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© Magnard, 2012 – Latin 3e – Livre du professeur
sa main gauche une épée ou un bâton de commandement,
il tend la main droite pour recevoir l’aigle que lui remet le roi
parthe à l’habit oriental exotique (on observe les pantalons).
De part et d’autre de cette scène, deux figures féminines
assises figurent les nations soumises et pacifiées : la Gaule ou
la Dacie à droite, la Dalmatie ou l’Espagne à gauche. Toutes
les autres figures sont des allégories cosmiques : on note, tout
en haut, le Ciel (Caelum) étendant son voile sur le monde, le
Soleil conduisant son char, l’Aurore tenant sa cruche de rosée,
devant la Lune éclairant la nuit de son flambeau ; tout en
bas, la Terre (Tellus), avec ses symboles habituels de fertilité
(couronne d’épis de blé, corne d’abondance, enfants). Apollon
se reconnaît à sa lyre, Artémis à son carquois. On observe
enfin que les attaches de la cuirasse sont décorées de sphinx,
renforçant le thème « oriental » de la scène représentée, mais
faisant aussi allusion à la conquête de l’Égypte (Cléopâtre et
Marc Antoine vaincus à Actium).
3. L’événement de la restitution des aigles s’inscrit dans le
mythe général du retour de l’Âge d’or, dont tous les motifs
se retrouvent dans le Chant séculaire d’Horace (voir ci-après) ;
peu importe qu’il ne mette pas en scène une victoire militaire :
bien au contraire, célébré avec faste, il contribue fortement à
idéaliser les « vertus » d’Auguste (magnanimité, clémence),
garant de la paix universelle, tel que le présentent aussi Ovide
et Suétone ainsi que de nombreuses monnaies.
Compétences
– identifier des éléments du récit en comparant texte et
image
– établir des liens entre les œuvres littéraires et artistiques
pour mieux les comprendre (Socle, C5)
– retrouver des informations culturelles déjà connues
Découvrir les mots-clés p. 30
Les mots-clés ont été choisis en liaison directe avec le thème
mis en place par le texte et l’image des pages précédentes : ils
permettent d’aborder les nouveaux enjeux de la vie politique
à Rome avec la prise de pouvoir d’Auguste. Celui-ci restaure les
formes de la République sénatoriale, après avoir pacifié le pays
en mettant fin aux guerres civiles qui l’ensanglantaient depuis
un siècle.
Auctoritas, augustus, imperium, princeps
Les élèves retrouvent les enjeux politiques fondamentaux
posés par le terme imperium : ils font le lien entre les notions
et le contexte définis au chapitre précédent, comme entre
les personnages de Jules César et d’Octave Auguste ; ils
comprennent ainsi comment une nouvelle forme de régime
caractérisée par la concentration des pouvoirs (le principat
que nous nommons Empire) se met en place avec celui qui
s’affiche comme l’héritier de César.
Toute l’habileté d’Octave est de ne se faire nommer ni roi,
ni dictateur, mais « prince » et « Auguste » (avec son plein
sens honorifique et religieux, qui donne à son détenteur
un caractère sacré), comme le constate Tacite (Annales, I,
9) : dans cette période troublée, « il ne restait de remède
aux divisions de la patrie que le gouvernement d’un seul.
Toutefois le pacificateur de l’état, content du nom de prince,
ne s’était fait ni roi ni dictateur » (non regno tamen neque
dictatura, sed principis nomine constitutam rem publicam).
Avec un sens certain de la mise en scène, le nouveau maître
de Rome a su en effet déjouer le piège de la dictature dans
lequel était tombé César : « Pour refuser solennellement
la dictature que le peuple lui offrait avec beaucoup
d’insistance, il mit un genou à terre, rejeta sa toge de ses
épaules et offrit sa poitrine nue », rapporte Suétone (Vie
d’Auguste, 52). Un geste que Dion Cassius commente avec
perspicacité : « Il n’accepta pas la dictature, au contraire : il
alla jusqu’à déchirer sa toge en public un jour où il ne trouvait
plus d’autre moyen, persuasion ou menace, de détourner le
peuple de cette idée. Il est vrai que disposant de pouvoirs
et d’honneurs supérieurs à ceux des dictateurs, il se gardait
avec raison de la jalousie et de la haine que suscitait ce titre »
(Histoire romaine, LIV, 1).
Quant au titre d’Auguste, il est accordé par le Sénat à Octave
sur proposition de Lucius Munatius Plancus (le fondateur de
la colonie de Lugdunum), alors que, trois jours auparavant,
Octave lui-même a habilement démissionné de toutes ses
fonctions et que le Sénat, désemparé, l’a supplié de revenir.
Il est intéressant de noter que le nom d’Auguste a été
préféré à celui de Romulus : « Quelques-uns pensaient qu’il
fallait l’appeler Romulus, parce qu’il était en quelque sorte
le fondateur de Rome. Mais le surnom d’Auguste prévalut
comme nouveau et plus noble. Il caractérisait les lieux saints,
ceux où les augures consacraient quelque chose, soit que
cette dénomination vînt d’auctus, « le garant ou plénitude
de chance » soit qu’elle fût tirée des mots avium gestu
ou gustu, « par le mouvement » ou « par la nourriture des
oiseaux », ainsi que l’indique ce vers d’Ennius : «Après que
l’illustre Rome eut été fondée sous d’augustes augures.» »
(Suétone, Vie d’Auguste, 7)
À titre de bilan, on note les titres et pouvoirs d’Octave-Auguste
qui montrent comment celui qui aimait se présenter comme
« Primus inter pares » (« premier au milieu d’égaux ») a réussi à
cumuler à vie les plus hautes fonctions de la République :
– consul, treize fois (43, 33, 31, 30, 29, 28, 27, 26, 25, 24, 23, 5,
2 avant J.-C.).
– imperator, le titre lui est décerné vingt-et-une fois. Le
13 janvier 27 avant J.-C., Octave a officiellement rendu la
charge de la res publica au peuple de Rome. En échange,
le Sénat lui accorde l’imperium pour dix ans. Les provinces
sont partagées en sénatoriales et impériales : Octave prend
pour lui les provinces où se trouvaient des forces militaires et
laisse au Sénat toutes celles qui n’avaient besoin que d’une
administration purement civile.
– augustus à partir du 16 janvier 27 avant J.-C.
– doté de la tribunicia potestas (puissance tribunicienne) à
partir de 23 avant J.-C. (renouvelée chaque année en juin).
– pontifex maximus à partir de 12 avant J.-C.
– pater patriae à partir du 5 février 2 avant J.-C.
À la fin de sa vie, Auguste fait lui-même le bilan des honneurs
qui lui furent successivement décernés en janvier 27 avant J.-
C. : le titre d’Augustus, les lauriers plantés devant sa maison au
Palatin, la couronne civique et le clipeus virtutis (manuel, p. 36).
Il ajoute aussitôt en conclusion de ce quadruple hommage la
phrase célèbre : post id tempus auctoritate omnibus praestiti
(« après cet instant, je l’ai emporté sur tous en autorité », Res
gestae, VI, 34). C’est bien grâce à cette auctoritas, à la fois
religieuse et politique, que le « prince » l’emportait désormais
sur tous les magistrats.