est tellement omniprésente que le sentiment de lassitude et de trop plein s’exprime de plus en plus. Il n’est pas toujours facile de prendre conscience à quel point elle marque notre culture et nos habitudes. Derrière ce phénomène, il y a des techniques savamment mises au point. Celles-ci s’inscrivent dans une théorie construite et pensée depuis bien longtemps sur la manipulation de l’opinion publique. Cette manipulation ne concerne pas seulement le commerce des produits, elle s’infiltre et modifie de plus en plus les relations avec la sphère politique et le monde du travail. Dans ce dossier, nous présentons l’influence de la publicité dès le plus jeune âge et les techniques utilisées pour faire de nos enfants des prescripteurs d’achats. Nous décodons les nouvelles techniques de marketing à travers des exemples concrets, notamment Red Bull, Nestlé, Danone et Coca-cola. En fin de dossier, nous décodons les théories de manipulations mises en place dès le début du 20è siècle par des penseurs américains, pour nous laisser «marquer au fer rouge» (technique du branding) par la publicité… 2 % S’abonner à Contrastes EDITO Formulaire à envoyer aux Equipes Populaires, rue de Gembloux, 48, 5002 - Namur (Fax : 081/74.28.33) Nom, prénom : ….................................................................................................................................... Adresse postale : ................................................................................................................................ .......................................................................................................................................................................................... m Je m'abonne à Contrastes pour un an m Je verse ce jour 10€ au compte 786-5713934-36 des Equipes Populaires (mention : Abonnement Contrastes) Signature : Contrastes pub sept-oct 2008 JEUNES ET PUB De la pub dans le biberon Les annonceurs publicitaires font preuve d'une imagination débordante pour cibler en plein cœur les consommateurs que nous sommes tous, dès le plus jeune âge. Les techniques de marketing et les messages publicitaires sont savamment dosés pour faire de l'enfant ou du jeune un accro de la consommation de marques… Les annonceurs publicitaires ont compris tout l'intérêt d'analyser les comportements et les habitudes de vie des jeunes pour en faire des "prescripteurs de produits". Cela signifie que ce sont de plus en plus les jeunes qui décident eux-mêmes ce qu'ils achètent avec leur argent de poche (1) et qu'ils influencent de plus en plus les choix de consommation de leurs parents. Observons le comportement des enfants dans les grandes surfaces : neuf enfants sur dix placent spontanément des produits dans le caddy des parents ! De nombreuses marques de voiture s'adressent aux enfants, en vantant tel ou tel gadget ou en mettant en scène un personnage familier des enfants, sachant que ceux-ci auront - consciemment ou non - leur mot à dire dans la décision que prendra leurs parents. A chaque âge son attitude A partir de quel âge l'enfant devient-il prescripteur d'achats ? Selon une étude du CRIOC, réalisée il y a 3 ans (2), c'est dès l'âge de 4 ans que l'enfant influence ou décide de certains achats de ses parents. Mais les publicitaires n'attendent pas cet âge pour entreprendre leur travail de laminage de cerveau. Depuis 2003 en effet, la chaîne de Baby TV channel (3), disponible en Belgique, conçoit des programmes pour les bébés à partir de …6 mois. Sous des apparences pseudo éducatives, la chaîne entend les éveiller aux couleurs, aux sons, aux sensations douces. En réalité, ces programmes sont truffés de publicités cachées prenant la forme de mascottes, de petits animaux ou de doudous qui se retrouvent sur les emballages de produits. Dès qu'ils en seront capables, les bambins trépigneront et hurleront dans le magasin pour faire craquer leurs parents ! De nombreux psychologues et psychiatres tirent la sonnette d'alarme pour dénoncer les méfaits de ces images distillées beaucoup trop tôt dans des cerveaux-éponges qui n'ont aucune faculté de réagir face aux stimuli sensoriels … et publicitaires. Pour en revenir à l'étude du Crioc, le monde des jeunes n'est pas un ensemble indifférencié. Pour chaque classe d'âge, les stratégies publicitaires sont spécifiques, même si certaines classes d'âge partagent des comportements communs… et la même envie d'imiter la classe d'âge supérieure. 4-8 ans : Les produits maternants Contrastes pub Dès l'âge de 4 ans, l'enfant perçoit que faire des achats permet de satisfaire des envies et des besoins. De leur côté, les parents souhaitent encore materner et rassurer leurs chérubins… et cela passe de plus en plus par l'achat de produits câlins, sucrés, doux… Les publicités et emballages présentent donc les produits comme amusants et étonnants pour les enfants, et sains pour les mamans. Ils jouent sur l'utilisation de personnages symboliques et sur sept-oct 2008 g 3 JEUNES ET PUB g l'imaginaire (animaux, lutins, personnages de dessins animés…) Les publicités mettent parfois en scène un monde où les enfants font la loi, où les parents sont non admis ou même ridiculisés. Ils se créent ainsi progressivement leur univers… et se forgent leurs propres exigences en matière de consommation. 8-11 ans : L'identification aux héros Cette tranche d'âge ne constitue pas un groupe homogène : les enfants sont encore proches de l'univers maternel mais commencent à chercher à s'affirmer par la désobéissance et l'opposition. Ils comprennent de mieux en mieux que la publicité (à la TV, dans la rue…) présente des produits qu'on peut acheter en magasin. Ils commencent à avoir un peu de liberté de choix et à se soucier de leur image. Les produits "plaisir et fun" apparaissent dans leur univers de consommation. Tous les sens sont sollicités : le goût (sucré, acidulé,…), le toucher (formes et matières crémeuses, croustillantes…), l'odorat (mentholé, fruité,…), la vue (couleurs vives…). C'est aussi l'âge où la Mc'Donalisation de la consommation apparaît (hamburgers, coca, chewing gum…). Le développement de "produits dérivés" (4) fait également exploser les ventes. En effet, cela augmente la visibilité de la marque et accentue l'attachement au produit. C'est une période de changements rapides dans la vie des jeunes. Leur identité se construit, l'esprit critique se développe, ils accordent beaucoup d'importance aux amis et à ce qu'ils consomment. Internet et toutes ses applications (jeux, musique, chat…) remplace petit à petit la télévision. L'adolescent est un acheteur important. Son argent de poche augmente avec son passage à la "grande école"; Il achète un GSM, des DVD, des jeux, des vêtements, des magazines qu'il choisit désormais tout seul. Il influence fortement les choix alimentaires, le lieu de vacances, l'achat de la voiture ("Peugeot 806, la voiture que les enfants recommandent à leurs parents"). Les publicitaires développent des produits au look plus adulte mais financièrement accessibles. A cet âge, la marque du produit devient un critère de reconnaissance sociale : elles sont donc rendues très visibles sur les vêtements, les sacs, les cartables, les chaussures…. 14-18 ans : Montrer la différence Les ados recherchent l'indépendance vis-à-vis des parents mais l'appartenance, l'identification à un groupe. Ils cherchent avant tout à se différencier de l'enfance et de l'âge adulte à travers la mode, les loi- Quand la pub nous suit à la trace... Les jeunes sont une cible privilégiée pour les publicitaires, non seulement parce qu'ils sont de plus en plus des prescripteurs d'achat mais aussi parce que ce sont les futurs (gros) consommateurs de demain. D'où l'importance d'adapter le langage et l'image, mais aussi du choix du lieu pour faire de la pub. Et puisque les jeunes passent de moins en moins de temps à la TV et de plus en plus sur internet et avec leurs copains, les publicités (et les publicitaires) se déplacent dans la rue, à l'entrée des dancings, dans les compétitions sportives, dans les festivals... Passons rapidement en revue ces nouvelles techniques de marketing. Le marketing viral (comme un virus) se transmet de bouche à oreille. Il consiste à encourager le jeune à transmettre à d'autres un message publicitaire. Exemple : en envoyant en sms, en transférant un mail ou un site internet…. Le marketing tribal vise à créer un "groupe de jeunes" (tribu) autour d'un produit auquel on s'identifie. Les annonceurs publicitaires utilisent un langage spécifique que seuls les "initiés" peuvent comprendre et organisent pour eux des évènements tels que sorties, sport,… Le street marketing (de rue) cible les consommateurs là 4 11-14 ans : L'importance des marques Contrastes où ils achètent : centre commerciaux, rue, soirées… il se caractérise principalement par la distribution d'échantillons ou de gadgets. Le buzz marketing consiste à créer l'évènement autour d'un produit avant même son lancement sur le marché. Par exemple, les publicitaires inventent de faux produits ou utilisent des slogans douteux pour susciter la curiosité des jeunes, qui se ruent ensuite sur le produit pour le tester. Le marketing relationnel vise à entrer en relation directe avec l'acheteur potentiel, principalement via le téléphone ou internet. Les outils d'accroche sont des concours, des promotions, des réductions… L'undercover marketing est une technique qui vise à approcher le consommateur dans son environnement mais sans que celui-ci ait conscience qu'il s'agit d'une démarche commerciale. L'exemple du concours d'avions en papier sur un site estudiantin organisé par Red Bull en est l'exemple type. Citons enfin le marketing d'embuscade qui consiste à utiliser un évènement d'actualité pour construire son message publicitaire. Ou encore le marketing éducatif qui consiste par exemple, à offrir du matériel scolaire ou des petits déjeuners pour faire une percée auprès des plus jeunes. pub sept-oct 2008 M Van Dieren sirs, la musique, les émissions radio, la consommation de produits spécifiques (boissons énergisantes ou alcoolisées…) L'esprit critique est souvent très développé. C'est un âge où les publicitaires doivent être très attentifs à ne pas rater leur cible parce que le jugement des jeunes est souvent implacable ! Ils sont également ouverts aux idées et aux techniques publicitaires nouvelles, telles que le buzz marketing et le marketing tribal (voir encadré). 18-24 ans : Le marketing below-the-line Les jeunes adultes constituent une classe d'âge paradoxale. Ils sont majeurs mais habitent encore souvent chez leurs parents, leur situation ne leur permettent pas une indépendance financière (études, stage d'attente,…). Ils disposent cependant de beaucoup d'argent de poche ; de 50€ par mois à 18 ans à 200€ à 21 ans, en moyenne. Les différences de consommation sont très marquées entre les garçons et les filles, et ils adoptent généralement une attitude critique vis-à-vis de la culture et des discours officiels. Les stratégies de marketing doivent être très subtiles parce que les jeunes de cette tranche d'âge comparent les prix et supportent mal les marques qui trompent ou qui trichent. Cette tranche d'âge est ciblée quasi exclusivement par les techniques "Below-the-line" (5), c'est-à-dire les techniques autres que celles utilisées par les médias classiques (TV, journaux, affichage en rue). Il s'agit principalement d'internet, des évènements sponsorisés, des campagnes promotionnelles en rue… Résignation ou résistance ? La publicité est donc partout, même là où on s'y attend le moins. Au point qu'on commence à avoir du mal à imaginer le monde sans pub. Les enfants sont particulièrement perméables aux messages publicitaires. Les études scientifiques montrent que leur cerveau Contrastes n'a pas encore une maturité suffisante pour se forger une opinion rationnelle face à la pub. Comment les préserver d'une vie où tout serait conditionné par le désir -souvent insatisfait- d'acheter ? Deux tendances s'affrontent sur cette question. Pour caricaturer, on pourrait dire qu'il y a d'un côté "les résignés", ceux qui pensent que le système économique ne peut pas se passer de la manne publicitaire et que, plutôt que d'interdire la pub, il faut "éduquer les enfants" à la lire intelligemment pour ne pas se faire piéger. De l'autre côté, il y a les "résistants" qui estiment que l'éducation aux médias n'est pas suffisante pour préserver et protéger les enfants de l'influence néfaste de la publicité. D'où la nécessité de limiter, voire d'interdire la publicité qui cible en particulier les enfants. Par exemple en supprimant la pub avant 19h à la TV, en interdisant l'intrusion de la pub dans les écoles, ou les campagnes publicitaires ciblées pour les plus jeunes… Après tout, la loi n'est-elle pas là pour protéger les plus vulnérables ? Monique Van Dieren (1) A 12 ans, les enfants ont en moyenne 25€ par mois d'argent de poche. A 15 ans, ils ont 37€ par mois, à 18 ans 50€ et à 21 ans 200 € par mois. (2) L'enfant prescripteur. Comment les marques utilisent le marketing générationnel, Marc Vandercammen, mars 2005 (3) Pour en savoir plus, consultez le site www.babytvchannel.fr (4) Ce sont tous les produits commercialisés au départ d'un héros de film, de BD, de jeux vidéo. Opération tout bénéfice pour les 2 parties : le fabricant de biscuits qui augmente ses ventes grâce à l'image des Spiderman et autres superman sur l'emballage, et le producteur du film qui fait payer les droits de reproduction de l'image… (5) La publicité est répartie en 2 catégories : la publicité below the line (hors médias) et la la publicité above the line, c'est-à-dire la publicité diffusée par les mass média (presse, TV, panneaux, …). Il est intéressant de savoir que les investissements publicitaires sont généralement répartis par part égale entre ces deux catégories. En 2007, Jean-François Sacré, journaliste à l’Echo estime que les investissements publicitaires toutes catégories confondues s’élevaient à 6 milliards d’euros. Le centre d’information sur les médias (CIM) annonce quant à lui que les investissements publicitaires above the line (dans les médias) de janvier à novembre 2007 s’élevait à 2,8 milliards d’euros. pub sept-oct 2008 5 JEUNES ET PUB Sois Red Bull… et tais-toi ! Red Bull est, à lui seul, un véritable phénomène publicitaire. L’exemple par excellence de la technique du branding (1) qui vous invite à vous fidéliser à la marque. Bien plus que vendre un produit, Red Bull vend un style de vie. Pour les jeunes, public cible de la marque, Red Bull incarne l’action, le plaisir, les sensations fortes, la fête, l’inventivité, l’extrémité. C’est une vie hyper intense que Redbull offre aux jeunes en soif de sensationnel… et au passage, de boisson énergisante ! M Van Dieren La marque de boisson énergisante développe une longue armada marketing pour faire désirer, acheter, consommer, dépenser et in fine faire gagner beaucoup d’argent aux promoteurs de la marque. Des méthodes amusantes, surprenantes, fascinantes mais aussi franchement choquantes ; il y a de tout chez Red Bull. Au départ d’un seul produit, on peut faire le tour de tout ce dont il faut se méfier si l’on veut garder un regard critique sur la consommation ! Red Bull s’adresse donc à un public jeune qu’il va chercher, en rue, dans les boîtes de nuit, sur Internet et même dans les salles de cours. Peu de spots publicitaires ou de campagnes d’affichage. La marque préfère trouver des relais directement dans son public cible (marketing tribal et street marketing). Elle invite les jeunes à rêver et à vivre des émotions fortes (marketing relationnel ou évènementiel), et ce dans une dynamique de mise en confiance dans un produit présenté comme sain, qui aide à la performance (marketing éducatif). Attention : jeunes adultes pistés ! Si la marque s’adresse notamment aux adolescents de 14-18 ans, c’est surtout vers les jeunes adultes (18-24) que Red Bull concentre son marketing. Chacun des éléments décrits plus haut montre que les 18-24 ans constituent bel et bien leur public cible. En effet, Red Bull vend un mode de vie basé sur la fête, le loisir, la musique, le 6 Contrastes pub sport extrême et la mise en cause du pouvoir (cf. initiative vis-à-vis des travaux inutiles). Si l’on en croit une enquête du CRIOC, c’est tout ce que cherche à construire le jeune adulte : “Les différences de consommation sont très marquées entre garçons et filles. Les premiers consacrent la plus grande partie de leur budget aux sorties, loisirs culturels et vêtements (…) Ils s’inscrivent non pas dans une volonté de contestation mais plutôt dans des adhésions successives à des actions, adoptant souvent un comportement cynique, cherchant à subvertir le système en leur faveur. C’est ainsi qu’ils adoptent une attitude critique vis-à-vis de la culture officielle et rejettent la standardisation des produits. Nombreuses sont les sous cultures musicales de référence comme le surf, le hip hop, la techno, …”. (6) On imagine que Red Bull a de bons motifs pour s’attaquer à ce public cible. Toujours selon l’enquête du CRIOC (7), les jeunes de 18-24 ans constituent une classe d’âge tout à fait particulière. Tout d’abord, ils sont majeurs. Ensuite, si la majorité d’entre eux demeure encore aux études, leurs revenus sont importants. Enfin, ils sont généralement autonomes dans leur gestion financière (ils font ce qu’ils veulent avec leur argent). C’est souvent le cas des jeunes qui kottent et aussi de la génération des “Tanguy” (8). On comprend donc l’intérêt réel pour un commercial de s’intéresser avant tout à cette catégorie de la population qui possède pas mal d’argent et sur- sept-oct 2008 tout peu de contraintes financières. pour plus de confort individuel, qui n’en rêverait pas ? Red Bull… Zorro est arrivé Red Bull joue sur la tendance des jeunes à vouloir se positionner de façon critique face au pouvoir en place. Et comme eux, il développe pour cela une attitude pour le moins cynique ! Cette posture de Super héros qui offre une vie de rêve et combat l’injustice a de quoi séduire les jeunes (et moins jeunes d’ailleurs). Etre dans le vent et en même temps redresser des injustices Mais attention, même s’il propose aux jeunes d’investir les travaux inutiles, Red Bull n’invite pas à développer des actions collectives et citoyennes. Ce que fait la marque et que nous dénonçons, c’est la démagogie. Red Bull dénigre sans critique et analyse. Vous pouvez lire sur leur site : “Qu’est-ce qui est typiquement belge ? Le chocolat, les frites mayonnaise, le Manneken Pis, l’Atomium naturellement et … les travaux inutiles !”9 . Ce n’est pas amusant, ce n’est pas sympathique, c’est tout sim- g Red Bull et les nouvelles techniques de marketing Replaçons Red Bull dans les différentes stratégies de marketing qui ont actuellement le vent en poupe. • Buzz marketing : En mars 2008, alors que Red Bull est interdit de vente en France (voir pavé sur ce sujet), la firme qui prévoit d’envahir le marché envoie 300 ambassadrices qui sillonnent la capitale au volant de mini cooper peintes aux couleurs de Red Bull et distribuent des canettes à volonté surtout aux sorties des collèges et des lycées (2). • Marketing relationnel : En 2006, Red Bull a infiltré l’université de Louvain La Neuve. Un élève a proposé un concours d’avions en papier dans les auditoires. Cette initiative de prime abord sympathique s’est vite révélée être une campagne de pub, les papiers utilisés étant un objet de promotion de Red Bull. Cet exemple n’est pas isolé. En partant à la découverte de leur site Internet, on peut découvrir toute une série d’informations sur le championnat mondial de “lancer d’avion en papier” organisé par Red Bull, avec éliminatoires nationaux et épreuves internationales. • Marketing événementiel : Red Bull ne se contente pas de soutenir des événements par le sponsoring. Il prend part activement à leur organisation. Il en est même parfois l’opérateur principal. Le “Red Bull caisse à savon” de Bruxelles en est un exemple : “Stefaan Bettens de chez Red Bull Belgique, organisateur de l’événement, ne cachait pas son bonheur après la course : “A chaque nouvelle édition, je suis épaté par ce que les teams et les participants réalisent ici mais aussi par les foules qu’ils peuvent faire déplacer auprès de nos fans. Je suis fier que Red Bull puisse être l’insti- gateur d’un tel forum. Des bolides bigarrés, un folklore tonitruant tout au long du parcours, plus de 50.000 spectateurs enthousiastes, un jury de personnalités attachantes et impliquées dans leur rôle et, en fin de compte, des milliers de sourires, de fous rires” (3). • Marketing éducatif : Attention, Red Bull n’est pas qu’un objet de plaisir et d’amusement, c’est aussi une aide à la mémoire, un soutien à la concentration, bref un véritable outil éducatif bon pour l’étudiant. C’est du moins ce que prétend Red Bull lui-même sur ses dépliants déposés dans les salles d’études des étudiants (enseignement supérieur et universitaire) à la veille des blocus. Cet encouragement à la consommation se base sur les effets bénéfiques des ingrédients compris dans sa recette, notamment : caféine, taurine, acide nicotinique, vitamine B 6 et B 12,… Ingrédients dont l’effet sur le corps humain n’est pas prouvé et est même très controversé (voir pavé “Red Bull Interdit de France”). • Un mix de marketing tribal, viral et street marketing : Pour développer la stratégie décrite jusqu’à présent, Red Bull a besoin d’alliés parmi les jeunes. Ainsi sur son site, Red Bull propose au jeune de “décoller dans ses études sans bûcher”. L’offre précise ceci : “Le profil de la fonction : - Implantation du marketing mix dans la vie estudiantine. - Planning, supervision et rapport de toutes les activités marketing. - Chercher de nouvelles idées créatives pour approcher les étudiants. - Collaboration étroite avec le département marketing de Red Bull. Ton profil : - Nous recherchons des team players Contrastes pub enthousiastes, extravertis et indépendants, ayant des facilités de communication. - Quelqu’un osant prendre des initiatives. - Il/elle a de bons contacts dans le monde estudiantin, que ce soit avec des cercles d’étudiants ou des universités/hautes écoles. - Il/elle est déjà plongé(e) dans les bouquins depuis minimum un an.” (4) C’est donc grâce à cette armée de soldats qui parlent le “rédbuléin ailé” (5) que l’entreprise s’immisce dans l’univers des jeunes. Autre exemple de l’utilisation des jeunes eux-mêmes comme canal publicitaire, les vidéos de Red Bull : You Tube, célèbre site Internet qui fait le bonheur des jeunes. On y retrouve une multitude de chansons, vidéos, dont… 48 500 vidéos sur Red Bull. La plupart de ces petits films ont été mis en ligne par des jeunes eux-mêmes. Il ne s’agit pas de spots publicitaires classiques, ce sont des extraits d’événements (cf. marketing événementiel) organisés par la firme. On y trouve par exemple des extraits de la Red Bull city rage (concours musical), de la Red Bull break dance compétition, en Espagne du championnat national de combat de coqs organisé par Red Bull, … • Marketing d’embuscade (ou du moins inspiré par) : Red Bull dénonce les célèbres “travaux inutiles” (identifiables sur une carte de Belgique. Voir www.redbulllosthighways.be) et invite les jeunes à imaginer des plans de reconversion pour ces espaces vides. La firme s’engage à défendre en haut lieu les projets les plus créatifs. Au travers de cette technique de marketing, Red Bull propose aux jeunes de prendre leur avenir en main ! sept-oct 2008 7 JEUNES ET PUB 8 Red Bull interdit en France Red Bull est une boisson énergisante dont les concepteurs prétendent (via des folders dans les écoles notamment) qu’elle est bonne pour la santé. Il s’agirait d’un stimulateur de mémoire, d’un outil de concentration, d’un complexe de vitamines à prescrire aux étudiants. C’est loin… très loin d’être l’avis de Roselyne Bachelot, ministre de la santé en France qui conseille aux parents, par mesure de sécurité, de boycotter Red Bull . La ministre française base son conseil sur l’avis rendu en 1996 par le Haut comité de la santé publique (CSHPF) et qui affirme ceci : “la boisson contient des teneurs en taurine et en D-glucuronolactone dont personne ne sait vraiment si elles sont dangereuses pour la santé” (11). A l’époque, cet avis officiel avait entraîné l’interdiction de vente du produit en France. En 2003, la position officielle de la France est confortée par les résultats d’une étude menée conjointement par l’AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments) et le SCF (Scientific committee on food). Cette étude menée sur des rats affirme que le produit est toxique pour les reins et entraîne notamment une forte hyperactivité (les rats vont jusqu’à s’automutiler pendant l’expérience). Cette étude ne permet pas d’émettre un avis scientifique définitif mais aucune étude fiable ne vient lever les interrogations suscitées par ces travaux. Après pas mal de rebondissements (dont je vous épargne les détails) (12) et sous la pression de l’UE qui évoque le principe de la libre circulation des biens (Red Bull étant un produit autorisé dans d’autres pays de l’UE), la France s’est vue obligée de s’incliner face au “bulldozer” commercial. En juillet 2008, Red Bull a envahi le marché français, laissant la ministre face à ses inquiétudes et ses mises en garde. Elle évoque encore “un faisceau d’indices…, de suspicions de décès en Suède et en Irlande”. (10) Contrastes plement crapuleux. Sous des dehors de défense de l’intérêt des jeunes citoyens, Red Bull flirte avec des propos d’extrême droite et tout cela… pour vendre une boisson ! C’est plus que limite, nous semble-t-il ! Parlons encore de la vie de rêve Avec Red Bull, vous vivrez des sensations fortes, vous ferez la fête, vous réussirez vos examens sans vous fatiguer et vous gagnerez votre vie sans étudier. Quel pied ! Décodons : Pour vendre son breuvage, Red Bull fait appel au côté pulsionnel de la foule (voir article page 16). Même si Red Bull est novateur en matière de forme et de marketing, sur le fond, il se base sur un vieux principe mercantile à savoir : Ce qui compte c’est votre désir ! De là, Red Bull imprime la conviction chez les jeunes, que leurs désirs, c’est la fête, le plaisir et le rêve. Donc, c’est de boire Red Bull. Au terme de cet article, nous ne voudrions pas laisser le lecteur croire que nous diabolisons Red Bull. Red Bull n’est pas Le Mal. Red Bull est un excellent exemple de la manipulation permanente que nous vivons tous tout le temps de la part du monde du commerce. Ce n’est plus à la criée sur les marchés que les marchands cherchent à nous convaincre, c’est en s’infiltrant dans nos modes de pensée. Par ce dossier, par la campagne de sensibilisation menée par les Equipes Populaires, nous vous invi- pub sept-oct 2008 Profession : Panneau publicitaire M Van Dieren Un ami parti à Taipei (capitale officieuse de Taiwan) écrivait ceci sur son blog (journal en ligne) : tons à vous réapproprier, tant que faire se peut, votre propre pensée. A retrouver votre libre arbitre... Valérie Albertuccio (1) Le mot branding vient du verbe anglais To brand qui signifie marquer (le bétail) au fer rouge. Il s’agit donc ici d’apprendre à consommer des marques et à fidéliser le client. (2) Informations trouvées dans : Trends Tendances du 02/04/08. (3) www.redbullzeepkistenrace.be/mime/.../. Page consultée le 18 septembre 2008. (4) http://www.redbull.be/#page=CompanyPage.Jobs. Page web consultée le 10 septembre 2008. (5) Idem. (6) VANDERCAMMEN.M., L’enfant prescripteur. Comment les marques utilisent le marketing générationnel !, CRIOC, mars 2005, p. 10. (7) Idem. (8) En référence au film du même nom : Jeunes qui restent tardivement au domicile de papa et maman. (9) www.redbulllosthighways.be, page consultée le 18 septembre 2008. (10) VEY.T. dans Red Bull quels dangers ?, dans Le Nouvel observateur, le 18 juillet 2008. (11) Idem. “ La taurine est un dérivé d’acide aminé qui aurait une influence sur les transmissions entre neurones au sein du cerveau et le D-glucuronolactone un sucre produit par le foie à partir du glucose. Une seule cannette de Red Bull contient pour chacune de ces molécules respectivement 5 et 500 fois les doses apportées par une alimentation quotidienne normale ! La société recommande d’ailleurs de ne pas dépasser une consommation de deux canettes pas jour”. Ibidem. (12) Pour plus de détails, lire notamment Red Bull, la boisson qui donne des ailes atterrit en France Contrastes “Parmi les métiers incongrus que l'on trouve à Taipei, ma préférence va pour celui qui consiste à rester des heures, planté à un carrefour, à tenir simplement un panneau publicitaire pour un restaurant ou un commerce, indiquant la direction à suivre ... On voit parfois quatre ou cinq "porteurs" au même carrefour, souvent relativement âgés ... un métier qui, en Occident, a été remplacé par le colson qui permet de fixer le panneau à un poteau quelconque... L'intérêt, c'est que le "paysage publicitaire" varie bien plus, que c'est plus vivant, plus ciblé (le panneau n'est là que quand le restaurant est ouvert), qu'on ne voit pas de panneaux périmés depuis des mois, que les publicités restent en bon état ... et puis surtout, ça donne un salaire à quelqu'un, et rien que pour ça, ça mérite d'exister !” Ses deux derniers arguments méritent débat. D'une part, les publicités détournées ou tagées sont parfois fort amusantes. D'autre part, l'intérêt d'un salaire en échange d'un métier aussi... épanouissant me semble discutable. Mais il faut dire que je n'ai pas trouvé trace de l'existence d'une allocation de chômage à Taiwan. Il est donc compréhensible que “panneeau publicitaire” y devienne un métier... Pas qu’à Tapei ! Et non, même en Occident tout le monde ne connaît pas encore le colson…. Un samedi comme un autre... quelques achats à faire du côté de Rocourt. Je sors de l’autoroute à Alleur, arrive au rond-point toujours saturé de voitures pleines de gentils consommateurs et de panneaux indicateurs et publicitaires en tout genre. Première sortie possible : Décathlon. Deuxième sortie : ô surprise, j’aperçois un panneau indicateur pas tout à fait comme les autres….un panneau qui bouge, un panneau vivant, un panneau qui a l’air d’avoir froid, un panneau qui s’emmerde à mourir, un panneau noir, un panneau debout sur ses deux pieds affublé d’une pancarte presque plus grande que lui qui m’indique la direction du Roi du matelas. Un mannequin vivant serait-il moins cher que le colson d’un panneau indicateur ? Faut-il se réjouir d’un emploi créé (mais à quelles conditions) ou s’effrayer de ce qu’on propose à ce pauvre homme ? Et si on lui demandait son avis ? pub FC et BD sept-oct 2008 9 MARKETING Le goût, est-ce bien nous ? L’alimentation saine est une préoccupation pour une part importante des consommateurs d’aujourd’hui. Les entreprises agroalimentaires l’ont bien compris. Aussi les campagnes publicitaires déclinent-elles sur tous les tons l’hymne à la nature, à la pureté, à la vie saine. Bien sûr, il s’agit d’une image collée au produit. Et derrière cette image ? Des stratégies de vente auxquelles les multinationales consacrent des budgets colossaux. M Van Dieren Aujourd’hui, dans les sociétés occidentales modernes, la majorité de la population n’est plus hantée par le spectre d’une famine. En revanche, ces dernières années, des crises comme celle de la vache folle ou de la grippe aviaire ont suscité d’autres inquiétudes : qu’y a-t-il exactement dans notre assiette ? Les cris d’alarme des spécialistes de la santé à propos de l’obésité, des maladies cardio-vasculaires gonflent encore cette inquiétude. L’agriculture industrielle, les méthodes de production, de transport et de distribution sont mises en cause et l’on se remet à rêver d’une nourriture “naturelle”, “simple” mais sûre. A défaut de transformer réellement les modes de production, les firmes ont compris qu’il fallait renouveler l’image de leurs produits. A grands renforts de campagnes publicitaires, elles s’efforcent de nous convaincre qu’elles ont exactement ce qu’il nous faut, et qu’il n’y a pas plus “nature” que leurs ingrédients. Voici trois exemples pour illustrer ces stratégies. L’eau en bouteille, nouveau symbole de la pureté S’il est un produit alimentaire en pleine expansion c’est bien l’eau minérale en bouteille. Il existe aujourd’hui une gamme impressionnante de marques, et les bars à eaux connaissent un succès grandissant. Emporter avec soi sa petite bouteille est devenu tout à fait “tendance” dans les années ’80, à l’époque où le jogging devenait 10 Contrastes pub à la mode. Qu’on se rappelle des spots publicitaires de Vittel ou Evian montrant inlassablement des jeunes femmes en tenue de jogging ou des jeunes pères de famille emmenant leurs enfants faire du sport dans les bois. Les minéraliers ont surfé sur la même vague que Nike et ses chaussures : associer la consommation de leur produit à une vie saine, moderne et sportive. Dans les années ’90, le marché a explosé, notamment avec l’utilisation d’emballages PET et grâce à l’arrivée des grandes multinationales qui se disputent désormais les quatre premières places : Nestlé, Coca-Cola, PepsiCo et Danone. Elles lanceront de grandes campagnes de marketing destinées à convaincre le public. La stratégie comprend deux grandes étapes : Dans un premier temps, on crée une méfiance vis-à-vis du service public chargé de la gestion du réseau d’eau. La qualité, le goût de l’eau du robinet deviennent sujets à caution. En France, le groupe Alma n’hésite pas à frôler l’indécence. Voici l’un des slogans utilisés pour son eau Cristaline : “Qui prétend que l’eau du robinet a toujours bon goût ne doit pas en boire souvent”. Dans un deuxième temps de campagne, il s’agit d’apporter la solution qui rassure. A vrai dire, l’eau est le produit idéal pour un publicitaire, comme l’explique le publicitaire français Jacques Séguéla : “L’eau étant incolore, inodore et sans saveur, la publicité peut façonner son âme et c’est là où la magie publicitaire agit le mieux. Après tout, toutes ces bouteilles sont les mêmes. sept-oct 2008 And the winner is ... Nestlé, n°1 mondial de l’eau en bouteille Le département “waters” de Nestlé est en tête des minéraliers. La multinationale suisse détient, entre autres, les marques Perrier, Vittel, Contrex, San Pelegrino et Acqua Panna. Son chiffre d’affaires atteint 67 milliards € en 2007, avec un bénéfice net de 6,6 milliards. Une de ses meilleures pubs : son engagement volontaire à remplir les critères du programme européen et canadien conditionnant la publicité à destination des enfants de moins de 12 ans. Danone, n°1 mondial des produits laitiers Son chiffre d’affaires mondial avoisine les 2,9 milliards €, dont 400 millions, soit 15%, sont injectés dans le budget publicitaire. Dès lors, l’imaginaire va les charger d’une valeur distincte, correspondant à une qualité” (1). L’irrationnel entre en scène et voici que l’eau minérale, dans son emballage et avec ses adjonctions de sels ou de gaz, devient symbole de pureté. Objectivement pourtant, les arguments en faveur de l’eau du robinet ne manquent pas. D’abord son coût est considérablement moins élevé. En Belgique, selon la société Aquawal (2), avec 3 € on peut s’offrir 1.000 litres d’eau provenant du robinet contre seulement 9 litres d’eau minérale en bouteille (et c’est loin d’être le prix le plus élevé). L’eau du robinet fait l’objet de contrôles réguliers, y compris sur sa teneur en pesticides (ce n’est pas le cas pour l’eau en bouteille). L’eau de réseau fait l’économie de la production et du transport des bouteilles plastiques, qui représentent 300.000 tonnes de CO2 par an (chiffre du Crioc). Elle garantit un bon équilibre des différents sels minéraux qui la composent, alors que les eaux minérales favorisent souvent l’un ou l’autre sel. Oui mais... trente ans de publicité nous ont appris à préférer l’eau en bouteille. Ainsi, beaucoup de gens disent aussi que l’eau du robinet a mauvais goût. Cependant, constate le Crioc, lors de tests en aveugles, rares sont ceux qui repèrent l’eau du robinet parmi les différentes eaux en bouteille (1). Et les services publics n’ont pas les moyens de soutenir un contre-argumentaire au prix d’une campagne publicitaire. On peut estimer à 47% environ du prix d’une bouteille d’eau minérale la part qui revient aux frais de distribution et de marketing. Activia : un pseudo bio devenu alicament En 2006, l’entreprise Danone a réussi en France une belle campagne publicitaire. Grâce aux 9 millions € injectés pour des spots publicitaires et 1 million pour l’affichage, sans compter un bon millier de stands de démonstration dans les magasins, Danone a fait connaître son yaourt Activia aux consommateurs et emporté 7,8% des parts de marché de “l’ultra frais” (4). Sauf qu’en fait on connaissait déjà le produit : c’est l’ancien BIO, dont l’appellation laissait subtilement entendre qu’il s’agissait d’un produit dont les ingrédients sont issus de l’agriculture biologique. Mais sans le mentionner explicitement. Ce qui eût été un gros mensonge, car justement, BIO n’était pas “bio”. C’est pourquoi l’Union européenne a mis le holà. Danone fut sommé de changer le nom de son yaourt. L’argent dépensé en publicité a donc servi à relancer le même produit, mais cette fois, les images et slogans utilisés dans les spots et les affiches laissent entendre que le produit possède des vertus médicinales. Comment ? En insistant sur l’apport du bifidus actif, un ferment lactique et de Contrastes Coca cola, n°1 mondial des boissons non alcoolisées L’entreprise consacre environ 2 milliards $ chaque année à ses investissements publicitaires, soit près de la moitié de son bénéfice net en 2005 (4,9 milliards) pour un chiffre d’affaires de 23,1 milliards. Deux milliards $, cela correspond au budget des Nations Unies. fibres, mais aussi en mentionnant un partenariat avec un magazine mensuel qui porte le mot “santé” dans son titre. Le prix d’un tel yaourt est nettement plus élevé que celui d’un yaourt ordinaire. Est-il meilleur pour autant ? Rappelons-nous d’abord que tous les yaourts contiennent des ferments lactiques. Ceux-ci ont une action positive sur la flore intestinale. Avant tout, il convient de se poser la question : est-ce que mon organisme est incapable de fonctionner correctement sans l’apport de bifidus actif ? D’autant qu’à côté de cet ajout, il convient de signaler que chaque pot d’Activia contient aussi l’équivalent d’environ 4 morceaux de sucre. (5) Mettre en avant un atout d’un produit, quitte à en exagérer l’importance ou les effets, est une stratégie de vente qui ne date pas d’hier. C’est l’occasion de rappeler que si le lait, et par voie de conséquence ses produits dérivés, est si souvent lié à la bonne santé dans les esprits, notamment pour sa teneur en calcium, c’est qu’on en a fait la propagande durant les années d’après guerre, afin d’écouler les surplus de stocks impressionnants en Europe. En fait, d’autres aliments contiennent aussi du calcium… l’eau du robinet, par exemple ! Coca-Cola ou la potion magique des vainqueurs Lorsque les soldats américains ont débarqué dans nos régions pub sept-oct 2008 g 11 M Van Dieren MARKETING g pour en chasser les armées allemandes, ils apportaient dans leurs havresacs des millions de petites bouteilles emplies d’une boisson gazeuse qu’ils distribuèrent généreusement à la population en liesse. Joseph avait quatre ans en 1944 et il s’en souvient : “On a tous reçu du cocacola. Cela avait un goût bizarre ; on ne pouvait pas dire qu’on aimait vraiment ça mais c’était leur cadeau, le cadeau des Alliés. C’était le goût de l’Amérique. Et on s’y est habitués”. Selon Stéphane Rulot, étudiant à l’Isco et auteur d’un mémoire sur le branding, (voir article en page 16), “Conquérir des parts de marché avec l’aide de l’armée des Etats-Unis, c’est une stratégie que Coca-Cola utilise systématiquement. La même chose s’est reproduite pendant la guerre du Vietnam, ou la guerre du Golfe. On associe le soda à la liberté”. Une stratégie qui s’accorde bien avec une autre, tout aussi systématique : celle de mettre en scène et de cultiver le mystère : “Depuis toujours, la recette de la boisson phare de Coca-Cola est conservée dans un coffre-fort au secret. Il est question d’un ingrédient mystérieux dont le nom n’a jamais été révélé. C’est un secret de Polichinelle pour les chimistes, mais cela fait partie de la légende, tout comme le fait que les immenses bâtiments indutriels de la multinationale sont anonymes : aucun nom n’est indiqué sur les murs”. Une véritable potion magique, que distribuent les soldats libérateurs ! Le fameux soda a été inventé par un aide-pharmacien d’Atlanta, John Pemberton, en 1886. Il fut longtemps vendu dans ce type de commerce, à côté des médicaments. A l’origine, on achetait le sirop, que l’on mélangeait ensuite à de l’eau gazeuse pour le vendre au comptoir, dans un verre. En 1887, Asa Griggs Candler rachète la formule au 12 Contrastes pharmacien et entreprend d’investir dans des campagnes publicitaires constamment renouvelées pour couvrir tout le territoire. Il fait appel à des stars de cinéma, à des pin-ups, à l’armée… Un dessinateur sera également appelé à créer un “personnage symbole” fédérateur, histoire de démontrer que le coca peut être bu n’importe où et à n’importe quelle saison. Le résultat, nous le connaissons bien puisqu’il s’agit de ce personnage ventripotent et barbu, en costume rouge bordé de blanc sur son traîneau tiré par des rennes, bref la figure désormais traditionnelle du Père Noël. En fait, le marketing de Coca-Cola se renouvelle bien plus que le produit. La version light ne sortira qu’en 1982. Peu importe, la multinationale est un empire, qui détient quatre cent marques, parmi lesquelles Fanta, Sprite, Minute Maid et Chaudfontaine. La multinationale produit également l’eau minérale Danisi. Elle a cependant dû admettre récemment, en Grande-Bretagne, qu’elle la tirait tout bonnement du robinet ! Un moindre mal pour la multinationale qui symbolise toujours le rêve américain et sait que la plupart des gens déclarent préférer Coca à d’autres marques. Curieusement pourtant, lorsqu’on le teste en aveugle parmi différents sodas, il est rare qu’on le choisisse…. Christine Steinbach 1 Extrait d’une interview réalisée dans le cadre de l’émission A bon entendeur de la télévision suisse romande, le 24 janvier 2004. Voir article mis en ligne sur le site www.aqueduc.info/spip.php?article286 2 AquaWal est le nom de l’Union professionnelle des opérateurs publics du cycle de l'eau en Wallonie 3 L’eau du robinet, étude réalisée et publiée par le Crioc, ocotbre 2006. Mis en ligne sur le site www.oivo-crioc.org 4 Chiffres présentés par la firme Danone sur son site 5 Informations disponibles sur le site du Crioc www.mangerbouger.be Ce site contient de nombreuses informations et explications sur les ingrédients contenus dans les produits alimentaires, notamment ceux qui font l’objet d’une publicité spécifique. pub sept-oct 2008 Ch. Steinbach Utiliser les même canaux de diffusion que la pub pour la remettre en question : c’est le défi que le GSARA (1) s’est lancé en organisant un concours de scénarios ouvert au public. L’originalité ? Formatés comme des messages publicitaires, ces petits scénarios pour la TV ou la radio constituent autant de messages critiques, sur un ton mordant, ironiques, décalés, que les participants ont envoyés pour donner leur avis sur l’omniprésence publicitaire. Question : les médias joueront-ils le jeu de la diffusion ? Stéphanie Dhaenens, responsable du concours, nous le raconte. Stéphanie Dhaenens INTERVIEW Ceci n’est pas un espace publicitaire ! n Qu’est-ce qui a motivé le Gsara à se positionner par rapport à la publicité et à lancer une campagne d’éducation permanente à ce sujet ? n C’est parti de la motivation de personnes qui avaient un intérêt pour cette question. Ils se préoccupaient de comprendre quels sont les effets de la publicité sur l’environnement, l’individu, les relations entre les gens, la vie en société. Pour le Gsara, il est évidemment pertinent de mettre en débat l’omniprésence de la pub dans l’espace public. Le Gsara veut agir, par le biais de l’audiovisuel et des technologies de la communication, pour favoriser une plus grande participation citoyenne aux enjeux politiques, sociaux, économiques et culturels de la société civile. Il propose différents outils pour une réflexion sur l’image et les médias, l’éthique et les représentations qu’ils génèrent, à travers des formations, des campagnes, des publications et un travail de proximité. Contrastes pub Il est aussi important de dénoncer le flot de publicités mensongères qui nous inondent. On récupère des arguments, environnementaux ou de santé, pour vendre des produits de toutes sortes : voitures, insecticides, alicaments, produits d’entretien… Un jour, je regardais un match de football à la TV dans un café. Comme je n’ai pas la TV chez moi, je découvre encore ! Et là, j’ai été sidérée en découvrant que les pubs affichées autour du terrain ne sont plus de simples banderoles, mais des panneaux électroniques qui varient. Et les téléspectateurs, moi en tête, voyaient davantage les pubs qui bougeaient derrière les joueurs que le match lui-même. Le regard est irrésistiblement attiré par ces changements d’images. Un de mes amis m’a raconté qu’à la fin d’un match de basket, des ballons dirigeables s’étaient élevés dans la salle, larguant des flyers publicitaires pour Belgacom vers les spectateurs. En rue aussi, j’ai la sensation que mes yeux sont constamment sollicités. C’est une véritable pollution et qui semble se banaliser partout. n D’où l’intérêt d’une démarche comme le concours, qui donne l’occasion de réagir, de se poser des questions sur cette omniprésence… n C’est exactement cela. La première étape de la campagne fut de rechercher s’il existait des outils g sept-oct 2008 13 INTERVIEW g pour alimenter le regard critique du citoyen, quelles associations avaient déjà travaillé sur cette problématique et comment. On a donc décidé tout d’abord de rassembler des individus et des associations ayant une expertise et de réfléchir comment sensibiliser les citoyens aux effets de la publicité. Ensuite, nous avons créé un site web, www.parapub.be, conçu comme une interface permettant des échanges d’informations, d’opinions et sur lequel on pouvait trouver un inventaire de ces outils. Et puis on a réfléchi à un mode d’action qui pouvait permettre de sonder le public sur cette question. Il existe différentes études qui attestent du ras-le-bol grandissant de la population vis-à-vis de la présence massive de la pub. Mais cela reste vague. Ce qui nous intéresse, c’est de savoir si, à ce ras-le-bol, correspond une envie de se montrer critique, de revendiquer une parole qui pourrait elle aussi prendre sa place dans l’espace public. Et puisque nous travaillons dans le champ de l’audiovisuel, l’idée est venue tout naturellement de proposer un concours de scénarios. Nous avons donc invité le citoyen à décortiquer, se moquer, ironiser ou analyser la pub, ses mécanismes, son langage ou ses effets. Concrètement, il s’agissait de rédiger en quelques lignes un court récit soit pour un billet radiophonique, soit pour un vidéogramme. Pour participer, il n’était nullement besoin de disposer d’un bagage spécifique. Le choix de procéder par le biais d’un concours s’imposait pour des raisons de limites financières. Il fallait opérer une sélection dans les scénarios proposés. n Quel a été le résultat du concours et quelles leçons en tirez-vous ? Quand nous avons annoncé le concours, des gens nous ont dit que cela ne marcherait pas, parce que l’exercice était trop rébarbatif : mettre des idées par écrit n’est pas facile pour tout le monde, alors pour 14 Contrastes pub un scénario… Certains craignaient que seuls des élèves d’écoles de l’audiovisuel y prennent part. Et pourtant, au bout des trois mois prévus pour remettre un scénario, nous en avons reçu 91, proposés par 42 personnes. On peut dire que, pour une première expérience, ce n’est pas mal ! Et il y a eu très peu de participants rompus aux techniques de l’audiovisuel. Au contraire, il y a eu des participations que l’on aurait pu juger à première vue improbables, comme des groupes de personnes inscrites au CPAS. Nous avons reçu aussi les propositions de quatre groupes d’élèves de l’enseignement secondaire, dont les professeurs avaient introduit le thème de la pub dans leur cours. Un public varié, donc, et intéressé par le thème, plus que par le volet technique. Personnellement, la lecture de ces projets m’a beaucoup enthousiasmée. J’y ai trouvé une grande créativité, de nombreuses idées. Certains scénarios étaient assez longs mais je me suis rendu compte qu’il était tout à fait possible d’en tirer quelques idées précises à scénariser. Et plus simplement, je dirai que la participation démontre, à mes yeux, qu’il y a effectivement une envie de réagir, d’exprimer une critique, fondée sur une analyse, de la part des citoyens. Pour sélectionner les gagnants, vous avez aussi mis sur pied un jury composé de personnes venant de plusieurs organisations, d’horizons très divers : audiovisuel, journalisme, éducation permanente, enseignement, … Cette lecture croisée a-t-elle apporté un “plus” ? n Oui. L’idée de composer ainsi le jury a permis des lectures et des appréciations sur plusieurs niveaux et d’affiner le tri. Les sensibilités étaient très variées, de sorte que cela a constitué un temps de formation pour tous, à commencer par moi. Et puis, en soi, la qualité de participation de toutes ces personnes est une réussite car tout le monde a préparé avec soin son choix et ses commentaires et l’échange autour de la table était très riche. Chacun a joué le jeu à fond. sept-oct 2008 Concrètement le travail du jury a abouti à la sélection des six scénarios gagnants, trois pour un billet radio et trois autres pour un vidéogramme. n Le concours proprement dit est achevé. Il y a eu des gagnants. Puis une autre étape a commencé, puisque les scénarios retenus seront réalisés. n En effet. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai trouvé très important, dès le début, d’intéresser tout le personnel du Gsara à la démarche. C’était une occasion formidable de les associer à un processus d’éducation permanente, ce que leur métier de monteur, de réalisateur, etc. ne permet pas d’habitude. Cela a donné lieu à quelques réunions que je qualifierais d’historiques et cela avait tout son sens puisque, dans la suite du concours, évidemment, les autres métiers interviennent. Cet été, le réalisateur a rencontré les lauréats et co-scénarisé les projets : découpage en séquences, etc. C’est une partie importante puisqu’elle offre, dans la foulée, aux lauréats d’acquérir des bases de langage audiovisuel. Ensuite une équipe s’est constituée avec un chef opérateur. Elle a cherché les acteurs, les décors, les costumes, bref tout ce que nécessite la réalisation d’un vidéogramme (les billets radio n’exigent pas cela bien sûr). Le tournage et l’enregistrement sont maintenant en cours et nous prévoyons que les spots radio et visuels seront prêts pour décembre. L’associatif ne dispose pas forcément de tels outils. On a réussi à en trouver mais on n’a pas les mêmes moyens. Il faut savoir que dans le privé, un spot publicitaire de 10 secondes, depuis sa coscénarisation jusqu’au montage final, coûte entre 12.000 et 14.000 €. Ne disposant pas de sommes pareilles, notre défi est de réaliser six spots pour le prix d’un, soit 12.000 €. Et la contrainte financière ne s’arrête pas à la réalisation. Ensuite il faut pouvoir payer la diffusion. Par exemple, le coût de diffusion d’un spot publicitaire de 30 secondes pour une banque, durant deux semaines, revient au minimum à 50.000 €. n Cependant, les spots issus du concours ne sont pas des pubs. Etant donné le contenu, ne peuvent-ils pas être considérés comme messages dits d’intérêt général ? n De fait, nous allons solliciter la Coordination des télévisions communautaires, organisme public qui a pour mission de reconnaître et, le cas échéant, de faire passer des messages dits d’intérêt général par les canaux publics. Il faut souligner que l’intérêt général n’existe pas en soi. Un message est toujours situé, il donne un point de vue, par exemple sur une question de santé publique. Il est donc très important de considérer que le fait de pouvoir diffuser des messages à caractère non marchand dans l’espace public constitue une base pour discuter de l’intérêt général et le construire. Sinon, c’est celui qui peut payer qui dicte. n Vous avez opté pour un format particulier, puisque les billets et les vidéogrammes ont un timing de 30 secondes. Ce n’est pas anodin ! n Certainement pas. Il s’agit d’un format de spot publicitaire. Notre intention est de demander la diffusion de ces spots aux gestionnaires d’espaces publicitaires, y compris les canaux de service public. Nous visons les radios et TV, mais aussi les centres culturels, salles de cinéma, et même les supermarchés ou la STIB, via leurs haut-parleurs. Cette campagne de demande de diffusion est la troisième étape de l’action, après le concours et la réalisation des scénarios. Elle est cruciale et nous y attachons une très grande importance. Car l’enjeu est de faire valoir un droit à la diffusion de messages qui contribuent à ce qu’exprime très bien François Brune, co-fondateur de RAP (Résistance à l’Agression Publicitaire) : “accroître la conscience critique des citoyens, en démystifiant les discours dominants de nos espaces publics”. En fait, dès que nous avons eu l’idée du concours, nous avons réfléchi aussi à la manière d’organiser une campagne de demande de diffusion. C’est ainsi que nous avons opté pour un format publicitaire. Evidemment, un tel format nous place devant un défi. Nous sommes, en quelque sorte, tenus d’enfiler le costume d’un publicitaire. Je veux dire que nous devons adopter le langage spécifique de la pub pour pouvoir faire passer en 30 secondes un message qui interroge ce langage. Idem sur le plan de la forme : le décor, la mise en scène, les comédiens, le fond sonore, bref, tout ce qui compose le vidéogramme ou le billet radio doit contribuer à réussir une parodie du message publicitaire. n Un défi technique mais aussi financier, car le Gsara, comme l’associatif en général, n’a pas les mêmes moyens qu’une grande agence de communication… n C’est d’autant plus vrai que le monde publicitaire utilise des outils techniques (comme des caméras) bien spécifiques. Contrastes Interview réalisée par Christine Steinbach Les trois scénarios gagnants des spots TV Cerveaux à vendre : Une famille plutôt atypique regarde la télévision. A moins que ce ne soit la TV qui la regarde ? En passant en revue chacun des membres de cette famille, elle définit le profil type et analyse les réactions après le passage d’une pub. L’avaleur de pub Un homme se prépare à un festin de publicités, tandis que les déchets s’amoncellent dans son jardin. Un régime de toutes-boîtes n’est pas forcément digeste. Futur consommateur La vie grandit dans le ventre d’une femme. Mais vu le chemin qu’il emprunte, le foetus n’est pas loin d’aboutir sur le tapis roulant d’une caisse de supermarché. Les trois scénarios gagnants des spots radio On nous promet la lune Une super voiture, un corps de rêve, un boulot d’enfer… Peu de chances de trouver cette combinaison gagnante sur notre planète. Une fusée sera votre moyen de transport. La “publiscite” aiguë Un enfant souffre de symptômes étranges : il veut toujours de nouvelles voitures, donne son avis sur les achats du ménage. C’est grave docteur ? Le repentir Vanessa a baigné dans l’univers de la pub pendant dix ans. Le Groupe d’anonymes auquel elle assiste pourra-t-il l’aider à s’en sortir ? pub sept-oct 2008 15 BRANDING Manipulation Relations publiques ... Ne dites pas dites Il y a près d’un siècle, l’américain Edward Bernays écrivait le mode d’emploi de la propagande moderne. Il y explique pourquoi l’art de manipuler les foules est une nécessité pour les sociétés démocratiques. Mais au fait, quel est le rapport avec la publicité ?... Dans un régime dictatorial, les dirigeants s’imposent et se maintiennent par la force et la censure. Mais que faire en démocratie quand on veut imposer sa loi ? Comment éviter l’anarchie si les gens se mettent à penser ? Et surtout - surtout - comment leur faire désirer ce qu’il faut qu’ils achètent (sinon ça ne se vendra pas) ? C’est la question sensible qui se pose aux élites politiques et économiques au début du 20e siècle, alors que la démocratie gagne du terrain. L’américain Edward Bernays leur proposera le mode d’emploi de la propagande moderne. Avec son Agence de Relations publiques, il apprend aux entreprises comment communiquer, et aux hommes politiques comment devenir “people”. Le but : transformer les citoyens naissants en troupeau de consommateurs, pour préserver l’élite du chaos. Toute personne qui s’est promenée ne serait-ce qu’une fois dans un marché local aura entendu quelqu’un crier “allez, trois kilos de tomates pour le prix d’un” ou bien “il est frais mon poisson” ou encore “qui veut des beaux choux ?”. Cette façon de faire de la réclame a comme un charme désuet, un côté pittoresque. Mais s’il s’agit de vendre une crème de soin ou une voiture, voilà belle lurette que l’on procède tout autrement. Plus question de supplier le client de venir acheter votre produit. Désormais, il faut que le client vous supplie de le lui vendre. Cela nécessite de la manipulation “intelligente” et c’est à Edward Bernays que nous devons la mise au point, la pratique et la théorie de ce concept. Ce “conseiller en relations publiques” comme il se désignait, est l’auteur d’un livre publié en 1928 et intitulé “Propaganda”1. Il y explique en quoi l’art de manipuler les foules est une nécessité pour les sociétés modernes, devenues démocratiques. Les Américains appellent cela le spin, c’est-à-dire la manipulation systématique et à grande échelle de l’interprétation et d’une présentation partisane des faits2. Bien que son nom est assez peu connu du public, Edward Bernays en est, sinon le seul, en tous cas l’un des principaux inventeurs. Il a ainsi contribué à transformer profondément non seule- 16 Contrastes pub ment les techniques publicitaires mais aussi le rapport aux hommes politiques et les relations de travail au sein des entreprises. Car avec les techniques de marketing qu’il énonce et met en pratique, on peut vendre aussi bien un produit ou un service qu’une idée politique ou l’image d’une entreprise. Trouver des leaders et l’opportunité Edward Bernays est né en 1891 et mort un bon siècle plus tard, en 1995. Après des études d’agriculture qui ne l’enthousiasment pas, il est un temps journaliste et, alors qu’il s’occupe d’une revue médicale, une occasion va lui mettre le pied à l’étrier. Il s’est engagé à faire monter une pièce, Damage Goods, dont le sujet est polémique et tabou pour l’époque (1912) : elle traite d’un enfant syphilitique et des méthodes de santé publique pour éviter les maladies sexuellement transmissibles. Bernays a alors une idée dont il se servira à maintes reprises par la suite : créer un “tiers” objectif, qui favorisera un retournement d’opinion. Dans ce cas-ci, il met sur pied un comité de fonds auquel participeront des centaines de personnalités. Le fonds a pour mission de soutenir la création de la pièce. Toutes ces personnes respectables prendront la parole pour féliciter l’initiative, “méritoire œuvre d’éducation publique sur un sujet de la plus haute importance”. Du coup, tout le monde va voir la pièce qui connaît un immense succès et une critique élogieuse. Bernays quitte alors la revue et devient publiciste. Il n’a que 21 ans. L’un de ses premiers clients est une compagnie de ballets russes. Le ballet n’est pas un art qui enthousiasme les Américains. Bernays comprend bien qu’il ne tirera rien en plaçant des affiches sur les murs. Il lance alors une vaste campagne vers les journalistes : il n’y parle pas seulement des artistes et de la danse. Il vante surtout les couleurs, le style, la beauté des costumes. Les femmes découvrent ces merveilles dans leurs magazines féminins, les fabricants de costumes sont invités à les copier, les hommes sept-oct 2008 De même, si votre enfant s’est subitement découvert une passion pour tel sport ou tel style de vêtements, c’est peut-être bien parce qu’il aura vu cela dans une série télévisée ou un film… Préserver l’élite du pouvoir démocratique Un troisième épisode dans la carrière de Bernays va à la fois lui donner son plein essor et nous éclairer sur l’ampleur du phénomène en train de naître. Nous sommes en pleine première guerre mondiale. Les Américains n’y ont pas encore pris part et l’opinion publique n’y est pas favorable. En 1917, le gouvernement met sur pied la Commission Creel, chargée de renverser cette opinion. trouvent dans leur journal cette question : L’Américain a-t-il peur d’être gracieux ? Le résultat suit : le ballet sera lui aussi un grand succès et les écoles de ballet se remplissent. Les techniques utilisées dans ces deux exemples nous sont aujourd’hui familières. Des produits de maquillage sont vendus en pharmacie, des emballages d’aliments font état de leurs qualités diététiques, et des comédiens enfilent une blouse blanche pour déclamer les vertus nettoyantes des enzymes de tel produit de lessive. Le soutien scientifique constitue le “tiers objectif” qui sert de relais auprès de l’opinion publique. Une vaste opération de manipulation de l’opinion La commission Creel a été mise sur pied par le gouvernement américain en 1917. Elle était composée d’un grand nombre de journalistes, d’intellectuels et de publicistes, dont Bernays. Ensemble ils ont mis en œuvre à très grande échelle tous les moyens de communication imaginables pour diffuser l’idée qu’il faut entrer en guerre : posters, documents audiovisuels, communiqués… mais aussi les “four minute men” : “il s’agit de ces dizaines de milliers de volontaires - le plus souvent des personnalités bien en vue de leur communauté - qui se lèvent soudain pour prendre la parole dans des lieux publics (salles de théâtre ou de cinéma, églises, synagogues, locaux de réunions syndicales…) afin de prononcer un discours ou réciter un poème qui fait valoir le point de vue gouvernemental sur la guerre, inciter à la mobilisation, rappeller les raisons qui justifient l’entrée en guerre des Etats-Unis ou inciter à la méfiance - voire à la haine - de l’ennemi”. Contrastes C’est ainsi que l’élite dirigeante prend conscience de l’énorme potentiel d’une campagne de propagande telle qu’on peut désormais la conduire. Elle y témoigne d’un intérêt d’autant plus sérieux qu’en ce début de 20e siècle, la classe possédante a vécu des moments difficiles. La démocratie gagne du terrain, la conscience sociale se développe, l’instruction s’étend. Les luttes des travailleurs ont mis à mal la conviction qu’avaient les entreprises de pouvoir faire leurs affaires en vase clos. L’extrême concentration des richesses réalisée dans la seconde moitié du 19e siècle par la formation de monopoles géants a conduit à des crises successives provoquant “le froid, la faim et la mort aux gens du peuple, tandis que les Astor, les Vanderbilt, les Rockefeller et les Morgan poursuivent leur ascension”. Dénoncées, confrontées aux grèves multiples, les entreprises recherchent les moyens de redorer leur image et rétablir la confiance. Et surtout à se prémunir contre cette menace que représente la démocratie : “la grande bête doit être domptée”, comme dit Alexander Hamilton. Bernays sera l’un des principaux “conseillers en relations publiques” auxquelles cette élite va s’adresser. Lui-même assume sereinement une telle mission, convaincu que “la manipulation consciente, intelligente, des opinions et des habitudes organisées des masses joue un rôle important dans un société démocratique”. Telle est la première phrase de Propaganda. Selon son auteur, les dirigeants des grandes entreprises, des institutions politiques, culturelles, financières forment une sorte de “gouvernement invisible”, sans pour autant se concerter nécessairement entre eux : “Nous sommes pour une large part gouvernés par des hommes dont nous ignorons tout, qui modèlent nos esprits, forgent nos goûts, nous soufflent nos idées”. La propagande est “l’organe exécutif” de ce gouvernement invisible, indispensable pour “créer de l’ordre à partir du chaos”. La foule est guidée par ses pulsions Edward Bernays trouve une large part de son inspiration dans les idées qui circulent depuis quelques temps sur la psychologie de foules, notamment depuis les travaux du Français Gustave Le Bon (3). Lui-même est un neveu de Sigmund Freud, ce qu’il rapg pelle volontiers. pub sept-oct 2008 17 BRANDING Un président starisé En 1924, on se plaignait que le président des Etats-Unis Coolidge paraisse trop distant, froid et austère dans l’esprit de l’homme de la rue. C’est Bernays, encore lui, qui trouva la solution. Il souffla au président l’idée d’organiser des déjeuners-rencontres avec des stars du cinéma, de la chanson pour populariser son image. Voilà pourquoi, des années plus tard, Marilyn chantonnait “pom-pom-pidoo” à l’anniversaire du président Kennedy, pourquoi les tribulations romantiques du président Clinton ont fait les choux gras de la presse. Et cela explique peut-être aussi pourquoi tous nos présidents de partis se sont sentis obligés d’assister au match de football qui allait consacrer le Standard champion de Belgique ! Et pourquoi la politique perd du crédit... g Bernays part du principe que la masse n’est pas “pensante”. Au sein d’une foule, ce sont les pulsions inconscientes qui dominent. Les masses sont guidées par “l’impulsion, l’habitude, l’émotion”. De plus, l’esprit grégaire la pousse à suivre l’avis d’un leader. Il faut comprendre ce qui motive la masse et en tirer parti. “La vapeur qui fait tourner la machine sociale, ce sont les désirs humains”. Le travailleur espère s’élever dans l’échelle sociale ? On peut associer le statut social à l’achat d’une voiture. La femme aspire au droit de vote ? Bernays récupère pour lui faire acheter des cigarettes. L’humain a besoin de lien social ? Excellent pour vendre du savon. Et Bernays expose l’idée clé du marketing moderne : “Au lieu de s’attaquer de front aux résistances des acheteurs, ils cherchent à les supprimer. A cet effet, ils créent les circonstances qui, en canalisant les courants émotionnels, vont produire la demande”. Et de fait, les techniques de marketing utilisées de nos jours découlent de là (voir article sur Red Bull en page 4) : créer l’événement, passer par des leaders de groupe, etc. pour mettre à la mode un produit. Il s’agit véritablement de “fabriquer le consentement”, selon l’expression du linguiste Noam Chomsky (4). Le branding, avatar de la propagande commerciale C’est dans la foulée des préceptes de Bernays que le branding est devenu un véritable phénomène, propre aux grandes marques. De quoi s’agit-il ? Stéphane Rulot, étudiant à l’ISCO (Institut supérieur de culture ouvrière) à Arlon, y a consacré son mémoire (5) : “le branding s’attache à développer, chez les consommateurs, une attitude en conformité avec la marque. Le mot vient de l’anglais to brand qui signifie marquer (le troupeau, le bétail) au fer rouge. Il s’agit donc ici d’apprendre à consommer des marques. Et toutes les grandes marques ont développé un système de branding pour fidéliser les consommateurs”. Un exemple souvent cité est le cas de la marque Nike (6), qui fut l’une des premières à développer ce concept. A la fin des années ’70, aux Etats-Unis, la mode est au jogging, pour entretenir sa forme. Le patron de Nike, Philip Knight, a l’idée de surfer sur cette mode pour écouler son stock de chaussures invendues. “Mais il ne s’est pas contenté de vanter ses chaussures pour courir, explique S. Rulot. Il a financé des campagnes publicitaires qui mettent en scène des sportifs de haut niveau, des vedettes, de manière à associer la marque Nike au sport. Ou plutôt, d’associer le sport à Nike ! Le message est que Nike vend ‘l’essence du sport’”. 18 Contrastes Rencontre entre une star et un président... un formidable outil de propagande. Aujourd’hui, la marque n’a plus la moindre usine de chaussures aux Etats-Unis, elles sont confectionnées dans des sweatshops (littéralement, magasins de sueur), ces fameux ateliers où la main-d’œuvre est exploitée, en Indonésie ou au Vietnam. Peu lui importe, du moment que les consommateurs sont convaincus qu’être sportif c’est porter du Nike. Manipuler sans abuser ? En tant que conseiller en relations publiques, Edward Bernays ira souvent prendre conseil auprès du corps médical, des scientifiques, et s’intéresse de près aux sciences sociales. Elles servent d’inspiration tout autant que de caution à ses techniques, dont il assure qu’elles sont fondées sur des connaissances précises. On trouve par ailleurs, dans Propaganda l’ambiguïté d’un discours publiciste toujours d’actualité : tout en s’efforçant de prouver l’efficacité et la nécessité de manipuler l’opinion publique, Bernays cherche à rassurer en invoquant souvent l’éthique de sa profession et exposant à plusieurs reprises qu’il s’agit de comprendre ce que désire la masse, de trouver une cohésion entre le désir de son client et celui de la foule. Bernays serait-il naïvement convaincu que l’on peut manipuler sans abuser ? Certainement pas. Il a pleinement assimilé le préjugé partagé par nombre de scientifiques de l’époque, selon lequel le peuple est incapable de comprendre ce qui se passe. “La masse est tenue pour ne rien engendrer qu’anarchie et violence” note Sandrine Aumercier, psychologue (7). Dans son métier, c’est la “vérité” que ses commanditaires veulent communiquer au public qui compte. Bernays “oublie” souvent, dans son souci de justifier le rôle social de la propagande, que ses clients sont le plus souvent motivés par des considérations purement mercantiles. Un bon exemple de cette duplicité est celui du concours de sculptures de savons (le savon blanc Ivory), qu’il organise dans les années ‘20 pour le compte de Procter & Gamble. Ce concours est ouvert à des catégories d’écoliers et aux artistes professionnels. Bernays a bien sûr veillé à ce qu’un artiste connu affirme que ce savon est idéal pour sculpter. Le Centre artistique de New York parraine le concours. Les écoles rentrent dans le jeu. Les mères s’attendrissent devant les œuvres et récupèrent les copeaux pour leur lessive. Un grand musée new-yorkais accueille la finale. Les savons se vendent, Procter & Gamble sont sympa. pub sept-oct 2008 La cigarette, flambeau de la liberté des femmes Comme Bernays l’explique lui-même dans son livre : “S’agissant de la propagation des idées, une des méthodes les plus efficaces consiste à se servir de la structure de groupe de la société moderne”. Il précise que les ressorts psychologiques utilisés ici sont le goût esthétique, la compétition, la sociabilité, le snobisme (l’impulsion à suivre un chef de file), l’exhibitionnisme et la sollicitude maternelle. Mais il va plus loin, et souligne, non sans cynisme, combien il est important de rencontrer les intérêts de chaque leader : “les enseignants et les artistes illustres […] prêtent volontiers leurs services et leurs noms à une opération indéniablement utile à un intérêt qui leur tient à cœur : la culture des impulsions esthétiques des jeunes générations”. Depuis, les choses ont encore évolué aux USA : “aujourd’hui, le lycéen qui réussit son programme de lecture reçoit un bon de commande chez Pizza Hut ou Mc Donald” (8). Dans l’intérêt de qui ? Si la chose ne plaît pas, on l’appellera autrement, voilà tout On le voit, Bernays ne s’occupe pas seulement de faire vendre un produit. Il conseille aussi les entreprises sur l’image qu’elles ont intérêt à donner d’elles au public. Les méthodes qu’il introduit ou développe contribueront à ce qu’on appelle la nouvelle culture d’entreprise (9). Stéphane Rulot : “Le mot hiérarchie a été barré au profit du mot ‘adhésion’ . C’est comme si l’on remplaçait le mot “fouet” par “instrument de remise à niveau”. L’entreprise ne cherche pas seulement à convaincre les clients. Elle a développé un mode de relations interne qui vise à emporter l’adhésion y compris des travailleurs. La marque sert aussi à cela : chez Nike, les “collaborateurs” - nouveau nom des employés et ouvriers - se font tatouer sur le front, la cheville ou l’avant-bras le célèbre logo, un dessin représentant une lame de patin argentée (le swoosh). Ils participent ainsi à la célébration du dynamisme de leur entreprise. Chez Bricorama, tous les employés ont reçu la chemise verte et la cravate blanche rappelant le logo”. Changer les mots est une technique que Bernays préconisera souvent. L’appellation “hôpital militaire” fait-il peur depuis la guerre? Il se nommera désormais “plan pavillonnaire”. En revanche, il regrettera que le mot “propagande” ne puisse reconquérir une valeur positive dans les esprits. Ce “beau mot ancien”, en effet, n’a plus trouvé grâce auprès du public, notamment (ô ironie) depuis qu’il a découvert les agissements de la Commission Creel évoquée en début d’article. Aussi Bernays parlait-il de relations publiques. On peut dire marketing aussi. Le tout est de ne pas se méprendre sur sa signification… Christine Steinbach Le coup le plus célèbre de Bernays illustre bien ses méthodes de marketing : En 1929, les industriels du tabac déplorent que la morale américaine interdise aux femmes de fumer. Bernays s’informe auprès d’un psychologue. Celui-ci explique que la cigarette correspond à un symbole phallique, associé au pouvoir du mâle. Il faudrait donc associer le fait de fumer, pour une femme, à une contestation de ce pouvoir. Que fait Bernays ? Le jour de la traditionnelle parade de Pâques à New York, il paie un groupe de jolies jeunes femmes pour qu’elles allument, toutes ensemble et au bon moment, une cigarette. Bien sûr les journalistes sont prévenus. Apparaissent une série d’articles expliquant que des suffragettes ont allumé ces cigarettes en guise de “flambeaux de la liberté”. Tout le monde en parle. Et beaucoup de femmes se mettent à fumer. 1 Edward Bernays, Propaganda, éd. H. Liveright, 1928, New York. Publié en français aux Editions La Découverte, Paris, 2007. Les citations reprises à E. Bernays dans l’article sont issues de cet ouvrage. 2 Cette définition est donnée par Normand Baillargeon dans la préface à l’édition française du livre d’Edward Bernays, Propaganda. 3 Gustave Le Bon (1841-1931) fut anthropologue, psychologue social, sociologue et scientifique amateur. Son ouvrage le plus célèbre s’intitule Psychologie des foules et les idées qu’il y présente auront une influence sensible au début du 20e siècle, époque où l’on commence à manifester un intérêt pour l’inconscient et la psychologie de masse. Si l’ouvrage se contente d’analyser ces phénomènes, donnant ainsi des clés pour résister aux manipulations, il servira d’inspiration à des régimes totalitaires (hitlérien, stalinien) pour mobiliser les masses. 4 Igor Martinache, Propaganda. Comment manipuler l’opinion en démocratie, article en ligne sur le site : www.liens-socio.org/article.php3?id_article=2906 5 Stéphane Rulot, La publicité télévisée à destination des enfants est-elle un cheval de Troie dans la famille, Isco Luxembourg, 2008. 6 Naomi Klein l’analyse dans son livre No Logo. La tyrannie des marques, Lemeac/Actes Sud, 2000. 7 Sandrine Aumercier, Edward L. Bernays et la propagande, 15 octobre 2007, mis en ligne sur le site : http://www.asies.org/article.php?ID=536 8 Nico Hirtt et Bernard Legros, L’école et la peste publicitaire, Editions Aden, 2007. 9 Lire aussi La Fabrique du Conformisme, Manière de voir, Le Monde diplomatique, bimestriel, N°96, déc. 2007-janv. 2008. Petit jeu pour terminer... Comptez le plus rapidement possible le nombre de marques qui se cachent dans ce slogan. Et posez-vous la question: Comment se fait-il que je reconnais si vite les marques en voyant une seule lettre de leur logo?... Contrastes pub sept-oct 2008 19 SOMMAIRE Publicité 2. EDITO Marqués comme du bétail… 3. JEUNES ET PUB De la pub dans le biberon Les annonceurs publicitaires font preuve d'une imagination débordante pour cibler en plein cœur les consommateurs que nous sommes tous, dès le plus jeune âge. Sois Red Bull… et tais-toi ! Red Bull est, à lui seul, un véritable phénomène publicitaire. 10. MARKETING Le goût, est-ce bien nous ? Stéphanie Dhaenens : Ceci n’est pas un espace publicitaire ! Utiliser les même canaux de diffusion que la pub pour la remettre en question : c’est le défi que le GSARA s’est lancé en organisant un concours de scénarios ouvert au public. 16. BRANDING Ne dites pas Manipulation, dites Relations publiques ... Il ya près d’un siècle, l’américain Edward Bernays écrivait le mode d’emploi de la propagande moderne. Il y explique pourquoi l’art de manipuler les foules est une nécessité pour les sociétés démocratiques. Mais au fait, quel est le rapport avec la publicité ?... Contrastes est édité avec le soutien de : PHOTO DU MOIS 13. INTERVIEW M Van Dieren L’alimentation saine est une préoccupation pour une part importante des consommateurs d’aujourd’hui. Les entreprises agroalimentaires l’ont bien compris. La pub, notre deuxième peau ? La pub se rapproche de nous. Elle commence à nous suivre partout où l’on va, à espionner nos habitudes de vie, à s’apposer sur nos vêtements, à téléphoner dans notre salon, à se glisser dans nos cartables, à se tatouer sur notre front. La pub finit par nous coller à la peau. Tellement fort qu’elle lui bouche les pores et l’empêche de respirer... Comment garder ou recréer une distance entre la pub et nous ? Les élèves du Collège St Servais de Namur ont organisé en février dernier une exposition “Si j’étais consom’acteur”. Ils y ont décortiqué les techniques publicitaires, porté un regard critique face à la pub et appris à résister à la dictature des marques. Ce mannequin est une de leurs créations...