parisienne a eu «Êun effet grossissantÊ» sur ces résultats. Mais justement, le but même d’une
sociologie qualitative consiste à exercer un effet de loupe, pour mieux cerner l’objet de son
étude. Et la mixité sociale et culturelle devenant de plus en plus grande dans la France entière,
on peut induire que les lieux aujourd’hui plus monocolores et où les problèmes se posent
encore autrement feront face, d’ici dix, quinze ans au plus, à des situations analogues.
D’ailleurs, ce serait une erreur de croire que les questions nouvelles qu’affrontent les
médecins ne proviennent que de cette diversification sociale et culturelle. Elles proviennent
aussi, nous y reviendrons, de mutations sociales, socio-symboliques profondes et qui
concernent tout autant ce que l’on pourrait appeler le «ÊFrançais ordinaireÊ», le «ÊGauloisÊ»
pour parler comme les jeunes de certaines banlieues. On peut enfin ajouter sur ce point que
l’objet spécifique de l’étudeÊ: des patients touchés par le VIH/SIDA donne un second effet
grossissant et éclairant de la relation actuelle entre médecin et patient. Là encore, beaucoup de
résultats découverts présentent une portée plus large et peuvent servir à une réflexion d’ordre
général sur médecine et religion aujourd’hui.
Anne-Cécile Bégot a choisi son plan à partir d’une hypothèseÊpréciseÊ: la «Êgestion du fait
religieuxÊ dans la relation thérapeutique dépend de la position occupée par le médecin au sein
du champ médicalÊ». Elle examine d’abord, classiquement, les praticiens hospitaliers, en les
distinguant selon leurs statuts, et ensuite les médecins généralistes. A cela, elle ajoute, de
façon neuve, les médecins qui exercent dans le milieu associatif. Les résultats obtenus
montrent la pertinence d’un tel choix fondé sur un positionnement objectif. Mais, tout au long
de l’exposé, on rencontre significativement un autre paramètre importantÊ: les convictions
propres du médecin. Convictions religieuses ou irréligieuses d’abord, et, ensuite, univers
symbolique de références plus large, conceptions du monde, idées plus ou moins implicites ou
explicites, vagues ou précises du sens de la vie. Le médecin n’est pas lui-même en dehors des
questions de sens, elles influent sur la manière dont il se comporte avec ses patients surtout
quand il s’agit de faire face au VIH/SIDA.
Les médecins eux-mêmes en sont conscients et c’est pourquoi le problème de «Êl’intrusionÊ»
ou de la «Ênon intrusionÊ» dans l’univers symbolique du patient, dans sa vie privée (religieuse
et non religieuse) apparaît, du début à la fin de l’enquête, comme une préoccupation
récurrente des médecins interrogés. Leurs réponses dépendent là encore de leur
positionnement dans le champ médical et de réflexions personnelles, aidées parfois par un
débat collectif, mais le plus souvent menées en solitaire. Le travail de l’auteure met bien en