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l’élection au poste de président de la République de Valéry Giscard d’Estaing, premier
homme à ce poste à ne pas appartenir à la mouvance gaulliste depuis la fondation de la Vème
République. De même à gauche le progressif déclassement du parti communiste par le parti
socialiste témoigne d’une déprise des mythes fondateurs de la Résistance sur lesquels la vie
politique se fondait jusque là3. Or ces derniers ne furent pas réellement remplacés par d’autres
mythes mobilisateurs. La construction européenne aurait pu servir à cet effet, mais on constate
qu’il n’en fut rien. L’élargissement de 1973 se fit dans une relative indifférence comme en
témoigne la faible participation au référendum organisé par Georges Pompidou sur cette
question4. La première élection du parlement européen au suffrage universel de 1979 ne
suscita pas non plus de réels enthousiasmes, et par la prose de Jacques Chirac dans son texte
connu sous le nom « d’appel de Cochin »5, elle fut l’occasion de réaffirmer l’attachement à
des valeurs nationales, qui réapparaissent alors dans le discours politique et qu’il présentait
comme menacées par les tenants du supranationalisme européen. Par ce texte, Jacques Chirac
tentait de capter à son bénéfice le retour depuis la deuxième moitié des années 1970 de la
thématique nationale dans le discours politique. Ce retour s’explique par la crise économique
de la période et la réapparition du phénomène du chômage qui conduisit à une remise en
cause par une partie de l’électorat du système politique traditionnel. Dans ce contexte de crise,
la thématique nationale refit surface, pour critiquer un cadre qui semblait frappé
d’obsolescence ou au contraire pour en appeler à sa réaffirmation vigoureuse. C’est ainsi que
la légitimité de L’Etat-Nation fut contestée par les mouvements indépendantistes comme ceux
qui refirent alors surface en Corse ou en Bretagne. A l’inverse, le Front National commençait
quant à lui sa longue carrière avec la première candidature de Jean-Marie Le Pen aux
élections présidentielles de 1974. Si les résultats qu’il obtint alors furent dérisoires, inférieurs
à 1%, il réussit cependant à s’affirmer progressivement comme un acteur central du jeu
politique au cours des années 1980. Sa qualification au second tour de l’élection présidentielle
de 2002 prouve que les thématiques qu’il portait rencontraient un écho puissant au sein d’une
frange importante de l’électorat. Ces thématiques ont ensuite été réutilisées par la droite de
Gouvernement, le candidat Nicolas Sarkozy en faisant en 2007 un argument central de son
discours. Ceci aboutit après son élection à la création en 2007 d’un « ministère de
l’immigration et de l’identité nationale » qui a suscité de nombreuses polémiques. L’ensemble
3 Pour le détail des vicissitudes politiques de la période, cf. Jean-Jacques Becker, Crises et alternances, 1974-
1995, Nouvelle histoire de la France contemporaine, Tome 19, Paris, le Seuil 1998, 631p.
4 Cf Serge Berstein et Jean-Pierre Rioux, La France de l’expansion. L’apogée Pompidou, 1969-1974, Nouvelle
histoire de la France contemporaine, T18, Paris, Le Seuil, 1995, pp. 92-94
5 Cf Jean-Jacques Becker, Crises et alternances, 1974-1995, op. cit. pp. 159-163