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Contrastes sept-oct 2008
Belgique - België
P.P. - P.B.
5000 - Namur 1
BC 4854
Dossier pédagogique des Equipes Populaires
Bimestriel n° 128 • Septembre-Octobre 2008
Bureau de dépôt : 5000 Namur mail. N° d’agréation : P 204078. Photo : M Van Dieren
La dictature
des marques
La dictature
des marques
Publicité :
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EDITO
2
La pub est tellement omniprésente que le senti-
ment de lassitude et de trop plein s’exprime de
plus en plus. Il n’est pas toujours facile de prendre
conscience à quel point elle marque notre culture
et nos habitudes.
Derrière ce phénomène, il y a des techniques
savamment mises au point. Celles-ci s’inscrivent
dans une théorie construite et pensée depuis bien
longtemps sur la manipulation de l’opinion
publique. Cette manipulation ne concerne pas seu-
lement le commerce des produits, elle s’infiltre et
modifie de plus en plus les relations avec la sphère
politique et le monde du travail. Dans ce dossier,
nous présentons l’influence de la publicité dès le
plus jeune âge et les techniques utilisées pour
faire de nos enfants des prescripteurs d’achats.
Nous décodons les nouvelles techniques de marke-
ting à travers des exemples concrets, notamment
Red Bull, Nestlé, Danone et Coca-cola. En fin de
dossier, nous décodons les théories de manipula-
tions mises en place dès le début du 20è siècle
par des penseurs américains, pour nous laisser
«marquer au fer rouge» (technique du branding) par
la publicité…
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sept-oct 2008
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Marqués
comme du bétail…
Equipe de rédaction :
Valérie Albertuccio,
Françoise Caudron,
Benoît Dassy,
Christine Steinbach,
Monique Van Dieren.
Rédactrice en chef :
Monique Van Dieren
Mise en page :
Hassan Govahian
Impression : Corelio
Editeur responsable :
Michele Di Nanno,
rue de Gembloux,
48, 5002 - Namur
Tél : 081/73.40.86
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Les annonceurs publicitaires ont compris tout l'in-
térêt d'analyser les comportements et les habi-
tudes de vie des jeunes pour en faire des "pres-
cripteurs de produits". Cela signifie que ce sont de
plus en plus les jeunes qui décident eux-mêmes
ce qu'ils achètent avec leur argent de poche (1) et
qu'ils influencent de plus en plus les choix de
consommation de leurs parents. Observons le
comportement des enfants dans les grandes sur-
faces : neuf enfants sur dix placent spontanément
des produits dans le caddy des parents !
De nombreuses marques de voiture s'adressent
aux enfants, en vantant tel ou tel gadget ou en
mettant en scène un personnage familier des
enfants, sachant que ceux-ci auront - consciem-
ment ou non - leur mot à dire dans la décision que
prendra leurs parents.
A chaque âge son attitude
A partir de quel âge l'enfant devient-il prescripteur
d'achats ?
Selon une étude du CRIOC, réalisée il y a 3 ans (2),
c'est dès l'âge de 4 ans que l'enfant influence ou
décide de certains achats de ses parents.
Mais les publicitaires n'attendent pas cet âge pour
entreprendre leur travail de laminage de cerveau.
Depuis 2003 en effet, la chaîne de Baby TV chan-
nel (3), disponible en Belgique, conçoit des pro-
grammes pour les bébés à partir de …6 mois.
Sous des apparences pseudo éducatives, la
chaîne entend les éveiller aux couleurs, aux sons,
aux sensations douces. En réalité, ces pro-
grammes sont truffés de publicités cachées pre-
nant la forme de mascottes, de petits animaux ou
de doudous qui se retrouvent sur les emballages
de produits. Dès qu'ils en seront capables, les
bambins trépigneront et hurleront dans le magasin
pour faire craquer leurs parents !
De nombreux psychologues et psychiatres tirent la
sonnette d'alarme pour dénoncer les méfaits de
ces images distillées beaucoup trop tôt dans des
cerveaux-éponges qui n'ont aucune faculté de réa-
gir face aux stimuli sensoriels … et publicitaires.
Pour en revenir à l'étude du Crioc, le monde des
jeunes n'est pas un ensemble indifférencié.
Pour chaque classe d'âge, les stratégies publici-
taires sont spécifiques, même si certaines classes
d'âge partagent des comportements communs…
et la même envie d'imiter la classe d'âge supé-
rieure.
4-8 ans : Les produits maternants
Dès l'âge de 4 ans, l'enfant perçoit que faire des
achats permet de satisfaire des envies et des
besoins. De leur côté, les parents souhaitent
encore materner et rassurer leurs chérubins… et
cela passe de plus en plus par l'achat de produits
câlins, sucrés, doux…
Les publicités et emballages présentent donc les
produits comme amusants et étonnants pour les
enfants, et sains pour les mamans. Ils jouent sur
l'utilisation de personnages symboliques et sur
3
Les annonceurs publicitaires font preuve d'une
imagination débordante pour cibler en plein
cœur les consommateurs que nous sommes
tous, dès le plus jeune âge.
Les techniques de marketing et les messages
publicitaires sont savamment dosés pour faire
de l'enfant ou du jeune un accro de la
consommation de marques…
De la pub dans le biberon
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Contrastes sept-oct 2008
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l'imaginaire (animaux, lutins, personnages de des-
sins animés…)
Les publicités mettent parfois en scène un monde
où les enfants font la loi, où les parents sont non
admis ou même ridiculisés. Ils se créent ainsi pro-
gressivement leur univers… et se forgent leurs pro-
pres exigences en matière de consommation.
8-11 ans : L'identification aux héros
Cette tranche d'âge ne constitue pas un groupe
homogène : les enfants sont encore proches de
l'univers maternel mais commencent à chercher à
s'affirmer par la désobéissance et l'opposition. Ils
comprennent de mieux en mieux que la publicité
(à la TV, dans la rue…) présente des produits qu'on
peut acheter en magasin. Ils commencent à avoir
un peu de liberté de choix et à se soucier de leur
image.
Les produits "plaisir et fun" apparaissent dans leur
univers de consommation. Tous les sens sont solli-
cités : le goût (sucré, acidulé,…), le toucher
(formes et matières crémeuses, croustillantes…),
l'odorat (mentholé, fruité,…), la vue (couleurs
vives…). C'est aussi l'âge où la Mc'Donalisation de
la consommation apparaît (hamburgers, coca, che-
wing gum…). Le développement de "produits déri-
vés" (4) fait également exploser les ventes. En effet,
cela augmente la visibilité de la marque et accen-
tue l'attachement au produit.
11-14 ans : L'importance des marques
C'est une période de changements rapides dans la
vie des jeunes. Leur identité se construit, l'esprit
critique se développe, ils accordent beaucoup
d'importance aux amis et à ce qu'ils consomment.
Internet et toutes ses applications (jeux, musique,
chat…) remplace petit à petit la télévision.
L'adolescent est un acheteur important. Son
argent de poche augmente avec son passage à la
"grande école"; Il achète un GSM, des DVD, des
jeux, des vêtements, des magazines qu'il choisit
désormais tout seul. Il influence fortement les
choix alimentaires, le lieu de vacances, l'achat de
la voiture ("Peugeot 806, la voiture que les enfants
recommandent à leurs parents").
Les publicitaires développent des produits au look
plus adulte mais financièrement accessibles. A cet
âge, la marque du produit devient un critère de
reconnaissance sociale : elles sont donc rendues
très visibles sur les vêtements, les sacs, les carta-
bles, les chaussures….
14-18 ans : Montrer la différence
Les ados recherchent l'indépendance vis-à-vis des
parents mais l'appartenance, l'identification à un
groupe.
Ils cherchent avant tout à se différencier de l'en-
fance et de l'âge adulte à travers la mode, les loi-
4Contrastes sept-oct 2008
Les jeunes sont une cible privilégiée pour les publici-
taires, non seulement parce qu'ils sont de plus en plus
des prescripteurs d'achat mais aussi parce que ce sont
les futurs (gros) consommateurs de demain. D'où l'impor-
tance d'adapter le langage et l'image, mais aussi du choix
du lieu pour faire de la pub. Et puisque les jeunes pas-
sent de moins en moins de temps à la TV et de plus en
plus sur internet et avec leurs copains, les publicités (et
les publicitaires) se déplacent dans la rue, à l'entrée des
dancings, dans les compétitions sportives, dans les festi-
vals...
Passons rapidement en revue ces nouvelles techniques
de marketing.
Le marketing viral (comme un virus) se transmet de
bouche à oreille. Il consiste à encourager le jeune à trans-
mettre à d'autres un message publicitaire.
Exemple : en envoyant en sms, en transférant un mail ou
un site internet….
Le marketing tribalvise à créer un "groupe de jeunes"
(tribu) autour d'un produit auquel on s'identifie. Les
annonceurs publicitaires utilisent un langage spécifique
que seuls les "initiés" peuvent comprendre et organisent
pour eux des évènements tels que sorties, sport,…
Le street marketing (de rue) cible les consommateurs là
où ils achètent : centre commerciaux, rue, soirées… il se
caractérise principalement par la distribution d'échan-
tillons ou de gadgets.
Le buzz marketingconsiste à créer l'évènement autour d'un
produit avant même son lancement sur le marché. Par
exemple, les publicitaires inventent de faux produits ou utili-
sent des slogans douteux pour susciter la curiosité des
jeunes, qui se ruent ensuite sur le produit pour le tester.
Le marketing relationnel vise à entrer en relation directe
avec l'acheteur potentiel, principalement via le téléphone
ou internet. Les outils d'accroche sont des concours, des
promotions, des réductions…
L'undercover marketing est une technique qui vise à
approcher le consommateur dans son environnement
mais sans que celui-ci ait conscience qu'il s'agit d'une
démarche commerciale. L'exemple du concours d'avions
en papier sur un site estudiantin organisé par Red Bull en
est l'exemple type.
Citons enfin le marketing d'embuscade qui consiste à utili-
ser un évènement d'actualité pour construire son message
publicitaire. Ou encore le marketing éducatif qui consiste
par exemple, à offrir du matériel scolaire ou des petits
déjeuners pour faire une percée auprès des plus jeunes.
Quand la pub nous suit à la trace...
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sirs, la musique, les émissions radio, la consommation de pro-
duits spécifiques (boissons énergisantes ou alcoolisées…)
L'esprit critique est souvent très développé. C'est un âge où les
publicitaires doivent être très attentifs à ne pas rater leur cible
parce que le jugement des jeunes est souvent implacable ! Ils
sont également ouverts aux idées et aux techniques publicitaires
nouvelles, telles que le buzz marketing et le marketing tribal (voir
encadré).
18-24 ans : Le marketing below-the-line
Les jeunes adultes constituent une classe d'âge paradoxale. Ils
sont majeurs mais habitent encore souvent chez leurs parents,
leur situation ne leur permettent pas une indépendance finan-
cière (études, stage d'attente,…). Ils disposent cependant de
beaucoup d'argent de poche ; de 50€ par mois à 18 ans à 200€
à 21 ans, en moyenne.
Les différences de consommation sont très marquées entre les
garçons et les filles, et ils adoptent généralement une attitude
critique vis-à-vis de la culture et des discours officiels. Les straté-
gies de marketing doivent être très subtiles parce que les jeunes
de cette tranche d'âge comparent les prix et supportent mal les
marques qui trompent ou qui trichent.
Cette tranche d'âge est ciblée quasi exclusivement par les tech-
niques "Below-the-line" (5), c'est-à-dire les techniques autres que
celles utilisées par les médias classiques (TV, journaux, affi-
chage en rue). Il s'agit principalement d'internet, des évène-
ments sponsorisés, des campagnes promotionnelles en rue…
Résignation ou résistance ?
La publicité est donc partout, même là où on s'y attend le moins. Au
point qu'on commence à avoir du mal à imaginer le monde sans pub.
Les enfants sont particulièrement perméables aux messages
publicitaires. Les études scientifiques montrent que leur cerveau
n'a pas encore une maturité suffisante pour se forger une opinion
rationnelle face à la pub. Comment les préserver d'une vie où tout
serait conditionné par le désir -souvent insatisfait- d'acheter ?
Deux tendances s'affrontent sur cette question. Pour caricaturer,
on pourrait dire qu'il y a d'un côté "les résignés", ceux qui pensent
que le système économique ne peut pas se passer de la manne
publicitaire et que, plutôt que d'interdire la pub, il faut "éduquer
les enfants" à la lire intelligemment pour ne pas se faire piéger.
De l'autre côté, il y a les "résistants" qui estiment que l'éducation
aux médias n'est pas suffisante pour préserver et protéger les
enfants de l'influence néfaste de la publicité. D'où la nécessité
de limiter, voire d'interdire la publicité qui cible en particulier les
enfants. Par exemple en supprimant la pub avant 19h à la TV, en
interdisant l'intrusion de la pub dans les écoles, ou les cam-
pagnes publicitaires ciblées pour les plus jeunes… Après tout, la
loi n'est-elle pas là pour protéger les plus vulnérables ?
Monique Van Dieren
(1) A 12 ans, les enfants ont en moyenne 25€ par mois d'argent de poche. A 15
ans, ils ont 37€ par mois, à 18 ans 50€ et à 21 ans 200 € par mois.
(2) L'enfant prescripteur. Comment les marques utilisent le marketing généra-
tionnel, Marc Vandercammen, mars 2005
(3) Pour en savoir plus, consultez le site www.babytvchannel.fr
(4) Ce sont tous les produits commercialisés au départ d'un héros de film, de
BD, de jeux vidéo. Opération tout bénéfice pour les 2 parties : le fabricant de
biscuits qui augmente ses ventes grâce à l'image des Spiderman et autres
superman sur l'emballage, et le producteur du film qui fait payer les droits de
reproduction de l'image…
(5) La publicité est répartie en 2 catégories : la publicité below the line (hors
médias) et la la publicité above the line, c'est-à-dire la publicité diffusée par
les mass média (presse, TV, panneaux, …). Il est intéressant de savoir que les
investissements publicitaires sont généralement répartis par part égale entre
ces deux catégories. En 2007, Jean-François Sacré, journaliste à l’Echo estime
que les investissements publicitaires toutes catégories confondues s’élevaient
à 6 milliards d’euros. Le centre d’information sur les médias (CIM) annonce
quant à lui que les investissements publicitaires above the line (dans les
médias) de janvier à novembre 2007 s’élevait à 2,8 milliards d’euros.
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Contrastes sept-oct 2008
M Van Dieren
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