Tiré à part NodusSciendi.net Volume 11 ième Décembre 2014

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Tiré à part
NodusSciendi.net Volume 11 ième Décembre 2014
Mythes, création et société
Volume 11 ième Décembre 2014
Numéro conduit par
KONANDRI Affoué Virginie
Maître de Conférences à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan
ISSN 1994-2583
ISSN 2308-7676
Comité scientifique de Revue
BEGENAT-NEUSCHÄFER, Anne, Professeur des Universités, Université d'Aix-la-chapelle
BLÉDÉ, Logbo, Professeur des Universités, U. Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
BOA, Thiémélé L. Ramsès, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
BOHUI, Djédjé Hilaire, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
DJIMAN, Kasimi, Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny
KONÉ, Amadou, Professeur des Universités, Georgetown University, Washington DC
MADÉBÉ, Georice Berthin, Professeur des Universités, CENAREST-IRSH/UOB
SISSAO, Alain Joseph, Professeur des Universités, INSS/CNRST, Ouagadougou
TRAORÉ, François Bruno, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
VION-DURY, Juliette, Professeur des Universités, Université Paris XIII
VOISIN, Patrick, Professeur de chaire supérieure en hypokhâgne et khâgne A/L ULM, Pau
WESTPHAL, Bertrand, Professeur des Universités, Université de Limoges
Organisation
Publication / DIANDUÉ Bi Kacou Parfait,
Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
Rédaction / KONANDRI Affoué Virgine,
Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
Production / SYLLA Abdoulaye,
Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
SOMMAIRE
1- AMEYAO
Attien
Solange
Inerste,
2
Université
Félix
Houphouët
Boigny,
L’IDEOLOGIQUE DE L’ORALITURE DANS LA CARTE D’IDENTITE
DE JEAN-MARIE ADIAFFI
2- ABOUA KOUASSI Florence,
Université Félix Houphouët Boigny, LES
NAUFRAGES DE L’INTELLIGENCE, FRESQUE D’UNE SOCIETE IVOIRIENNE
EN CRISE
3- Dr. DIALLO Adama, CNRST/INSS OUAGADOUGOU, LANGUES ET
IDENTITES CULTURELLES : UNE AFFIRMATION DES OUTILS ET
FONCTIONS DE LA LANGUE COMME REFLET DES PRATIQUES DE
L’IDENTITE CULTURELLE A TRAVERS LA SOCIETE BURKINABE
4- Guéi Paul KELANONDE, Université Félix Houphouët Boigny, BOSSONNISME
ET IDENTITE : VISION ADIAFFIENNE DE L’AFRICAIN NOUVEAU DANS LES
NAUFRAGES DE L’INTELLIGENCE DE JEAN-MARIE ADE ADIAFFI
5- KONKOBO Madeleine, INSS/CNRST OUAGADOUGOU, LA QUESTION DE
L’APPRENTISSAGE DE LA LANGUE FRANÇAISE AU BURKINA FASO
6- KOUASSI Kouamé Brice, Université Félix Houphouët Boigny, L’IDEE DE
TOLERANCE CHEZ VOLTAIRE DANS TRAITE SUR LA TOLERANCE
7- ZEBIE Yao Constant, Université Félix Houphouët-Boigny, LES NAUFRAGÉS DE
L’INTELLIGENCE DE JEAN-MARIE ADIAFFI À L’AUNE DES CONCEPTS DE
"DÉMAÎTRISE" ET DE "REMAÎTRISE" : UNE CRITIQUE INTÉGRALE DES
VALEURS AFRICAINES MODERNES
8- JOHNSON Kouassi Zamina, Université Félix Houphouët- Boigny, MAXINE
HONG KINGSTON’S THE WOMAN WARRIOR: A PROCESS OF
GLOBALIZATION OF IDENTITY BEYOND MULTICULTURALISM IN
AMERICA
9- KABORÉ Sibiri Luc, I.N.S.S, OUAGADOUGOU, LES FORTES RÉTICENCES
DE SCOLARISATION DANS LA COMMUNE DE DORI AU BURKINA FASO
10- KOUAME YAO Emmanuel, Université, Félix Houphouët-Boigny MORPHOLOGIE
DERIVATIONNELLE DU DIDA, LANGUE KRU DE COTE D’IVOIRE
11- Clément DILI PALAÏ, Université de MAROUA, LES CONTES PAILLARDS
SELON SÉVÉRIN CÉCILE ABÉGA : ESTHÉTIQUE ET ÉTHIQUE DE LA
SEXUALITÉ
12- Affoué Virginie KONANDRI, Université Félix Houphouët-Boigny, MYTHE ET
MYTHO GENÈSE DANS LE ZOUGLOU
13- Sara CISSOKO, Université Félix Houphouët-Boigny, CRÉATION ET MYTHES DE
LA VIOLENCE CHEZ JEAN-MARIE ADIAFFI
14- YAO Yao Lévys, Université Félix Houphouët-Boigny, ESTHÉTIQUE DE LA
FRAGMENTATION DANS BLEU- BLANC- ROUGE D’ALAIN MABANCKOU
15- Léa ZAME AVEZO’O, Université Omar Bongo, REGARD SUR L’HISTOIRE ET
LES PRATIQUES CULTURELLES DU PEUPLE KOTA DU GABON DANS
HISTOIRE D’UN ENFANT TROUVÉ DE ROBERT ZOTOUMBAT
16- DJIMAN Kasimi, Félix Houphouët-Boigny University of Cocody-Abidjan,
POSTCOLONIAL DISCOURSE IN AFRICAN LITERATURE
3
L’IDEE DE TOLERANCE CHEZ VOLTAIRE DANS TRAITE SUR LA
TOLERANCE
KOUASSI Kouamé Brice
Université Félix Houphouët Boigny de Cocody-Abidjan
4
Introduction
Traité de la tolérance chez Voltaire, c’est analyser l’actualité et la pertinence de cette
notion dans l’évolution de nos sociétés post-11 septembre 2001. Dans l’ébullition
conflictuelle de ces sociétés, la pression religieuse notable au fanatisme ambiant,
responsable d’attentats et de peur, l’idée de tolérance s’impose pour rassurer le monde.
L’insécurité et le sentiment d’insécurité créent une véritable psychose dans les rapports
entre les peuples mais surtout dans l’expression des libertés. Les attentats à répétition et
les nouvelles tueries de masses dans des guerres ethniques, des guerres religieuses et
autres intolérances, invitent à l’actualisation de la tolérance dans les rapports humains. Le
cycle de la violence se poursuit alors que l’humanité aspire à la quiétude et à la paix, sans
doute, asymptotiques au fait même des compétitions inavouées inhérentes à la nature du
vivre-ensemble. A défaut de s’accepter, il faut au moins se tolérer pour ouvrir les libertés
aux possibilités. C’est ici que la tolérance devient une alternative à toute forme de
totalitarisme et de sectarisme. Voltaire l’avait compris face à la montée des périls. L’esprit
des Lumières, influencé par l’humanisme qui place l’homme au centre des intérêts,
préconise la souveraineté de l’individu, ce qui remet en cause l’absolutisme politique des
sociétés d’ancien régime. Dans un contexte de dérives totalitaires et de persécutions
religieuses notamment en France avec la révocation de l’édit de Nantes, des écrivains
vont prôner la tolérance.
Voltaire (François Marie Arouet, de son vrai nom), écrivain et philosophe français du
XVIIIème siècle et figure emblématique de la France des Lumières, 1 est l’un de ceux qui
ont milité activement pour la tolérance et la liberté de penser. Intellectuel engagé au
service de la vérité et de la justice, il prend, sur le tard, seul et en se servant de son
immense notoriété, la défense des victimes de l’intolérance religieuse et de l’arbitraire.
Dans son œuvre Traité sur la tolérance paru en 1763, il invite à la tolérance religieuse et
prend pour cible le fanatisme religieux.
Comment l’idée de tolérance apparait-elle dans l’œuvre ?
1
Le siècle des Lumières est caractérisé par une progression des sciences, une facilitation de la diffusion des
savoirs, l’écriture de l’Encyclopédie qui recense tous les savoirs et une remise en cause du pouvoir absolu .
5
Notre article s’intéresse à la question et va tenter d’élucider l’idée de tolérance, le sens de
la tolérance chez Voltaire. Chemin faisant, nous évoquerons
la dénonciation de
l’intolérance religieuse, les dérives de l’inquisition et de l’appareil judiciaire et le plaidoyer
de Voltaire en faveur de la tolérance religieuse.
1. La tolérance : concept et idée
La notion de tolérance connote celle d’indulgence et de patience. On peut définir la
tolérance comme le fait d’accepter des attitudes que l’on ne supporte pas. Selon Simone
Mamon (2007 :14), dans l’idée de tolérance, il y a, à la fois, l’idée d’une acceptation et celle
d’une réprobation. Tolérer c’est faire souvent preuve d’une grande compréhension à
l’égard des faiblesses et des vices des hommes. Il y a, dans cette capacité à accepter les
vices des autres, sans doute beaucoup de commisération pour la condition humaine, et
parfois un brin de complaisance. Comme l’affirme Voltaire, «Qu’est-ce la tolérance ? C’est
l’apanage de l’humanité. Nous sommes tous pétris de faiblesse et d’erreur. Pardonnonsnous réciproquement nos sottises, c’est la première loi de la nature ».
2
Voltaire estime
également si l’intolérance, l’impuissance et la lâcheté qui fondent une attitude tolérante,
il n’y a guère de sens à la célébrer. Chez Wesfreid, Marcelo (2010 :42) « il y a beaucoup de
vertu dans la personne magnanime mais la tolérance consiste, dans le premier des cas, à nier
le droit des autres, et dans les autres, à s’accommoder à ce qui fait injure à l’humanité :
l’erreur dans les paroles, la faute dans les conduites, etc. ».3
De toute évidence, lorsqu’elle n’est pas vidée de sa substance, la tolérance est un
effort sur soi-même. Cela suppose la capacité à relativiser son point de vue, et à accepter
ou admettre des opinions différentes. Dans le siècle des Lumières, la tolérance se fonde
sur l’idée que le progrès n’est rendu possible que par l’échange, la communication des
idées et le dialogue. La tolérance, comme l’admet Kant, se fonde ainsi sur « l’extrême
lucidité de l’esprit qui reconnait son impuissance à démontrer de manière absolue son
savoir ».4
2
3
4
Voltaire (1763) Traité sur la tolérance, Les éditions de Londres p. 29
Wesfreid, Marcelo (2010), La vérité sur Voltaire, L’espress Culture
Emmanuel, Kant (1790), Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée ?
6
De ce point de vue, il apparaît que la tolérance ne découle pas des faiblesses de la
nature humaine, mais qu’elle est, au contraire, ce qui en resplendit la force. C’est
d’ailleurs l’idée que soutient Voltaire dans son Traité sur la tolérance. En effet, dans cette
œuvre aux relents de spiritualité, Voltaire invite à la tolérance et prend pour cible le
fanatisme religieux.
1. Dénonciation de l’intolérance religieuse
La tolérance est une attitude consistant à accepter des croyances et des conduites que
l’on n’approuve pas. Selon Simone Manon (2007 :11), « La tolérance est une vertu
lorsqu’elle n’est pas ce que le mot implique. Elle usurpe, au fond, la grandeur morale du
respect et s’il en est ainsi, c’est sans doute que la capacité de respecter est trop noble
pour être naturelle à notre misérable condition ».5 Pour Paul Ricœur (1999 :45) les
hommes sont si peu enclins à s’aimer et à se respecter que pour obtenir d’eux la
reconnaissance réciproque de leurs droits fondamentaux, on a institué des lois les
obligeant à une attitude tolérante. 6 L’idée de tolérance a été développée et théorisée par
bien d’écrivains français notamment au XVIIIème siècle.
Dans son Traité sur la tolérance, Voltaire dénonce le fanatisme religieux, l’arbitraire,
l’hérésie
dans la société française du XVIIIème siècle et qui consistait à brûler les
dissidents c’est-à-dire ceux qui n’adhéraient pas à la religion catholique et à ses pratiques.
Il stigmatise les églises et les dogmes qui mettent en avant les passions religieuses,
hystériques au point d’aller parfois jusqu’au meurtre (Cesu 2012 : 4). 7
Traité sur la tolérance est publié, en 1763, dans un contexte ambiant marqué par la
montée du fanatisme religieux en Europe et la guéguerre entre les religions. Ce texte a
été écrit après l’injustice subie par Jean Calas, protestant faussement accusé et exécuté
pour le meurtre de son fils, qui s’est converti au catholicisme, afin de le réhabiliter. Dans
cette œuvre, Voltaire prône la tolérance entre les religions, prend pour cible le fanatisme
religieux et présente un réquisitoire contre les superstitions accolées aux religions.
L’œuvre voltairienne, comme l’indique Marcelo Wesfreid (2010 :5)8, fait suite au procès, à
5
Manon Simon (2007), La tolérance est-elle un vice ou une vertu ? Philo log, Cours de Philosophie
Ricoeur Paul (1999), « Tolérance, intolérance et intolérable in Lectures, Tome 1 : Autour du politique, Seuil.
7
Cesu, Salarie (2012), La critique de la religion et de l’intolérance, Prepabac.
8
Wesfreid, Marcelo (2010), La vérité sur Voltaire, L’espress Culture
6
7
la condamnation à mort et à l’exécution de Jean Calas, père de la famille Huguenot, le 10
mars 1762. Soulignons que Jean Calas appartient à une famille protestante à l’exception
de sa servante, catholique et de son fils, converti au catholicisme.
L’affaire Calas s’inscrit dans une histoire tragique : celle de la Réforme et des guerres de
Religion qui mirent la France au carnage, de toutes les querelles qui opposèrent les ordres
monastiques, les Jésuites et le clergé séculier, des ravages des conversions forcées et de
la violence de l’Eglise.
Dans Traité sur la tolérance, Voltaire a une manière bien particulière de dénoncer
l’intolérance. Il utilise bien souvent des exemples pour montrer l’ampleur des dérives du
fanatisme religieux.
Un des exemples est exprimé en ces termes : «Un grand feu était allumé sous eux, on les y
plongeait et on les relevait alternativement : ils éprouvaient les tourments et la mort par
degrés, jusqu’à ce qu’ils expiassent par le plus long et le plus affreux supplice que jamais ait
inventé la barbarie » p. 279 Les êtres humains soumis à cette torture ont été condamnés
parce qu’ils « niaient le purgatoire » p. 27
Voltaire montre, dans cette séquence, jusqu’où peut mener l’intolérance religieuse. En
effet, la différence de conception religieuse n’étant pas tolérée et, encore moins,
acceptée, à cette époque, l’un des partis opte pour l’extermination systématique de
l’autre. En décrivant cette monstruosité, ce cynisme dont font preuve les chapelles
religieuses, les unes à l’égard des autres, Voltaire dénonce les horreurs et les massacres
qui étaient perpétrés, au nom de la religion.
Dans le chapitre IV de l’œuvre intitulé « Dialogue entre un homme mourant et un homme
qui se porte bien », le titre, comme le fait remarquer Eléonore Cotton (2012 : 2), est
intrigant et oppose deux conditions : « le mourant », un être faible, aux portes de la mort
et « l’homme qui se porte bien », qui a la vie devant lui. Dans cette fiction, l’homme qui se
porte bien est appelé « le barbare ». Il afflige « le mourant » de son envie de le convertir à
une autre foi. Il tourmente « le mourant » malgré le dédain de ce dernier pour la
9
Voltaire (1763) Traité sur la tolérance, Les éditions de Londres p. 27
8
conversion. Ainsi, jusqu’à son dernier souffle, « le mourant » va subir la violence de ce
prosélytisme. 10
Ce texte rappelle le Dialogue entre un prêtre et un moribond de Sade, en 1782. En effet,
dans ce dialogue philosophique, le marquis de Sade affirme son libertinage et son
athéisme à travers le moribond qui refuse de se repentir. Ce dernier, athée, s’oppose au
prêtre qui tente de lui faire admettre la nécessité de l’existence de Dieu. Le moribond, lui,
au contraire, insiste sur l’impossibilité de prouver rationnellement cette existence. Le
dialogue s’achève sur la victoire rhétorique du moribond sur le prédicant qui devient,
dans les bras des femmes, « un homme corrompu par la nature, pour n’avoir pas su
expliquer ce que c’était que la nature corrompue ».11
Dans Traité sur la tolérance, Voltaire relève, dans « le dialogue entre l’homme mourant et
l’homme qui se porte bien » le fait que le vivant n’ait pas su respecter la paix du mourant,
en voulant absolument que l’autre porte la même foi que lui. On note ici une forme
d’atteinte à la dignité humaine et à la liberté de culte.
Dans le chapitre V du Traité intitulé « Lettre écrite au Jésuite Le Tellier, par un bénéficiaire,
le 6 mai 1714 », Voltaire présente un autre aspect de l’intolérance et de la violence
religieuse. En effet, dans ce chapitre, on a affaire à un homme d’Eglise qui écrit à un
Jésuite pour lui proposer de se débarrasser des hérétiques. Sa méthode s’apparente plus
à de l’extermination qu’à autre chose : « Il est aisé d’attraper en un jour tous les prédicants
et de les pendre tous à la fois dans une place, non seulement pour l’édification publique,
mais pour la beauté du spectacle. Je ferais assassiner dans leur lit tous les pères et mères,
parce que si on les tuait dans les rues, cela pourrait causer du tumulte ; plusieurs même
pourraient se sauver, ce qu’il faut éviter sur toute chose » p. 45
Cet appel au meurtre traduit le summum de l’intolérance religieuse et l’ampleur de la
dégradation des rapports entre les adeptes des différentes religions. Voltaire décrit ici le
degré d’animosité, de haine et d’intolérance entre les religions.
Eléonore Cotton (2012 : 6) souligne que l’intolérance apparait, dans le texte de Voltaire,
comme éminemment négative par le fait qu’elle n’est ni un droit humain, ni un droit divin.
Voltaire exprime d’ailleurs cette idée, en ces termes, « Le droit de l’intolérance est donc
10
11
Cotton, Eléonore (2012) Havre de pensées et de mots : Exposé sur Traité de tolérance, Wordpress
Donatien, Alphonse François, Marquis de Sade (1782) Dialogue entre un prêtre et un moribond, p.12
9
absurde et barbare : c’est le droit des tigres, et il est bien horrible, car les tigres ne déchirent
que pour manger, et nous nous sommes exterminés pour rien» p. 40
L’idée que l’intolérance n’est pas un droit divin est également exprimée à la page 77 de
l’œuvre, en conclusion du chapitre XII intitulé « Si l’intolérance fut de droit divin dans le
judaïsme, et si elle fut toujours mise en pratique ». En effet, dans ce chapitre, Voltaire
traduit une idée qui résume assez bien sa pensée : « L’écriture nous apprend donc que non
seulement Dieu tolérait tous les autres peuples ; mais qu’il en avait un soin paternel : et nous
osons être intolérants ! » p. 77
L’exclamation qui marque la fin de cette citation donne un ton particulier au discours :
c’est de l’indignation. Indignation envers le comportement humain qui va à l’encontre des
préceptes des Ecritures, c’est-à-dire l’Ancien Testament pour la culture judaïque et le
Nouveau Testament pour les chrétiens, si on le prend dans tous les sens possibles. Ces
Ecritures étant considérées comme le message de Dieu, ce serait, pour Voltaire,
commettre une faute grave, du point de vue de la foi, que de ne pas les respecter. Il
estime que les fanatiques qui massacrent les adeptes des autres confessions, espérant
ainsi convertir le plus grand nombre à leur religion, ne respectent pas leur propre foi. Ils
sont donc en contradiction avec leur propre croyance. Voltaire présente l’intolérance
comme une contradiction envers le message de Dieu. C’est en cela que ce n’est pas un
droit divin (Salvan : 2008).12
L’auteur écrit : « Ce sont là d’étranges titres pour la gloire éternelle. » p. 69, en parlant de
massacres perpétrés par des fanatiques. On a encore, dans cet autre énoncé, une
expression de la contradiction entre l’intolérance et le message d’amour de la religion et
du salut.
A travers le Traité de tolérance, Voltaire critique le fanatisme religieux et l’intolérance.
Avec ce texte incisif, l’écrivain s’inscrit comme un grand défenseur des droits de l’homme,
et ceci, bien avant la révolution française. Il pressent qu’il existe «un lien invisible entre les
12
Salvan, Géneviève (2008), « Sectes et sectateurs dans le Traité sur la tolérance de Voltaire : Enquête
lexicologique et étude stylistique » Philosophie des Lumières et valeurs chrétiennes, l’Harmattan
10
êtres qui les unit au-delà des différences sociales, culturelles et religieuses et qui les relie à
une origine commune » (Léonie Behlert 2013 :3). 13
La tolérance est la clé de voute de son œuvre. Pour Voltaire, la tolérance est le seul
moyen de sortir de la barbarie. Il estime que tout individu a besoin d’un code moral
auquel se référer afin de devenir un bon et honnête citoyen (Epictete : 2005).14
Un autre aspect de la dénonciation de l’intolérance dans l’œuvre de Voltaire apparait à
travers les dérives de l’inquisition et de l’appareil judiciaire.
2. Les dérives de l’inquisition et de l’appareil judiciaire
L’œuvre de Voltaire, Traité sur la tolérance, passe au crible le système judiciaire et
dénonce ses avatars. Les juges sont visés ainsi que le suggère l’expression « les bonnets »
p. 57 : ils étaient aussi au service d’une religion cruelle et injuste. On pourrait même dire,
selon Pomeau (1997), qu’ils se voyaient comme les instruments de Dieu et de sa volonté15.
Au nom de la justice, ils n’hésitaient pas à pratiquer la cruauté et à cautionner les
pratiques des bourreaux inquisiteurs. On note donc, dans le texte, une satire très acerbe
de la justice de l’époque de Voltaire.
L’extrait suivant traduit le degré des dérives dans l’appareil judicaire :
« Quelques magistrats étaient de la confrérie des pénitents blancs. Dès ce moment, la mort
de Jean Calas parut infaillible. Ce qui surtout prépara son supplice, ce fut l'approche de cette
fête singulière que les Toulousains célèbrent tous les ans en mémoire d'un massacre de
quatre mille huguenots; l'année 1762 était l'année séculaire. On dressait dans la ville
l'appareil de cette solennité: cela même allumait encore l'imagination échauffée du peuple;
on disait publiquement que l'échafaud sur lequel on rouerait les Calas serait le plus grand
ornement de la fête; on disait que la Providence amenait elle-même ces victimes pour être
13
14
15
Behlert, Léonie (2013), Voltaire, philosophe de la tolérance, Revue Acropolis, Etre philosophe aujourd’hui.
Epictete (2005), De la liberté suivi de la profession cynique, Gallimard
Pomeau, René (1997), Voltaire, Coll. Ecrivains de toujours, Seuil
11
sacrifiées à notre sainte religion. Vingt personnes ont entendu ces discours, et de plus
violents encore. Et c'est de nos jours! Et c'est dans un temps où la philosophie a fait tant de
progrès! Et c'est lorsque cent académies écrivent pour inspirer la douceur des mœurs! Il
semble que le fanatisme, indigné depuis peu des succès de la raison, se débatte sous elle avec
plus de rage.
Treize juges s'assemblèrent tous les jours pour terminer le procès. On n'avait, on ne
pouvait avoir aucune preuve contre la famille; mais la religion trompée tenait lieu de preuve.
Six juges persistèrent longtemps à condamner Jean Calas, son fils, et Lavaisse, à la roue, et la
femme de Jean Calas au bûcher » p. 58
Rappelons qu’il y a au centre du récit « l’affaire Calas », du nom d’un père protestant qui
est accusé d’avoir tué son fils qui voulait se convertir au catholicisme. Il est roué vif et sa
famille est persécutée. Voltaire se fait leur avocat en démontrant l’incohérence du
procès. Il s’en suit la révision, puis la cassation du jugement et la réhabilitation de Calas
(le père, à titre posthume) et de sa famille. Les extraits suivants montrent quelques
séquences du développement judiciaire de « l’affaire Calas ».
« Jean Calas et Anne-Rose Cabibel sont marchands lingers protestants à Toulouse. Ils ont
deux filles et quatre fils. Louis, l'un d'eux, s'est converti au catholicisme sous l'influence de la
servante, Jeanne Viguière. Le 13 octobre 1761, l'aîné des fils, Marc-Antoine, est retrouvé
étranglé au rez-de-chaussée de la maison familiale. Ce soir-là, les Calas avaient un hôte :
Gaubert Lavaysse, témoin de la découverte… » p. 18.
«…Le capitoul chargé de l'enquête, David de Beaudrigue, néglige son travail, et la rumeur
populaire le convainc que Jean Calas a assassiné son fils, sous prétexte de sa soi-disant
intention de se convertir également au catholicisme. Suite à un monitoire ridicule et à des
interrogatoires douteux, le Parlement de Toulouse condamne au supplice le seul Jean Calas,
le 9 mars 1762 et fait appliquer la sentence dès le lendemain. Le condamné n'aura cessé de
clamer son innocence « avec une fermeté inconcevable ». Quelques jours plus tard, Pierre
Calas, le frère de Marc-Antoine, est banni. Sa mère, la servante et Lavaysse sont
acquittés… » p. 80.
12
« …Le 7 mars 1763, le Conseil du Roi autorise l'appel du jugement du Parlement de Toulouse.
Après un nouveau jugement par le Tribunal de Paris, Jean Calas est réhabilité par le Conseil, à
l'unanimité, le 9 mars 1765, trois ans exactement après l'exécution » p. 82.
Ces quelques extraits montrent le déroulement de l’affaire Calas et son issue. Voltaire
présente ici les erreurs justiciaires comme l’un des dérapages de la société. Il s’élève
contre les jugements sentencieux, dictés plus par des desseins obscurs que par le droit.
Voltaire choisit donc de défendre les Calas, face au rouleau compresseur judiciaire. Pour
Voltaire, il n’y a pas la moindre preuve contre Jean Calas, ni contre Gaubert Lavaisse,
invité ce soir-là à la table des Calas et accusé, lui aussi, d’avoir pris part au meurtre. Chez
lui, il n’y a plus aucun doute, « Il est avéré que les juges toulousains ont roué le plus innocent
des hommes » p. 71. Voltaire s’insurge contre de telles dérives judiciaires. Il souligne que :
« Les nations étrangères qui nous haïssent et qui nous battent sont saisies d'indignation.
Jamais, depuis le jour de la Saint-Barthélémy, rien n'a tant déshonoré la nature humaine ».
Dénonçant l’incongruité des faits reprochés à la famille Calas, il poursuit son long
réquisitoire contre la justice : « Il paraissait impossible que Jean Calas, vieillard de soixantehuit ans, qui avait depuis longtemps les jambes enflées et faibles, eut seul étranglé et pendu
un fils âgé de vingt-huit ans, qui était d’une force au-dessus de l’ordinaire ; il fallait
absolument qu’il eut été assisté dans cette exécution par sa femme, par son fils Pierre Calas,
par Lavaisse, et par la servante. Ils ne s’étaient pas quittés un seul moment le soir de cette
fatale aventure. Mais cette supposition était encore aussi absurde que l’autre: car comment
une servante zélée catholique aurait-elle pu souffrir que des huguenots assassinassent un
jeune homme élevé par elle pour le punir d’aimer la religion de cette servante ? Comment
Lavaisse serait-il venu exprès de Bordeaux pour étrangler son ami dont il ignorait la
conversion prétendue ? Comment une mère tendre aurait-elle mis les mains sur son fils ?
Comment tous ensemble auraient-ils pu étrangler un jeune homme aussi robuste qu’eux
tous, sans un combat long et violent, sans des cris affreux qui auraient appelé tout le
voisinage, sans des coups réitérés, sans des meurtrissures, sans des habits déchirés » p. 72
Voltaire égrène ici des considérations de pur bon sens ; très fortes comme seules le sont
les remarques de ce bon sens que les juges, les enquêteurs et souvent les avocats,
happés par la logique d’une mécanique judiciaire qu’ils mettent en mouvement, finissent
13
par ne plus voir. Jean Calas, âgé de plus de soixante ans, n’allait pas exécuter un fils de
vingt-huit ans tout seul. Il lui fallait l’aide de la famille qui dînait vers dix-neuf heures :
était-ce crédible ? Comment était-il possible que le jeune Lavaisse, arrivé par hasard le soir
même, eût pu être complice d’un tel crime ? Et la servante, présente dans la maison
depuis trente ans et qui avait élevé Marc-Antoine comme ses autres frères et sœurs, étaitelle coupable, elle aussi ? Voltaire rappelle encore que Marc-Antoine « passait pour un
esprit inquiet, sombre et violent. » p. 24 Bloqué dans ses projets professionnels, il « résolut
de finir sa vie et fit pressentir ce dessein à un de ses amis. » p. 24. C’est très vrai mais cela
apparaît peu dans le dossier (Bonnefon : 1895)16
.
Pour Voltaire, condamner Jean Calas tout seul à la peine de mort pour voir si, sous les
coups du bourreau et devant la mort, il n’allait pas avouer pour, ensuite, devant ses
dénégations dans la souffrance, par une seconde décision, condamner les autres
membres de la famille à des peines vénielles était absurde. Pour lui, soit tous coupables
de tout, soit tous innocents (Dominique Inchauspé 2004).17
La campagne pour la réhabilitation de Calas est donc ainsi lancée. La machine Voltaire se
met en marche. Elle est d'une prodigieuse efficacité. Pendant trois années, sans jamais
désarmer, Voltaire va pousser tous les feux. Il fait mener des enquêtes, il recueille des
témoignages, il rédige des mémoires, « J'écris pour agir » disait-il. p. 304. Le 4 juin 1764, le
Conseil du roi casse le procès de Toulouse et ordonne la révision. Un nouveau tribunal est
nommé. Voltaire exulte: « Les écailles tombent des yeux, le règne de la vérité est proche » p.
79
Le 12 mars 1765, le tribunal réhabilite Jean Calas et décharge sa famille et Lavaisse de
toute accusation. Les Calas sont autorisés à prendre à partie les juges toulousains. Mme
Calas reçoit du roi 12000 livres, ses filles 6000 livres chacune. Voltaire accueille ce
triomphe avec beaucoup de modestie, mais il sait que c'est son œuvre. Le sens de sa vie,
de sa gloire est changé, le voilà, selon ses dires, « le Don Quichotte des malheureux » p. 84.
16
Bonnefon, Daniel, (1895), Les écrivains célèbres de la France, Librairie, Fischbacher
17
Inchauspé, Dominique (2004), L’intellectuel fourvoyé, Voltaire et l’affaire Sirven, Salon Littéraire.
14
Toute la trame du récit dans Traité sur la tolérance est un véritable plaidoyer de Voltaire
en faveur de la tolérance.
3. Un plaidoyer pour la tolérance religieuse
Dans Traité sur la tolérance, Voltaire lance un vibrant appel à la tolérance. Comme le fait
remarquer Léonie Behlert (2013 :5), la fin de l’œuvre apparait sous la forme d’une prière,
« la prière à Dieu ».
Le texte suivant présente la prière que Voltaire adresse à Dieu :
« Ce n'est plus aux hommes que je m'adresse ; c'est à toi, Dieu de tous les êtres, de tous les
mondes, et de tous les temps s'il est permis à de faibles créatures perdues dans l'immensité,
et imperceptibles au reste de l'univers, d'oser te demander quelque chose, à toi qui as tout
donné, à toi dont les décrets sont immuables comme éternels , daigne regarder en pitié les
erreurs attachées à notre nature ; que ces erreurs ne fassent point nos calamités. Tu ne nous
as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger; fais que nous nous
aidions mutuellement à supporter le fardeau d'une vie pénible et passagère que les petites
différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages
insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes
nos opinions insensées , entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si
égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés
hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution que ceux qui allument des
cierges en plein midi pour te célébrer supportent ceux qui se contentent de la lumière de
ton soleil ; que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne
détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ; qu’il soit égal
de t’adorer dans un jargon formé d’une ancienne langue, ou dans un jargon plus
nouveau ; que ceux dont l’habit est teint en rouge ou en violet, qui dominent sur une petite
parcelle d’un petit tas de la boue de ce monde, et qui possèdent quelques fragments
arrondis
d’un
certain
métal,
jouissent
15
sans
orgueil
de
ce
qu’ils
appellent grandeur et richesse, et que les autres les voient sans envie : car tu sais qu’il n’y a
dans ces vanités ni de quoi envier, ni de quoi s’enorgueillir.». p. 8318
Le texte de Voltaire ressemble à une prière, dans les choix énonciatifs qu’il opère. Ce
texte reprend une image pascalienne des hommes : « L'Homme est grand en ce qui se sait
misérable »19. On peut, en effet, relever dans le texte le thème de la petitesse, de la
faiblesse des hommes et de leurs situations sur Terre : « faibles créatures perdues » ;
« débiles corps » ; « langage insuffisant » ; « petites parcelles d'un petit tas de boue », ce
qui renvoie à l'imperfection de l'homme. A cette petitesse sont associés la dénonciation
du ridicule et des erreurs : « erreurs attachées à notre nature » ; « usages ridicules » ; « lois
imparfaites ». Voltaire condamne la cruauté attaché à l'homme : « pour nous haïr » ;
« pour nous égorger » ; « ne déteste pas ». Il condamne l'orgueil humain : « jouissent sans
orgueil » ; « dans ces vanités ». L'ensemble du texte s'attache à dévaloriser l'image de
l'homme pour lui ôter tout orgueil et toutes vanités.
Dans ce texte, Voltaire dépasse les clivages religieux, en s’adressant à un dieu
indéterminé. Mais en réalité, c’est aux hommes qu’il s’adresse. Ils les supplient de
dépasser leurs dissensions, leurs conflits, nés de leurs croyances religieuses. Pour lui, les
hommes font des erreurs certes, mais elles ne doivent pas faire leurs malheurs et encore
moins les conduire à mal se comporter (Pierre Le Pape : 1994)20.
Voltaire estime que les hommes devraient apprendre à se pardonner mutuellement leurs
faiblesses et leurs manquements. Peu importe les rituels et les différences, l’essentiel,
selon lui, serait que les chacun y trouve son bonheur (Léonie Behlert 2013 :5)
C’est d’ailleurs, ce qui apparait dans cette autre séquence de la prière :
« Puissent tous les hommes se souvenir qu'ils sont frères ! Qu'ils aient en horreur la tyrannie
exercée sur les âmes, comme ils ont en exécration le brigandage qui ravit par la force le fruit
du travail et de l'industrie paisible !
18
Voltaire, (1763), Traité sur la tolérance, Chapitre XXIII
Blaise, Pascal (1670), Pensées, Edition du Port Royal/XXIII, p.176
20
LE Pape, Pierre, (1994) Voltaire le conquérant, Seuil
19
16
Si les fléaux de la guerre sont inévitables, ne nous haïssons pas, ne nous déchirons pas les uns
les autres dans le sein de la paix, et employons l'instant de notre existence à bénir également
en mille langages divers, depuis Siam jusqu'à la Californie, ta bonté qui nous a donné cet
instant ». p. 84
Voltaire manifeste, à travers cette prière, sa volonté de dépasser la diversité des
coutumes, des rites, des croyances pour fonder une morale religieuse et sociale afin de
permettre à l’homme de trouver le bonheur sur terre avec ses semblables.
Cette prière invite finalement les hommes à réfléchir sur eux-mêmes et sur leur
responsabilité individuelle et collective. Elle en appelle à la fraternité, à la tolérance, à la
solidarité et au respect des différences. Cet apologue est également un appel à la
tolérance religieuse et à la liberté de culte.
C’est d’ailleurs ce que relève Pierre Le pape (1995 :14) lorsqu’il écrit :
« Voltaire se tourne maintenant avec émotion vers le « Dieu de tous les êtres ». Son déisme
lui permet de s'élever au-dessus des religions et de considérer la faiblesse humaine avec une
commisération qui conduit logiquement à la tolérance. Mais cet appel, dont les intentions
sont très nobles, peut-il être vraiment efficace alors qu'il repose sur le doute rationnel, c'està-dire sur la négation même de la foi religieuse? Dans ce morceau d'apparat où l'auteur
adjure les religions de se respecter mutuellement, l'esprit voltairien reprend çà et là le dessus
pour railler, avec une irrévérence mesquine, le détail particulier de leurs rites ».21
Dans le texte de Voltaire, son criticisme de Dieu devient apparent. Il s’agit, en quelque
sorte, d’un plaidoyer pour le déisme. En effet, Voltaire, tel Montesquieu, milite pour la
multiplicité des croyances, la liberté de penser, la tolérance, le dialogue des cultures et le
respect des différences. Il s’insurge donc contre le fanatisme religieux, les dérives de la
justice et toutes les formes d’intolérance (Aurele : 2006)22.
Voltaire espère vivement que son appel à la tolérance, au respect des différences et à la
justice vraie, sera entendu. D’ailleurs, c’est ce qu’il souligne, à mots couverts, dans le
chapitre II de son traité intitulé « Conséquence du supplice de Jean Calas ». En effet, il
21
22
Pierre Le Pape (1995) L’affaire Calas, l’avis d’un contemporain, Le Monde
Aurele, Marc (2006), Pensées, Gallimard
17
écrit : « Peut-être un tableau raccourci et fidèle de tant de calamités ouvrira les yeux de
quelques personnes peu instruites, et touchera les cœurs bien faits. » p. 25. Une façon de
dire que son traité n’est pas uniquement une adresse aux hautes sphères de la société
française, mais surtout à un large public. Il y a donc, dans l’œuvre, une sorte de plaidoyer
universel en faveur de la tolérance.
Conclusion
Traité sur la tolérance de Voltaire est une œuvre qui a marqué le monde littéraire et
philosophique français du XVIIIème siècle. On retrouve dans l’œuvre l’idéal du siècle des
Lumières : la valeur de la raison. En effet, Les lumières,
mouvement culturel et
philosophique qui émerge dans la seconde moitié du XVIIIème siècle sous l’impulsion de
philosophes s’engage contre les oppressions religieuses et politiques. Voltaire, est l’un de
ceux qui ont décrit la pensée des Lumières, à travers notamment le sens de la tolérance.
Son œuvre Traité sur la tolérance, conçue pour réparer l’erreur judiciaire à l’origine de
l’affaire Calas, acquiert progressivement une portée universelle, devenant un véritable
plaidoyer en faveur de la tolérance. Voltaire prône la tolérance, le respect de toutes les
religions, le droit à la dignité humaine et s’insurge contre le fanatisme et l’esclavagisme.
Cet écrivain et philosophe, assurément l’un des plus actifs de son temps, développe dans
l’œuvre, ses idées contre le fanatisme et la persécution. Il montre que les pratiques ou les
rites religieux sont des sources de conflits entre les hommes. Voltaire était déiste. Ce qui
signifie qu’il croyait en une entité spirituelle sans pour autant adhérer à une religion
révélée, avec tout ce que cela suppose, c’est-à-dire la confession, la prière etc. On
pourrait donc affirmer que dans son traité, il encourage la foi sans pourtant sombrer dans
le fanatisme.
18
Bibliographie
AURELE, Marc (2006), Pensées, Gallimard
BEHLERT, Léonie (2013), « Voltaire, philosophe de la tolérance », Revue Acropolis, Etre
philosophe aujourd’hui.
BONNEFON, Daniel, (1895), Les écrivains célèbres de la France, Librairie, Fischbacher
CESU, Salarie (2012), La critique de la religion et de l’intolérance, Prepabac.
COTTON, Eléonore (2012) Havre de pensées et de mots : Exposé sur Traité de tolérance,
Wordpress
EPICTETE (2005), De la liberté suivi de la profession cynique, Gallimard
INCHAUSPE, Dominique (2004), L’intellectuel fourvoyé, Voltaire et l’affaire Sirven, Salon
Littéraire
LE PAPE, Pierre, (1994) Voltaire le conquérant, Seuil
LE PAPE, Pierre (1995) L’affaire Calas, l’avis d’un contemporain, Le Monde
MARQUIS de Sade (1782) Dialogue entre un prêtre et un moribond
PASCAL, Blaise (1670), Pensées, Edition du Port Royal/XXIII, p.176
POMEAU, René (1997), Voltaire, Coll. Ecrivains de toujours, Seuil
SALVAN, Géneviève (2008), « Sectes et sectateurs dans le Traité sur la tolérance de
Voltaire : Enquête lexicologique et étude stylistique » Philosophie des Lumières et valeurs
chrétiennes, l’Harmattan
VOLTAIRE (1763) Traité sur la tolérance, Les éditions de Londres
WESFREID, Marcelo (2010), La vérité sur Voltaire, L’express Culture
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