François Foret, professeur de science politique et directeur du
Centre d’étude de la vie politique à l’Université libre de Bruxelles (1)
Les enquêtes mondiales de valeurs montrent que l’identité européenne
est une réalité objective. Au travers des résultats, on voit émerger
l’Europe comme une communauté de valeurs qui se distingue des autres
ensembles géographiques et culturels.
La sécularisation, par exemple, distingue clairement l’Europe, y compris
par rapport aux États-Unis. Même si la réalité des pays européens et des
groupes sociaux est diverse, tous tendent à évoluer dans le même sens. Et
dans le regard des autres, à l’extérieur de l’Europe, nous sommes perçus
comme des Européens.
Faiblesse des symboles européens
Cela ne signifie pas pour autant que les Européens intériorisent et
revendiquent cette identité. Celle-ci reste faible et n’a pas d’existence
politique. Les Européens votent en qualité de citoyens nationaux, y
compris pour les élections européennes.
François Furet / Bruno van Haute
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Autour de cet article
(/Debats/Forum-et-debats/Les-
Europeens-se-sentent-ils-
europeens-2016-05-09-1200758767)
Forum et débats
Les Européens se
sentent-ils européens ?
(/Debats/Forum-et-
Forum et débats
Europe, le discours
identitaire révèle un
mal-être
(/abo-decouverte#la-
croix-100-digital)
La majorité des Européens sont de fait indifférents à l’Europe, même s’il
convient de relativiser car on tend toujours à opposer une identité
européenne faible à une identité nationale idéale souvent fantasmée. Il
est de coutume, à l’approche du 9 mai, de souligner la faiblesse des
symboles européens. Mais, en France, quelle est aujourd’hui la
symbolique du 14-Juillet ? Le désenchantement est généralisé et les
passions politiques attiédies.
> A lire : Les Pays-Bas président une Union européenne en plein doute
(http://www.la-croix.com/Monde/Les-Pays-Bas-president-une-Union-
europeenne-en-plein-doute-2016-01-04-1399682)
Il est de bon ton de caricaturer l’Union européenne comme une entité
limitée à la sphère politique et économique. Or l’Europe est aussi, dès ses
origines, un projet moral. Les textes fondateurs sont porteurs d’une vision
téléologique de l’Histoire. À leurs yeux, l’Europe est une fin en soi.
L’Europe, une arène de gestation de conflits
Cette référence restée élitiste fait son entrée en politique avec
l’introduction du suffrage universel en 1979 qui rend nécessaire le fait de
toucher le plus grand nombre. C’est à ce moment-là qu’est
progressivement mise en œuvre cette identité par la création des
symboles que sont l’hymne, le drapeau ou la Constitution. Et l’euro, qui a
une valeur sociale, identitaire plus forte que son acceptation économique
et financière et qui est devenu le premier symbole de l’Europe pour les
non-Européens.
> A (re)lire : L’euro, un symbole (http://www.la-croix.com/Archives/2000-
05-10/L-euro-un-symbole-_NP_-2000-05-10-108100)
La montée de l’extrême droite, les populismes, souvent interprétés
comme une mise en cause de l’Europe, témoignent aussi du fait que les
sociétés européennes, dans leur singularité, rencontrent les mêmes défis,
les mêmes problèmes.
Un système politique n’a pas vocation à produire du consensus et de
l’homogénéité. L’Europe est précisément une arène de gestion des
conflits. Or elle a terriblement échoué dans la gestion de la crise des
réfugiés. L’Europe, qui se revendique une puissance des droits de
l’homme et du dialogue Nord-Sud, se retrouve face à un vrai problème
d’adéquation des discours et des pratiques. Et une symbolique sans projet
politique, cela s’appelle de la communication, voire de la propagande.
Recueilli par Marie Verdier
(1) Auteur de De l’État à l’Union européenne, Éd. ULB, 2015.
Europe (/Recherche/Europe)
Union européenne (/Recherche/Union%20europ%C3%A9enne)
À SUIVRE : Les Européens se sentent-ils
européens ? (/Debats/Forum-
et-debats/Les-Europeens-se-
sentent-ils-europeens-2016-05-
09-1200758767)
(/Debats/Forum-et-
debats/Les-Europeens-se-
sentent-ils-europeens-2016-
05-09-1200758767)
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