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Description du cas
Vous voyez pour la première fois Malika, une
fillette de 6 ans originaire du Congo adoptée
par une famille suisse. Il y a 1 mois, un col-
lègue lui a prescrit du fer per os pour une
anémie à 85 g/l. L’anamnèse révèle plusieurs
épisodes de crises de douleurs abdominales,
de fièvre et d’ictère des sclérotiques. Il y a un
an, elle avait dû être hospitalisée pendant 15
jours pour des douleurs thoraciques aiguës
associées à une importante détresse respira-
toire, de la fièvre et une dépendance à l’oxy-
gène.
A l’examen clinique, vous trouvez une taille
< P3, une FC à 110/min, un souffle systolique
doux au mésocarde, un foie débordant le re-
bord costal de 2 cm, une rate non-palpable,
un ictère des sclérotiques et une pâleur
conjonctivale. La formule sanguine montre
une Hb à 80 g/l, normocytaire normochrome
ainsi qu’une polychromasie.
Question 1
Quel est le mécanisme physiopathologique le
plus probablement à l’origine de l’anémie de
cette enfant?
Question 2
Citez trois pathologies du globule rouge qui
pourraient théoriquement correspondre, du
moins en partie, au tableau clinique de Malika.
Question 3
Une électrophorèse de l’Hb vous permet de
confirmer votre diagnostic de suspicion. Nom-
mez cinq aspects (diagnostiques ou thérapeu-
tiques) de la prise en charge de base dans
cette maladie.
Question 4
Quel est le médicament permettant de modi-
fier significativement le cours de la maladie
chez la plupart des patients avec une forme
clinique sévère?
Réponse 1
• Hémolyse
Réponse 2
• Sphérocytose
• Hémoglobinopathie (SCD)
• Déficit enzymatique érythrocytaire
Réponse 3
• Vaccinations contre les pneumocoques,
méningocoques, HiB et hépatite A/B
• Antibiothérapie prophylactique (auto-splé-
nectomie) dès l’âge de 4 mois
• Prise d’acide folique p.o.
• Information approfondie aux parents
• Assurer une hydratation adéquate en toutes
circonstances
• Antalgie par paliers, expliquée et prescrite
en réserve
• Suivi ophtalmologique, cardiologique, né-
phrologique, endocrinien
• Doppler trans-crânien annuel
Réponse 4
• Hydroxyurée per os.
Commentaire
Du fer, un peu, beaucoup …
trop souvent prescrit?
Concernant la première question et en com-
mentaire à l’anamnèse, en dehors du fait que
le tableau décrit soit typico-classique de la
drépanocytose, deux éléments auraient dû
éveiller l’attention du collègue avant qu’il ne
prescrive du fer sans demander aucun exa-
men complémentaire: l’origine de la patiente
et l’ictère. Pour l’origine de la patiente, il est
juste et de plus en plus actuel de ne pas faire
de stéréotype (drépanocytose = Afrique …
mais attention, pas seulement) pour éviter
toute ségrégation et discrimination (la ques-
tion d’équité est centrale dans la drépanocy-
tose). En effet, si la maladie s’est développée
dans des zones impaludées, elle est aussi
présente en Amérique du Sud, Moyen Orient
et Asie (Inde en particulier). De plus, les mi-
grations voulues ou forcées expliquent la
présence de la maladie dans des pays autres
que ceux des continents précités et de plus
en plus dans les pays occidentaux, en lien
avec la mixité et comme dans la situation
décrite via l’adoption. Par ailleurs, et avant de
prescrire un traitement par du fer, à cet âge,
un minimum d’anamnèse alimentaire (ca-
rence d’apport), digestive (malabsorption),
hémorragique (perte de fer) est requise.
Concernant l’ictère, c’est un signe marquant
le mécanisme hémolytique de l’anémie (Q. 1),
dans une anémie par carence martiale il n’est
pas retrouvé (sauf autre cause, associée,
mais moins fréquent). En tout cas, ici, l’anam-
nèse est suffisamment importante pour ne
pas se contenter d’un diagnostic trop facile
d’anémie par carence martiale. De plus, il faut
savoir qu’une supplémentation martiale n’est
pas recommandée en l’absence d’une ca-
rence avérée, du fait de la surcharge en fer
liée aux transfusions potentielles de l’enfant
atteint de drépanocytose.
A propos des diagnostics différentiels
d’hémolyse
Le tableau clinique étant celui d’une hémo-
lyse, il convient effectivement d’évoquer les
diagnostics différentiels (Q.2) et de recher-
cher systématiquement les autres hémoglo-
binopathies (thalassémie, fréquemment asso-
ciée) et les déficits enzymatiques (déficit en
G6PD couramment associé chez les patients
atteints de drépanocytose). Leur dosage est
recommandé lors du premier bilan, en raison
des nombreux médicaments que peuvent re-
cevoir les patients au cours du temps et en
fonction de l’évolution de leur maladie. Il n’est
pas recommandé de rechercher systémati-
quement une sphérocytose associée.
Aspects de la prise en charge
(diagnostique et thérapeutique)
de la drépanocytose
A titre informatif, l’article «mémento pour le
pédiatre»1) précise bien cette question.
Pour répondre facilement, il suffit de se rap-
peler (tel qu’expliqué aux parents et aux pa-
tients) que:
1) la drépanocytose est à envisager sous trois
aspects: une maladie qui fait mal (douleur,
crise vaso occlusive) (CVO), qui augmente
le risque infectieux et qui entraine une
anémie (information sur les symptômes à
reconnaitre, la transfusion)
2) la drépanocytose est une maladie du glo-
bule rouge (hémoglobine) et tous les or-
ganes sont potentiellement impliqués.
Toutes les spécialités pédiatriques sont
donc concernées, en plus des contrôles
cités en Q.3 , n’oubliez pas le pneumologue
(cf. commentaire sur le syndrome thora-
cique aigu –STA-), le méta bolicien(impact
osseux de la maladie), mais également les
chirurgiens -orthopédistes, viscéraux, voire
neurochirurgiens pour les adolescents ou
adultes jeunes- sans oublier le radiologue
pédiatre; avec son aide la définition/des-
cription/reconnaissance des complications
osseuses et des diagnostics différentiels
vont de plus en plus être améliorés grâce
Quiz FMH 62