DM n°1 : Peut-on dire, à la lecture de la première partie de Madame Bovary qu’il s’agit d’un
roman réaliste ?
Cette correction est aussi un document de travail : vous trouverez les références des pages et des
chapitres, ce que l’on ne vous demande pas au bac, bien sûr ! En revanche, on vous demande de citer
des passages, des phrases mêmes. Essayez d’en retenir quelques une. Par ailleurs, le devoir est plus
long que ne devrait l’être une copie de bac.
(intro de Paul) Au cours de la rédaction
de Madame Bovary, Flaubert écrit à Louise Colet
pour lui dire qu’il y a en lui « deux bonhommes
distincts, l’un épris de gueulades, de lyrisme » et
un autre « qui fouille et creuse le vrai tant qu’il
peut. ».
L’ « homme-plume », comme il se
plaisait à se surnommer, publie Madame Bovary
en 1856, dans un contexte littéraire particulier :
la rupture avec le romantisme est consommée et
les écrivains se tournent vers la réalité, vers « la
vérité, l’âpre vérité », comme l’écrivait Stendhal
en ouverture de son roman Le Rouge et le noir.
Flaubert s’inscrit-il alors dans ce mouvement
réaliste ? Lequel de ces « deux bonhommes »
l’emporte-t-il dans Madame Bovary ? Plus
simplement, peut-on qualifier ces « Mœurs de
province » comme un roman réaliste ?
Nous verrons en premier lieu que le roman
de Flaubert a des caractéristiques réalistes avant de
montrer que son réalisme diffère de celui de
Balzac par un aspect plus subjectif ou plus
critique. Nous terminerons en mettant en
évidence que Flaubert n’a pas totalement oublié
son inspiration et sa formation romantique et que
le « bonhomme » épris de lyrisme et de
« gueulades » resurgit parfois. Ainsi, comme il le
disait lui-même, “Toute la valeur de mon livre, s’il
doit en avoir une, sera d’avoir su marcher droit sur
un cheveu, suspendu entre le double abîme du
lyrisme et du vulgaire.”
(intro de Jennifer) « Madame Bovary n’a rien de
vrai. C’est une histoire totalement inventée », écrivait
Flaubert dans sa correspondance avec Mlle Leroyer de
Chantepie en mars 1857. Ici, le romancier du 19ème siècle
s’oppose totalement à la vision que beaucoup ont de ce
livre, c’est-à-dire qu’il est réaliste. Ce mouvement
littéraire, ou plutôt cette posture que les hommes de lettres
ont adopté dans leurs œuvres d’art, a pour but de peindre
la société sans idéalisation, dans sa réalité la plus crue.
« Le réalisme conclut à la reproduction exacte, sincère, du
milieu social » dira Duranty, un des théoriciens de ce
courant.
Ecrite pendant près de cinq années, l’histoire
d’Emma a fait scandale : en février 1857, soit un an après
son achèvement, l’œuvre est jugée pour « outrage à la
morale publique et religieuse et aux bonnes mœurs. » Son
auteur est blâmé pour le « réalisme vulgaire et souvent
choquant de la peinture des caractères. » Paradoxe. Ici
s’opposent deux visions du roman : œuvre inventée et
imaginée ou œuvre réaliste ? La question suivante guidera
notre réflexion : peut-on dire, à la lecture de la première
partie de Madame Bovary, que l’œuvre est réaliste ? En
d’autres mots, dans quelle mesure ce début de roman peut
être rattaché à la vision et à la conception d’une œuvre
d’art que Flaubert fuyait ?
Pour y répondre, nous verrons tout d’abord que
dans cette première partie Flaubert adopte une posture
réaliste. Nous verrons ensuite que le romancier s’arrange
avec cette posture et qu’il donne naissance, par son ironie
mordante, à un réalisme subjectif. Nous terminerons par
montrer que l’écrivain n’a pas tout à fait abandonné le
lyrisme qu’il essayait de combattre et que Madame
Bovary recèle quelques traits romantiques malgré tout.
I. Un roman réaliste : Madame Bovary est un
roman inspiré d’un fait divers : l’affaire Delamare, une femme mal-mariée qui se suicide après avoir
trompé son mari. L’intrigue du roman est donc réaliste, inspirée directement de la réalité. Flaubert
va étoffer ce fait divers et se soumettre à cet exercice de réalisme que lui conseillaient Bouilhet et Du
Camp. Cela lui permet donc de faire un tableau du monde contemporain, ancré à la fois dans un
espace géographique normand et réel et dans une intimité de mœurs minutieusement décryptée.
1. Une peinture exhaustive du monde contemporain (phrase)
- le monde paysan : le père Rouault, paysan aisé. Description de la ferme : adjectifs et adverbes
exprimant l’aisance : « ferme de bonne apparence, gros chevaux de labour, râteliers neufs, large
fumier, cinq ou six paons, luxe des basse-cours cauchoises, la bergerie était longue, la grange était
haute, deux grandes charrettes, quatre charrues » (I, 2 – p.60) : avalanche de termes indiquant la taille,
la dimension. Idem pour la cuisine dans le paragraphe suivant : « grand feu, proportion (des
instruments de cheminée) colossale, abondante batterie de cuisine ».
- la petite bourgeoisie : les Bovary. Le père était « aide-chirurgien-major » (I,1 - p.50). Importance de
l’argent : « saisir au passage une dot de soixante mille francs, vécut sur la fortune de sa femme, voulut
faire valoir ». La mère est présentée comme économe : « allait chez les avoués, chez le président, se
rappelait l’échéance des billets » (p. 52), prépare des plats à son fils quand il est étudiant à Rouen,
surveille de près ses comptes quand il est adulte + après, collège, études de médecine : éducation
bourgeoise
- l’aristocratie : le bal à la Vaubyessard : la fenêtre cassée, le billet donné à l’amant par une femme
(p.105)... Description d’une aristocratie ancrée dans le contexte de la monarchie de Juillet : on parle