QUAND J`AVAIS 5 ANS, JE M`AI TUÉ

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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
QUAND J’AVAIS 5 ANS, JE M’AI TUÉ
PROLONGEMENT PEDAGOGIQUE
A TOUS LES ACCOMPAGNANTS DES FUTURS-JEUNES SPECTATEURS
D’APRES LE ROMAN D’HOWARD BUTEN
ET LA TRADUCTION ET L’ADAPTATION THEATRALE DE JEAN-PIERRE CARASSO
RE-ECRITURE ET MISE EN SCENE CECILE FRAISSE-BAREILLE
AVEC FLORENT CHAPELLIERE, MARINE DUSEHU, ZOUMANA MEITE,
PERRINE GUFFROY, CECILE METRICH
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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
SCENOGRAPHIE EMILIE ROY / LUMIERES PIERRE DAUBIGNY / SON ET MUSIQUE JEAN -CHARLES
SCHWARTZMANN / COSTUMES SONIA BOSC / MOUVEMENT EMILIE YANA / CHARGEE DE
PRODUCTION GAËLLE ABOUT / ADMINISTRATION CATHERINE GROFF
SPECTACLE POUR TOUT PUBLIC A PARTIR DE 10 ANS
PROPOSE EN SEANCES SCOLAIRES DU CM2 A LA 3EME
CO-PRODUCTIONS L’APOSTROPHE - SCENE NATIONALE DE CERGY-PONTOISE ET DU VAL D’OISE,
CENTRE CULTUREL DE JOUY-LE-MOUTIER ET LE POLE CULTUREL D’ERMONT
SOUTIENS FINANCIERS : CONSEIL GENERAL DU VAL D’OISE ET L’ADAMI
TABLE DES MATIERES :
1/ PRENDRE LE CHEMIN DU THEATRE P. 3
2/ AVANT LE SPECTACLE P. 3
3/ L’AUTEUR DU ROMAN P. 4
4/ EXTRAITS P. 6
5/ DU ROMAN A LA SCENE P. 7
6/ PROLONGEMENT DE LA REPRESENTATION P. 10
7/ PARCOURS AVEC LA COMPAGNIE P. 12
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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
1/ PRENDRE LE CHEMIN DU THEATRE
Et si on prenait le chemin du théâtre ensemble ?
Et si on créait des ponts entre le fait d’être élève et le fait d’être spectateur ?
Voici quelques repères pour préparer les jeunes spectateurs (en âge mais aussi en pratique de spectateur)
à leur venue à la représentation de Quand j’avais 5 ans je m’ai tué. Accompagner le « jeune » spectateur au
théâtre, c’est le préparer à l’expérience de la représentation, expérience à la fois concrète (la salle de
théâtre, le noir, le silence et l’écoute) et imaginaire (l’histoire, les émotions). C’est une invitation c’est une
invitation de la compagnie, des artistes, à préparer et à prolonger le spectacle Quand j’avais 5 ans je m’ai
tué .
C’est une invitation à patienter sans dévoiler pour autant la part de mystère qu’il faut savoir préserver pour
forger la curiosité. Entrer dans le théâtre commence bien avant que le noir se fasse dans la salle de
spectacles et se poursuit bien après le noir final…
L’espace dans ce spectacle est bien particulier. Il ne s’agit ni d’un théâtre habituel frontal, avec les
spectateurs d’un côté dans la salle et les acteurs en face d’eux sur scène, ni d’un cirque, (les spectateurs
entourent la piste), il s’agit d’un dispositif bi-frontal. C'est-à-dire deux gradins qui se font face avec un couloir
au milieu. Un espace pensé pour :
-
Permettre à chacun de vivre des émotions
Aiguiser les perceptions et nourrir l'imaginaire
Permettre un jugement personnel
Rassembler
Susciter l'échange
Inviter à un moment de plaisir et de partage
Offrir un regard singulier sur le monde et sur nous-mêmes
2/ AVANT LE SPECTACLE
ETRE SPECTATEUR
Pour que les spectateurs profitent pleinement du spectacle, il est important de leur apprendre à se conduire
en spectateurs avertis, en respectant les règles d'une salle de théâtre. Voici quelques conseils pour mieux
en profiter.
Avant la représentation :
1/ Je regarde les affiches, le programme, un extrait du texte, une photo.
2/ Je prépare mon plaisir en pensant au titre du spectacle, dans ce lieu de représentation qui n'est
pas un lieu comme les autres ;
3/ En arrivant devant la salle, je reste calme et j'écoute attentivement les indications des adultes qui
m'accompagnent et qui m'accueillent.
Pendant la représentation :
1/ Lorsque la lumière s'éteint, je reste silencieux et prêt à accueillir le spectacle qui va être joué ;
2/ Je ne parle pas avec mes voisins et ne fais pas de bruit avec mon fauteuil pendant le spectacle.
Ce que j'ai envie de dire, je le garde dans ma tête pour le dire après le spectacle à mes amis, mon
professeur ou aux comédiens lorsqu'ils m'invitent à parler.
3/ je garde le silence pour ne pas gêner les acteurs qui jouent devant moi, pour ne pas gêner les
autres qui écoutent, pour rester connecté avec mes émotions…
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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
Après la représentation :
1/ Je pense à tout ce que j'ai vu, entendu, compris et ressenti ;
2/ Je peux en parler avec mes camarades et mon professeur ;
3/ Je peux garder une trace de ce moment particulier en écrivant ou dessinant.
JE SUIS ICI : UNE PETITE FORME POUR INTRODUIRE AU SPECTACLE
Montage et mise en scène réalisés par Cécile Fraisse-Bareille
Avec Perrine Guffroy et Florent Chapellière ou Marine Duséhu
Pour tout public à partir du CM2
Extraits du spectacle pour un espace bi-frontal
minimaliste (2 rangées de chaises en face à
face), pour la classe, la médiathèque, etc.
Nous proposons une forme introductive au
spectacle « je suis ici » qui se joue directement
en classes. Parce qu’il est à la fois un voyage
individuel et un vécu collectif, ce spectacle,
même dans un dispositif bien différent,
n'échappe pas aux règles et aux exigences de la
création artistique en général. C’est un parcours
conçu pour rendre le spectateur plus acteur de
sa démarche. Il s’adresse à tous, jeunes et
moins jeunes, afin que chacun puisse exercer
son esprit critique en amont du temps de la
représentation.
JE SUIS ICI est une forme condensée de QUAND J’AVAIS CINQ ANS, JE M’AI TUÉ (25 minutes) créé à
partir d’extraits de l’adaptation du roman, joués et interprétés par 2 comédiens de l’équipe de la création.
Cette courte représentation, autonome techniquement, voyage dans les classes, les médiathèques, les
centres sociaux. Elle est destinée à immerger le spectateur dans les partis pris de jeu et scéniques
(circulation de la parole, jeu en bi-frontal) comme au niveau du fond en le questionnant sur les rapports
enfants/adultes décrits dans le roman.
Comment pense-t-on la relation adulte-enfant aujourd’hui ? Et avant, aux États-Unis ? Est-ce que la situation
a changé ? Quelles sont les différences spécifiques entre un adulte et un enfant ? Y a-t-il une façon d’aimer
quand on a 8 ans ? Est-ce interdit ?
LES PERSONNAGES
Beaucoup de personnages et peu d’acteurs : dès l’amont du spectacle on peut se demander comment cela
sera fait… 19 personnages pour 5 comédiens…
LES PERSONNAGES DANS LA
MAISON D'ENFANTS LES
PAQUERETTES
GILBERT REMBRANDT,
8 ans
MADAME COCHRANE,
aide-soignante
DOCTEUR NÉVÉLÉ,
médecin psychiatre
RUDYARD,
médecin psychiatre
CARL, 8 ans, enfant atteint de
LES PERSONNAGES HORS DE LA MAISON D'ENFANTS LES PAQUERETTES
GILBERT REMBRANDT, 8 ans
JESSICA RENTON, 8 ans
MADEMOISELLE IRIS, institutrice
MÈRE DE GILBERT
PÈRE DE GILBERT
JEFF, (FRERE DE GILBERT) 11 ans
KENNETH, dit SCHRUB, 8 ans
MARTIN POLASKI, 8 ans
RUTH ARNOLD, 8 ans
MÈRE DE JESSICA
LA VIEILLE TAUPE, une vendeuse
LE FORAIN
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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
troubles autistiques
3/ L’AUTEUR DU ROMAN : HOWARD BUTEN
Howard Buten, né en 1950 à Détroit, Michigan.
Il a écrit :
1981 : Quand j'avais cinq ans je m'ai tué, Seuil, Collection POINTS VIRGULE
1984 : Le Cœur sous le rouleau compresseur, Seuil, Collection POINTS VIRGULE
1987 : Monsieur Butterfly, Seuil, Collection POINTS VIRGULE
1989 : Il faudra bien te couvrir..., Les éditions du Seuil
1991 : Histoire de Rofo, clown, Seuil, Collection POINTS VIRGULE
1994 : C'était mieux avant, Seuil, Collection POINTS VIRGULE
1995 : Ces enfants qui ne viennent pas d'une autre planète, Gallimard, Collection GIBOOULÉES
2000 : Quand est-ce qu'on arrive?, Seuil, Collection POINTS VIRGULE
2003 : Il y a quelqu'un là-dedans, des autismes, Éditions Odile Jacob
2005 : BUFFO, Éditions Actes Sud.
Howard Buten est connu en France par sa triple vocation : il est à la fois écrivain – auteur entre autres de
Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué –, clown, le fameux Buffo – et psychologue, précisons: docteur en
psychologie clinique. Il a fondé en 1997 dans une banlieue déshéritée de Paris le centre d’accueil Adam
Shelton pour des enfants autistes, en souvenir d’Adam, le premier enfant autiste auquel il s’intéressa et qui
l’orienta vers sa mission actuelle. Sa première formation toutefois fut celle de clown.
Quand on lui demande pourquoi faire le clown alors qu’on est déjà un écrivain reconnu et surtout un
psychologue complètement voué aux enfants autistes, Buten répond: « It’s good to be good. » 1 (C’est bon
d’être bon). Ce que Buten dit de sa présence auprès des enfants autistes, s’applique à toutes les formes de
présence auprès de tous les êtres humains et particulièrement des personnes handicapées et des
personnes âgées. Il dit :
« Plus on étudie l’autisme, plus il nous apparaît
mystérieux et contradictoire. J’adore être avec les
enfants autistes; j’y suis mieux qu’avec la plupart
des gens. À chaque seconde de ma présence
quotidienne auprès d’eux ma mission c’est d’utiliser
ma personne humaine pour qu’ils se sentent mieux,
à chaque moment de la vie, soit qu’on les entoure
de ses bras, qu’on leur donne à manger, qu’on leur
tienne la main, qu’on les fait rire, qu’on arrête leurs
larmes, qu’on les touche. Quoi qu’on fasse, il faut
qu’on les rende heureux intérieurement, qu’on les
intéresse, qu’on leur montre que l’intérêt qu’on leur
porte est réel pour qu’ils se sentent confortables à
l’intérieur d’eux-mêmes. Si on s’intéresse à eux, ils
le sentiront et s’intéresseront à nous. » 2
Howard Butten est donc l’auteur de Quand j'avais cinq ans, je m'ai tué, (Seuil 1981) qui a été en France un
best-seller (1 million de copies). C’est l’histoire d’un enfant particulièrement sensible qui tombe amoureux
d’une petite fille avec qui on le surprend en train d’essayer de faire l’amour comme les adultes, qui est jugé
comme un petit pervers et qui est enfermé dans une institution psychiatrique pour enfants. Ce qu’il dit des
enfants autistes est profondément valable pour Gilbert (le héros de son roman) : "Il faut les regarder non
seulement droit dans les yeux, mais avec un regard si accueillant, si ouvert, sans contenu ni jugement, qu'ils
ne pourraient pas nous résister. Il faut faire de son regard une maison, conçue exprès pour eux, la porte
grande ouverte, peinte à leurs couleurs et meublée à leur goût. Il faudrait passer des heures, des années, à
travailler ce regard, à pouvoir le retrouver chaque fois avec chacun d'eux, à pouvoir le reconstruire. " 3
1 Interview d’Howard Buten à Radio Canada anglais (réalisateur David Gutnik) lors du spectacle « Buffo » au théâtre du Rideau Vert
2 Through the Glass Wall: A Therapist's Lifelong Journey to Reach the Children of Autism de Howard Buten
Au travers un mur en verre : le long parcours d'un thérapeute (qui cherche à soigner ) des enfants autistes.
3 Ibid.
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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
4/ EXTRAIT
TABLEAU 3
SOUVENIR 1 : LA PREMIERE RENCONTRE AVEC JESSICA
GILBERT
La première fois que j'ai vu Jessica, c'était pendant l'alerte aérienne. L'exercice d'alerte aérienne, c'est
effrayant pour les enfants. On doit tirer les stores pour que les russes ne sachent pas qu’on est là pour nous
tuer. On doit se mettre en rang par deux. On doit se rendre au bâtiment principal dans le calme. Là, on doit
s’aligner le long des casiers dans le hall, s’assoir par terre, éteindre les lumières et chanter « God bless
america ». Ca fait peur. Très peur. Moi aussi, mais ça paraissait pas. Je suis un bon acteur, je trouve.
JESSICA
Moi, je rentre chez moi, Mademoiselle Iris.
MADEMOISELLE IRIS
Jessica, on ne parle pas pendant un exercice d'alerte aérienne. Retourne en rangs Jessica.
JESSICA
Non, je rentre chez moi.
MADEMOISELLE IRIS
Jessica Renton, reviens ici tout de suite!
JESSICA
Mademoiselle, s’il y a des bombes, je veux être chez moi, avec mes parents. C'est là que je vais.
MADEMOISELLE IRIS
Il n’y aura pas de bombes, Jessica. C’est un exercice, un entrainement. Dans quelques minutes ce sera fini
et nous retournerons en classe. Allez, remets-toi en rangs.
JESSICA
Vous savez j'avais peur parce que je croyais que c'était dangereux. Ce n'est pas bien de faire peur comme
ça à des enfants.
MADEMOISELLE IRIS
Remets-toi en rang, s'il te plaît.
GILBERT
La robe de Jessica était rouge et douce. On voyait qu’elle était douce rien qu'à la regarder. Et moi, je suis
fort pour regarder. C’était ça la première fois que j’ai vu Jessica.
GILBERT
Ce jour là, je suis rentré seul à la maison. D’habitude, je rentre avec Scrubs. Mais il s'arrange toujours pour
être puni. Là il a eu des ennuis et il est resté en retenue pour avoir écrit lui-même son mot d'excuse pour une
absence. Il a écrit qu'il avait le cancer du poumon. Schrubs c’est pas son vrai nom. Il s’appelle Kenny. On
est des frères de sang. Un jour, on s’est piqué le doigt avec une épingle et on a collé nos deux doigts l’un
contre l’autre. Sauf que moi je l’ai pas fait parce que j’ai peur des épingles. Alors j'ai refermé le tiroir sur le
pouce d’un grand coup pour avoir du sang. J’ai gardé un plâtre pendant six semaines.
J'attendais, tout seul au coin de la rue, j’ai vu Jessica avec une copine à elle. Je les ai suivies. Elles m’ont
pas vu, je m’étais rendu invisible... La maison de Jessica, c’est celle avec des volets bleus. Je le sais parce
que je l’ai vu rentrer dedans… Je suis resté à regarder la maison très longtemps avant de rentrer chez moi.
MÈRE DE GILBERT
Pourquoi es-tu en retard, GILBERT ?
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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
GILBERT
J’ai eu un accident.
MÈRE DE GILBERT
Quoi!
GILBERT
Mais c’est rien. Moi j’ai pas été tué c’est un autre.
MÈRE DE GILBERT
Qui ça?
GILBERT
Je sais pas, j’ai oublié. Je vais aller dans ma chambre jouer avec mes hommes. Un jour avec Schrubs, on a
construit un grand château sur ma pelouse, un château tout en boue et en gadoue qu’on allait chercher avec
mon camion en plastique rouge. Il était grand ! Mais grand ! Papa était pas content. On a du tout nettoyer.
Ca nous a pris deux jours après l’école. Dis papa, combien ça coûte des volets bleus ?
PÈRE
Pourquoi, Gilbert?
GILBERT
Pour en mettre à mon château.
PÈRE
Non, non, non et non! Moi vivant, tu ne construiras pas un autre château sur ma pelouse, Gilbert.
GILBERT
Alors ce sera pour quand tu seras mort. Avant de nous coucher, ma mère a voulu nous raconter une
histoire à mon frère et à moi.
MÈRE DE GILBERT
Ce soir nous allons raconter une histoire un peu particulière. Votre père et moi, nous avons le sentiment qu'il
est temps que vous appreniez certaines choses. Ce livre a pour titre la petite graine.
JEFF
Je m'en fiche. Je sais déjà comment on fait les bébés
MERE
Ah oui, Jeffrey? Et comment on fait les bébés déjà ?
JEFF
D'abord le papa va au centre commercial et il achète un ballon tout blanc dans un distributeur automatique. Il
l'apporte à la maison et il le met au congélateur pour plus tard. Un soir, la maman se met en pyjama et elle
monte se coucher, le papa va chercher le ballon, il le gonfle et il lui montre. La maman est tellement
contente qu'elle a un bébé.
MERE
Arrête de dire n'importe quoi Jeffrey.
GILBERT
La petite graine, c’est l’histoire d’enfants que leur maman attendait un bébé, alors ils vont à la ferme avec
leur grand-père et y leur montre des poulets et œufs et tout. C’était barbant, mais alors barbant à mort ! Ce
soir-là, j'ai éteint la lumière tout seul.
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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
5/ DU ROMAN A LA SCENE, NOTE D’INTENTION PAR CECILE FRAISSE-BAREILLE
Howard Buten base son travail essentiellement sur l'observation.
Selon lui, on ne peut pas comprendre un phénomène, un
comportement que l'on n'a pas pris le temps d'étudier. Dans les pas
d’Howard Buten, c’est le travail dans lequel nous nous sommes
engagés pour adapter ce roman à la scène. Déplacer le regard et
initier l’observation. Nous l’avons dit plus haut, cet auteur a plusieurs
vies. Il s’incarne et se réincarne. Il cherche perpétuellement sa place
sans jamais vouloir l’affirmer, ni la stéréotyper ou la mettre dans des
cases.
Chercher ma place. Ce que je fais aussi. Perpétuellement. Et ce
roman d’Howard Buten me touche au plus profond de cette
problématique. Ce que nous sommes ne se résume pas en un mot, ni
en un état ou en un lieu. Nos identités sont complexes, composites
car constituées d’une multitude de couches qui s’imbriquent les unes
aux autres.
Son roman Quand j’avais cinq ans je m’ai tué est pour moi le
parcours poétique d’un être déraciné en quête de sens. Une histoire
d’amour. Envers et contre tous. Car l’amour ne se contrôle pas. Ni ne
se fabrique. Ni ne se prémédite. L’histoire se passe à la fin des
années cinquante, à Détroit, dans le Michigan, aux États-Unis, et me
plonge et replonge dans le monde de l’enfance, ses non-dits et sa pudeur. Dans une émotion brute, directe
et juste. Des sentiments pleins et entiers. Un regard de l’adulte sur l’enfant et de l’enfant vers l’adulte en
dehors de tous stéréotypes. La différence est vécue ici comme la seule issue pour la construction de soi.
DU ROMAN A LA PIECE DE THEATRE, UNE ADAPTATION QUI S’ECRIT A PLUSIEURS MAINS
Le premier intérêt de ce texte est qu’il est lui-même constitué de couches d’écriture et de réécritures.
Howard Buten l’a écrit dans sa langue maternelle, en anglais sous le nom de Burt. Le prénom du héros.
Dans Burt on entend « hurt », celui qui est blessé, qui souffre. Le traducteur, Jean-Pierre Carasso, a changé
le prénom, Burt est devenu Gilbert, prénom d’origine germanique, Gilbert signifie « digne de confiance ».
Comme titre, le traducteur a choisi « Quand j’avais 5 ans je m’ai tué ». Titre que je garde aussi pour la
création théâtrale, la faute de français me renvoie à toute la symbolique d’un tel acte.
UN ESPACE INTERIEUR POUR PLONGER A L’INTERIEUR DE GILBERT
Gilbert est enfermé comme pris au piège. Il se sent en prison. Pour plonger dans l’histoire de Gilbert
Rembrandt et ne pas voir les faits de loin, comme « un fait divers », je voulais plonger spectateurs et artistes
dans un espace clos. Sans échappatoire possible. Un endroit où personne ne peut complètement s’installer
et où le spectateur est actif. J’ai opté pour un espace bi-frontal. Deux gradins qui se font face avec une
assise en bois sans dossier.
Un dispositif qui doit permettre à tous une prise de conscience, où les spectateurs peuvent se reconnaitre
dans ceux d’en face. Ici, ils sont maitres de ce qu’ils regardent et de ce qu’ils veulent voir, car tous,
comédiens, musicien, éclairagiste et public, sont englobés. L’espace scénique est partout, aussi bien sur les
gradins, que derrière et devant. Le comédien est dans cette proximité avec le public et lui adresse tout ce
qui lui revient : l’histoire de Gilbert, son récit. Au centre entre les deux gradins est placé un tapis de danse
blanc comme un grand couloir. Des fenêtres translucides et éclairées derrière chaque gradin servent de
support à l’écriture et aux dessins de Gilbert. Un espace fermé, représentation d’un autre espace fermé, la
« Maison d’Enfants les Pâquerettes » qui devient chambre noire d’une révélation.
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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
UNE HISTOIRE ECRITE SUR LE MUR PAR LA MAIN DE L’ENFANT
Gilbert est ici. Loin de ses parents, de ses amis. De sa
vie d’avant. Dans de nouveaux repères. Qu’il doit
intérioriser et apprendre. Il doit revenir sur son histoire,
sur ce qui s’est passé, et parler au docteur Névélé, son
thérapeute. Celui qui doit réparer ses maux grâce aux
mots que Gilbert lui dira. Mais Gilbert ne veut pas lui
parler. A lui. Parce qu’il est docteur, qu’il a « des poils
de son nez, un vrai paillasson » 4 et qu’il ne comprend
pas les enfants. Alors Gilbert écrit son histoire sur les
murs de la salle de repos et nous plonge dans ses
souvenirs comme dans son présent. Dans un va et
vient entre passé et présent, il nous fait rentrer dans sa
façon de voir le monde. L’idée n’est pas d’analyser ni
de connaître exactement les faits, mais de mieux
comprendre Gilbert, le monde de l’enfance et la façon qu’à celui-ci d’entrer en opposition avec le monde des
adultes.
L’INTERIEUR DE GILBERT, UN ENFANT EN CONSTRUCTION
Gilbert a fait quelque chose d’insupportable pour les adultes. Ils l’ont d’ailleurs placé là pour qu’il devienne à
nouveau « un bon petit citoyen .» 5 Gilbert cherche à comprendre, pas à pas, ce qu’il fait là, et nous (artistes
et spectateurs) cherchons avec lui au fil de la représentation. Il est question de ce qu’il faut faire ou pas, de
ce qu’il faut dire ou pas, quoiqu’il arrive de GRANDIR. Pour moi, reconstruire théâtralement les logiques du
roman a été de trouver avec les comédiens comment habiter l’enfance de Gilbert sans la fabriquer. Une
enfance complexe et divisée peut-être comme toutes les enfances d’ailleurs. Mais l’adulte efface, occulte et
oublie parfois les étapes qu’il faut surmonter pour grandir.
Ce texte est une parole unique comme autant de joutes verbales, d’échanges et de dialogues épistolaires. Il
m’a ouvert la voie du collectif. La parole est tantôt portée par chaque comédien, tantôt par tous, travail
collectif d’une balle qui ne tombe jamais par terre ou d’un relais passé sans faille. Les cinq comédiens et
comédiennes sont Gilbert ensemble ou successivement, ainsi que tous les autres personnages de cette
histoire. C’est une dynamique qui s’incarne à mesure qu’elle s’invente. Une énergie générée aussi par une
musique, des sons et des chansons interprétés et joués en direct à la guitare électrique et au clavier. Ces
boucles sonores et musicales viennent en écho à l’état de Gil, à son évolution, et accompagnent la
temporalité du souvenir, du récit et de l’action.
L’URGENCE DE LA COMMUNICATION
Au cœur de cette création, il y a la question prégnante de la communication. Entre enfant et adulte. Comme
entre les enfants et entre les adultes. Comment communiquer ?
Parce que sur nous tous, adultes comme enfants, pèse le poids d’être seul au monde. Seul dans son
monde. Parce que la vie se construit avec soi et les autres. Et ce sont ces autres qui donnent du sens à ce
soi. Parce que nous (les êtres humains, adultes et enfants réunis), nous sommes tous mus par des émotions
fortes, parfois trop fortes, qui nous dépassent, qui nous surprennent. « je sentais quelque chose de cassé
dans mon ventre et je ne savais pas quoi faire. » 6
4
Adaptation Quand j’avais 5 ans je m’ai tué, Jean-Pierre Carasso, tapuscrit, 1984.
Adaptation Quand j’avais 5 ans je m’ai tué, Jean-Pierre Carasso, tapuscrit, 1984.
6
Quand j’avais 5 ans je m’ai tué, Howard Buten traduction Jean-Pierre Carasso, 1981.
5
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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
6/ PROLONGEMENT DE LA REPRESENTATION :
METHODE D’ANALYSE « CHORALE » DU SPECTACLE :
Collectivement, en prenant la parole chacun son tour, on décrit chaque élément de la représentation
(espace, lumière, son, jeu, costume…).
Le principe est de décrire ce qu’on a vu, entendu, senti (décrire afin d’éviter les jugement de valeur, d’éviter
le j’ai aimé / pas aimé).
On commence par l’espace, décrire la scène, le décor, les déplacements des acteurs dans l’espace, le
rapport au public (tout ce qu’on appelle la scénographie) ; puis la lumière (comment est-elle, à quoi sertelle ? changement de scène, création atmosphère ? ; puis le son (musique live ou enregistré, bruitages,
travail vocal des acteurs…) ; puis le jeu des comédiens (physique, interaction, diction, etc) et les costumes ;
puis on peut chercher quelques adjectifs pour qualifier l’esthétique globale de la mise en scène (réaliste,
symbolique, épurée, foisonnante, originale, etc).
On peut à chaque fois faire des associations d’idées pour entrer dans le commentaire et le jugement
progressivement (ça m’a fait penser à…)
REFLEXION AUTOUR DES THEMES :
Voici quelques grands thèmes du spectacle autour desquels construire des temps de discussion en classe
ou café philo enfant.
 Grandir :
Construction de la personnalité, de l’individu par rapport au groupe.
Comment Gilbert se construit-il dans la classe ? Dans sa famille ? Grâce à qui ? Grâce à quoi ? Comment
se construit-il dans « la maison d’enfant les pâquerettes ? Et vous grâce à qui et à quoi vous construisezvous ?
 De la réalité et de la fiction :
Quels sont les moments rêvés et imaginés ? Quels sont les moments du souvenir ? Quels sont les moments
du présent ?
Les relations adultes-enfants du roman.
Comment se passent-elles dans l’histoire? Et comment se passent-elles pour nous aujourd’hui ?
 Comment être soi :
Prendre le chemin de son intériorité et des émotions. Comment Gilbert arrive à dire et décrire ses
émotions ? Quels sont ses mots ?
 L’amour entre Gilbert et Jessica :
Comment se voit-il ? Comment est-il vécu par les enfants ? Comment est-il vécu par les adultes ?
 Nos « jardins secrets » :
Gilbert nous donne à voir et à entendre des choses très intimes de lui. Qu’est-ce que c’est l’intimité ? Une
jeune spectatrice m’a dit un jour « c’est garder une chose à l’intérieur de soi comme un secret. » Lister les
secrets que Gilbert nous livre.
PISTES DE TRAVAIL D’ECRITURE :
- écrire la lettre que Gilbert écrirait à ses parents (en réponse ou pas à celle reçue par sa mère)
- écrire la lettre de Shrubs à Gilbert
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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
PISTES DE TRAVAIL PHYSIQUE ET EN MOUVEMENT AUTOUR DES PARTIS-PRIS SCENIQUES :
-
-
Créer l’univers sonore de ces lieux (chaque
élève fait un son et par groupes on crée
l’orchestre des sons du lieu)
Retrouver et jouer les signes des
personnages
Travailler sur le chœur et la création d’un
groupe d’enfant sur un plateau de théâtre.
Exercices physiques en chœur c'est-à-dire ensemble,
en rythme et en mouvement, sur les notions de
légèreté, d’équilibre et de déséquilibre, d'hésitation,
de timidité mais aussi, à l’inverse, sur des exercices
qui montrent l'impatience, l'agitation, la dispersion ou
l'audace.
- Travailler sur le tableau d’exposition
Mettre en scène en chœur le tableau d’exposition : travailler la synchronisation des voix, trouver le rythme,
les gestes, la répartition des mots, des phrases pour que la voix de Gilbert deviennent une voix plurielle, que
chacun peut s’approprier.
« Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué.
J’attendais Popey qui passe après le journal télé.
Mais le journal voulait pas s’arrêter. Mon papa il le regardait. Moi, j'avais mis les mains sur les oreilles, parce
que le journal ça me fait peur.
Un monsieur du journal est venu. Il avait quelque chose dans sa main. Une poupée.
Il l’a levée en l’air et moi j’ai enlevé mes mains :
« Ce que je vous montre là, c’était le jouet préféré d’une petite fille. Mais aujourd’hui, à cause d’un accident
stupide cette petite fille est morte. »
Je ne voulais pas devant les autres de ma famille mais j’ai senti que je pleurais.
Je suis monté dans ma chambre en courant. J’ai sauté sur mon lit et je me suis enfoncé la tête dans mon
oreiller. Je l’ai appuyé très fort jusqu’à temps que je n’entende plus rien.
J’ai arrêté de respirer. Mon papa est venu. Il a enlevé l’oreiller, et il a mis sa main sur moi. Il est très fort. Il
m’a soulevé. Il m’a parlé très doucement.
« Gil, des gens meurent tous les jours. Personne ne sait pourquoi. On n’y peut rien. C’est comme ça. Ce
sont les règles. »
Il est redescendu.
Je suis resté longtemps assis sur mon lit. Assis comme ça, longtemps, très longtemps. Je sentais quelque
chose de cassé à l’intérieur, je sentais ça dans mon ventre et je savais pas quoi faire.
J’ai tendu le doigt avec lequel faut pas montrer, je l’ai appuyé contre ma tête et avec le pouce j’ai fait PAN. »
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Cécile Fraisse-Bareille l Perrine Guffroy
7/ PARCOURS AVEC LA COMPAGNIE
Les artistes de la Compagnie Nagananda peuvent venir à la rencontre des classes, des spectateurs sous
forme de débat ou sous forme d’atelier de pratique artistique.
Ces rencontres peuvent permettre aux élèves d’approfondir les partis-pris artistiques du spectacle, de
comprendre les enjeux économiques, politiques et éducatifs d’une compagnie de théâtre, et de découvrir
ses différents corps de métier.
La compagnie Nagananda est un collectif composé de metteurs en scène, comédiens, musiciens,
éclairagistes, scénographes, dramaturges et chorégraphes. Elle est implantée dans le Val d’Oise depuis
septembre 2005. A la tête de ce collectif : Cécile Fraisse-Bareille et Perrine Guffroy. Différents partenariats
avec les théâtres, lieux culturels et sociaux, les écoles, les collèges ou les médiathèques leur permettent de
défendre un théâtre contemporain et de s’engager au cœur des sujets de la société actuelle.
Le théâtre est pour elles un « service public » s’il entretient les représentations à partir de la pensée et non
de l’opinion. Un endroit nécessaire pour qu’un monde commun, intérieur et profond, se construise au
présent et existe. Un espace, à soi, collectif.
Le texte n’est pas nécessairement écrit au préalable pour la représentation théâtrale : À TOUS CEUX QUI
de Noëlle Renaude est à l’origine une pièce radiophonique. LETTRES A SA FILLE sont des lettres que
Calamity Jane aurait pu écrire à sa fille abandonnée, QUAND J’AVAIS CINQ ANS JE M’AI TUE est tiré du
roman d’Howard Buten. Le texte peut être en cours d’écriture comme en 2009 avec LE VOYAGE DE
JASON et maintenant, avec DOLORES, le prochain spectacle de la Compagnie. Il s’agit de s’appuyer sur la
recherche au plateau pour trouver sa justesse et sa vérité. Pour elles, ce texte doit vivre avant tout. Vivre en
chacun des artistes comme en chacun des spectateurs. Il doit permettre à tous de plonger dans l’autre et de
mieux se connaître. Chaque dispositif laisse le spectateur libre et actif dans son imaginaire. En classe,
comme dans une salle de spectacle, en frontal ou en bi-frontal, une grande proximité entre spectateurs et
artistes est recherchée. La représentation théâtrale est le moment de La Rencontre.
D’autres moments théâtraux, impromptus et in-situ, donc plus légers techniquement, sont proposés dans les
classes ou les médiathèques. Ils sont issus de montages de textes d’auteurs contemporains mêlés aux
paroles de ces auteurs: UN TOUR DE MANEGE AVEC SUZANNE pour Suzanne Lebeau, SUR LE FIL DE
MIKE KENNY, pour Mike Kenny, INSTANTS DONNES, pour Sylvain Levey, PRIS EN CONTES, d’après les
frères Grimm.
Cette démarche de création se transmet dans les actions culturelles et artistiques. Sources de rencontres
avec des publics très divers (centres sociaux, conservatoires, maisons thérapeutiques, maisons pour tous,
maisons d’arrêt, écoles, collèges, lycées, maisons de retraite). La Compagnie Nagananda est
subventionnée par le Conseil Général du Val d’Oise. Ses créations bénéficient de l’aide à la production de la
DRAC Ile-de-France, de l’ADAMI et de la SPEDIDAM, de coproductions de scènes nationales,
conventionnées ou municipales. Après avoir été en résidence artistique pendant 3 ans (2010-2012) dans la
ville d’Ermont, la compagnie a commencé en septembre 2013 une nouvelle résidence artistique avec la ville
de Jouy-le-Moutier, soutenue par le Festival Théâtral du Val d’Oise.
CONTACTS
ARTISTIQUE CECILE FRAISSE-BAREILLE
06 61 13 54 03 | [email protected]
TECHNIQUE PIERRE DAUBIGNY
06 23 09 30 34 | [email protected]
CHARGEE DE PRODUCTION GAËLLE ABOUT
06 07 48 68 43 | [email protected]
ADMINISTRATION CATHERINE GROFF
01 34 43 38 12 | [email protected]
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