Position de la FEDERATION JALMALV concernant la proposition de

Position de la FEDERATION JALMALV
concernant la proposition de loi autour de la fin de vie déposée par Mrs CLAEYS et LEONETTI
Janvier 2015
Cette proposition, d’après l’exposé des motifs, vise à renforcer les droits des malades et à améliorer les
conditions de prise charge pour permettre une fin de vie apaisée.
- Une place encore plus importante est donnée au recueil de la volonté du patient, puisque les directives
anticipées peuvent s’imposer aux médecins (sauf en cas d’urgence vitale le temps d’évaluer la situation
ou si elles paraissent manifestement inappropriées) ; Etre au plus près de la volonté du patient est
essentiel et les directives anticipées sont un moyen important pour y parvenir. S’agissant de leur
caractère contraignant pour les médecins, il nous paraît absolument nécessaire de laisser effectivement
une possibilité de réévaluation en fonction de la situation ; En effet, il est toujours difficile d’imaginer à
l’avance ce que nous souhaiterons dans une situation par définition inconnue. Dans la réalité de la
situation, notre avis peut changer. La recherche de l’expression de la volonté du patient au moment de
la prise de décision doit rester la règle, les directives anticipées n’intervenant que si la personne n’a
plus la capacité de s’exprimer.
- L’obligation du soulagement de la souffrance physique et psychique est réaffirmée. L’utilisation de
traitements antalgiques et sédatifs entraînant une altération profonde et continue de la vigilance
jusqu’au décès est limitée à deux circonstances : en cas de souffrance réfractaire aux traitements
habituels, en phase terminale, et lorsque l’arrêt d’un traitement engage le pronostic vital à court terme.
L’intention est précisée : le soulagement, même au risque d’abréger la vie. Il ne s’agit donc pas
d’euthanasie.
Ce cadre et ces précisions sont fondamentaux : il s’agit d’éviter la souffrance en associant un traitement
antalgique et un traitement sédatif provoquant une altération de la vigilance s’il n’y a pas d’autres
moyens de soulager ; cette sédation est associée à l’arrêt des traitements de maintien en vie afin de ne
pas empêcher la mort de survenir, comme évolution ultime de la maladie ; la mort survient dans un
délai variable de quelques heures à quelques jours, dans un temps propre à chacun.
Dans le texte définitif, tous les mots seront importants. Nous sommes sur une ligne de crête. Or, les
termes d’ « altération profonde et continue de la vigilance » peuvent être interprétés de façon ambigüe.
Donner un droit à la sédation sans condition constituerait un risque important de dérive vers des
pratiques euthanasiques déguisées. Les doses de traitement doivent être appropriées à l’effet
recherché, la profondeur de la sédation adaptée au soulagement, conformément aux bonnes pratiques
des soins palliatifs : soulager et non précipiter le décès.
- Cette proposition de loi ne traite pas de l’euthanasie ni du suicide assisté mais se situe dans le
prolongement de la loi actuelle (Loi Léonetti), conformément aux conclusions du rapport de la
commission Sicard, et à l’avis du C.C.N.E.
Certains disent déjà que cette proposition ne va pas assez loin. Nous souhaitons ici réaffirmer
l’opposition de JALMALV à toute légalisation de l’euthanasie ou du suicide assisté et vous dire
pourquoi :
Par rapport aux souhaits paraissant exprimés par les français dans les enquêtes et les sondages :
Il y a beaucoup de confusion et de flou autour du terme « euthanasie », souvent synonyme d’une mort
douce et apaisée, sans que son contenu soit forcément perçu : geste provoquant la mort de façon rapide
irréversible. Il y a aussi une grande méconnaissance de ce que sont les soins palliatifs et enfin une
ignorance de la loi actuelle qui n’est d’ailleurs que très insuffisamment appliquée.
Ce que nous disent nos concitoyens, c’est qu’ils veulent ne pas souffrir, ne pas subir d’acharnement
thérapeutique, rester dignes, se sentir considérés, être entendus et respectés dans leurs souhaits. La loi
actuelle répond déjà à cela : elle oblige le médecin à avoir le consentement du malade pour tout
traitement, elle interdit l’acharnement thérapeutique, impose le soulagement, oblige la mise en œuvre
des soins palliatifs dans tous les établissements hospitaliers et médico-sociaux pour que chaque citoyen
y ait accès.
La nouvelle proposition, en renforçant le respect de la volonté des patients et en priorisant le
soulagement va ainsi dans le sens de ce qui est souhaité profondément.
Par ailleurs, l’euthanasie apparaît souvent comme l’ultime recours pour échapper à une situation
insupportable, à la confrontation la mort et aux peurs multiples auxquelles elle renvoie…Notre
campagne a bien mis en évidence toutes ces peurs et l’expérience des échanges citoyens nous montre
que des soins palliatifs de qualité répondent aux craintes exprimées. Il existe un grand écart entre ce que
peuvent exprimer les « bien-portants » (plutôt mourir vite que souffrir...provoquer la mort paraît une
solution simple…) et ce qu’ils vivent quand ils sont confrontés à la maladie grave ou au grand handicap :
ambivalence, sentiments contradictoires, adaptation à une situation que l’on n’aurait jamais pensé
accepter, variations d’un jour à l’autre des demandes exprimées… Complexité de ce qui se vit qu’on ne
peut imaginer avant d’y être confronté…les sondages ne sont jamais faits auprès de personnes malades.
Par rapport à ce que vivent les personnes malades :
Certaines peuvent exprimer à certains moments le désir d’en « finir », de mourir j’aimerais mieux
mourir »), alternant souvent avec un désir de vivre plus longtemps et l’espoir d’un mieux être… Il est
donc essentiel de ne pas confondre cela avec une demande d’euthanasie faites moi mourir »).
La demande d’euthanasie est rare ; elle est toujours l’expression d’une grande souffrance ; physique,
psychique, existentielle…. Elle doit bien sûr être entendue, écoutée, prise en compte ; il importe
d’analyser ce qu’elle recouvre. La réponse appropriée à la demande d’euthanasie est de répondre à ce
qui la sous-tend.
La quasi-totalité des demandes d’euthanasie disparaît par une prise en charge palliative adaptée, un
soutien effectif y compris familial et social, et un accompagnement.
Il existe des cas « exceptionnels » où la demande d’euthanasie peut perdurer. Mais la loi n’a pas
vocation à régler des situations exceptionnelles, par définition individuelles. La loi s’adresse à l’ensemble
des citoyens. L’objet de la loi est de permettre un « vivre-ensemble » dans le respect mutuel de la valeur
de la vie de chacun et de protéger les plus vulnérables.
Par rapport aux conséquences possibles en cas de légalisation de l’euthanasie :
Tous les pays qui ont légalisé l’euthanasie ou le suicide assisté sont confrontés à des dérives : droit à
l’euthanasie accordé aux mineurs…élargi aux personnes handicapées ou très âgées ne pouvant en faire
elles-mêmes la demandes…est-ce cela que nous voulons : décider qui doit vivre ou non ?
Les conséquences d’une loi se mesurent sur les générations suivantes. Avec l’euthanasie, il y aurait
rupture du lien social fondamental : le respect de la vie de chacun. Légaliser l’euthanasie, même au
départ pour des cas exceptionnels, c’est ipso facto reconnaitre que la vie de certains n’a plus de valeur,
plus de sens, admettre qu’ils ont perdu leur dignité. Or notre conception républicaine est définie dans la
Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : La dignité est inaliénable, ne se perd jamais
pour un humain, même si le sentiment de dignité est menacé.
Légaliser l’euthanasie c’est ouvrir la porte au doute et au discrédit sur la valeur de la vie des plus
vulnérables et aggraver ainsi leur sentiment de déchéance, de n’être plus dignes ou de n’être plus
qu’une charge…
Légaliser l’euthanasie c’est instituer un « droit à la mort ». Est-ce un objectif pour nos enfants et petits-
enfants ? Quelles conséquences sur le sens de la vie en société pour eux, et sur leur conception de la vie
pour eux-mêmes ? Qui peut décider du caractère insupportable de la vie ? Pourrons-nous continuer à
lutter contre le suicide ?
Légaliser l’euthanasie, c’est adhérer à une conception individualiste, utilitariste de l’être humain, évalué
en terme d’efficience, d’image, voir d’utilité économique. Le pacte républicain est fondé sur trois
valeurs ; dans ces valeurs il y a la liberté mais il y a aussi la fraternité. Vivre en société c’est vivre en lien
les uns avec les autres. Ce qui arrive à un individu à des conséquences sur les autres. Le geste
d’euthanasie n’est pas un geste de compassion ni de solidarité : il provoque la mort de l’autre. Etre
solidaire, c’est rester en lien, s’adresser à l’autre, le soulager et l’accompagner. Nos accompagnants
bénévoles en font l’expérience sur le terrain et en témoignent.
Légaliser l’euthanasie ne serait-ce pas répondre à des impératifs économiques ? Les conséquences pour
les personnes gravement handicapées, les personnes âgées les plus dépendantes, atteintes notamment
de maladies démentielles, pourraient être redoutables…
Pourquoi revendiquer le droit à l’euthanasie alors que les soins palliatifs sont insuffisamment
développés et que la loi actuelle n’est même pas appliquée ? Serait-ce moins coûteux de développer
l’euthanasie que de promouvoir partout les soins palliatifs et l’accompagnement ? Est-ce cette priorité
que nous voulons pour la santé publique et la médecine de demain ?
Légaliser l’euthanasie s’oppose, contrairement à ce qui est souvent avancé, au développement de la
démarche palliative et de l’accompagnement. Il y aurait, de fait, une banalisation du geste d’euthanasie
(même si la procédure est théoriquement très encadrée) présenté comme une alternative possible aux
soins palliatifs. Cela pervertit la démarche soignante. Les médecins et les soignants ne peuvent être dans
cette double position : soigner et faire mourir ; cela pèse aussi sur la demande des personnes malades
qui, pour protéger leur entourage ou par crainte d’un coût financier, peuvent être amenées plus
facilement à une demande d’euthanasie.
Etre confronté à la mort reste une question fondamentale pour tout homme, qui génère une souffrance en
partie inévitable : quitter la vie, quitter ses proches…et beaucoup de peurs… Le Droit ne peut répondre à cela : il
est illusoire de penser que la légalisation de l’euthanasie pourrait clore la question de la mort, la résoudre une
fois pour toute, gommer toute souffrance et toute peur…
Au nom de quelques cas individuels, cela pervertirait tout le lien social, le fondement de notre société. Le geste
d’euthanasie n’est pas la réponse aux questions posées par la demande d’euthanasie. La réponse de notre
société républicaine doit être l’accès aux soins palliatifs pour tous, la priorité au soulagement, à l’apaisement
sans confusion dans l’intention et les moyens utilisés, la priorité au soutien et à l’accompagnement. Toute
l’expérience de nos associations sur le terrain, de nos bénévoles au contact direct des personnes gravement
malades et de leurs proches nous permet de l’affirmer !
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