1
.H‰ - LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE MONDIALE DEPUIS ‰„„.
Introduction
En 1945, l’économie, au même titre que la politique, est jugée responsable de la Seconde
Guerre mondiale. L’État comme échelle de gouvernance ne semble plus apte à garantir la
prospérité et la paix dans le monde. Au plan économique, le choix d’une gouvernance
(volonté de rechercher un mode de gestion efficace d’un territoire par des acteurs publics et
privés et à différentes échelles) économique mondiale l’emporte au terme de la conférence
internationale de Bretton Woods, qui se tient aux États-Unis en juillet 1944.
La gouvernance économique mise en place lors de la conférence de Bretton Woods se
maintient jusqu’au début des années 1970, où les États-Unis eux-mêmes y mettent fin dans un
contexte de crise économique mondiale. À partir du début des années 1990, la gouvernance
économique mondiale est réformée afin de correspondre à l’organisation économique
multipolaire (organisation d’un territoire autour de plusieurs pôles) de la planète.
Problématique : Quels sont les progrès et les limites de la gouvernance économique
mondiale depuis 1944 ?
I. La mise en place d’une gouvernance économique mondiale Š ‰„„-‰‡
A. La gouvernance économique mise en place à Bretton Woods
Doc. 1 page 366 : « Le président américain Roosevelt fixe les objectifs de la… »
Doc. 1 page 368 : « Les plans Keynes et White et le compromis final de Bretton… »
Consigne : Confrontez les documents afin de mettre en évidence les objectifs de la
mise en place d’une gouvernance économique mondiale ainsi que les débats que cette
mise en place soulève lors de la conférence de Bretton Woods en 1944.
En juillet 1944, les États-Unis réunissent, à Bretton Woods, l’ensemble des quarante-
quatre nations alliées, à l’exception notable de l’URSS, qui n’est que simple
observateur. Pour les États-Unis, l’économie de l’ « entre deux guerres » est en grande
partie responsable du conflit qui éclate en 1939 : le protectionnisme (politique
commerciale d’un État visant à pénaliser les importations étrangères pour protéger son
marché intérieur) est une des causes majeure de la guerre. Pour favoriser la paix et la
prospérité, le monde doit être construit sur de nouvelles bases économiques : celles du
libéralisme (théorie économique selon laquelle les agents économiques doivent
disposer d’une importante liberté d’entreprendre et de commercer et selon laquelle
l’intervention de l’État dans l’économie doit être la plus réduite possible).
Mais, lors de la conférence de Bretton Woods, deux visions s’opposent :
- celle de l’économiste britannique Keynes prévoit la création d’une monnaie
internationale le bancor émise par une banque centrale (institution qui, au
sein d’un État, est responsable de l’émission et de la gestion de la monnaie
nationale) mondiale, qui doit aussi compenser les excédents et les déficits de la
balance des paiements (document recensant tous les flux économiques
effectués entre les agents économiques d’un pays et le reste du monde) ;
- celle de l’économiste états-unien White prévoit la transformation du dollar en
monnaie de réserve internationale (monnaie utilisée par les États en
substitution de leur monnaie nationale) et la création d’un fonds de stabilisation
international des monnaies chaque État peut s’approvisionner pour
équilibrer sa balance des paiements.
À l’issue de la conférence, un compromis est trouvé : le dollar devient la monnaie de
réserve internationale (convertible à hauteur de 35 dollars pour une once d’or soit 28
grammes) et un fonds est chargé de veiller à la stabilité des taux de change (valeur
d’une monnaie par rapport à une autre) entre les monnaies.
2
B. Une gouvernance économique pilotée par deux institutions
Doc. 3 page 367 : « Les outils de la gouvernance économique mondiale mise en… »
Consigne : Analysez le document afin de mettre en évidence le fonctionnement du
Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.
Pour les États-Unis, des institutions sont indispensables à l’échelle mondiale, dans le
cadre du multilatéralisme (organisation démocratique des relations internationales
les décisions sont prises par l’ensemble des États selon le principe d’une voix par
État). Le système de Bretton Woods donne naissance à deux institutions
internationales, dont le siège se trouve à Washington, capitale des États-Unis :
- la Banque mondiale, appelée Banque internationale pour la reconstruction et
le développement (BIRD) jusqu’en 1947, au moment elle avait pour objet
de financer la reconstruction des pays détruits par la guerre, accorde des prêts
au bénéfice de tous les pays en grande difficulté économique ;
- le Fonds monétaire international (FMI), contrairement à la Banque mondiale,
ne doit pas octroyer des prêts, mais garantit la stabilité des monnaies.
La Banque mondiale et le Fonds monétaire international sont donc
complémentaires : la Banque mondiale prête de l’argent tandis que le Fonds monétaire
international veille à ce que cet argent conserve sa valeur. Or, pour que les devises
étrangères conservent leur valeur, il est décidé, à Bretton Woods, de faire du dollar la
seule monnaie susceptible d’être convertible en or, dans la mesure en 1944 les
États-Unis détiennent à eux seuls 66% des réserves mondiales d’or. Mais, trois ans
après la conférence de Bretton Woods, vingt-trois pays signent, en 1947, à Genève, les
accords du GATT (General agreement on tariffs and trade) : il est prévu, via des
cycles de négociations périodiques (rounds), de diminuer progressivement les droits
de douane afin de stimuler le commerce mondial, ainsi libéré de ses entraves.
C. Une gouvernance économique très rapidement contestée
Néanmoins, le système mis en place à Bretton Woods est rapidement contesté. Les
premiers contestataires sont les pays communistes car Bretton Woods est inspiré par le
libéralisme, fermement combattu par l’URSS. Aussi, dès 1947, les pays communistes
font le choix de quitter les institutions de Bretton Woods pour intégrer celles du
CAEM (Conseil d’assistance économique mutuelle, c’est-à-dire un marché commun
existant entre l’URSS et les pays communistes d’Europe de l’est entre 1947 et 1991).
Les pays capitalistes forment le deuxième groupe à remettre en cause le système de
Bretton Woods. La Banque mondiale, fondée pour consentir des prêts, ne parvient pas
à faire respecter son monopole, comme en témoigne le plan Marshall (1947) lancé par
les États-Unis. Le FMI, créé pour stabiliser les monnaies, ne parvient pas à empêcher
les dévaluations répétées du Royaume-Uni et de la France. Le GATT, institué dans le
but de favoriser le libéralisme, ne parvient pas toujours à contraindre les pays
signataires (Japon) à renoncer au protectionnisme.
Les pays du Tiers monde (expression fondée en 1951 par le démographe français
Alfred Sauvy pour désigner les États n’adhérant à aucun bloc de la Guerre froide)
contestent le système de Bretton Woods. Ceux-ci n’acceptent pas de devoir se plier à
des institutions mises au point par les pays développés. Ils créent donc en 1964 la
CNUCED (Conférence des nations unies sur le commerce et le développement) et le
G77 (Groupe des 77), deux institutions à l’intérieur desquelles les règles ne sont pas
seulement conçues dans l’intérêt de TOUS les États de la planète.
En 1944, lors de la conférence de Bretton Woods, l’économie mondiale est
réorganisée selon le principe d’une gouvernance mondiale, dominée par les États-
Unis, et dont le fonctionnement est assuré par la Banque mondiale et le FMI.
Mais, très rapidement, cette gouvernance économique est mise en cause.
3
II. L’abandon de cette gouvernance économique mondiale Š ‰‡-‰‰
A. La fin du système de Bretton Woods initiée par les États-Unis
Doc. 5 page 369 : « Nixon suspend la convertibilité du dollar en or »
Consigne : Analysez le document afin de mettre en évidence puis d’expliquer la
décision prise par le président états-unien Richard Nixon en août 1971.
La fin du système de Bretton Woods est provoquée par le président des États-Unis,
Richard Nixon. Le 15 août 1971, les États-Unis, dont la balance des paiements est
devenue très déficitaire à force d’investir à l’étranger, suspendent la convertibilité du
dollar en or. Cette décision s’explique par l’attitude des pays exportant le plus vers les
États-Unis, notamment l’Allemagne et la France, qui accumulent d’immenses réserves
de dollars qu’ils veulent ensuite échanger contre de l’or.
C’est précisément pour éviter d’épuiser leur stock d’or (d’ores et déjà largement
entamé) que les États-Unis, sans consulter le Fonds monétaire international, prennent
la décision de renoncer à la parité or-dollar. C’est la fin du système de Bretton Woods.
Le principe des taux de change fixes prend fin. Il est remplacé par un système de
changes flottants (système la valeur des monnaies est fixée par le marché, selon la
loi de l’offre et de la demande, est n’est plus encadrée par le FMI). C’est le point de
départ de la mise en place d’une nouvelle gouvernance économique mondiale, qui
n’est est devenue unilatérale (organisation des relations internationales les
décisions sont prises par un État, sans consulter les autres, parce qu’il est le plus
influent) et dans laquelle l’intervention des États et des institutions internationales
recule nettement : c’est l’âge d’or du libéralisme économique.
B. Le déclin des institutions mises en place à Bretton Woods
Doc. 3 page 370 : « La crise mexicaine à l’origine des plans d’ajustement… »
Doc. 5 page 371 : « Les critiques de l’intervention du FMI au Mexique »
Consigne : Confrontez les documents afin de mettre en évidence les critiques
formulées à l’encontre des institutions mises en place à Bretton Woods.
Plusieurs reproches sont adressés à la Banque mondiale et au Fonds monétaire
international à partir des années 1970 :
- d’une part, leur incapacité à empêcher les dévaluations (politique monétaire
visant à abaisser le taux de change d’une monnaie par rapport aux autres) et
plus encore les crises de 1973 et 1979 liés aux deux « chocs pétroliers » ;
- d’autre part, leur politique de prêts, désormais consentis aux pays
emprunteurs à la seule condition de proposer un programme d’ajustement
structurel (conditions fixées par le FMI pour l’attribution de ses prêts à partir
de la crise financière du Mexique en 1982), réduisant de façon drastique les
dépenses publiques, seul moyen de renflouer les caisses des États concernés.
Ces plans, s’ils sont nécessaires à long terme pour sauver les pays de la faillite,
sont aussi redoutables socialement, à court terme.
Le GATT, remplacé par l’Organisation mondiale du commerce en 1995, est la cible
d’un double reproche : d’une part, sa partialité, qui consisterait à avantager les pays
développés ; d’autre part, son impuissance à faire triompher le libre échange (principe
visant à favoriser les échanges commerciaux en supprimant ou réduisant les taxes
douanières ou les règlementations liées à l’import-export) aux dépens du
protectionnisme, quand bien même les droits de douane ont été réduits de 45% à 5%
entre 1947 et 2015. A ces critiques, s’ajoutent deux autres, qui valent pour les trois
institutions : le déficit démocratique de ces instances de régulation, exclusivement
peuplées de « technocrates » (expression péjorative désignant les fonctionnaires
internationaux travaillant dans les institutions internationales) ainsi que leur politique
néocoloniale, consistant à dicter au Sud des politiques économiques décidées au Nord.
4
C. L’affirmation des autres pays développés dans la gouvernance
Au même moment, les pays développés profitent du déclin des États-Unis et des
institutions internationales pour s’affirmer dans la gouvernance économique mondiale.
Ceux-ci décident, avec la création du G6, de jouer la carte multipolaire. Le G6, ou
« Groupe des Six », formé en 1975 lors du sommet de Rambouillet, à l’initiative du
président français Valéry Giscard d’Estaing, réunit les six premières puissances
économiques mondiales du moment : les États-Unis, le Japon, l’Allemagne, la France,
le Royaume-Uni et l’Italie. Les six chefs d’État s’engagent à se réunir au moins une
fois par an, avec une présidence tournante, afin d’évoquer les questions économiques
mondiales. En 1976, le Canada rejoint le G6 qui, de fait, devient le G7 et même le G8
en 1998, lorsque la Russie, rejoint à son tour ce « club privé ».
Chaque réunion est l’occasion pour les chefs d’État de se rencontrer, mais aussi pour
leurs ministres d’établir des politiques communes, secteur par secteur (santé,
éducation, environnement, sécurité, etc.). Depuis 2014, et l’annexion de la Crimée
(région située dans l’est de l’Ukraine) par la Russie, les pays membres du G7 ont exclu
la Russie du G8. Le G8, depuis lors, est donc redevenu le G7. La gouvernance
économique mondiale, à partir de 1991, n’en est pas moins devenue multipolaire.
En 1971, le président états-unien Nixon suspend la convertibilité du dollar en
or mettant, de fait, fin au système de Bretton Woods. Ce coup d’arrêt,
accompagné de nombreuses critiques à l’encontre de la Banque mondiale, du
FMI et du GATT, fait émerger une nouvelle gouvernance, plus multipolaire.
III. La réforme de la gouvernance économique mondiale à partir de ‰‰
A. L’affirmation des pays du Sud, une nouvelle réalité économique
Tout au long de la seconde moitié du XX
ème
siècle, la lecture du monde était
relativement simple. Elle était fondée sur une logique binaire de blocs ou d’ensembles
géographiques que tout oppose :
- d’une part, des blocs de nature idéologique, réunissant les pays capitalistes
autour des États-Unis et les pays communistes autour de l’URSS dans le cadre
de la rivalité est/ouest au cours de la Guerre froide (1947-1991) ;
- d’autre part, des ensembles géographiques de nature économique, réunissant
pays riches et développés (appelés « pays du nord) et les pays pauvres et en
développement (appelés « pays du sud) de part et d’autre la frontière nord/sud.
Depuis la fin des années 1990, après la fin de la Guerre froide, les pays communistes
sont devenus des pays capitalistes (système économique fondé sur la propriété privée
des moyens de production), tandis que de nombreux pays pauvres se sont enrichis. De
fait, une nouvelle représentation du monde s’impose : celle des « cercles
concentriques ». En vertu de cette logique, la Triade, constituée des États-Unis, de
l’Union européenne et du Japon, forme le « centre » de l’économie mondiale, autour
duquel gravite le reste du monde, appelé « périphéries » :
- les pays émergents (pays dont la croissance économique est forte et dont
l’IDH est proche de 0,8) compte cinq États situés sur tous les continents :
Brésil, Russie, Chine, Inde, Afrique du sud ;
- les pays en développement (pays dont l’IDH est moyen mais qui enregistrent
une croissance économique, ce qui permet à leur IDH de progresser), dont
l’essentiel se situe en Amérique latine et en Asie ;
- les pays les moins avancés (pays dont l’IDH est faible et qui cumulent de
nombreuses difficultés, entraînant une stagnation voire un recul de leur IDH)
qui s’appauvrissent et qui sont principalement situés en Afrique subsaharienne
(34 PMA sont en Afrique sur 48 au total) ;
5
B. La naissance du G‚8, témoin d’un rééquilibrage de la gouvernance
Doc. 1 page 376 : « Du G6/G7 au G20 : l’évolution vers un gouvernement mondial »
Doc. 2 page 376 : « Une gouvernance nouvelle qui s’adapte à la mondialisation… »
Consigne : Confrontez les documents afin d’expliquer en quoi consiste le G20 et quel
est son poids démographique et économique à l’échelle mondiale.
Le G20, ou « Groupe des Vingt », est un groupe composé de dix-neuf pays (10 pays
du nord, 9 pays du sud) ainsi que de l’Union européenne. Il est créé en 1999, en marge
du G8 réuni à Washington, afin de permettre l’établissement d’un dialogue entre les
principaux responsables économiques des pays industrialisés et des pays émergents, ce
que ne permettaient pas les réunions du G8.
Lors de la première réunion du G20, toutefois, seuls sont alors présents les vingt
ministres des finances des vingt pays concernés. Il faut attendre 2008, et l’initiative du
président français Nicolas Sarkozy, pour assister à la première réunion des vingt chefs
d’État ou de gouvernement du G20, dont les réunions sont dorénavant organisées au
moins une fois par an. Aujourd’hui, le G20 représente à lui seul 70% de la population
planétaire, 85% du commerce international et plus de 90% du produit mondial brut. Il
est devenu le lieu privilégié dans le cadre duquel les pays émergents tentent d’imposer
leurs vues aux pays du nord, une pratique complètement inédite jusqu’alors.
C. Une gouvernance multipolaire qui continue d’être critiquée
Doc. 4 page 377 : « Le communiqué finale du sommet du G20 à Londres en 2009 »
Doc. 2 page 379 : « Manifestation altermondialiste à l’occasion du sommet du… »
Consigne : Confrontez les documents afin de montrer le décalage entre les
affirmations du G20 et la perception qu’en ont ses détracteurs.
Le mouvement altermondialiste (ensemble très divers d’acteurs opposés à la
mondialisation libérale, jugée injuste et dangereuse), très sévère envers le FMI ou le
G8, ne l’est pas moins vis-à-vis du G20, dont il critique le libéralisme économique.
Pour cette mouvance, le libéralisme est nuisible, parce qu’il est injuste pour les
personnes du fait du creusement des inégalités qu’il favorise et dangereux pour
l’environnement du fait des atteintes irréversibles qu’il lui fait subir.
Or, c’est précisément parce que la gouvernance économique mondiale fait prévaloir
l’économie sur le social et l’environnement, mais aussi les intérêts des pays du nord
sur ceux des pays du sud, que le mouvement altermondialiste manifeste bruyamment
dans les rues des villes où sont régulièrement organisés les sommets du G8 ou du G20.
Aussi, par opposition au Forum économique mondial qui réunit tous les ans à Davos
en Suisse quelques-uns des plus influents défenseurs du libéralisme (hommes
politiques, chefs d’entreprise…), les altermondialistes donnent à leur réunion le nom
de Forum social mondial. Celui-ci, organisé dans le but de réfléchir à une alternative
crédible à la mondialisation libérale, se réunit tous les deux ans, dans une ville d’un
pays du sud (Porto Alegre, Mumbai, Dakar).
La fin de la Guerre froide met à l’organisation bipolaire puis unipolaire du
monde : la gouvernance économique doit être réformée afin de correspondre à
l’organisation multipolaire du monde, ce qui ne l’empêche pas d’être critiquée.
Conclusion
Depuis 1944, et la conférence de Bretton Woods, la gouvernance économique mondiale,
originellement placée sous la domination des États-Unis, est donc devenue multipolaire, à la
faveur de l’affirmation des pays du nord lors des années 1970, ensuite, à la faveur de
l’affirmation des pays du Sud lors de l’essor de la mondialisation au cours des années 1990.
L’économie mondiale est-elle devenue plus stable pour autant ? A quoi bon changer les
acteurs de la gouvernance mondiale si les règles inhérentes à celles-ci demeurent inchangées ?
1 / 5 100%