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Lettre d’information et d’analyse sur l’actualité bioéthique
N° 97 : Janvier 2008
La reprogrammation des cellules souches adultes
La technique de reprogrammation
La technique de "reprogrammation"
développée initialement par
Shinya
Yamanaka, puis corroborée par Rudolf
Jaenisch et James Thomson (v.
Gènéthique n° 96), est très intéressante.
Ceci dit, il s'agit d'une recherche qui ne
prétend à aucune application clinique dans
son stade actuel, et qui nécessite encore
bien d'autres explorations, en particulier
pour clarifier le mécanisme par lequel les
quatre facteurs de transcription individués
par Yamanaka agissent pour déterminer la
totipotence. Les résultats divergents de
Thomson (lui inclut Nanog dans ses
facteurs) montrent que la question ne se
résout pas simplement avec l'isolement de
quatre "facteurs magiques". Ce sont les
mécanismes mêmes de l'instauration de la
totipotence qui doivent être explorés, et
ceci permettra peut-être ultérieurement de
se passer du transfert génétique par
vecteur rétroviral (Yamanaka) ou lentiviral
(Thomson). Le grand mérite de cette
recherche est qu'elle montre de façon
claire la possibilité de la reprogrammation
cellulaire, ôtant ainsi l'obstacle éthique de
la nécessaire destruction de blastocystes
pour obtenir des cellules embryonnaires
(ES). Son autre grand mérite est justement
d'inviter les scientifiques à explorer
davantage les mécanismes de la
totipotentialité.
Les objections
Curieusement, on a peu souligné que les
résultats de Yamanaka-Thomson ne
résolvent qu'en partie le problème posé
par une éventuelle application clinique
des cellules ES : demeure le risque
cancérigène, qui nécessitera la mise en
oeuvre
de
techniques
efficaces
d'élimination des cellules ES non
différenciées ; il reste aussi le problème
d'un contrôle effectif de la différenciation
de ces cellules.
En revanche, on a souligné le risque que
fait peser l'emploi de l'oncogène c-Myc
comme agent de totipotentialité par
Yamanaka. Depuis, Yamanaka a montré
que l'on pouvait se passer de c-Myc, et
Thomson ne l'emploie pas. Donc cette
objection, pesamment posée par R. Lanza,
a trouvé sa réponse.
L'objection soulevée par Debi Vinnedge
(Children of God) à propos de l'utilisation
des cellules Plat-E par Yamanaka
(cellules 293T modifiées, initialement
préparées dans les années 70 à partir de
cellule rénales fœtales venant d'un fœtus
avorté) est intéressante, mais ne peut être
réellement prise trop au sérieux dans l'état
actuel des recherches, puisqu’il ne
concerne que la technique de "packaging"
des rétrovirus employés pour le transfert
de gènes et n'est certainement pas au
centre du protocole de Yamanaka. Nous
n'en sommes pas au stade clinique. Il est
bon toutefois de signaler aux chercheurs
que, s'ils veulent être parfaitement
respectueux de l'éthique, ils devraient
s'abstenir d'utiliser comme cellules de
"packaging" des vecteurs des lignées
cellulaires dérivées de fœtus avortés. En
fait, les techniques disponibles pour les
transferts de gènes sont multiples, et là
n'est pas le problème.
Efficacité de la méthode
La vraie question est celle de l'efficacité de
la méthode (moins de 1% des cellules sont
reprogrammées). Même en utilisant le
biais du gène résistant à la néomycine
pour développer sélectivement, en culture,
les cellules iPS, celles-ci sont plutôt rares,
ce qui pousse d'ailleurs Yamanaka à
vouloir développer une banque de ces
cellules (mais alors on retrouve les
problèmes de rejet immunologique que la
technique de Yamanaka permettait de
résoudre si les cellules iPS étaient
utilisées chez le patient donneur des
fibroblastes initiaux). Là encore la
recherche sur les mécanismes de la
totipotentialité devrait permettre d'obtenir
une technique bien plus efficace.
Conclusion
En conclusion, c'est une recherche à
soutenir sans oublier les cellules souches
adultes et les cellules de sang de cordon
ombilical, qui ont une application clinique
immédiate. Il reste encore beaucoup de
travail à faire avant de penser à une
application clinique des cellules iPS. Il faut
enfin rappeler le caractère non éthique de
l'utilisation par Yamanaka des cellules
Plat-E et 293T, dérivées initialement d'un
fœtus avorté, comme "lignées cellulaires
d'encapsidation" (packaging) des vecteurs
rétroviraux.
La mort de Vincent Humbert : pour légitimer l’euthanasie ?
A l’occasion de la diffusion du téléfilm, le 3
décembre 2007 « Marie Humbert, l’amour
d’une mère », la polémique rebondit avec
le témoignage d’Hervé Messager,
kinésithérapeute de Vincent Humbert.
Le témoignage du kinésithérapeute
Hervé Messager a soigné Vincent
Humbert pendant deux ans au centre
héliomarin de Berck-sur-Mer. Il affirme
« qu’à partir d’un fait réel, on a brodé tout
ce qu’il fallait de douloureux, de souffrance
[…] pour faire passer une idéologie ».
« On a manipulé complètement la vérité et
l’opinion », souligne-t-il dans un message
envoyé à tous les parlementaires et diffusé
Gènéthique - n° 97 – janvier 2008
sur le site de l ‘association SOS Fin de vie.
« Pourquoi avoir tué Vincent ? Il avait
encore plein de choses à vivre […] Il
blaguait, il riait. On a menti sur plein de
choses pour justifier l’acte final. On a dit
qu’il était aveugle : certes, il voyait très
mal, mais il voyait ; on a fait croire qu’il
avait mal : il n’avait mal nulle part. » Hervé
Messager reconnaît que Vincent passait
par des phases de découragement et de
peur mais qu’il savait aussi être gai.
Sous influence ?
Marie Humbert semble avoir été influencée
par des associations militantes du ″droit de
mourir″. Vincent n’était pas tétraplégique,
comme on l’a affirmé, mais il avait une
double hémiplégie, ce qui signifie que son
cortex était atteint et ses facultés
intellectuelles très diminuées. Comment
alors aurait-il pu écrire une lettre au
Président Jacques Chirac ? « Il ne savait
pas utiliser la langue française avec une
telle subtilité. Derrière ce qui était dit de la
réalité indéniable de son état, je
découvrais des sophismes qui ne
pouvaient venir de lui, comme le
rapprochement entre le droit de grâce
présidentiel et la revendication d’un droit à
la mort. » Il est également improbable qu’il
ait pu écrire le livre qu’on lui prête, précise
Hervé Messager.
Médecin ou vétérinaire ?
Dans son livre « Pour tous les Vincent du
monde »(1), Marie Humbert réclame
l’insertion dans le code pénal de
l’exception d’euthanasie. « Comme me le
disait si souvent mon fils quand il me
suppliait d’accéder à sa demande,
lorsqu’un chien agonise, on le transporte
chez le vétérinaire qui se charge de mettre
fin à son calvaire. » La proposition de loi
dite « loi Vincent Humbert » s’inspire de la
législation belge : « là-bas, les gens n’ont
plus peur de mourir depuis que cette loi a
été adoptée puisqu’ils sont sûrs de ne pas
avoir à souffrir inutilement… », avance
Marie Humbert. Qu’en est-il alors du climat
de confiance qui doit régner entre le
malade et le personnel soignant dont le
rôle est aussi de les soutenir dans les
moments de découragement ?
Parallèle avec l’IVG
On retrouve chez Marie Humbert, ou ceux
qui tiennent sa plume, les mêmes
arguments et erreurs que ceux invoqués il
y a 35 ans pour réclamer la légalisation de
l’avortement,
en
prétendant
que
l’euthanasie est déjà en France une réalité
qu’il est urgent d’encadrer : Marie
Humbert affirme que « dans les services
de réanimation, la moitié des patients
meurt après décision de limitation ou
d’arrêt de soins actifs et l’on peut estimer
qu’une proportion de 10 à 20% de ces
décisions médicales sont des injections
avec intentionnalité de décès ». Sur les
180 000 malades qui meurent chaque
année en France dans un service de
réanimation, elle insinue donc que 9 000 à
18 000 personnes seraient déjà victimes
d’une
euthanasie
active…
Plutôt
qu’accepter la généralisation sournoise,
elle réclame donc que la loi prenne en
compte les cas extrêmes « où le devoir
d’humanité ne saurait s’assimiler à un
geste criminel ». On se souvient que
devant l’Assemblée Nationale le 26
novembre 1974, Simone Veil s’écriait :
« nous ne pouvons pas fermer les yeux
sur les 300 000 avortements qui chaque
année mutilent les femmes de ce pays ».
Une estimation raisonnable de l’INED situe
ce chiffre d’alors entre 40 et 60 000…
1. Pour tous les Vincent du monde - Une histoire
d’amour, Marie Humbert, Ed. Michel Lafont, Août
2007.
La mort apaisée – Chronique d’une infirmière en soins palliatifs – E. et M. Gagnet 1
Accompagner jusqu’au bout
Le soutien d’une équipe
Comment accompagner un être cher
jusqu’à la mort lorsque l’on sait, lui le
premier, qu’il est atteint d’un mal
incurable ? Avec sensibilité et délicatesse,
Elise Gagnet raconte plusieurs fins de vie
à travers son expérience quotidienne
d’infirmière dans un service de soins
palliatifs. Sans tabou, avec humour parfois
et une grande humanité, elle aborde
toutes les questions qui naissent au cours
de cette période douloureuse et, à travers
ces chroniques, répond aux questions des
malades, des familles et des soignants.
Il faut de la force pour supporter autant de
douleurs, de deuils au quotidien. Il faut
aimer la vie doublement et vouloir en faire
profiter les patients jusqu’au bout. La
solidarité et le dialogue au sein de l’équipe
soignante
sont
plus
qu’ailleurs
fondamentaux, pour ne jamais laisser une
infirmière seule face à ses propres
angoisses, sa propre frayeur devant la
mort. Ici, les traitements sont décidés par
toute l’équipe médicale. Psychologues,
aides-soignantes, infirmières, tous sont là
pour aider le médecin à choisir le
traitement le plus adapté et la meilleure
façon de l’administrer.
La mort apaisée
Offrir aux patients le confort maximum
pour leurs derniers instants, effacer la
douleur, leur donner le temps, si précieux
à la fin, de dire adieu, de faire la paix avec
eux-mêmes et avec leurs proches, promet
une mort plus apaisée.
Envie de mourir ?
Si Elise Gagnet évalue à un sur trois, les
patients qui ont exprimé, dans des
moments d’intense douleur ou d’angoisse,
leur envie de mourir, si certains
supplient : « faites-moi une piqûre pour
que je meure… », elle témoigne que le
rappel de l’interdit, de la légalité, est un
moyen d’amorcer le dialogue avec le
patient, de le pousser dans ses
retranchements. La demande finit toujours
par disparaître quand la personne est
soulagée
physiquement
et
psychologiquement. « Ce n’est pas la
peur du gendarme qui me retient de
donner la mort, mais la conviction
profonde qu’il y a d’autres solutions. »
Quand le contact humain prime sur la
technique, au delà de la thérapie, offrir son
temps et sa patience aide les familles
exténuées par une prise en charge lourde
et difficile. Il est possible de rendre à
l’homme sa dignité ultime. Ce livre
lumineux en est le témoignage.
1 – La mort apaisée – Chronique d’une
infirmière en soins palliatifs, Elise et Michaëlle
Gagnet, Ed. de la Martinière, Octobre 2007.
Lettre mensuelle gratuite, publiée par la Fondation Jérôme Lejeune – 37 rue des Volontaires, 75725 Paris cedex 15.
Siège social : 31 rue Galande, 75005 Paris - www.genethique.org – Contact : [email protected] - Tel : 01.44.49.73.39
Directeur de la publication : Jean-Marie Le Méné - Rédacteur en chef : Aude Dugast - Imprimerie PRD S.A.R.L. – N° ISSN 1627 - 4989
Gènéthique - n° 97 – janvier 2008
Gènéthique - n° 97 – janvier 2008
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