Biologie du FDG et des autres traceurs émetteurs de positons utilisés en cancérologie
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Revue de l'ACOMEN, 1998, vol.4, n°1
1.1.2. Régulation de la glycolyse lors de la prolifération
cellulaire et dans les cellules tumorales
Les phénomènes physiologiques mettant en jeu la prolifé-
ration cellulaire comme la cicatrisation (22) ou la transfor-
mation lymphocytaire (23,24) saccompagnent de modifi-
cations du métabolisme glucidique qui sont retrouvées,
très exagérées, dans les cellules tumorales.
Dans les cellules qui prolifèrent, le blocage relatif de la
pyruvate kinase (qui catalyse la dernière étape irréversible
de la glycolyse) augmente la concentration de glycéraldé-
hyde 3-phosphate et favorise fortement laccumulation de
ribose-5-phosphate par la voie non oxydative des pento-
ses phosphate. Les taux élevés de fructose 1,6-diphos-
phate, également rencontrés dans ces conditions, inhibent
la 6-phosphogluconate déshydrogénase et réorientent la
voie des pentoses dans sa direction non oxydative. La
concentration de ribose-5-phosphate augmente. La syn-
thèse de P-ribose-PP est augmentée et la capacité de pro-
duction du NADPH et du GSH est réduite. Parallèlement
on observe une perte de leffet Pasteur et un niveau élevé
de glycolyse en conditions aérobies (21,23-25). Laugmen-
tation de la glycolyse semble liée à une reprogrammation
cellulaire, résultant de modifications enzymatiques sac-
compagnant dune inhibition de la voie oxydative (effet
"Pasteur inversé" ou effet Crabtree (21,26).
1.1.2.1. Modifications enzymatiques
Diverses modifications des enzymes de la glycolyse ont
été mises en évidence, à la fois quantitatives et qualitati-
ves (expression disoenzymes différents, avec pour corol-
laire changement des paramètres cinétiques). Dans
lhépatome de Novikoff se produit un changement
disoenzyme, avec le remplacement du type "hépatique"
de Km élevé sensible aux régulations nutritionnelle et hor-
monale, par des isoenzymes de type "non-hépatique", de
Km bas et ne répondant pas ou peu aux mécanismes de
régulation et de rétrocontrôle (27). Des revues détaillées
ont été publiées (13,14,18,28). Les phénomènes les plus
importants concernent les trois enzymes clefs que sont
lhexokinase, la phosphofructokinase et la pyruvate kinase.
Dans les cellules tumorales, la "reprogrammation généti-
que" de ces enzymes-clefs aboutit à un nouvel équilibre
par rapport à la cellule normale, qui favorise la glycolyse
au détriment de la néoglycogenèse.
Modifications de lhexokinase
Knox et al. (29) dans un modèle dhépatome (hépatome de
Morris) avaient déjà trouvé un taux dhexokinase par
gramme de tissu plus élevé dans les tumeurs que dans le
foie normal ; surtout, ce taux était corrélé à la vitesse de
croissance de la tumeur. Dans ce même travail les auteurs
soulignaient que le rendement de cette augmentation de
lhexokinase (HK) dans les hépatomes est médiocre, puis-
que le foie normal en régénération présente une vitesse de
croissance similaire avec un contenu en hexokinase envi-
ron deux fois moindre.
Laugmentation de lactivité HK a par la suite été large-
ment confirmée (30-36). Dans les tumeurs, 50 à 80 % de
lactivité HK est préférentiellement liée à la membrane ex-
terne des mitochondries, ce qui favoriserait lhypercatabo-
lisme du glucose (28,32,37,38). En effet, lassociation ré-
versible de lHK aux mitochondries est un mécanisme im-
portant de régulation de lactivité de cette enzyme : la forme
liée nétant pas (ou très peu) sensible à linhibition par le
glucose-6-phosphate comparativement à la forme soluble,
et pouvant utiliser directement lATP généré dans la mito-
chondrie (33), représente la forme la plus active (36). Ceci
est lié à lexpression préférentielle des isoenzymes I et II,
différents de ceux rencontrés dans les cellules normales ;
cest du moins à ces formes que sapparente lhexokinase
liée aux mitochondries (35). Il existe une relation entre le
degré de transformation maligne et laltération progres-
sive de la proportion des isoenzymes et de leur distribu-
tion subcellulaire (36). Le gène dune hexokinase tumorale
liée aux mitochondries a été cloné et séquencé (39).
Lactivité HK a été mesurée dans des cellules tumorales à
des niveaux similaires à celui de cellules normales, incom-
patibles avec laugmentation de la glycolyse aérobie cons-
tatée dans les tumeurs, conduisant à découvrir, dans tou-
tes les lignées tumorales testées, une importante activité
de type glucokinase (hexokinase de type 4 à Km élevé),
normalement rencontrée dans le foie et qui peut donc être
exprimée dans les cellules tumorales (25,40).
Modifications de la phosphofructokinase (PFK)
Moins de publications ont été consacrées à ce deuxième
enzyme clef de la glycolyse, dont le rôle est cependant
primordial. Il existe une augmentation de lactivité PFK
dans les tumeurs hépatiques, variable en fonction du de-
gré de différenciation (41,42,43), et accompagnée dune
modification du profil dexpression des isoenzymes (43,44).
Il n apparait pas de formes spécifiques des tumeurs, mais
les isoenzymes rencontrés dans les tissus normaux sont
exprimés en proportions anormales, dans des
glioblastomes et des astrocytomes) (45).ou dans des li-
gnées de leucémies et de lymphomes (44). Les différentes
formes immunologiques et électrophorétiques de lenzyme
résultent de sa structure tétramérique qui associe de façon
variable trois types de sous-unités (M, L ou P) codées par
trois gènes différents (44). La PFK est régulée par diffé-
rents métabolites, hormones et facteurs nutritionnels ou
liés au développement. Elle joue un rôle essentiel dans le
métabolisme énergétique, particulièrement dans les tissus
où la glycolyse est prédominante voire exclusive (érythro-
cytes matures, muscle lors de lexercice, cerveau, cur
ischémique) et de la même façon dans les tumeurs. Leffet