ESSEC concours 2002 Copie d'un candidat Analyse économique et historique des sociétés contemporaines Sujet : « Analysez l’évolution du système monétaire international des accords de Bretton Woods au flottement des monnaies » Travail de qualité qui met bien l'accent sur l'étude comparée des deux systèmes de changes fixes et flexibles. Les caractéristiques du système monétaire international sont préalablement bien précisées. De bonnes connaissances factuelles et théoriques. Introduction Le système monétaire international est un ensemble de règles, implicites ou explicites, qui régissent la fixation des taux de change entre les monnaies. Jusqu'en 1922, le système monétaire international était fondé sur l'étalon-or puis avec la conférence de Gênes se met en place un système où uniquement quelques monnaies sont convertibles en or. Cependant l'absence de pays hégémonique, ou se considérant comme tel, à l'époque ainsi que la Seconde guerre mondiale conduiront à l'échec de ce système. Après la guerre est mis en place un système monétaire international dont les règles ont été décidées à Bretton Woods en 1944. Les objectifs fixés lors de cette conférence par les alliés sont de mettre en place un cadre monétaire favorable à la croissance des échanges internationaux, à la mise en place du multilatéralisme commercial devant assurer à la fois croissance et paix. L'objectif est donc de mettre en place un système monétaire stable caractérisé par des changes fixes autour de devises pivots convertibles en or. Ce système institutionnalisé devra cependant céder sa place à un système de change flottant compte tenu de ses contradictions. En effet, à partir de 1976 aux accords de la Jamaïque, est officialisé le système de change flottant. Ce système ira de paire avec le phénomène de globalisation financière dans le but d'atteindre une croissance saine. Mais ce système non régulé connaît à son tour des limites qui tiennent notamment à la spéculation et aux crises financières. Donc aucun des deux systèmes, change fixe et change flottant, ne semble idéal mais il semble que le système de change fixe présente l'avantage d'être régulé et que le système de change flottant celui de permettre une meilleure adaptation du taux de change aux fondamentaux de l'économie. Le système monétaire international ne doit-il pas nécessairement permettre une adaptation du taux de change aux fondamentaux de l'économie dans le cadre d'une certaine régulation ? Le système de Bretton Woods est fondé autour d'une puissance hégémonique ce qui permet son fonctionnement mais ce qui constitue aussi une contradiction. Face à cela, les changes flottants et la globalisation financière ont pu paraître une solution. Mais le système monétaire international doit nécessairement être régulé face aux risques d'instabilité. Les accords de Bretton Woods institutionnalisent le système monétaire international autour d'une économie hégémonique pour favoriser le développement des échanges. Cependant le système est déséquilibré comme le met en évidence Triffin. Les accords de Bretton Woods ont comme objectif de créer un cadre favorable aux échanges internationaux et au multilatéralisme pour préserver la paix. C'est d'ailleurs dans la même logique qu'a été signé l'accord du GATT (General Agreement on Tarifs and Trade) en 1947. Les autorités alliées décident donc de mettre en place un système étalon-change or qui définit des parités bilatérales à partir de quelques monnaies convertibles en or. En effet les thèses de White ont été préférées à celles de Keynes qui préconisait une monnaie internationale (le Bancor). Le système est identique à celui mis en place durant l'entre-deux-guerres à la différence fondamentale qu'après la seconde guerre mondiale il y a une économie réellement hégémonique assumant son rôle dans le système. En effet durant L'entre-deux-guerres la climatérique de la Grande-Bretagne et le protectionnisme ambiant aux Etats-Unis, avec les tarifs Hawley Smooth en 1930 qui fixent des droits de douane pouvant aller jusqu'à 90 %, ont empêché le système de fonctionner. Il est vrai que ce type de système monétaire international rend nécessaire l'existence d'une hégémonie assumée pouvant fournir des liquidités pour le financement de l'économie à L'échelle internationale. Or, après 1945, les Etats-Unis sont une puissance hégémonique, telle que peut La définir Wallernstein. En effet la puissance est à la fois économique (52 % de la production industrielle mondiale en 1950), financière (ils possèdent après la guerre près des 2/3 des stocks d'or mondiaux), technologique et culturelle. De plus, le fait essentiel est qu'il s'agit d'un' hégémonie assumée dès 1941 avec la loi prêt bail puis en 1948 avec l'aide du plan Marshall qui s'élève à 12,8 milliards de dollars dont 80 % de dons. Le dollar est une monnaie nationale qui va jouer le rôle de devise internationale. Ce cadre monétaire va permettre un financement de l'activité économique internationale et une stabilité favorable aux échanges qui de 1945 à 1973 ont une croissance de 7,5 % par an en moyenne. Ce système de change fixe permet de bénéficier d'une compétitivité change grâce aux effets de la courbe en J lors d'une dévaluation avec un effetvolume suivi d'un effet prix et conformément au théorème des élasticités critiques de Marshall-Lerner. Cependant le système va se révéler être déséquilibré car si l'existence d'une économie hégémonique est essentielle au fonctionnement du système monétaire international de Bretton Woods, cela en constitue aussi une limite. En effet le paradoxe de Triffin met en évidence que ce système, qui repose sur une monnaie nationale comme devise internationale, ne peut indéfiniment lutter contre ses contradictions. En effet, les Etats-Unis devaient financer l'économie mondiale soit en important, soit en exportant des capitaux. Mais le rattachement du dollar à l'or obligeait les Etats-Unis à limiter le volume de dollars circulant à l'intérieur du pays. Ainsi ont pu se succéder des périodes de dollar glut et des périodes de dollar gap (manque de liquidités). Jusqu'en 1958 et le rétablissement de La convertibilité or du Franc par Pinay, pour sortir de «l'économie de serre», le dollar est la seule devise internationale et le restera de fait jusqu'en 1976. Comme le met en évidence Rueff le système est réellement déséquilibré puisque les Américains financent leur déficit à partir de leur propre monnaie : c'est le «déficit sans pleurs». Cependant dès les années 60 Le système commence à montrer les premiers signes de faiblesse. En effet ce cadre stable qui a permis aux pays capitalistes de rattraper les Etats-Unis et la naissance d'une économie d'endettement internationale tendent peu à peu à fragiliser le système. Il est vrai que les Etats-Unis connaissent une croissance moins forte que la plupart des grands pays capitalistes entre 1945 et 1970 puisque la croissance américaine est de l'ordre de 3 % par an en moyenne contre 5,5 % par an en moyenne pour les pays de l'OCDE. De plus en 1968, Les États-Unis ne représentent plus que 39 % de la production industrielle mondiale contre 46 % dix ans plus tôt (comme l'a mis en évidence Maddison). Ces faiblesses sont la traduction des contradictions qui vont conduire à la flottaison du change qui a aussi conduit à la globalisation financière. Les contradictions du système monétaire international de Bretton Woods ont conduit au système de change flottant et à la globalisation financière pour mettre fin à l'économie d'endettement et pour retrouver une croissance saine où le taux de change correspond aux fondamentaux. En effet, les déséquilibres du système de Bretton Woods vont conduire au système de change flottant. Dès les années 1960 existe un marché mondial de fonds prêtables issus de mécanisme des xeno-monnaies, accentué d'ailleurs par le recyclage des pétrodollars venant de L'augmentation du prix du baril de pétrole durant les années 1970. Dans les années 60, on considère que pour 60 milliards de dollars qui circulent dans le monde seulement 10 sont convertibles. En plus de ce problème d'endettement, il faut ajouter que les comptes courants des Etats-Unis deviennent largement déficitaires et qu'il leur devient difficile de financer l'économie internationale sans nuire à leur économie. Cependant tout va être tenté pour sauver le système car tout te monde a intérêt à ce que le système continue à fonctionner. C'est dans cette optique que les Etats-Unis ont émis les bons Roosa, que le FMI qui est garant du bon fonctionnement du système a mis en place les DTS (droits de tirages spéciaux) et qu'a été mis en place le pool de l'or en 1968. Ces mesures ont tenté de limiter le nombre de dollars en circulation pour tenter de rapprocher le dollar de sa parité or. Mais en 1968, alors que ta parité officielle est de 35 dollars pour une once d'or, une once d'or vaut 843 dollars. Les Etats-Unis craignent la spéculation, une demande importante de convertibilité (et déjà en 65 ils n'ont plus que 25 % des stocks d'or mondiaux) et que le dollar perde sa place de devise internationale. En 1971, Nixon annonce la fin de la convertibilité or du dollar ce qui marque le début du système de change flottant qui sera officialisé en 1976 avec les accords de la Jamaïque. Dans le cadre des changes flottants, La globalisation financière est la solution qui s'impose pour permettre une allocation optimale des ressources et mettre en place une croissance saine et permettre la fixation de taux de change correspondant aux fondamentaux. En effet, l'objectif à partir des années 1980 est de permettre une croissance saine faisant appel à un financement direct sur un vaste marché de capitaux mondial. La désintermédiation bancaire, la déréglementation et le décloisonnement (les 3 D de Bourguinat) permettent une allocation optimale des ressources et obligent les pays à avoir une réelle compétitivité structurelle. Le taux de change dépend en effet de l'état des fondamentaux de l'économie c'est-à-dire du déficit commercial, du différentiel d'inflation (parité de pouvoir d'achat), du taux d'intérêt (comme a pu le mettre en évidence Keynes). Ce nouveau cadre a donc permis d'assainir la croissance dans une logique de «cercle vertueux de La monnaie forte» (Aglietta). En effet, la compétitivité structurelle rend possible une monnaie forte et des comptes courants excédentaires car ce qui importe est le taux de change réel. Ainsi dans la deuxième moitié des années 1980, la France a connu en même temps un hausse des taux de change des francs et des balances des comptes courants excédentaires grâce à la désinflation alors que des pays comme l'Espagne ont connu des situations totalement inverses. Cependant si le paradigme libéral valorise le fait que le taux de change corresponde aux fondamentaux, ceux-ci valorisent aussi la spéculation. Cependant Dornbush met en évidence des mécanismes de surréaction et Allais parle d'économie de Casino». En effet il existe des mouvements de capitaux, la «hot money» ou «mouvements d'arbitragisme», qui éloignent les taux de change des fondamentaux et représentent de forts risques d'instabilité financière. Mais les libéraux mettent cependant en avant que le taux de change dépend à moyen terme des fondamentaux. C'est d'ailleurs par l'analyse des fondamentaux que Quantum, le Hedge fund de Soros, a pu anticiper la sortie de la livre du serpent monétaire européen en 1973, et la surévaluation du Bath thaïlandais avant la crise financière de 1997. Mais précisément, le retour des crises financières ne conduit-il pas à un besoin d'une forme de régulation avec des règles explicites comme cela a pu être le cas avec le système de Bretton Woods ? Le système monétaire international doit nécessairement être régulé pour garantir un cadre stable face aux risques financiers pouvant porter préjudice au financement international, à la croissance des échanges et à la croissance économique. D'ailleurs, il semble que depuis une vingtaine d'années les États-Unis ont tenté de partager les coûts de la domination, celle-ci passant peut-être d'une domination hégémonique à une hégémonie systémique et réduisant les effets négatifs du «yoyo du dollar». Williamson avec sa théorie du taux de change d'équilibre montre que les économies ont intérêt à mettre en place des régulations implicites pour éviter que les taux de change ne s'écartent trop du taux de change d'équilibre fondamental. C'est ce qui a été fait d'ailleurs en 1987 lors des accords du Louvre où ont été définies des zones cibles secrètes visant à permettre un «atterrissage» du dollar qui, suite à la politique de taux d'intérêt élevé menée par Volcker à partir de 1979, avait conduit le dollar a s'apprécier de plus de 30 % créant une situation insupportable pour les pays ne parvenant pas à mettre en place une compétitivité structurelle ou pour les pays endettés en dollars qui ont vu les taux d'intérêt réels s'envoler (jusqu'à 17 % en 85 pour les pays endettés à taux variable en dollars). Les fluctuations des taux de change sont en effet préjudiciables à l'activité économique et aux échanges. D'ailleurs, en 1972, la création du SME avait pour objectif de se protéger des fluctuations du dollar. On calcule d'ailleurs par exemple que le dollar s'est apprécié de 80 à 83 de 130 % par rapport au franc. Mais l'instabilité des taux de change renvoie aussi à des problèmes d'instabilité financière. Par exemple, en 1985 une crise financière a menacé le système financier mondial car la hausse des taux d'intérêts réels a rendu insolvables de nombreux agents et notamment les pays en voie de développement. Le gouvernement a dû dépenser 500 milliards de dollars pour éviter la crise et fournir des fonds aux banques américaines. Les risques de crise et d'instabilité financière constituent en effet une limite au change flottant et rendent nécessaire une forme de régulation voire même une nouvelle réglementation. Tobin a pour cela proposé de taxer les 95 % des transactions quotidiennes qui représentent 2000 milliards de dollars et qui n'ont pas de contrepartie dans l'économie réelle. Cette mesure n'aurait aucun effet en cas de crise mais les préviendrait au maximum. Ces crises sont sources de ralentissement économique et d'instabilité dans le financement de l'économie mondiale. Kindleberger, dans Manias, Panics and Crashes (94), explique l'anatomie des crises financières. La crise financière de 1997 met bien en évidence le manque de réglementation et ses effets sur la crise. Les places financières en Asie manquaient de transparence, les monnaies étaient surévaluées et la plupart des pays avaient des déficits commerciaux. Le système monétaire international doit donc nécessairement être régulé par des instances telles que le G-7 à partir de règles implicites mais d'autres vont plus loin en préconisant une réglementation pour que le système monétaire puisse régir de manière optimale la fixation des taux de change et le financement international. Le système monétaire international joue un rôle essentiel dans le financement de l'économie mondiale. Le système actuel tire les leçons de l'échec relatif du système de Bretton Woods et tente de bénéficier des avantages du flottement des monnaies en établissant une forme de régulation pour en limiter les effets pervers. On constate par ailleurs le poids croissant des acteurs privés dans la détermination des taux de change mais Aglietta met en évidence que la monnaie devrait être considérée comme un bien public. Ainsi la question d'une réglementation explicite du système monétaire international reste ouverte.