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Le principe de la publicité des débats
La Cour d’appel a orienté sa réflexion sur la question de savoir si un juge de l’Ontario pouvait convoquer une audience
à l’extérieur de la province en invoquant le principe de la publicité des débats. Le juge LaForme, à qui les autres juges
se sont ralliés sur cette question, a mis l’accent sur le fait que les audiences publiques ont plus de chance d’être
indépendantes et impartiales parce qu’elles permettent aux Canadiens de constater que la justice est administrée
conformément à la primauté du droit, de manière non arbitraire. Le principe de la publicité des débats est également lié
au principe de la liberté d’expression, étant donné que le droit de la presse d’assister aux instances judiciaires et de les
commenter est « [traduction] fondamental à la nature constitutionnelle du principe de la publicité des débats »2.
Une majorité de la Cour d’appel a conclu que le principe de la publicité des débats n’était pas respecté uniquement
grâce à la tenue d’une audience publique dans une autre province. Le juge Juriansz, s’exprimant pour la majorité sur
cette question, a indiqué que, en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires de l’Ontario3, les audiences sont ouvertes
au public, sauf si une personne peut en subir un préjudice important ou une injustice grave4. Puisque la Loi sur les
tribunaux judiciaires est une loi de l’Ontario, la majorité en est venue à la conclusion que son intention était de garantir
que le public de l’Ontario avait le droit d’assister à toutes les audiences des tribunaux de l’Ontario. Pour que ce droit
soit valable, le public de l’Ontario doit être capable d’assister à une audience dans la province5. Un lien vidéo
permettant de voir le déroulement des procédures dans une salle d’audience en Ontario serait suffisant pour remplir
cet objectif6.
S’adapter aux réalités modernes du commerce et de la société
L’affaire Parsons démontre que le tribunal était à la recherche d’une solution pragmatique pour trouver un équilibre
entre transparence et accessibilité, l’organisation basée sur les territoires du système judiciaire canadien et les réalités
des litiges pancanadiens. Aux dires du juge LaForme, « [traduction] il faut concevoir des règles de common law qui
servent les réalités modernes du commerce et de la société »7.
La vaste majorité des requêtes ressemblent à l’affaire Parsons en ce sens qu’elles ne prévoient pas la présence de
témoins, mais rares sont les fois où il est nécessaire d’entendre une requête à l’extérieur de la province. Les recours
collectifs représentent l’exception : la tenue de procédures parallèles en matière de recours collectifs dans différents
territoires est fréquente. Un autre secteur où une innovation se fait sentir est celui de l’insolvabilité : les procédures
transcendent les frontières nationales en utilisant des protocoles transfrontaliers en matière d’insolvabilité. L’affaire
Parsons peut être comparée à la récente affaire Nortel, au cours de laquelle la vidéoconférence a été utilisée pour faire
la connexion entre les procédures se déroulant au Canada et celles se déroulant aux États-Unis, et ce, même si
chaque juge siégeait dans une salle d’audience située sur son propre territoire.
Il n’est pas clair si l’affaire Parsons peut être appliquée de façon à permettre la tenue d’une audience à l’extérieur du
Canada. Le tribunal saisi de l’affaire Parsons a fait valoir que l’audience avait eu lieu dans le contexte d’un règlement
pancanadien d’un recours collectif dans lequel toutes les provinces, y compris l’Alberta où l’audience serait tenue,
étaient signataires, et qu’une audience extraprovinciale n’avait pas soulevé la question de la souveraineté entre les
états. Cependant, les précédents de coopération judiciaire internationale dans un contexte d’insolvabilité portent à
croire que, dans les cas pertinents, les frontières nationales ne peuvent empêcher une solution pratique.
L’affaire Parsons est l’exemple le plus récent d’un tribunal qui a fait preuve de créativité dans ses processus qui
s’inscrivent dans le monde interconnecté d’aujourd’hui et ce ne sera certainement pas la dernière à innover dans ce
domaine. Comme le commerce et les communications ont de moins en moins de frontières, les tribunaux doivent
s’adapter et revoir les limites traditionnelles du processus judiciaire.
Erik Penz
Guy White
Erik Penz et Guy White sont membres de notre équipe Litiges transnationaux. Les auteurs désirent remercier Annie
Tayyab, stagiaire, pour son aide dans la préparation de la présente actualité juridique.