è re 1 Cancérologie partie Les agents anticancéreux et médicaments adjuvants IFSI 7 octobre 2015 Mathieu BOULIN Définition CANCER : latin et grec = « crabe » Tumeur maligne formée par la multiplication désordonnée des cellules d’un tissu ou d’un organe CANCEROLOGIE = ONCOLOGIE : « science des cancers » Définition TUMEUR : latin : tumor; tumerer : « enfler » « Gonflement » pathologique résultant de la multiplication excessive des cellules - déséquilibre entre la mort des cellules et leur renouvellement - échappe aux systèmes de régulation contrôlant la division des cellules - peut être maligne ou bénigne Thérapeutiques La thérapeutique en cancérologie implique la prise en charge de : la tumeur la prévention des récidives et métastases des effets induits par la tumeur (douleur, compressions…) des effets iatrogènes (médicamenteux, post chirurgicaux…) Actuellement, on guérit près de 50% des cancers Les modalités thérapeutiques incluent : Chimiothérapie et thérapies ciblées chirurgie radiothérapie hormonothérapie Plan 1. La chimiothérapie Généralités Les médicaments La chimiothérapie en pratique 2. Les médicaments adjuvants Généralités Il faudrait idéalement : • détruire toutes les cellules tumorales en prolifération ou quiescentes sans détruire les tissus et cellules saines • empêcher l’apparition de résistance • éviter les toxicités, les effets indésirables et maintenir la qualité de vie Généralités La plupart des molécules ne sont que de vulgaires poisons… Exemples : dérivés synthétiques des baies de l’if (paclitaxel Taxol®, docétaxel Taxotère®), arsenic, alcaloïdes de la pervenche de Madagascar (vincristine Oncovin®, vinorelbine Navelbine®, vinblastine, vindésine) Généralités Il n'y a pas de drogues cytotoxiques spécifiques aux cellules cancéreuses : tous les médicaments utilisés sont plus ou moins toxiques pour les cellules normales. La plupart des médicaments atteignent la cellule cancéreuse au moment où elle se divise, en faussant le mécanisme délicat de la division cellulaire. Les tumeurs peu proliférantes seront donc peu touchées. A l'inverse, les tissus sains très actifs (cellules sanguines, muqueuses, peau) seront atteints facilement, et devront donc se régénérer. Beaucoup de cytotoxiques ont donc une toxicité hématologique plus ou moins forte, et le plus souvent une toxicité non hématologique. Plus une tumeur se multiplie vite, plus elle est radio et/ou chimiosensible : notion de cinétique tumorale…et plus le patient présentera de toxicités sévères à priori Chimiosensibilité Exemple de la leucémie aiguë, de certains lymphomes à renouvellement cellulaire très très rapide La « trop » grande efficacité de la chimiothérapie va entraîner des complications aiguës chez les patients (engageant le pronostic vital) = syndrome de lyse tumorale…. Polychimiothérapie La plupart du temps, l'utilisation d'un seul médicament anticancéreux n'est pas suffisant pour obtenir une guérison ou même une réponse clinique de longue durée. L'apparition rapide de résistances entraîne un échec du traitement. La théorie de Goldie et Coldman repose sur le fait qu'au moment du diagnostic la plupart des tumeurs possèdent des clones résistants (hétérogénéité tumorale). Pour un gramme de tumeur, soit 109 cellules, le taux de mutation par gène est probablement de 10-5 : 104 clones sont potentiellement résistants à une drogue donnée dans cette tumeur. Polychimiothérapie Est très souvent la règle !!!!! Sextachimiothérapie dans le traitemenrt des leucémies aiguës lymphoblastiques Polychimiothérapie L'utilisation de plusieurs médicaments repose - sur l'utilisation de molécules ayant des mécanismes d'action différents, - parfois une réelle synergie entre deux familles thérapeutiques, - des toxicités différentes permettant d'augmenter la dose intensité du traitement anti-cancéreux sans augmenter les effets toxiques Types de chimiothérapie 4 « buts » différents dans la prescription de chimiothérapie : - visée curative (maladie de Hodgkin) - visée adjuvante et néoadjuvante - visée palliative - chimiothérapie expérimentale (essais cliniques phase I) Plan 1. La chimiothérapie Généralités Les médicaments 2. Les médicaments adjuvants Mécanismes d’action Les agents anticancéreux « classiques » ou « conventionnels » ou cytotoxiques agissent tous sur l’ADN situé dans le noyau de chaque cellule quelle que soit la cellule… Expliquant les effets délétères sur potentiellement tout l’organisme L'ensemble de l'information génétique transmise par chacun des parents à un enfant (génome haploïde) peut s'écrire ainsi en 3 milliards de lettres (une bibliothèque de 7000 livres de 300 pages chacun !) Mécanismes d’action des anticancéreux cytotoxiques -agents alkylants (moutardes azotées, platines) - inhibiteurs topo-isomérase II (anthracyclines,étoposide) poisons du fuseau (vinca-alcaloïdes, taxanes) Cytotoxiques phase de cycle dépendants Point de restriction - antimétabolites (5-FU) - inhibiteurs topo-isomérase I Action au niveau du cycle cellulaire Cytotoxiques phase de cycle indépendants Interaction directe avec l’ADN Classification des médicaments (1) Agents alkylants 1. Ajout d’un groupement alkyle sur les bases de l’ADN A, G, C et T …induisant la mort cellulaire Phase du cycle indépendants Moutardes à l’azote (cyclophosphamide Endoxan®, melphalan Alkeran®…) Aziridines (mitomycine C Ametycine®…) Nitroso-urées (carmustine Bicnu®…) Dérivés du platine (cisplatine, carboplatine, oxaliplatine) Autres (dacarbazine…) • • • • • • • Médicaments induisant ou stabilisant des coupures de l’ADN 2. Inhibiteurs de la topoisomérase 1 (camptothécines Irinotecan) Inhibiteurs de la topoisomérase 2 • • • • • • Anthracyclines (adriamycine=doxorubicine, epirubicine, daunorubicine…) Dérivés (amsacrine, mitoxantrone) Epipodophyllotoxines (etoposide) Bleomycine Irinotécan bloque la fourche de réplication La réplication ou la transcription de l’ADN nécessite une fusion partielle de la double hélice et modifie l'enroulement des deux brins. Classification des médicaments (2) 3. Antimétabolites = inhibiteurs de la synthèse de l’ADN • • • • Inhibiteurs d’enzymes essentielles à la synthèse de l’ADN ou analogues des constituants de l’ADN Antagonistes foliques (methotrexate, raltitrexed; inhibiteurs) Antagonistes puriques (6 mercaptopurine, 6 thioguanine; analogues) Antagonistes pyrimidiques (5FU, gemcitabine, cytarabine, +/- inhibiteurs et analogues) Guanine R Pt R Cytosine arabinoside R Gemcitabine empêche l’elongation des brins d’ADN naissants Classification des médicaments (3) 4. Médicaments interagissant avec la tubuline : poisons du fuseau • Inhibiteurs de la polymérisation de la tubuline = alcaloïdes de la pervenche de Madagascar • Inhibiteurs de la dépolymérisation de la tubuline = taxanes extraits de l’if Conclusion mécanismes d’action La prise en charge reste très empirique… on ne sait pas vraiment « comment marche la chimiothérapie conventionnelle » Exemples : thalidomide, cetuximab Plan 1. La chimiothérapie Généralités Les médicaments La chimiothérapie en pratique 2. Les médicaments adjuvants 1. Les choses à savoir La voie IV reste la plus utilisée encore Mais il existe nombreuses voies : intraartérielle, intrathécale, SC, IM et orale Les choses à savoir Vérifier adéquation de la prescription médicale à ce qui est écrit sur la poche de chimiothérapie !!!! Nom, prénom, date de naissance - Molécule, dose, voie d’administration, durée perfusion - Solvant et volume de perfusion + péremption écrite sur la poche - UNITE CENTRALISEE Les choses à savoir Car la grande majorité des chimiothérapies est très très toxique notamment en aigu Exemple : vincristine = poison du fuseau, 2 mg à ne pas dépasser par injection, 1 injection par semaine Les choses à savoir Respecter l’ordre de passage des produits Car cet ordre n’est pas toujours anodin Exemples : cyclophosphamide après 1ere dose mesna ou antiémétique avant chimiothérapie… Les choses à savoir Manipuler les poches, seringues ou infuseurs… selon des règles strictes d’hygiène (risque vis-à-vis du patient immunodéprimé par la chimiothérapie) de protection de vous même et du patient vis-àvis du risque toxique = nausées, vomissements, chute de cheveux, réactions cutanées Les risques … CI formelle de manipulation en cas de grossesse car tous les anticancéreux sont tératogènes = induisent malformations pour le fœtus Sont extrêmement minimes, n’existent plus avec 1. Unité centralisée La manipulation par les IDEs dans les services se rarefient Dispositifs de prélèvement sans aiguille limitent les risques de « piqûre » 2. Dispositifs « sécurisants » 3. La protection - Gants - Masque - Surblouse - Charlotte - Lunettes très optionnelles = équipement de l’IDE / étapes critiques 2. Voie orale et précautions d’emploi pour le patient et vous… Avantages de la voie orale Evite les risques liés à l’administration IV (risques d’extravasation ou d’infection, …) Libère les patients des contraintes liées aux hospitalisations (stress et inconfort) et améliore leur qualité de vie (poursuite des activités …) => Meilleure acceptation de la maladie Inconvénients de la voie orale La nature de l’alimentation (fibres, graisses) peut interférer avec l’absorption du médicament + effet de 1er passage hépatique Les traitements associés peuvent modifier l’activité (efficacité et toxicité) du médicament « Croyances » des patients CYP450 Interactions médicamenteuses [substrats]sg [substrats]sg CYP 34A + anticonvulsivants, antituberculeux,… + millepertuis cimétidine, antifongiques azolés, inhibiteurs des protéases du VIH, macrolides, … jus de pamplemousse + Précautions d’emploi Essayer de prendre le médicament aux mêmes heures tous les jours pour ne pas l'oublier En cas d'oubli d’une prise, continuer à suivre normalement le traitement (ne jamais doubler la dose!) Prévenir le médecin en cas de dose doublée pour compenser un oubli Précautions d’emploi Avaler les médicaments tels quels avec un verre d’eau sans les sucer ni les mâcher ni les croquer Ne pas couper ni écraser les comprimés, ne pas ouvrir les gélules, ne pas ouvrir ni écraser les capsules Ne pas laisser les médicaments à la vue ni à la portée des enfants Précautions d’emploi Manipuler de préférence les médicaments avec des gants. Sinon, se laver soigneusement les mains avant et après chaque manipulation En cas de contact avec la peau, laver abondamment avec de l'eau et du savon. En cas de contact avec les yeux, rincer sous l'eau courante pendant au moins 15 minutes Ne jamais jeter les médicaments dans la poubelle mais dans DASRI y compris « fonds » de poche 3. Interactions générales et prise en charge des effets indésirables Interactions médicamenteuses communes à tous les cytotoxiques Vaccins vivants atténués (risque de maladie vaccinale mortelle) Association contre-indiquée avec le vaccin anti-amarile Association déconseillée avec les autres (utiliser un vaccin inactivé lorsqu’il existe) Phénytoïne (association déconseillée) Diminution de l'absorption digestive par les cytotoxiques Augmentation du métabolisme hépatique des cytotoxiques Anticoagulants oraux Co-prescription fréquente en raison de l’augmentation du risque thrombotique et hémorragique au cours des affections tumorales Contrôle plus fréquent de l'INR en cas d’interaction entre les AVK et la chimiothérapie anticancéreuse Immunosuppresseurs (ciclosporine NEORAL, tacrolimus PROGRAF) : Immunodépression excessive avec risque de syndrome lymphoprolifératif Effets indésirables des agents anticancéreux Différents selon les mécanismes d’actions A prendre en compte +++ altération de la qualité de vie risques de moindre observance Toxicité hématologique Anémie (fatigue, essoufflement) Neutropénie (risque infectieux) Lymphopénie (immunodépression) Thrombopénie (risque hémorragique) Anticancéreux (hémato)toxiques +++ par action directe sur cellules sanguines … Thrombopénie Il n’existe aucun traitement de la thrombopénie (EI potentiellement mortel) hormis transfusion plaquettes - Respect NFS (2-3/sem) - Appeler médecin selon recommandations soit < 50 000/µl, < 30 000/µl - Rappeler aux patients 1ers signes d’alerte = pétéchies (petites tâches), ecchymoses (bleus), hémorragies des muqueuses (nez, gencives) Leuconeutropénie Tout patient « immunodéprimé » peut décéder d’une banale infection (bactérienne, virale, fongique) PNN Neutropénie fébrile sévère ------------------ PNN < 500/µl - Fièvre > 38,3-38,5°C 1 fois ou > 38°C 2 fois à 12 h d’intervalle 5 Chimiothérapie 15 Jours HOSPITALISATION Prévention des infections Suivi ++ NFS (même si 23x/semaine) Se laver régulièrement les mains Eviter contact Surveillance T° (éviter voie rectale) personnes « infectées » Aliments cuits Rappeler aux patients les signes d’infection = fièvre, frissons, toux, maux de gorge, nez qui coule, éruptions cutanées… Appeler urgemment le médecin… Prévention des infections Etre strictement observant vis-àvis des traitements antiinfectieux d’autant plus qu’ils seront pris plusieurs mois (fin immunodépression) anti-opportunistes (pneumocystose, toxoplasmose) 1 cp 3 x / sem + Speciafoldine® acide folique anti-herpétiques Remarque : Prophylaxie antifongique en cas de neutropénie < 1000/µl prolongée 500 mg matin et soir Fluconazole en 1er Chimiothérapie neutropéniante Facteurs de croissance hématopoïétique (G-CSF) Prophylaxie Iaire et IIaire Diminuent durée et profondeur neutropénie Administration > 24h chimiothérapie jusqu’à fin nadir Filgrastim / Frigo Neupogen® Lenograstim / T° amb + biosimilaires (Biograstim, Nivestim, Ratiograstim, Tevagrastim, Zarzio) Douleurs osseuses Sous cutanée PEG Filgrastim / Frigo Neulasta® Forme pégylée 1 seule injection / cycle 12 j entre 2 injections + antibiothérapie type Orelox® cefpodoxime en cas de symptômes… Anémie Par la fatigue, essoufflement engendrés, elle altère la qualité de vie du patient Toxicité directe de l’agent anticancéreux Inflammatoire (cancers bronchiques) … Anémie Agents stimulant l’erythropoïèse (ASE, EPO) N’agissent pas immédiatement…pas toujours… Différents schémas (/sem, /3 sem) Bien prendre le fer si coprescrit !!!!! 40 000 UI / sem 30 000 UI / sem Sous cutanée Hb cible 10-12 g/dl, au-delà risque HTA, thrombose… 500 µg / 3 sem + Eporatio et autres biosimilaires (Eprex) = Abseamed, Binocrit, Retacrit Alopécie - Chute des cheveux, des cils et des sourcils débutant 10 à 20 jours après le début traitement - Toujours réversible à l’arrêt du traitement - Début repousse 1 mois après fin traitement, 1 cm / mois Effet indésirable fréquemment observé notamment avec Alopécie - Prévention / conseils : - casque réfrigérant, froid (vasoconstriction), cheveux mouillés - Coupe courte avant traitement - Bandeaux, foulards - Prothèses capillaires : prise en charge forfait sécurité sociale, acheter prothèse avant début traitement Nausées et vomissements - Les vomissements peuvent être liés au fait que l’estomac est vide! - Pas d’interdit alimentaire strict mais « adaptation » individuelle du patient = éviter les aliments qu’ils ne supportent pas - Fractionner les repas plutôt que de manger de grandes quantités en une fois Potentiel émétogène des agents cytotoxiques oraux Nausées et vomissements - Règles diététiques habituelles (éviter les boissons chaudes et les aliments frits, gras ou épicés) - En cas de vomissements : • Se rincer la bouche à l’eau froide et attendre 1 à 2 heures avant de manger • Ne pas reprendre le médicament ni doubler la prise suivante • Prise des antiémétiques prescrits 15 mn avant les cp Diarrhées - Règles diététiques habituelles mais surtout hydratatation +++ (> 2 litres / jour) - Conseiller Tiorfan®, Smecta®, [lopéramide (jusqu’à 16 mg / j)] - Contacter l’oncologue si ≥ 4 selles / jour ( dose 75% - 50%), risque IR, hypokaliémie… Les diarrhées sont fréquentes avec nombreux agents anticancéreux comme 50% Mucites • Inflammation des muqueuses digestives (cellules à renouvellement rapide) • Mucite buccale = stomatite (aphte) • Peut aller jusqu’à la nécrose • Difficultés voire impossibilité d’avaler cp et alimentation • état nutritionnel = majoration toxicité chimiothérapie Les mucites sont fréquentes avec de nombreux agents anticancéreux Mucites Prévention : -Envoyer le patient chez le dentiste pour bilan bucco-dentaire (remise en état, détartrages, avulsions…) - Maintenir salivation - Hygiène buccale stricte - Brossage soigneux des dents ¤ après chaque repas ¤ de la gencive à la dent ¤ sans appuyer + brosse à dents souple Mucites « Interdits » alimentaires : Agrumes Alcools Epices dont moutarde, Ketchup, sauce tomate Fruits crus Tomates Croûtes de pain Mucites Bains de bouche : - Dès début traitement - Bicarbonate de sodium 1,4% seul ¤ minimum 3-6 / jour (rinçage après brossage) ¤ en gargarisme 30-60 secondes ¤ recracher Chlorhexidine Bicarbonate + Xylocaïne + Fungizone + … Candidose oro-pharyngée Une des complications des mucites… Si mycose : BdB bicarbonaté + Fungizone® 10% susp buv OU Triflucan® / Mycostatine® - 3-4 BdB x / jour - doit être avalé (mycose non strictement oropharyngée) OU Loramyc® cp gingival - gencive au dessus de l’incisive - le matin après brossage des dents Merci de votre attention