Quelle énergie pour demain

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Quelle énergie pour demain ?
Geneviève FIORASO, députée, OPECST
Sciences-Po Paris, mardi 22 novembre 2011
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Les ressources disponibles : une fin programmée
!! Pour la première fois dans l’histoire, les ressources naturelles
(eau, énergies fossiles, matières premières, terres rares...) ne
sont plus infinies (« finitude du monde »), d’où une urgence à
anticiper, avec deux préoccupations fortes, dans un contexte
financier globalement contraint :
- l’épuisement des énergies fossiles* face à des besoins
croissants et une démographie à la hausse (7 milliards de
terriens aujourd’hui, 9 en 2050)
- le réchauffement climatique s’accélère, avec les risques
associés, et nécessite un changement de nos stratégies
énergétiques (objectif-seuil de + 2° de plus en plus difficile à
tenir), sachant que les énergies fossiles sont émettrices ++
de GES.
!! *les réserves fossiles : 40 ans pour le pétrole, 70 ans pour le
gaz, utilisés massivement pour les transports routier et aérien, le
chauffage des bâtiments, et 250 ans pour le charbon, dans des
conditions d’extraction de + en + difficiles (sources JM Jancovici)
*Définition des énergies fossiles : les énergies fossiles (pétrole, gaz et
charbon) sont issues de roches formées par la fossilisation de végétaux
enfouis, et stockées dans le sous-sol durant plusieurs millions d’années.
Par conséquent, elles sont riches en carbone, qui est libéré sous forme de
CO2 lors de leur combustion.
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Production énergie primaire :
évolution 1973-2030 par source
* énergie primaire : ressource énergétique avant transformation
Gtep : Giga tonne/équivalent pétrole
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La domination des énergies fossiles dans le monde
!! Un constat, la domination des énergies fossiles* d’ici 2030
(80% consommation), quels que soient les scénarios
!! et des questions à résoudre de nature différente,
géopolitiques, environnementales et économiques :
Comment réduire les GES dans ce contexte ?
Quelle est la crédibilité des alternatives ?
Peut-il y avoir une technologie de rupture pour la capture et le
stockage du CO2 généré par le charbon (crédibilité du charbon
propre ?), par le gaz, par le pétrole et si oui, à quel horizon ?
Investit-on suffisamment dans ce type de recherche pour pouvoir
ralentir le réchauffement climatique ?
Comment avoir accès à des ressources qui se raréfient et sont
situées dans des pays souvent peu démocratiques ?
Quelle incidence sur le prix de l’énergie ?
D’où l’importance d’une action et d’une stratégie énergétique
à l’échelle mondiale : l’expertise du GIEC/IPCC, les
préconisations/engagements des sommets du climat et de
l’environnement, de l’Europe, du Grenelle de l’environnement
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Evolution géopolitique de la consommation
d’énergie dans le siècle
!! Un rééquilibrage pays pauvres et émergents/pays riches, avec un équilibre
en 2030 pour les besoins en énergie primaire
!! Il paraît impossible, politiquement, socialement, économiquement,
moralement, de ralentir le développement des pays émergents au motif
des GES et de l’épuisement des ressources fossiles. Il faut donc trouver des
solutions pour répondre aux besoins énergétiques forcément croissants,
même avec une politique volontariste de sobriété et d’efficacité énergétique.
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Où sont les ressources fossiles dans le monde ?
La question de l’approvisionnement est un paramètre majeur
d’une politique énergétique.
!! Pétrole : Moyen-Orient (2/3 des ressources planétaires, avec 686
milliards barils*, ), suivi pour le 1/3 restant de l’Amérique Centrale et du
Sud pour 96 mds, l’Afrique pour 77 mds, l’ex-Urss pour 65 mds, les
USA pour 64 mds, l’Asie pour 44 mds et l’Europe pour 19 mds soit
moins de 2 %, selon les sources statistiques BP 2002.
*1 baril = 159 litres
!! Gaz naturel : l’ex-URSS et le Moyen-Orient détiennent les 2/3 des
ressources mondiales en gaz naturel, le dernier tiers se répartissant
entre l’Asie, l’Afrique, les USA, l’Amérique du Sud et Centrale et enfin
l’Europe avec 0,4 % des réserves... d’où les accords entre l’Allemagne
et le Russe Gasprom et l’intérêt pour les gaz de schiste au Canada, aux
USA, en France...
!! Charbon : l’Asie et les USA détiennent près de 60 % des ressources.
Sur les 40 % restants, l’ex URSS en détient la moitié, le reste se
répartissant entre l’Europe, l’Afrique, l’Amérique Centrale et du Sud.
... ces chiffres montrent la grande dépendance de l’Europe et
de la France vis-à-vis du Moyen-Orient et de l’ex-URSS pour
l’approvisionnement/fossiles et explique la géopolitique
mondiale
NB : pour le nucléaire, il y a aussi un enjeu d’approvisionnement en
uranium (dans le temps, 200 ans et géopolitique, voir Areva/Nigeria)
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Evolution de la consommation mondiale
d’énergie par source
Mtep
Deux constats :
!! Qui consomme le plus aujourd’hui ?
Sans surprise, la Chine et les Etats-Unis, suivis de l’Europe de l’Ouest
(France et Allemagne en tête), le Moyen-Orient, l’Extrême Orient, l’Afrique
!! Avec une tendance qui s’inverse et une évolution de la demande en
diminution relative (augmentation en valeur absolue) dans les régions
développées et en augmentation relative (et absolue) très importante pour
les pays émergents. La zone Asie-Pacifique absorbe en 2007 30 % de
la consommation mondiale, contre 20 % au début des années 70.
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Répartition de la consommation mondiale
d’énergie par secteur
A quoi l’énergie a-elle servi en 2006 ? (source wikipedia) :
- industrie : 28 %
- transport : 27 %
- résidentiel (habitat) : 24 %
- tertiaire : 8 %
- agriculture : 2 %
- autres : 11 %.
C’est une moyenne mondiale, qui varie beaucoup suivant le
niveau de développement des pays, le climat et la spécificité
urbaine ou rurale du territoire concerné.
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Les recommandations des différentes
gouvernances applicables à la France
!! Protocole de Kyoto en 1997 (stabilisation des GES entre 2008 et 2012 :
objectif non atteint),
!! Préconisations de l’UE (3 x 20 d’ici 2020 par rapport à 1990, pour
augmenter l’efficacité énergétique et les ENR - + 23 % pour la France – et
diminuer les GES), scénarios du GIEC (rapport 2007 sur le réchauffement
climatique, rapport 2011 sur les EN),
!! En France : débat parlementaire en 2005 puis Grenelle 1 et 2 réaffirmant
ces objectifs avec des objectifs chiffrés pour la puissance installée des
différentes à 2020
!! Le scénario « Copenhague » avec la contribution de chaque source
d’économie d’émissions de GES :
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La France : une situation énergétique unique
dans le monde (1)
!! La part dominante du nucléaire : 51 % de la puissance
électrique installée et 75 à 80 % de la production d’électricité, un
héritage historique de l’après guerre et l’indépendance
énergétique voulue par le Général de Gaulle
- Une énergie hydraulique qui fournit 14 % de l’électricité, non
émettrice de GES et non soumise aux problèmes d’intermittence
des autres ENR puisque stockant l’énergie
Du coup, peu de motivation des décideurs, en dépit d’affichages,
pour le reste des ENR
!! Les avantages du contexte français :
- une énergie décarbonée : la France bonne élève en
Europe et dans le monde pour les émissions de GES liées à
la consommation d’électricité
- une énergie « bon marché » (0,13 euros kW/h, la troisième
moins chère en Europe et 9ème au monde), alors que
l’Allemagne, avec 0,20 euros en moyenne et 0 ,23 pour les
particuliers ou le Danemark (0,26 euros du kW/hl) ont les
tarifs les plus élevés. Les ENR ont un impact sur le niveau de
vie et sur la compétitivité des entreprises : quelle
acceptabilité en France ?
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La France : une situation énergétique unique
dans le monde (2)
!! Les inconvénients du contexte français :
- un décalage avec le reste du monde qui ne facilite pas le
développement à l’export, une énergie peu adaptée aux
besoins urgents des pays émergents
- une acceptabilité sociétale fragilisée par Fukushima
- des questions qui restent à régler : le calendrier de
démantèlement des anciennes centrales, le coût des
réacteurs 4ème génération, le retraitement et stockage des
déchets radioactifs à longue durée de vie.
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L’exception française est-elle compatible
avec la diversification des ENR ?
Un constat : les filières des ENR (hors hydraulique) ont du mal à
« décoller » en France
!! Le solaire photovoltaïque : un tarif trop haut et non dégressif,
une spéculation non régulée qui ont servi l’installation de panneaux
chinois, un moratoire qui s’éternise, une baisse du tarif, un objectif
de puissance installée trop faible, des appels d’offres mal adaptés
à une filière fragile de PMI PME.
Une faillite industrielle à court terme liée à ce yoyo réglementaire,
mais une R&D prometteuse qui peut permettre de rebondir dans
ce secteur d’avenir
!! La biomasse : 10,6 % dans la consommation mondiale (chaleur
et électricité). Le bois est le 2ème poste de déficit commercial alors
que la France dispose de la 1ère forêt d’Europe... Pas de stratégie
nationale suffisante, une filière à développer, créatrice d’emplois
pour le bois énergie et le bois matériau source d’efficacité
énergétique
!! L’éolien : appels d’offres en cours pour le off-shore. Ne pas rater
la filière industrielle française pour laquelle nous disposons des
industriels compétents
!! A plus long terme : l’hydrogène, la pile à combustible.
Applications pour l’énergie et les déplacements (véhicule électrique).
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La France en retard pour les ENR
Ce que l’on constate : un décalage entre les engagements nationaux
(N.Sarkozy en 2010 à l’Institut National de l’Energie Solaire : « pour un euro
investi dans le nucléaire, un euro sera investi dans les énergies
renouvelables ») et la réalité.
Dans les budgets de R&D 2011 et 2012, le rapport reste de 1 pour les ENR à
2,5 pour le nucléaire. La France accentue son retard.
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Vers un équilibre énergétique français / les pistes
!! Mise en place par le ministre de l’Industrie d’un comité « Energie
2050 » dont les décisions sont attendues pour le début 2012
!! Les équilibres à retrouver devraient s’appuyer sur trois axes,
préconisés par toutes les instances internationales et
européennes :
-!une politique volontariste de sobriété et d’efficacité
énergétique, avec une action prioritaire sur l’habitat et la
mise en place d’une contribution énergie-climat, une
coopération Etat/Régions/collectivités territoriales et des
formations associées aux travaux,
-!une sortie du tout nucléaire (mais pas du nucléaire), avec
l’opportunité de 2012 (renouvellement des centrales) et de
l’audit ASN,
- un développement des ENR, associé à un développement
de filières industrielles dans des secteurs à forte valeur
ajoutée d’innovation donc de compétitivité.
D’ores et déjà, les choix énergétiques seront au cœur des
enjeux politiques de 2012.
Merci à Nicole Mermilliod et Patrick Criqui de nous éclairer
sur les choix possibles et leur impact
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Les invités : Nicole Mermilliod – Patrick Criqui
!! Nicole MERMILLIOD
Ingénieur de l’Ecole de Chimie de Paris et titulaire d’une thèse de
3ème cycle, Nicole Mermilliod est chargée d’une mission de
réflexion stratégique et de développement transversal des activités
Nouvelles Technologie de l’Energie au sein de la cellule
«Prospective Stratégie et Evaluation des programmes de la
Direction de la Recherche Technologique (DRT) du Commissariat à
l’Energie Atomique (CEA) à Grenoble depuis 2005.
!! Patrick CRIQUI
Diplômé HEC et Docteur en Économie de l'Énergie.
Il est Directeur de Recherche au CNRS, responsable des études du
département Énergie et Politiques de l’Environnement du LEPII,
Laboratoire d’Économie de la Production et de l’Intégration
Internationale, (CNRS-UPMF) à Grenoble. Il a également été
rapporteur général du « Groupe Energie 2010-2020 » du
Commissariat du Plan en 1997-1998, ainsi que « lead author » dans
le Groupe de Travail N°3 du Troisième Rapport d’Evaluation du
GIEC et membre du conseil scientifique du programme Industrial
Transformation du programme IHDP des Nations Unies.
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Bibliographie (1)
- Geneviève Fioraso, Avis n°3807 tome 2 Projet de Loi de Finances pour 2012 Economie, industrie et
énergie
- Anne Lauvergeon & Michel-H. Jamard La troisième révolution énergétique, Plon, 2008
- Christian Ngô, L’énergie. Ressources, technologies, Environnement, Dunod, Coll. UniverSciences, 2004.
- Nucléaire ou pas ?, Alternatives économiques, n°245, mars 2006
- Jacques Vernier, Les énergies renouvelables, PUF, Que sais-je ? n° 3240, 2005.
- Jean-Christian Lhomme, Les énergies renouvelables : Histoire, état des lieux et perspectives, Delachaux
et Niestlé, 2004.
- Hermann Scheer, Le solaire et l’économie mondiale, Solin-Actes Sud, 2001.
- Claude Birraux, Jean-Yves Le Déaut, L'état actuel et les perspectives techniques des énergies
renouvelables Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, rapport n° 3415
(AS) & n° 94 (S), novembre 2001. http://www.assemblee-nationale.fr/rap-oecst/energies/r3415.asp
- Christian Bataille, Claude Birraux, « Les nouvelles technologies de l'énergie et la séquestration du CO2 »,
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Rapport n° 2965 (AS) & n°
254(S), mars 2006. http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-off/i2965.asp
- Yves Cochet,
Stratégie et moyens de développement de l'efficacité énergétique et des sources d'énergie renouvelables en
France, Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, La documentation française, septembre 2000
- Pierre Castillon, Mac Lesggy, Edgar Morin, Rapport du Comité des Sages, remis à Nicole Fontaine,
ministre déléguée à l’Industrie, 12 septembre 2003 : www.debat-energie.gouv.fr
- Jean-Marc Jancovici, Alain Grandjean, Le Plein s’il vous plaît, Le Seuil, 2006
- Loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (NOR:
ECOX0400059L), Journal Officiel n° 163 du 14 juillet 2005, page 11570
http://www.legifrance.gouv.fr/WAspad/UnTexteDeJorf?numjo=ECOX0400059L
- « Petit mémento énergétique. Eléments pour un débat sur l’énergie en France », Les cahiers de Global
Chance, n° hors série, janvier 2003
- Les énergies renouvelables face au défi du développement durable, Les cahiers de Global Chance n°15,
février 2002
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Bibliographie (2)
- Europe : le défi énergétique. Une dépendance croissante. L’Europe au pied du mur, Alternatives
économiques, n°245, mars 2006
- Commission européenne, Livre vert Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et
durable COM(2006) 105, mars 2006 http://europa.eu.int/comm/off/green/index_fr.htm
- Commission européenne, Livre vert sur l’efficacité énergétique ou Comment consommer mieux avec
moins COM(2005) 265 final, juin 2005 http://europa.eu.int/comm/off/green/index_fr.htm
- Commission européenne, Livre vert « Une stratégie européenne pour une énergie sûre, compétitive et
durable » COM(2006) 105, Bruxelles, mars 2006. http://europa.eu.int/comm/off/green/index_fr.htm
- Commission européenne, Livre blanc, La Politique européenne des transports à l’horizon 2010 : l’heure
des choix, 2001 http://europa.eu.int/comm/transport/white_paper/documents/index_fr.htm
-! www.iea.org : le site de l’Agence internationale de l’énergie, dont le World Energy Outlook 2009
http://www.worldenergyoutlook.org/docs/weo2009/WEO2009_es_french.pdf
- www.manicore.com : le site de Jean-Marc Jancovici, président du comité consultatif du débat national sur
l’énergie
- www.vrai-debat.org : le site du collectif d’ONG « Energies : le vrai débat », en réaction au débat officiel
- www.negawatt.org : le site de l’association Négawatt « pour un avenir énergétique sobre, efficace et
renouvelable »
-! www.energiesosfutur.org : association sur le droit universel à l’énergie
- www.energies-renouvelables.org : le site de l’observatoire des énergies renouvelables (Observ’ER)
- http://www.cler.org : le site du Comité de Liaison des Energies Renouvelables (réseau national regroupant
des associations, des collectivités territoriales et des entreprises)
- http:///www.agora21.org/global-chance/GC-N-15.pdf
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Bibliographie (3)
-!A signaler les travaux de Jean-Marc Jancovici, ingénieur français diplômé de l’Ecole polytechnique
et de Télécom, spécialiste des questions énergie-climat. Il est, entre autre, connu pour son travail de
sensibilisation et de vulgarisation sur le changement climatique et la crise énergétique.
En 2001, il entre au comité de veille écologique de la Fondation Hulot, puis en 2005 au comité
stratégique de cette même fondation. Il est co-auteur du Pacte écologique.
Jean-Marc Jancovici est consultant et exerce au sein de la société Carbone 4 (cabinet de conseil en
stratégie carbone) qu'il a fondée en juillet 2007 avec Alain Grandjean, son co-auteur.
Jean-Marc Jancovici, sur son site web Manicore, détaille les composantes du double problème de
l’énergie et du climat à l'échelle du monde. Il publie sur son site, dans un labyrinthe de pages web
interliées, une page pour chaque aspect du problème. Avec ce qu'il appelle des « calculs de coins de
table », il propose au lecteur de visualiser de manière claire les enjeux dans une approche
« systémique ».
Changer le monde - Tout un programme!, Calmann-Lévy, mai 2011
C'est maintenant ! 3 ans pour sauver le monde, avec Alain Grandjean, Éditions du Seuil, janvier 2009
Le Changement climatique expliqué à ma fille, Éditions du Seuil, janvier 2009
Le plein s'il vous plaît ! La solution au problème de l'énergie, avec Alain Grandjean, Éditions du Seuil,
février 2006 , rééd. 2010.
L'Effet de serre, allons-nous changer le climat ?, avec Hervé Le Treut, Flammarion (coll. Champs),
2004
L'Avenir climatique : quel temps ferons nous ?, Éditions du Seuil (coll. Science Ouverte), mars 2002
(prix Roberval 2002).
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