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Le G20 entre échec et construction d’une gouvernance mondiale
Le sommet de Séoul du 11 et 12 novembre 2010
Par André Cartapanis
Le Sommet du G20 qui s’est tenu à Séoul, les 11 et 12 novembre 2010, a fait l’objet de
commentaires quelque peu désabusés. Après celui de Washington (15 novembre 2008), qui avait pour
ambition de refonder le capitalisme et de préparer un nouveau Bretton Woods, on attendait de cette
dernière réunion, une maîtrise accrue des distorsions de taux de change, souvent qualifiées de guerre
des monnaies. Enfin, on espérait également l’ébauche de nouvelles règles en matière monétaire. Or,
sur ce plan, le bilan du G20 apparaît extrêmement décevant. Cependant, les chefs d’État ou de
gouvernement ont tout de même approuvé les contours d’une réforme de la réglementation
financière qui s’avère ambitieuse. Mais son application ne sera toutefois effective, qu’en 2019.
Rappel historique
Dès le déclenchement de la crise systémique, à l’automne 2008, les chefs d’État ou de
gouvernement ont très vite initié une action collective en adoptant un vaste plan de consolidation des
systèmes financiers pour éviter qu’un tel scénario ne puisse se reproduire à l’avenir. Le G20 de
Washington a ainsi approuvé un Plan d’action qui s’apparente à un programme d’extension et
d’approfondissement des règlementations s’appliquant aux intermédiaires financiers. Le 2 avril 2009,
cette feuille de route a été approfondie lors du Sommet du G20 de Londres, afin de rendre
opérationnelles, les options retenues à Washington. Les Sommets de Pittsburgh, les 24 et 25
septembre 2009, et de Toronto, les 26 et 27 juin 2010, ont poursuivi la tâche, sans inflexion majeure
sur le plan des objectifs financiers. Dans le même temps, ils ont élargi les discussions à la gouvernance
des institutions internationales – le FMI en particulier – et à la coordination des politiques
macroéconomiques et des politiques de change. Dernier en date, le Sommet de Séoul, a élaboré une
nouvelle Déclaration incluant un Plan d’action portant sur une coordination accrue des politiques
monétaires et de taux de change. Ce texte approuve les propositions du Conseil de stabilité financière
et du Comité de Bâle sous la forme d’un nouvel ensemble de standards macroprudentiels – désormais
dénommés Bâle IIIqui doit s’appliquer aux banques.
Cadrage théorique
1-Déséquilibres globaux et guerre des monnaies : La crise financière est pour partie liée aux
déséquilibres globaux de balances des paiements qui se sont accumulés depuis les années 2000 entre
les pays émergents (Chine, Russie, OPEP) et l’économie américaine. En effet, l’accumulation de
réserves officielles en dollars a rendu possible une expansion très vive de la liquidité internationale.
Elle s’est en outre accompagnée de distorsions de taux de change, certaines monnaies se trouvant
sous-évaluées – comme le yuan – tandis que le dollar demeurait dans une situation de surévaluation
pesant sur la compétitivité américaine. Quant à l’euro, il s’est maintenu dans la même situation
qu’avant la crise. Cette configuration a été imputée à la politique chinoise de change car celle-ci vise
effectivement un ancrage du yuan vis-à-vis du dollar qui favorise un processus de croissance tiré par
les exportations. Or, on retrouve aujourd’hui des distorsions comparables, certains pays – Chine,
Allemagne, Japon – continuant à enregistrer de très importants excédents de balances des paiements
courants qui alimentent des transferts massifs de capitaux et entretiennent la surévaluation de
certaines monnaies, en Asie et en Amérique latine. Cela provoque alors dans ces économies de
nouvelles bulles spéculatives sur les marchés d’actifs financiers ou dans l’immobilier. D’où l’idée de
limiter ces déséquilibres globaux dans un cadre coopératif, par exemple, selon la proposition du
Secrétaire au Trésor américain, Tim Geithner. En l’espèce, il s’agirait d’imposer un ajustement des
L'actualité internationale en note critique
Pour une analyse transnationaliste
de la scène mondiale
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Passage au crible
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politiques macroéconomiques dès que ces déséquilibres dépassent le seuil de 4% du PIB, en situation
d’excédent ou de déficit des paiements courants. Une autre option consisterait à laisser les taux de
change s’ajuster en fonction des forces du marché afin de neutraliser les risques de guerre des
monnaies et de manipulation des taux de change.
2-Réglementation macroprudentielle : La réglementation prudentielle qui s’applique aux
banques a pour fonction de brider les comportements à risque et de minimiser la probabilité de crise
en visant deux objectifs. Elle doit contribuer à la sécurité de chaque intermédiaire bancaire afin de
protéger les déposants ou les investisseurs, face à d’éventuelles défaillances individuelles. Telle est la
dimension traditionnelle de dispositifs prudentiels – qualifiés de microprudentiels et dénommés Bâle I
ou Bâle II qui cherchent à limiter le risque de détresse financière pour des institutions individuelles,
indépendamment de leur impact sur le reste de l’économie. Mais la réglementation bancaire doit
également stabiliser le système monétaire et financier dans son architecture globale, compte tenu de
ses fonctions macroéconomiques. Autrement dit, elle a pour objet de contenir le risque systémique.
On voit donc bien ainsi que la finalité d’une telle approche macroprudentielle consiste à assurer la
stabilité et la continuité des échanges au sein de la sphère financière, même si elle implique aussi de
limiter les sources de surendettement. Enfin, elle vise à juguler tout risque de détresse financière qui
induirait des pertes significatives en termes de croissance, comme ce fut le cas par exemple avec la
crise systémique de 2008-2009.
Analyse
Dans le domaine de la coordination des politiques monétaires ou de change, le Sommet de Séoul
constitue un échec. En effet, aucun accord politique n’a été possible, la Chine y étant opposée aussi
bien sur la réduction des déséquilibres globaux, que sur la gouvernance mondiale du système
monétaire et les politiques de change. Plutôt que d’adopter de nouvelles règles, les participants se
sont donc modestement contentés de confier au FMI le soin d’approfondir la réflexion sur la
compatibilité globale des politiques macroéconomiques. En revanche, en ce qui concerne les
réglementations prudentielles, le G20 de Séoul marque de réels progrès, insuffisamment soulignés.
Le nouveau dispositif macroprudentiel, que l’on dénomme déjà Bâle III, prévoit d’augmenter
significativement les provisions en capitaux propres des banques et d’introduire de nouveaux ratios
de liquidité et de levier – qu’elles devront impérativement respecter. Autant de mesures qui sont de
nature à limiter les prises de risques – illiquidité, insolvabilité, transformations d’échéances – des
banques. Quant aux risques de contagion et de défaillances bancaires en cascade, plusieurs lignes
d’action ont été arrêtées : 1) réduire l’importance systémique de certains établissements en
plafonnant leur taille ou en restreignant la gamme de leurs opérations sur les marchés d’actifs; 2)
renforcer le provisionnement en fonds propres en fonction du risque systémique por par un
établissement ; 3) élargir le périmètre de la réglementation prudentielle à des établissements
comme les Hedge Funds ou des produits financiers – tels les dérivés – qui y échappaient encore
jusqu’ici. Á l’avenir, en fonction de leur contribution au risque systémique certaines banques
qualifiées de too big to fail devraient donc être assujetties à des provisions plus élevées en capitaux
propres que d’autres institutions bancaires plus modestes. Si toutes ces mesures vont certes dans le
bon sens et marquent une inflexion majeure en matière de dérèglementation financière, on regrettera
cependant que le calendrier d’application de ces mesures s’étende jusqu’en 2019. Enfin, soulignons
que la transposition opérationnelle des principes de Bâle III reste soumise à l’agrément des
gouvernements.
Références
Cartapanis André, La crise financière et les politiques macroprudentielles : inflexion réglementaire ou nouveau
paradigme ?, Conférence présidentielle, 59
e
Congrès de l’AFSE, Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense,
10 septembre 2010 : http://www.touteconomie.org/index.php?arc=v25.
G20, The Seoul Summit Leader’s Declaration November 11-12, 2010:
http://media.seoulsummit.kr/contents/dlobo/E1._Seoul_Summit_Leaders_Declaration.pdf
Cartapanis André, « Les architectes de la crise financière », in : Josepha Laroche (Éd.) Un monde en sursis, dérives
financières, régulations politiques et exigences éthiques, Paris, L’Harmattan, 2010, coll. Chaos International,
pp. 41-52.
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