Théâtre et Compagnie par Odile Quirot
18.03.2010
Besset a le "R.E.R" lourd
Dans "R.E.R" Jean-Marie Besset a pour lui la grande Andréa Férréol ( sur notre
photographie), Didier Sandre, un beau sujet brûlant, mais sa pièce, bavarde, relève de la
lourde dissertation plus que de la comédie dramatique.
Et aussi: dans "Le Grenier" du Japonais Yôji Sakate, avec Jacques Osinski.
Je sais, on va me dire que, naturellement, m’étant élevée l’hiver dernier contre les conditions de la
nomination de Jean-Marie Besset au Centre Dramatique National de Montpellier – où il est entré
en fonction le 1er janvier – je ne pouvais pas dire du bien de sa dernière pièce « R.E.R »
actuellement à l’affiche du théâtre de la Tempête à la Cartoucherie de Vincennes (jusqu’au 18
avril). Erreur, parce que le plus important est de juger sur pièce. On verra les choix Jean-Marie
Besset, directeur d’institution publique. Pour l’instant, on voit « R.E.R », tout en ayant souvenir
d’avoir applaudi du même auteur, par exemple en 1988, « Ce qui arrive et ce qu’on attend », une
fine comédie dans les coulisses du pouvoir.
Jean-Marie Besset écrit sur la société de son temps. Cette fois, dans « R.E.R » il s’inspire d’un faits
divers qui avait suscité une très vive émotion : une jeune fille avait accusé des jeunes noirs et
maghrébins de l’avoir agressée, en la traitant de « juive » et en lui dessinant des croix gammées
sur le ventre. La France entière, et jusqu’au président de la République, avait dénoncé le retour de
l’antisémitisme. Or la jeune fille avait menti, fabulé.
Retour dans le « R.E.R » de Jean-Marie Besset, mis en scène par Gilbert Désveaux avec un
savoir-faire sage, sinon brillant, et avec de bons acteurs, dont la grande Andréa Ferréol qui ferait
aimer le personnage le plus platement écrit.
Tout commence sur un quai, porte de Clignancourt, où Jeanne, une jeune fille un peu paumée
(Mathilde Bisson) négocie l’achat de valises qui visiblement ne la mèneront nulle part, sauf dans
les bras de Jo (Marc Arnaud). Elle est caissière à Drancy, lui un peu dealer, et gardien d’entrepôt à
ses heures. Elle a pour mère une femme de peu, Madame Argense, qui fustige en vrac les arabes,
les juifs, les homos (Andréa Férréol). Changement de cadre : dans un appartement chic, Herman,
un brillant avocat, juif et homosexuel (Didier Sandre) tente de draguer une dernière fois et en vain
le jeune ingénieur A.J (Lachen Razzougni) qui ne jure que par les beaux yeux – et pas seulement –
d’une dénommée Onyx (Chloé Rivière), une intello qui cite Barthes et a le feu aux fesses. Quand
Jeanne va inventer son agression – parce qu’il faut bien que quelque chose d’exceptionnel lui
arrive – Herman sera son avocat délégué d’office. Alors, tout ce petit monde – ceux d’en haut et
ceux d’en bas – vont se croiser, échanger leurs idées reçues, et en changer. Enfin, juste un peu.
Tout s’achève par une main serrée entre Herman et Madame Argense, qui semble se dire, que, tout
compte fait, on peut être riche, juif et homosexuel et être un homme bien. Tout ça pour ça ?
Sur cette histoire chargée - les juifs, les arabes, les riches, les pauvres, les homos, on en oublie -
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