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Académie de Rouen - Aider les élèves de lycée à mieux maîtriser la phrase à l’écrit
DES RÈGLES DE SYNTAXE POUR LE LYCÉE
1. Quel usage des règles ?
Indiquer aux élèves de lycée quelques règles efficaces pour qu’ils améliorent leur
expression écrite : un tel objectif pédagogique, tout modeste qu’il est, ne manque pas de
soulever de redoutables questions théoriques. Qu’est-ce qu’une « règle » ? Peut-on définir
une norme grammaticale qui soit fondée rationnellement par la linguistique ? Comment
articuler cette norme avec les usages multiples de la langue ? En somme, qu’est-ce qu’une
grammaire ? Il n’est pas question d’entrer ici dans ces débats. Notre objectif est plus limité
et essentiellement pratique. Nous nous contenterons de quelques réflexions rapides sur la
notion de règle.
Nous emprunterons ces quelques remarques préliminaires à une bonne grammaire
scolaire déjà ancienne, le Code du français courant d’Henri Bonnard (Magnard, 1981). Cet
auteur définit la grammaire comme un « code », c’est-à-dire « un ensemble de conventions
donnant à chacun le moyen de traduire sa pensée pour communiquer avec ses semblables »
(Avant-propos). Reconnaître ce caractère conventionnel des usages grammaticaux, c’est voir
dans la norme non pas le produit d’une logique formelle interne à la langue, ni un outil de
« distinction » sociolinguistique à l’usage des classes dominantes, mais le moyen
pragmatique d’une communication efficace. La grammaire est alors la chose de tous : « La
grammaire impose des règles, de l’application desquelles chaque sujet parlant se sent un
peu juge. Si tous ne pratiquent pas rigoureusement le code, tous admettent l’existence d’un
code, et par suite d’infractions appelées « fautes » qu’on recommande d’éviter. » (ibid. §
19). En dépit des variations socioculturelles ou individuelles des usages, on peut estimer
qu’un tel code comporte suffisamment de stabilité pour être reconnu par tous les sujets
(ibid. § 28).
H. Bonnard distingue alors plusieurs critères pour évaluer la compétence
linguistique (ibid.):
- la grammaticalité : l’énoncé « Ouvriers venir défoncer béton mur » est
agrammatical, même s’il est à la rigueur compréhensible ;
- l’intelligibilité : « la boîte vient saluer le béton du soir » est grammatical mais
inintelligible.
- l’acceptabilité : « L’homme que le bandit qui a été arrêté avait blessé est mort ce
matin à l’hôpital » est certes grammatical, mais inacceptable à cause de
« l’enchâssement abusif des propositions ».
Une telle distinction offre un intérêt pédagogique évident : une réflexion fréquente
des élèves sur leurs productions écrites, c’est de dire « Mais je me comprends ! » à propos
d’énoncés qui sont peut-être intelligibles, mais qui ne sont ni acceptables, ni parfois même
grammaticaux. Améliorer leur expression écrite, c’est les amener à produire des phrases qui
soient compréhensibles non seulement pour le locuteur, mais recevables par le destinataire
au regard des codes partagés de la communication.
La notion de règle pose encore deux questions, celle de l’écart et celle de l’exception.
La règle ne se conçoit pas sans l’écart. La prescription autorise la transgression, quand celle-
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ci est féconde, c’est-à-dire quand elle apporte un surplus de signification. Ainsi, un usage
courant consiste à couper une phrase grammaticale par une ponctuation forte pour en
renforcer l’expressivité : « L’arbitre a sifflé le penalty. Sans hésiter. » Il est évident qu’un tel
énon est acceptable en tant qu’effet stylistique, en tant qu’écart par rapport à une
habitude syntaxique. Mais d’autre part, sa multiplication, de plus en plus fréquente dans la
langue parlée, dans la presse et aussi dans les textes littéraires, fait perdre à cette tournure
toute sa force : son abus même la dévalorise. L’écart suppose donc la perception implicite de
la norme et a besoin d’être suffisamment rare pour produire tout son effet.
D’un autre côté, l’énoncé inverse n’est pas recevable : « Sans hésiter. L’arbitre a sifflé
le penalty. » Le groupe prépositionnel ne peut être reçu en tant que phrase que s’il est
rattaché à un énoncé antérieur par un lien syntaxique implicite.
On pourrait donc admettre qu’il existe plusieurs modalités de l’attitude par rapport à
la règle :
- l’application d’une norme de grammaticalité ;
- l’écart signifiant par rapport à cette norme, qui relève du style ;
- l’usage abusif de l’écart, qui n’est plus perçu comme tel (relâchement du style) ;
- la production d’un énoncé qui ignore ou contredit la norme.
Enseigner la règle, c’est donc aussi favoriser un usage maîtrisé de l’écart (cf. supra).
Enfin, il y a toujours des exceptions, des cas que la règle ne sait pas traiter. Toute
prescription se heurte à ses propres limites. La difficulté est ici d’ordre pédagogique : peut-
on légitimement donner aux élèves des règles dont l’application n’est pas universelle ?
L’objectif limité qu’on se propose ici n’est pas de donner des certitudes qui viseraient à une
grammaticalité absolue, à supposer que ce soit possible, mais de permettre à l’élève un gain
qui améliore concrètement ses capacités d’expression. Les erreurs qui résultent de
l’application maladroite d’une consigne imparfaite valent mieux, après tout, que celles qui
trahissent l’ignorance de celle-ci. On peut estimer qu’une règle simple qui permet
d’éliminer, mettons, 80 % des erreurs est suffisamment efficace.
Notre propos pédagogique est donc de fournir à l’élève, à travers des exercices de
remédiation, des règles simples de grammaticalité qui lui permettent d’améliorer sa maîtrise
du code écrit. Dans le cadre de cette remédiation, on ne saurait se proposer des objectifs
trop ambitieux. Les règles proposées ne le sont pas sur des critères de cohérence
linguistique, mais d’utilité pratique : partir des erreurs et impropriétés le plus fréquemment
constatées dans les copies d’élèves moyens de lycée.
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2. Connexion et segmentation : quelques règles
Dans un souci d’utilité et d’efficacité, nous nous limiterons à énoncer six règles,
portant sur des constructions relevées dans des copies d’élèves. Bien sûr, leur formulation
ne vise pas à sanctionner une syntaxe « fautive », mais à aider l’élève à produire des énoncés
acceptables. Ces règles doivent pouvoir être communiquées aux élèves : on a donc évité les
termes trop techniques (ex. : « parataxe ») pour s’en tenir à des formulations plus
accessibles. On s’en est aussi tenu à une ponctuation simple, qui ne recourt pas au point-
virgule.
Principe général : à l’écrit, toute phrase prend normalement appui sur un noyau
verbal (un verbe principal).
N. B. La phrase nominale relève d’un écart stylistique légitime, mais qui perd sa force quand
on en abuse (voir p.2).
Règle 1 : Une virgule ne peut pas séparer deux éléments indissociables (sujet et
verbe, verbe et complément d’objet, verbe et attribut).
N. B. Il est, cependant, possible d’insérer une expansion du nom ou un complément
circonstanciel. Dans ce cas, l’élément ajouté sera placé entre deux virgules.
Exemple : « Cet auteur encore très connu de nos jours, a écrit essentiellement des
tragédies. »
Une telle ponctuation est impossible : il faut, ou bien supprimer la virgule, ou bien en ajouter
une afin d’isoler l’expansion.
Bonnes formulations :
« Cet auteur encore très connu de nos jours a écrit essentiellement des tragédies. »
« Cet auteur, encore très connu de nos jours, a écrit essentiellement des tragédies. »
Règle 2 : Quand on change de sujet dans une phrase, on doit relier les deux
parties de la phrase :
- par la coordination,
- par la subordination,
- par une « proposition participe »1
- ou en segmentant l’énoncé par tout signe de ponctuation autre que la
virgule (. ; : ! ?).
Exemple : « Il y a des points communs entre ces personnages, ils ont tous les deux souffert
étant jeunes. »
La virgule ici ne convient pas. On peut proposer les formulations suivantes :
- « Il y a un point commun entre ces personnages : ils ont tous les deux souffert
étant jeunes. »
1 On s’en tiendra ici à cette dénomination simple, sans préjuger de sa validité linguistique.
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- « Il y a un point commun entre ces personnages, car ils ont tous les deux
souffert étant jeunes. »
- « Il y a un point commun entre ces personnages, puisqu’ils ont tous les deux
souffert étant jeunes. »
- « Il y a un point commun entre ces personnages, tous les deux ayant souffert
dans leur jeunesse. »
gle 3 : Une phrase ne peut se réduire à une proposition subordonnée « en
l’air », sans proposition principale à laquelle elle se rattache.
Exemple : « Au théâtre on a une représentation unique. Alors qu’au cinéma on peut revoir le
film. »
On peut proposer les formulations suivantes :
- « Au théâtre on a une représentation unique. En revanche, au cinéma on peut
revoir le film. »
- « Au théâtre on a une représentation unique, alors qu’au cinéma on peut
revoir le film. »
N. B. : Les conjonctions et locutions suivantes servent exclusivement à introduire une
subordonnée et ne peuvent être utilisées comme connecteurs au début d’une nouvelle
phrase (liste non exhaustive) : alors que / à moins que / bien que / de même que / de sorte
que / encore que / en sorte que / étant donné que / outre que / puisque / quoique / sauf que
/ si ce n’est que / surtout que1 / tandis que / vu que, etc.
Règle 4 : Devant un connecteur logique (sauf devant « et », « ni », « ou » « car »),
une ponctuation forte s’impose.
Exemples :
« On ne sait pas quoi répondre, alors on dit n’importe quoi. »
Bonne formulation : « On ne sait pas quoi répondre. Alors on dit n’importe quoi. »
« Il ne cesse de répéter qu’il a un alibi, or il était bien à Paris ce jour-là.
Bonne formulation : « Il ne cesse de répéter qu’il a un alibi. Or, il était bien à Paris ce jour-là.
La règle ci-dessus vise à résoudre empiriquement le plus grand nombre possible de
difficultés. On ne prétend pas qu’elle soit toujours valable. Elle s’applique aux connecteurs
suivants (liste non exhaustive) : ainsi (au sens de « par exemple) / alors / aussi (au sens de
« c’est pourquoi ») / bref / c’est pourquoi / cependant / certes / d’ailleurs / de plus / donc /
du reste / en effet / en fait / en outre / en revanche / en somme / enfin / néanmoins / or / par
ailleurs / par conséquent / par contre2 / par exemple / pourtant / sinon / toutefois etc.
1 À « surtout que » on préférera « d’autant que ».
2 Le choix a été fait d’accepter tous les termes apparaissant couramment dans les copies.
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La règle ne s’applique qu’au lien entre deux phrases et non à celui entre deux
adjectifs, adverbes, compléments, etc. (Par exemple, « Il avance lentement, donc
sûrement » et « Il a répondu avec courtoisie, sinon bienveillance. » sont deux phrases
correctes.)
Quelques cas particuliers :
- « Donc » peut s’utiliser aussi pour relier deux propositions à l’intérieur d’une
phrase courte : « Je pense, donc je suis. » « Si ce n’est toi, c’est donc ton
frère. » Quand la phrase est plus longue, il faut une ponctuation forte devant
« donc ».
- « Sinon » au sens de « sans quoi », « faute de quoi », peut s’employer aussi
bien en tête de phrase qu’entre deux propositions d’une même phrase :
« Cessez ce discours, sinon je m’en vais. » ; « Cessez ce discours. Sinon, je
m’en vais. »
- Certains mots peuvent fonctionner à la fois comme connecteurs et comme
adverbes : « aussi » peut signifier « également » ; « ainsi » peut vouloir dire
« de cette façon », « en effet » peut vouloir dire « effectivement ». C’est aussi
le cas pour « d’ailleurs » ou « du reste ». Pour ces emplois adverbiaux, la règle
ne s’applique pas.
- Certains connecteurs comme « donc » ou « en effet » se placent de
préférence après le verbe : « Le public de théâtre est plus proche des
comédiens. Cela favorise donc le rapprochement entre eux. », mieux que
« Donc cela favorise le rapprochement entre eux ».
Règle 5 : Quand on veut enchaîner une série de propositions subordonnées
équivalentes, on n’oublie pas de répéter le mot de subordination en tête de chaque
proposition.1
Exemples :
« On voit bien ici qu’Orgon est un personnage tyrannique, personne n’a le droit de lui tenir
tête ».
Bonne formulation « On voit bien ici qu’Orgon est un personnage tyrannique et que
personne n’a le droit de lui tenir tête ».
« Tout cela montre que le cinéma peut plaire à tout le monde, les jeunes comme les vieux
peuvent toujours trouver un film intéressant».
Bonne formulation : « Tout cela montre que le cinéma peut plaire à tout le monde et que les
jeunes comme les vieux peuvent toujours trouver un film intéressant».
Règle 6 : Pour introduire une citation dans une phrase, les guillemets sont
indispensables, mais ne suffisent pas. On peut utiliser :
a) l’apposition (pour une citation brève) ;
Ex. : La phrase « Il faut cultiver notre jardin. » conclut le roman de Voltaire.
1 Le recours à une proposition participe est également possible.
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