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AMBASSADE DE FRANCE A SINGAPOUR
SERVICE ÉCONOMIQUE REGIONAL DE SINGAPOUR
Le Chef du Service économique régional pour l’ASEAN Á Singapour, le 29 septembre 2015
Rédigée par : Jérôme Destombes (d’après un document de travail de Pauline Lacour)
Objet : Singapour se cherche un nouveau souffle après Cinquante Glorieuses
Depuis l’indépendance en 1965, l’économie singapourienne a crû en moyenne annuelle de 7,7%
tandis que le PIB par habitant a augmenté de 5,5% par an. En l’espace de 50 ans, Singapour est
donc devenu l’un des symboles les plus achevés de la réussite économique et financière de l’Asie
grâce à une intégration très poussée dans les flux internationaux. La cité-État, confrontée à un
ralentissement de sa croissance, à une démographie défavorable et à une concurrence exacerbée,
dispose de réels atouts pour trouver de nouveaux relais d’expansion et préserver son attractivité.
1. Singapour a réussi une déclinaison singulière du modèle de croissance extravertie en
tirant parti efficacement de ses avantages comparatifs
La cité-État de Singapour, d’une superficie de 716 km² (soit 6% de celle de l’Île-deFrance), est devenue en cinquante ans l’une des économies les plus développées au monde.
Grâce à une croissance de 7,7% en moyenne par an depuis son indépendance en 1965, Singapour
occupe le 3ème rang de l’économie mondiale avec un PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat
estimé à 82 762 USD en 2014 derrière ceux du Qatar et du Luxembourg. Ce dynamisme, qui s’est
appuyé sur le développement des activités portuaire (2ème mondial en nombre de transbordements
de containers derrière celui de Shanghai), manufacturière (électronique et raffinage pétrolier) et
financière, connait toutefois un essoufflement marqué depuis la seconde moitié des années 2000.
La croissance a ainsi ralenti à 3,8% en 2013 puis à 2,9% en 2014, et elle devrait plafonner à un
rythme proche de 3% au cours des cinq prochaines années. Le Fonds monétaire international
évalue la croissance potentielle de la cité-État, économie toujours très ouverte mais désormais à la
population vieillissante et déclinante, à environ 3% contre 5% par an il y a une décennie.
Le développement de la cité-État repose historiquement sur une mobilisation intensive
des facteurs de production couplée à la mise en œuvre de politiques incitatives visant à
attirer les sociétés multinationales et à favoriser les transferts de technologies. Une capacité
remarquable à valoriser le territoire1 et à mobiliser efficacement les ressources, qu’elles soient
domestiques grâce à l’accroissement du taux d’activité et à la qualité du capital humain ou
externes grâce au développement des infrastructures et à la création de zones économiques
spéciales, a été le moteur de la croissance singapourienne. Les autorités s’appuient sur un
dispositif fiscal très incitatif à l’implantation de firmes transnationales du secteur manufacturier et
ont développé des établissements publics visant à pérenniser l’attractivité de la cité-État, « hub »
d’implantation toutefois de plus en plus coûteux pour les entreprises. Le développement de
Singapour a en outre des ressorts spécifiques dont sa position géographique, l’héritage juridique
britannique, et une réputation avérée d’havre de stabilité et de sécurité. La quasi-absence de
risques tranche dans une région qui demeure en développement ou émergente, et donc en proie à
des aléas économiques, sociaux et politiques qui différencient négativement les autres pays.
Si les activités manufacturières contribuaient en moyenne à 25% du PIB dans les années
1990, cette part est inférieure à 18 % en 2014 au profit du secteur des services qui emploie
1
Singapour, plus gros importateur de sable au monde, a accru sa superficie totale de 22% depuis 1965 : une expansion qui
atteindrait 32% si le gouvernement concrétise son objectif de gagner 5 600 hectares de plus sur la mer d’ici à 2030.
Ambassade de France
101-103 Cluny Park Road
259595 Singapour
Singapour
Tél. : +65 6880 7878 - http://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/singapour
désormais 71% de la population active et génère 67% du PIB. Ce secteur est devenu le moteur
principal de croissance, notamment grâce aux activités de stockage et de commerce induites par le
port qui génère 7% du PIB à lui seul. Le maintien d’une masse critique d’activités manufacturières
explique aussi la capacité de la cité-Etat à développer des activités de services associés, tels que la
logistique, la distribution ou encore les services financiers. Si la prédominance des services
caractérise l’économie singapourienne depuis les années 1960, les exportations de services plus
sophistiqués (financiers, managériaux, comptables, ingénierie, et légaux) comptent désormais
pour 40% du montant total de services exportés2. Le gouvernement a engagé, depuis 2010, un
ambitieux plan décennal de restructuration de l’économie singapourienne qui vise à accroître son
intensité capitalistique et à relancer ses gains de productivité, tout secteur confondu – à l’exemple
du secteur du commerce de détail (1% du PIB, 5% de la main d’œuvre employée) soutenu par un
Retail Productivity Plan 2.0 pour la période 2016-2020.
Bien que le commerce international soit un moteur de croissance clef, le haut degré
d’extraversion de l’économie singapourienne est une première source de vulnérabilité. Un
taux d’ouverture de près de 180% explique la forte exposition de Singapour aux fluctuations de la
demande mondiale et aux chocs qui affectent ses principaux partenaires commerciaux. Le
ralentissement de la demande extérieure – en Chine et dans les économies du G3 qui attirent plus
de 28% de ses exportations – explique en partie la décélération de la croissance singapourienne
depuis la crise financière internationale de 2008-2009. Cette vulnérabilité à la conjoncture
internationale est amplifiée par le poids des réexportations (47% des échanges totaux en 2014).
La dépendance de l’économie aux activités pétrolières (raffinage et trading) est une
seconde source de vulnérabilité, notamment dans un contexte de diminution des prix des
matières premières et du pétrole. Si la baisse du cours du baril devrait être favorable à la citéEtat grâce, d’une part à la baisse des coûts des transports et d’autre part, à la contraction de son
déficit pétrolier (16,5 Mds USD en 2014, soit 5,4% du PIB), la baisse des prix des hydrocarbures
affecte négativement les entreprises du secteur (les produits pétroliers représentent 25% des
exportations en 2014). En témoigne la contraction de l’indice de production industrielle de
produits pétroliers raffinés de 8,6% en moyenne en 2014. L’impact sur l’économie serait toutefois
modéré, les produits pétroliers raffinés ne représentant que 2,2% de l’indice de production
industriel total. Singapour vise à devenir l’un des principaux terminaux et centres de traitement
mondiaux du gaz liquéfié naturel : un investissement considérable est engagé à cette fin.
2. L’État « développementaliste » singapourien a entamé une transition vers une
économie postindustrielle sous forte contrainte démographique
Singapour a, sans surprise, connu une décélération des gains de productivité induite par
la sophistication croissante de son économie : le taux de croissance annuel moyen de la
productivité est ainsi passé de 5,2% sur la décennie 1980-1990, à 3,1% (1990-2000) puis
1,8% (2000-2010). La cité-Etat est confrontée depuis 2010 à une stagnation de la productivité du
travail (-0,8% en 2014) qui contribue à affaiblir la compétitivité prix de ses exportations.
L’étroitesse du marché du travail et le vieillissement démographique expliquent cette évolution
défavorable : le faible taux de chômage (1,9% fin 2014) et l’insuffisance du taux de
renouvellement de la population active (le taux de natalité se chiffre à 1,2 enfant par femme et la
part des plus de 65 ans dans la population totale atteint désormais 11,2%) ont conduit les autorités
à recourir massivement à une main-d’œuvre étrangère. Ainsi, le nombre de non-résidents
étrangers a augmenté de 755 000 en 2000 à près de 1,4 million en 2011, soit 19% et 27% de la
population totale. En contrepartie, la part des citoyens singapouriens (résidents permanents et nonrésidents exclus) a baissé de 74% en 2000 à 63% en 2011. Près des trois quarts des permis de
Á l’exemple du centre d’innovation pour la gestion de fortune inaugurée en juin 2015 par UBS avec le soutien de l’Autorité
monétaire de Singapour, qui dispose de 160 M USD pour cofinancer le développement des nouvelles technologies
financières. Le ministère du Commerce et de l’Industrie estime que les exportations de services génèrent le revenu le plus
élevé (51 cents pour 1 SGD exporté) par rapport à celui des exportations (34 cents) et des réexportations (13 cents) de biens.
2
Ambassade de France à Singapour - Service économique régional de Singapour
travail ont été délivrés pour des emplois non qualifiés (991 300 personnes), dont 33% dans la
construction. Cette évolution démographique, résultante d’une politique migratoire libérale et
répondant à l’objectif de faire de la cité-État l’une des « villes-monde » de référence, a eu des
conséquences politiques et économiques. Dont un revirement en faveur d’une réduction de la
dépendance à la main d’œuvre étrangère, dès 2011, dans la foulée de résultats électoraux inédits
car moins favorables au parti au pouvoir depuis l’indépendance. Á court terme, l’élévation du taux
d’activité (désormais l’un des plus élevés au monde pour les 20-64 ans, à 80,2% en 20143) entrave
mécaniquement les efforts entrepris pour accroître la productivité de la main d’œuvre locale. Il
serait donc prématuré de conclure à l’inefficacité des mesures gouvernementales en raison de
l’écart entre la stagnation de la productivité observée depuis 2010 (0,3% par an) et l’objectif d’une
croissance annuelle projetée entre 2% et 3% par le Comité des stratégies économiques.
C’est dans un contexte défavorable de forte contrainte démographique, de
ralentissement de l’économie mondiale, et de concurrence régionale exacerbée – alors que le
coût unitaire du travail singapourien augmente désormais de 5% par an, et 9% dans le
secteur manufacturier – que les autorités ont engagé une transition vers une économie
postindustrielle de la connaissance. L’objectif stratégique est de positionner la cité-État comme
pôle asiatique de référence du développement de l’économie dématérialisée. La création
d’agences de soutien à la R&D, de pôles de haute technologie, ainsi que la mise en œuvre de plans
destinés à attirer les activités à très forte valeur ajoutée ont contribué à faire de Singapour la
première puissance technologique d’Asie du Sud-Est (65% des brevets internationaux d’ASEAN6 recensés en 2013). La création de ces infrastructures de recherche s’est également accompagnée
du développement d’agences de soutien aux transferts de technologies et de mesures spécifiques
visant à accroître la productivité du travail, telles que le crédit d’innovation et de productivité.
Si la priorité à l’innovation est avérée (les dépenses de R&D atteignent 2,1% du PIB en
2012, le nombre de brevets a été multiplié par plus de 20 depuis 1995), ces efforts demeurent
majoritairement le fait des entreprises étrangères. Plus de 72% des dépenses de R&D en
recherche fondamentale sont ainsi effectuées par ces firmes qui possèdent 62,5% des brevets
détenus à Singapour. La part des firmes étrangères dans l’innovation est très élevée dans le secteur
manufacturier : 80% dans l’électronique, 95% dans le biomédical, et 91% dans la chimie. La
surreprésentation des entreprises transnationales résulte de la stratégie d’attractivité de la cité-Etat.
Mais elle reflète aussi le dynamisme insuffisant des entreprises nationales encore assez peu
internationalisées. Singapour s’impose donc davantage, à nouveau, comme un « hub » de R&D
avec l’ambition de s’imposer comme un centre d’innovation de référence mondiale. Ainsi, depuis
le 1er septembre 2015, la cité-Etat accueille la première Autorité internationale de recherche et
d’examen des brevets en ASEAN sous l’égide du Traité de coopération en matière de brevets4.
Si la part du secteur financier dans le PIB et l’emploi est limitée à respectivement 11%
et 5% en 2013, son hypertrophie (actifs bancaires équivalents à 575% du PIB) et sa
spécialisation dans des niches d’activités lucratives préserveront son rôle structurant dans la
croissance et l’attractivité de la cité-Etat. Il reste l’unique secteur à afficher des gains de
productivité annuels soutenus (+5%). Le secteur bancaire est fortement internationalisé (67%
d’actifs étrangers) et est en position de pointe en finance offshore, à l’exemple des efforts
entrepris pour contribuer à l’internationalisation du renminbi. Le rôle stratégique des fonds
souverains Temasek et GIC (près de 500 Mds USD d’actifs cumulés), dont les politiques
d’investissement ont doté la cité-Etat d’une force de frappe financière considérable, favorise la
pérennité d’une agglomération unique d’expertises financières et juridiques. La stabilité politique
de la cité-Etat joue aussi en sa faveur : la montée en puissance du Centre d’arbitrage international
singapourien (259 litiges d’affaires traités en 2013 contre 64 en 2003) ne serait ainsi pas étrangère
aux tensions politiques qui ont dernièrement affecté Hong Kong.
3
Corée du Sud (72,5%), Etats-Unis (73,6%), Japon (79,8%) : ce taux est égal à celui du Royaume-Uni (80%).
19 autorités similaires opèrent dans le monde dont 5 en Asie : elles permettent de faire une demande unique de brevets qui
confère une protection dans les 148 pays signataires du Traité. Crucialement pour Singapour, le coût de la demande de
brevets diminuera jusqu’à 75%. 1 000 demandes supplémentaires seront désormais traitées directement dans la cité-Etat.
4
Ambassade de France à Singapour - Service économique régional de Singapour
Annexe 1
Développement des zones urbanisées de Singapour et de Johor Bahru (Malaisie), 2000-2010
Depuis 1965, le micro-État singapourien poursuit une politique d’expansion territoriale : à
l’horizon 2030, la superficie de la cité-État pourrait avoir crû de 32%.
Le logement et les infrastructures de transports en seraient les deux plus gros bénéficiaires (17% et
13% de la superficie totale planifiée pour 2030, soit 766 km²).
Annexe 2
En 1992, le rattrapage par Singapour du PIB par habitant des
Etats-Unis -deux générations après l’indépendance- entérine
la thèse de l’exceptionnalisme économique de la cité-Etat
La croissance annuelle du PIB par habitant depuis 1965, historique
par son rythme moyen de 5,5% digne d’un pays « toujours »
émergent, a suivi les fluctuations de l’économie mondiale
PIB par habitant en parité de pouvoir d'achat
Croissance du PIB par habitant
(vs. PIB PPA des Etats-Unis)
en moyenne glissante sur trois ans (% ga)
2,0
Estimations
12%
Estimations
10%
1,5
8%
6%
1,0
4%
0,5
2%
0,0
-2%
France
Singapour
Hong Kong
Taiwan
Corée du Sud
Allemagne
Source : PEM FMI avril 2015
France
Corée du Sud
Taiwan
Etats-Unis
Ambassade de France à Singapour - Service économique régional de Singapour
2018
2016
2014
2012
2010
2008
2006
2004
2002
2000
1998
1996
1994
1992
1990
1988
1986
1984
1982
2020
2018
2016
2014
2012
2010
2008
2006
2004
2002
2000
1998
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1994
1992
1990
1988
1986
1984
1982
1980
0%
Hong Kong
Singapour
Allemagne
Source : PEM FMI avril 2015
L’économie singapourienne affiche à nouveau un taux
d’investissement relativement élevé après une décennie de
repli ouverte par la crise asiatique de 1997-98
La prédominance des activités de services dans le PIB
singapourien ne doit pas occulter la présence pérenne d’un
secteur manufacturier de masse critique
Taux d'investissement à Singapour, à Hong Kong et en
Corée du Sud 1980-2013 (en % du PIB)
Composition du PIB singapourien 1960-2013 (%)
100%
90%
50
80%
40
70%
60%
30
50%
40%
20
30%
20%
10
10%
1980
0%
1960
1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010
Autres
Services
Dont secteur manufacturier
Secteur secondaire
Source : CEIC
Les gains de productivité des secteurs financier et
manufacturier (20% de la main d’œuvre résidente) ne
compensent pas la mauvaise performance des services
La chute rapide de la croissance de la main d’œuvre
résidente (-70% : de 66 000 à 20 000 par an) exerce une
contrainte démographique et économique fortes
Sources : FMI, Ministry of Manpower (p : projections)
Croissance de la productivité du travail par secteurs
(en % en 2014)
3,5
Finance et assurance
2,5
Manufacturier
- 1,4
Information et communication
Transport et stockage
- 1,6
Commerce de gros et de détail
- 1,6
Construction
Services hôteliers et restauration
1990
1995
2000
2005
2010
Taux d'investissement à Singapour
Taux d'investissement à Hong Kong
Taux d'investissement en Corée
Source : PEM FMI octobre 2014
L’économie singapourienne est confrontée à une stagnation de
la productivité et à une hausse du coût unitaire du travail qui,
conjointement, érodent sa compétitivité prix et son attractivité
Singapour a bénéficié du développement des chaînes de
valeur mondiales en exploitant son rôle historique de
« hub » régional de référence en Asie du Sud-Est
Services aux entreprises
1985
- 2,3
- 2,8
- 2,9
- 0,8
TOTAL
Source : Singapore Department of Statistics
Ambassade de France à Singapour - Service économique régional de Singapour
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