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Les logiques d’action à l’œuvre dans l’acte d’entreprendre - Fabien REIX
RIMHE, Revue Interdisciplinaire sur le Management et l’Humanisme
n°1 - NE - mars/avril 2012 - Ethique et Organisation
avant tout comprendre comment on le devient.
Cet article s’appuie sur l’usage de la méthode biographique (Peneff, 1997)
appliquée à l’étude de l’engagement entrepreneurial (Pailot, 2003 ; Her-
nandez, 2006) à travers l’analyse de plus d’une soixantaine de « récits
de vie » (Bertaux, 1997) de créateurs d’entreprises aquitains, aux profils
volontairement très hétérogènes, réalisés entre 2005 et 20105. En effet, les
enquêtes SINE de l’INSEE sur les créateurs et la création d’entreprises
démontrent que les entrepreneurs ont des caractéristiques très différentes
en termes d’origine sociale, d’âge, de niveau de diplôme, etc.6. Pour res-
pecter la diversité de la catégorie des créateurs d’entreprises, nous avons
donc privilégié l’étude des cas les plus variés tant au niveau du profil du
créateur (sexe, âge, origine sociale) qu’au niveau du type d’entreprises
créées (secteur d’activité, taille de l’entreprise), l’objectif étant d’éclairer
les significations générales de l’acte d’entreprendre à travers la comparai-
son d’un ensemble de cas singuliers. Nous faisons ainsi l’hypothèse que
ce que les entrepreneurs ont en commun n’est pas à chercher dans leurs
profils mais plutôt dans le sens qu’ils accordent à l’acte d’entreprendre.
Le récit de vie est un instrument particulièrement adapté lorsqu’il s’agit
de rendre compte des interprétations subjectives qui guident les conduites
individuelles (Fillieule, 2001). La méthode biographique permet de retra-
cer des « histoires de vie » tant sur le plan personnel que professionnel
et d’analyser le regard réflexif que portent les acteurs sur leurs trajectoi-
res. L’interprétation croisée de ces longs entretiens (entre 2 et 4 heures en
moyenne) a ainsi permis de repérer les grands registres d’action qu’ils mo-
bilisent pour justifier leur engagement dans une carrière d’entrepreneur.
Les raisons qui conduisent un individu à créer sa propre entreprise sont
multiples et ce d’autant plus que le groupe des entrepreneurs ne peut être
appréhendé comme une catégorie sociale homogène. L’analyse des ré-
cits de vie de ces entrepreneurs permet cependant d’identifier trois gran-
des logiques d’action à l’œuvre dans l’acte d’entreprendre qui renvoient
plus généralement aux trois grands registres d’action proposés par Du-
bet (1994) dans sa sociologie de l’expérience (socialisation, rationalité,
5 - Cette base de données a été principalement alimentée par une enquête sur les trajectoires sociales
des créateurs d’entreprises aquitains (financée par le Conseil Régional d’Aquitaine entre 2003 et 2006)
regroupant 45 récits de vie de créateurs d‘entreprises aux profils très variés. Elle a été récemment
complétée par une seconde enquête sur les appuis sociaux de l’entrepreneuriat (financée par la Maison
des Sciences de l’Homme d’Aquitaine entre 2009 et 2010) regroupant 18 entretiens biographiques avec
des fondateurs d’entreprises innovantes accompagnées par l’IRA (Incubateur Régional d’Aquitaine).
6 - Voir les résultats des enquêtes SINE (Système d’Information sur les Nouvelles Entreprises) de 2006.
En effet, ce travail s’appuie aussi sur une analyse secondaire de la base de données de l’INSEE sur les
créateurs et la création d’entreprises en 2006.