Jeudi 25 septembre 2014 page 6
Correspondance de la Publicité
Les nouvelles contraintes juridiques des
entreprises du e-commerce face au
"consonaute" étudiées lors d'une table ronde
organisée par le cabinet Carlara
MM. Marc LOLIVIER, délégué général de la FEVAD, vice-président - délégué général de l’Union
Française du Marketing Direct et Digital, vice-président E-commerce Europe de la Fédération
Européenne du Marketing Direct, président du comité du droit du numérique du MEDEF, Judicaël
PHAN, juriste en charge des technologies de l'information au sein de la Commission Nationale de
l’Informatique et des Libertés (CNIL) et Hervé LECUYER, associé du cabinet Carbonnier Lamaze Rasle &
Associés, responsable de la pratique du droit des assurances, professeur à l'Université Paris II Panthéon-
Assas, ont exploré les nouvelles contraintes qui pèsent sur les entreprises du e-commerce face au
"consonaute" (contraction des termes "internaute" et "consommateur") lors d'une table ronde organisée
conjointement le 3 juillet 2014 par le cabinet d'avocats Carbonnier Lamaze Rasle & Associés (Carlara)
et "La Correspondance économique", en présence de dirigeants du secteur du e-commerce.
Introduite par Me Corinne
THIERACHE, Associée du Cabinet
Carlara en charge du Pôle Nouvelles
Technologies, la table ronde a repris
les points d'actualité récente qui ont
nourri les inquiétudes des acteurs
du marché. En premier lieu, la
réglementation propre à la protection
du consommateur avec la loi Hamon
n°2014-344 du 17 mars 2014
relative à la consommation, elle-
même transposition de la Directive
2011/83/UE du 25 octobre 2011
relative aux droits des consommateurs
et qui vise, outre la création en droit
français des actions de groupe, à
renforcer l'information et les droits des consommateurs. Autre sujet d'interrogation, la législation sur
les cookies et autres traceurs utilisés dans le e-commerce qui relève de la Directive européenne
2009/136/CE du 25 novembre 2009 transposée en droit français par une ordonnance du 24 août
2011 à propos de laquelle la CNIL a éprouvé la nécessité, à la suite de plusieurs mois de concertation
avec les acteurs économiques du secteur, d'édicter une recommandation visant à clarifier les
obligations des responsables de traitement issues de l’article 32 II de la loi n°17-78 du 6 janvier 1978
modifiée, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés applicable en cas de recours aux
cookies et autres traceurs (délibération du 5 décembre 2013).
Me THIERACHE a ensuite retracé le tableau économique du e-commerce et des tendances
qui s'y dessinent. Avec 51 milliards d'euros en 2013 et 34 millions de Français concernés, le
e-commerce est, en France, le premier secteur de l'économie numérique. Si le panier moyen
est en baisse à 83 euros (près de 2 000 euros par an et par consonaute), on observe en
revanche une augmentation du nombre de transactions. Ainsi, au niveau mondial, il a été
constaté dans le cadre d’une étude réalisée dans 34 pays dont la France, d'une part la
réalisation de transactions croissantes à partir des smartphones et, d'autre part, une croissance
très importante de l'offre par exemple dans de nouveaux secteurs comme la santé et
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l'alimentaire, deux secteurs qui connaissent pour la première fois en 2013 une baisse
sensible des achats dans les lieux physiques. Plus particulièrement en France, on recense près
de 150 000 enseignes en ligne avec un top 20 qui représente 80% du secteur et dont certains
sites peuvent accueillir plus de 2 millions de Français par jour. Le e-commerce voit
également l'émergence du phénomène des places de marché, Amazon en tête, qui
représentent désormais 15% du volume d’affaires des sites de e-commerce français. Enfin, les
réseaux sociaux interfèrent de plus en plus sur les actes d'achat, traduisant un besoin pour le
consommateur comme pour le commerçant d'établir des liens forts de confiance.
La confiance au cœur de la démarche du législateur
La confiance est justement la clé de voûte de la démarche du législateur européen et national qui doit
d'une main protéger le consonaute fragilisé par cette relation contractuelle nécessairement à distance
et d'autre part accompagner l'impérative croissance du e-commerce. Comme le souligne Me Carole
BUI, avocat du Cabinet Carlara au sein du Pôle Nouvelles Technologies, cette confiance passe par
une protection accrue du consonaute qui va de pair avec la mise en place de contraintes imposées
aux acteurs du e-commerce en termes de processus et d'information du consommateur.
Me Hervé LECUYER, souligne que la loi Hamon propose pour la
première fois une définition du consommateur : "est considérée
comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins
qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale,
industrielle, artisanale ou libérale". Il note que cette définition
négative fait du droit de la consommation qui était un droit
exceptionnel, un droit commun. Pour ce qui est du e-commerce la loi
prévoit des obligations et des sanctions. La maîtrise du temps est une
volonté du législateur. Ainsi le délai de rétractation est fixé à 14 jours
à compter de la date de réception du produit, le marchand devant délivrer à l'acheteur un accusé
réception sur un support durable – un e-mail peut suffire - et mettre à disposition un formulaire de
rétractation dont l'utilisation par le consommateur n'est pas une obligation. Le décret en attente devrait
contenir un formulaire type de rétractation. Est également précisé le délai de remboursement. En cas de
rétractation, le remboursement, frais de livraison au tarif standard compris (même si le consommateur a
choisi de sa propre initiative une livraison express), doit intervenir dans les 14 jours avec possibilité de
différer jusqu'à réception par le marchand des produits en retour. Le remboursement doit être fait avec
le même moyen de paiement sauf accord de l'acheteur. Souhaitée par la FEVAD, cette disposition
empêche le remboursement en argent des produits payés en bon cadeau. En cas de non livraison, le
délai de remboursement légal est de 30 jours.
Outre ces délais, le législateur s'est penché sur l'information du consommateur à commencer par
celle sur le droit de rétractation avant même de commencer le processus de commande, mais
également sur les conditions contractuelles (moyens de paiement et restrictions de livraison
notamment), les garanties légales et sur l'identité du site. In fine, un récapitulatif reprenant la
définition du produit, la durée éventuelle et le prix global doit être fourni au consommateur avant la
conclusion du contrat et lui permettre de modifier si nécessaire ses données personnelles y figurant.
Pour conclure le contrat, le consommateur devra "activer une fonction" – bouton cliquable – qui lui
permettra de "reconnaître explicitement son obligation de paiement". Enfin, après la commande, le
marchand doit fournir une confirmation du contrat sur un support durable, celui-ci pouvant être un e-
mail. Durant tout le processus, la loi Hamon prohibe l'utilisation de cases pré cochées pour la
souscription d'options supplémentaires (livraison, extension de garantie, assurance…).
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Enfin, sur le volet des sanctions applicables, la loi Hamon innove en renforçant les
prérogatives de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la
Répression des Fraudes (DGCCRF) qui peut désormais prononcer des amendes
administratives jusqu'à 15 000 euros. Me LECUYER souligne ici l'intrusion nouvelle des
juridictions administratives dans le droit contractuel de droit privé, ce qui va complexifier
encore la mise en œuvre et aboutir à des discordances de jurisprudence, comme le note M.
Marc LOLIVIER. Ce dernier rappelle également que la loi permet à la DGCCRF d'utiliser un
pouvoir d'injonction à destination des cybermarchands. Cette disposition était souhaitée par
la FEVAD pour permettre une intervention rapide plus en phase avec le temps de l'internet
que celui de la justice.
Nécessité de "Concilier l'impératif de protection du consommateur et la réalité
économique des professionnels"
Pour la FEVAD, qui représente plus de 600 acteurs du e-commerce,
pure players, enseignes "magasin" et marques directement actives en
ligne, "concilier l'impératif de protection du consommateur et la
réalité économique des professionnels" est non seulement possible
mais également nécessaire. En effet, "sans confiance le secteur ne peut
pas se développer", insiste-t-il. Le rôle de la FEVAD est ainsi de veiller
à un équilibre difficile à trouver alors que "le temps de la loi n'est pas
du tout celui de l'Internet " souligne M. Marc LOLIVIER en
introduction de son propos. Et de s'interroger sur lacessité d'une
éventuelle autorégulation complémentaire et plus adaptée que la
démarche législative. Il note également que le consonaute n'est pas
qu'un consommateur ayant migré sur le numérique, il est surtout le
reflet d'"une évolution extrêmement profonde des modes de consommation" qui combine
utilisation des magasins physiques et achat en ligne avec 30% des consommateurs qui vont
acheter sur internet après leur visite d'un magasin et plus de 50% de ceux-ci qui le font sur le
site du magasin qu'ils ont visité. Faire du e-commerce est donc devenu également une
nécessité pour tous les marchands physiques sauf à prendre le risque de se couper de 15% de
sa clientèle. La complémentarité physique / en ligne est désormais une réalité qui fait presque
craindre pour l'avenir des pure players sans visibilité suffisante.
Comme le souligne Me THIERACHE, la FEVAD et la Fédération Européenne du Marketing Direct
ont pris très en amont part aux discussions afin de communiquer le retour d’expérience des
e-commerçants aux pouvoirs publics. Ainsi, dès 2009, la FEVAD a suivi le projet de directive sur la
protection du consommateur qui à la particulari d'être une directive "d'harmonisation maximale",
ce qui s’est traduit par une frilosité des parlementaires et du gouvernement. En effet plusieurs
amendements toutes tendances confondues ont été déposés pour être ensuite rejetés ou retirés à la
demande du gouvernement au motif que l’Europe ne permettait pas de modifier la moindre virgule
du texte lors de la transposition. Le délégué général de la FEVAD s'est dit alors inquiet de cette
dérive de la directive vers le règlement alors que la loi française reprend presque mot pour mot le
texte de la directive qui n'est pourtant censée que fixer des objectifs en laissant aux parlements
nationaux le choix des modalités pour les atteindre.
Dans ce cadre, la bataille a principalement été livrée en amont au niveau européen. Alors que les
associations de consommateurs craignaient une harmonisation par le bas, le texte traduit in fine un
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"empilement des dispositions les plus protectrices de tous les pays", soit exactement "ce qu'il ne faut pas
faire, harmonisation se traduisant alors par une addition de règles". Deux points ont été particulièrement
discutés. En premier lieu, la prise en charge par le marchand des frais de retour du produit alors qu'en
France l'obligation ne portait que sur le remboursement des frais d'acheminement du produit au
consommateur et, bien entendu du prix d'achat. Cette disposition venait de la reprise de la législation
allemande alors que 50% des produits y sont retournés aux marchands pour seulement 12% en France.
Cette législation se traduit en Allemagne par une concentration beaucoup plus forte du secteur, la
protection du consommateur nuisant de fait au développement de l'offre concurrentielle. Cette disposition
a finalement été retirée. Le second champ de bataille concernait l'obligation de livrer dans les 28 Etats
avec un risque de combinaison de cette disposition avec la précédente. Or, comme l'a souligné M.
LOLIVIER, toutes ces dispositions ont un coût qui est forment répercuin fine sur le consommateur.
Ainsi s'agissant des frais de retour, si l'on prend l'exemple du marché allemand, seule une minorité utilise
cette faculté – par exemple en commandant plusieurs tailles et plusieurs couleurs avant de retourner la
plupart des produits après essai - mais la font payer à l'ensemble des consommateurs.
Me THIERACHE attire l’attention sur les grandes difficultés que fait naître pour les e-commerçants la
mise en conformité découlant de l’entrée en vigueur de la loi Hamon. M. Marc LOLIVIER précise en
effet qu’en pratique, la mise en oeuvre de la loi précitée est complexe du fait du manque de cohérence
et de qualité de la directive d'harmonisation. Les dispositions de la loi sont applicables depuis le 13 juin
2014 même si les décrets ne sont pas encore parus. Ils seront nécessaires notamment pour préciser
les obligations d’information des professionnels à l’égard du consommateur (notion de support
durable, séquencement,…). Cependant, d'ores et déjà le droit de rétractation soulève deux
difficultés pour les marchands. Tout d'abord, le délai est en fait de 28 jours, soit 14 jours pour
manifester la volonté de rétractation (7 auparavant) et 14 jours pour retourner le produit. En cas de
commande multiple, le délai court à compter de la réception du dernier produit même s'ils n'ont
aucun rapport entre eux et sont totalement dissociables. Ceci génère une interrogation
supplémentaire si la commande a été passée sur une place de marché auprès de deux fournisseurs
différents : s'agit-il alors d'une ou de deux commandes ? La carence de l'un faisant alors courir un
risque à l'autre. Par ailleurs, le détail du délai de remboursement met le marchand en risque. En
effet, si le produit en retour ou la preuve du renvoi (la nature de cette preuve n'étant pas définie)
parvient au marchand le 28ème jour, il doit procéder instantanément au remboursement ce qui n'est
pas toujours possible (samedi, veille de jours fériés,…). Interrogé sur cette difficulté, le législateur
français s'est retranché derrière la précision de la directive qui ne laisse ici comme ailleurs, aucune
marge d'adaptation au plan national. Le législateur a seulement pu agir sur le montant de la
sanction qui était fixé initialement à 10% du montant à rembourser et a été ramené à l'application
du taux d'intérêt légal pendant les 10 premiers jours de retard. Les Britanniques ont eux dérogé à la
lettre de la directive en faisant courir le délai de remboursement à partir de la réception du produit
en retour par le marchand.
Mais toutes les dispositions ne sont pas défavorables aux marchands. Ainsi la loi prévoit
explicitement la possibilité pour le marchand d'opérer une décote sur le remboursement pour
les produits retournés endommagés, la simple utilisation pour tester le produit ne pouvant être
prise en considération si celle-ci a été comparable à ce que le consommateur aurait fait en
magasin.
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La loi Hamon innove avec l'introduction en droit français de l'action de groupe
Enfin, la loi Hamon est également indissociable de l'introduction en droit
français de l'action de groupe qui concerne, comme toute entreprise, les
entreprises de e-commerce. C'était la préoccupation majeure du législateur
dans cette loi. Me LECUYER souligne que l'action a moins pour vocation de
réparer que de punir, le préjudice individuel étant souvent dérisoire. Il voit
plutôt ici une fonction de peine privée. Le droit d'agir est réservé aux
associations de consommateurs agréées, évacuant ainsi notamment les avocats
même si la première mise en œuvre récente de la loi contre les banques en
matière d'assurance emprunteur a été diligentée par UFC Que Choisir associé à
un site internet dont l'un des fondateurs est un avocat. La cible est circonscrite à "l'entreprise"
qui a commis une faute engendrant un préjudice réparable sans préciser si l'assurance de
l'entreprise peut être directement actionnée. Enfin, les consommateurs concernés sont ceux qui
auront manifesté leur volonté de participer à l'action (opt-in).
Me BUI met en garde les acteurs économiques sur le fait que le respect des dispositions de la loi Hamon
applicables à la vente à distance nécessite de réels efforts de la part des e-commerçants qui doivent adapter leur
site (conditions générales et particulières, mentions informatives), leurs documents contractuels ainsi que leur
processus de vente. Or la loi Hamon n’est pas le seul vecteur de changement en 2014 pour ces derniers. Une
adaptation est également exigée à la suite de la recommandation de la CNIL du 5 décembre 2013.
Les cookies : une technique incontournable mais strictement encadrée
Aussi bien pour amener l'internaute à consommer que pour convaincre le consonaute de devenir un
consommateur régulier, les cookies sont devenus incontournables pour les éditeurs de contenus, de
services et les e-marchands. Me BUI rappelle la définition des cookies. Il s’agit de petits fichiers
déposés sur le terminal de l'internaute par le marchand ou sa régie leur permettant d'en savoir
beaucoup sur le comportement de l'utilisateur. Parfois même beaucoup trop au goût de certains.
La loi informatique et liberté de 1978 modifié dans le II de l'article 3232-II
par l'Ordonnance n°2011-1012 du 24 août 2011 tend à réglementer
l'information "claire et complète" de l'internaute sur la dépose et l'utilisation
de ces cookies en application d'une directive de 2009. Dans son
prolongement, la CNIL a clarifié divers points de ce texte dans une
délibération en date du 5 décembre 2013. Comme l'a précisé M. Judicaël
PHAN, l'objectif de la CNIL était avant tout de poser les bases d'une relation
de confiance conciliant vie privée et respect de l'économie numérique alors
que début 2012 les CNIL européennes tendaient à vouloir imposer un
consentement fort (opt-in) remettant potentiellement en cause l'économie
générale de l'ensemble de l'internet. De longues discussions se sont alors
engagées avec l'ensemble des acteurs de l'économie numérique réunis au
sein du l'Union française du marketing direct & digital (UFMD) parallèlement à la poursuite
d'échanges avec les CNIL européennes au sein du G29. En attendant l'issue de ces discussions, la
CNIL n'a pas prononcé de sanction à l'encontre des éditeurs qui ne respectaient pas la loi de 2011.
La CNIL a ainsi édicté une "recommandation cookies" avec une démarche très pragmatique. En
effet, outre cette recommandation, la CNIL a également élaboré des fiches pratiques et même du
code de programmation mis à disposition sur son site. L’internaute peut également auditer lui-
même les sites sur lesquels il navigue en utilisant l'outil Cookieviz.
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