Université Paris 1
L1 - Histoire de l’art et archéologie
Art et archéologie de Rome et de l’Italie
E. Letellier
eloise.letellier@univ-paris1.fr
Les habitations urbaines
L’organisation des domus
Vitruve, De Architectura, VI, 5
traduit du latin par A. Dalmas (In Les dix livres d’architecture. Paris : Balland, 1979)
Vitruve a achevé son traité d’architecture, le seul qui nous soit parvenu de l’Antiquité, au début du règne
d’Auguste. Il s’agit d’un ouvrage qui rassemble le savoir théorique accumulé jusqu’à son époque par les
Anciens sur les techniques de construction et sur les différents types d’édifices. Il s’agit donc d’un texte plus
normatif que descriptif, et s’il est une source essentielle sur l’architecture romaine (par exemple pour le
vocabulaire), il ne faut pas y voir le modèle sur lequel furent construits les bâtiments retrouvés par les
archéologues, mais plutôt une vision théorique idéalisée. Ici, le passage sur les maisons.
« Après avoir donné l’exposition la plus favorable à chaque partie du bâtiment, il faut observer, dans la
disposition d’une maison particulière, de quelle manière on doit construire les pièces qui sont seulement pour
loger le maître de la maison, et celles qui doivent être communes aux étrangers ; car, dans les appartements
particuliers, tels que sont les chambres à coucher, les salles à manger, les bains et autres lieux de cette nature, il
n’entre que les personnes qui sont invitées, tandis que tout le monde a le droit d’entrer sans être invité dans les
lieux qui sont publics, tels que sont les vestibules, les cava aedium, les péristyles et les autres parties qui sont
destinées à des usages communs. Or les gens qui ne sont pas d’une condition élevée n’ont pas besoin de
vestibule, d’atria, ni de tablinum grands, parce qu’ils vont ordinairement faire la cour aux autres, et que l’on ne
la leur vient point faire chez eux.
Ceux qui font commerce des fruits de la terre doivent avoir à l’entrée de leur maison des étables, des boutiques,
et au-dedans des caves, des greniers, des celliers et d’autres pièces de ce genre, qui leurs servent plus
particulièrement à serrer leur marchandise que pour faire l’ornement et la beauté de leur maison.
Les banquiers et les agents du fisc ont besoin d’appartements un peu plus beaux et plus commodes, mais qui
soient bien fermés, afin d’être en sûreté contre les voleurs.
Les avocats et les lettrés veulent avoir leurs maisons encore plus élégantes et plus spacieuses, à cause de la
multitude de monde qu’ils sont obligés de recevoir.
Enfin les personnes de plus haute condition, qui occupent les plus grandes charges de la magistrature et les plus
grands emplois dans les affaires, doivent, pour recevoir le public, avoir des vestibules magnifiques, de grandes
salles, des péristyles spacieux, des jardins avec de longues allées d’arbres, et il faut que chez elles tout soit beau
et majestueux. Elles doivent avoir en plus des bibliothèques, des galeries de tableaux et des basiliques, qui
rivalisent de magnificence avec celles qui font partie des édifices publics, parce que dans ces maisons il se fait
souvent des assemblées, soit pour les affaires de l’Etat, soit pour rendre des jugements, arbitrages, pour terminer
les différends des particuliers.
Les édifices étant ainsi disposés selon les différentes conditions des personnes, on peut dire que l’on aura
satisfait aux règles de la convenance dont il a été parlé dans le premier livre, et l’on n’y trouvera rien à critiquer,
puisque chaque maison réunira, comme il convient, tout ce qui peut lui être commode et approprié.
Ces règles de disposition ne doivent pas servir seulement pour ordonner et distribuer les maisons de ville, mais
aussi celles de la campagne, qui ne sont différentes les unes des autres qu’en ce qu’aux maisons de la ville les
atria sont proches de la porte, et à celles de la campagne, qui ne sont pas des simples métairies, la partie
affectée au logement du maître a d’abord un péristyle, et ensuite un atrium entouré de portiques pavés qui ont
vue sur les palestres et sur les promenades. »