LA MORT CHEZ LES DAZA DU NIGER Catherine BAROIN RÉSUMÉ Les Daza du Niger, pour enterrer leurs morts, se.confonnentaux prkceptesde fislain adopt6s depuis longtemps par toutes les populations pastorales de la zone saiharosahklienne. Ces rites tranchent, par leur sobriCt6, avec la richesse de ceux qui s'obsetvent chez les populations animistes du sud du bassin du Tchad. Pour les interprkter, on ne peut quese n5fCrer aux grilles classiques d'analyse des rites de passage. Mots-clds :Daza, funCrailles, islam, religion. ABSTRACT DEATH AMONG THE DAZA OF NIGER To bury theirdeads, the Daza of Niger follow the islamic rules which were adopteda long time agoby all the pastoral peoplesof the saharo-sahelian zone. These sober rites stand in sharp contrast with the very elaborate ones which can be seen among the animistic populations of the southern Chad basin. Their interpretation refers to the classical analysisof rites of passage. Keywords :death, burial,Daza, Niger, Tubu, Islam. * * * L'opposition assez vive qui s'observe, dans le bassin du Tchad, entre les populations du nord, pastorales, nomades et islamisees et celles du sud qui vivent surtout d'agriculture et sont, pour nombre d'entre elles, encore animistes, se retrouve comme on pouvait s'y attendre,dans le domaine des rites funetaires. Chez les Daza du Niger, musulmans, eleveursde bovins et de dromadaires la limite sud du desert, au nord-ouest du lac Tchad, le hasard me rendit bien vite temoin d'un d6c6s. 5 décembre 1971 Wozina, sœur du chef du campement et mere de sept enfants, a accouch& ce matin d'une petite fille. Mais elle est bient6t prise de vertiges et de nausks. Aprb l'avoir allongCe sur le flanc, on lui introduit la tête dans un mortier pour rem&dierau vertige. Des brins de doum (dB O s O ) lui serrent le haut des bras, des coudes, les chevilles et le dessous des genoux. A l'aide d'une th6i&re,une voisine lui fait boire tour B tour divers breuvages. D'abord c'est de l'eau de gwo r (y i gwo r ) . Il s'agit d'un melange d'eau (y i) et de gousses pilCes d'Acacia arabica (gwoI) -ces mêmes gousses qui servent B tanner les peaux. Ensuitela malade avale de l'<<eaunoire>>(y i y a s ko), eau de rinçage des tablettes de bois sur lesquelles ont 6t6 ecrits des versets du 188 Coran B l'encre noire, puis de l'<<eau blanche>> (y i c ow), melange de petit lait et de farine de mil crue, donne en rem&de contreles vertiges. La patiente, poux vomir, enfonce ses doigts au fond de sa bouche. On fait bdler aupr$s d'elle des bois odorants achetes au mach6 (O I nd et j a O ) dont la fum& r6pand sous la pdlllotte une odeur d'encens. Contre les vertiges et les maux de cmur encore, un liquideblanc est vers6 dans son nez. C'est un m&age de petit lait et de petites graines noires (ws 1 O ) achetees au marche. Son visage est rafratchi avec de l'eau, puis on lui fait boire un m6lange d'eau et de petit lait. Les femmes incessrnent la questionnent sur son etat. Quatre lem6s (ma a 1 1 aa ) entrent sous la pdllotte et prononcent des priihes sur la malade en faisant <<put! put !Bdans sa direction apr&schaque phase, tandis qu'une ch&vreest 6gorgeel'exterieur.L'une des femmes commence b creuser untroudelrrihre la malade : en effet, lorsqu'une accouch6e souffre de vertiges et de mauxde ventre, un remMe habituel consiste B la placer dam un trou, assise sur les talons et les mains sur les genoux, puis B la recouvrir de sable jusqu'au cou. Mds Wozina est trop mal en poiat pour que l'on ait recours B ce traitement. Le trou.est abmdomC. Contre les nausees toujours, on lui fait boire de l'eau pimentee, melange de farine .crue, d'eau, de petit lait et de beaucoup de piment. On l'oblige encore B ingurgiter du petit lait, B respirerdes parfums. Le Coran est suspendu au-dessus de sa tete et un talisman coranique(me s ks 9 ) noue dans ses cheveux. Pleines de sollicitude, les femmes font boire B la malade une boisson nouvelle sit6t qu'elle a vomi la pr$c$dente. Quatre hommes sont venusprier et beaucoup de femmes sont entrees dans la paillotte.Une grande natte (ko f u r ) a Ct6 dressee devant le lit pour permettre la presence sirnultanCe de deux lem& et de lems beHes-m&res.La fafiha est prononc Puis les hommes s'en vont dnsi que la plupart des femmes. Vers minuit je retourne sous ma tente. A deux heures du matin, nous sommes r6veilEs par des pleurs et des cris perpcants. Ils proviennent d'un groupe de femmes et d'enfants assis 2 l'en&& de la pdllotte de Wozina. Ces cris de mort, aigus, sont abominables. Nous entrons. Il y a beaucoup de femmes et d'hommes b l'intêrieur, autour de la mourante. On cherche b fermer ses yeux qui restent ouverts, on passe le doigt sous ses narines pour sentir si elle respire encore, on lui prend les poignets,tate les temremonte la rnilchoire inferieurepour que la bouche h peu. Je me fais ne reste pas ouverte. rhs la mort,tousseretirentpeu chsser par l'unedesfemmesd'ilge mOr qui, seules,restent B l'int6rieux avec la morte. Quelque temps plus tard, l'une de ces trois femmes m'invite B revenir sous la paillette wxr il fait Roid dehors. Beaucoup de femmes s'y trouvent dejh. Le coqs est allong6 par terre le long du lit c6tC nord, la tete vers le su (commeplus tard dans la tombe). Il est roule dans une couverture et recouvert d'un tapis de peauxde chhres (de 1 ay ). Seuls les cheveux depassent. Deux vieilles en dêfont les tresses. Pour un homme on raserait le cr%ne.Inlassablement, le corps est masse, les bras et les jambes plies et depllies p u r Bviter leur raidissement. En effet, le corps doit rester souple jusqu'b l'enterrement, quin'aura lieu qu'en fin de matinCe. Contre le 189 raidissement aussi, du beurre fondu a et6 verse, B deux reprises, dans le nez de la d6funte. Ces operations sont accompagnees, longtemps, de pleurs et de chants funkbres. Puis le calme se fait peu B peu. La fille aîn& de Wozina, qui pleurait toujours au dehors, est ramenee B l'interieur par une vieille parente qui lui met la main sur la bouche et la gronde : <<A quoi bon pleurer ?B.La paillotte est remplie de femmes couchees par terre ou sur le lit, souvent avec unenfant en bas fige. Elles y resteront jusqu'au matintandis que deux vieilles femmes continuent de masserle corps de la morte, de plier et deplier ses membres. Cependant, un hommeest parti B cheval vers un campement au sud pour annoncer le deces, tandis qu'un autre B dos de chameau vers le nord accomplissait la m&me mission. Il importe en effet que l'assistance soit nombreuse B l'enterrement. A l'aube, un homme de la famille a prisles mesures de la morte avec une corde et s'en est alle avec trois autres hommes creuser la tombe. L'emplacement est choisi de preference il proximite d'autres tombes. Il peut y avoir autour d'un campement plusieurs sites mortuaires, dans des zones broussailleuses, car les branches d'epineux sont utilisees pour recouvrir les tombes en prevention des predateurs. L'orientation par rapport au campement est indifferente et la distance peut &tre assez faible. Dansle cas present elle n'excede pas une centaine de mktres. L'emplacement retenu est balaye et un rectangle trace sur le sol, de guEre Au plus d'un mktre de large et de longueur' suffisante, en direction nord-sud. moyen d'une pelle ce rectangle est creuse sur une profondeur de 50 cm environ, puis un second trou de moindre largeur (35 cm) est creuse au fond dupremiersur le cGtC est. C'est lii .que viendra loger le cadavre, B une profondeur totale d'un m&re environ. Le sable tire du trou est verse sur les cGt6s est et ouest de la tombe. Des branches de bois d'un mktre de longueur sont rassemblees et posees au nord du trou, de meme que des tiges fraîches de g? 3 i (Panicum turgidum). Un homme apporte la paille d'une vieille paillotte effondree et deux femmes deposent sur place leurs canaris d'eau. Cependant on -procede B la toilette mortuaire. Dans un espace interieur limite, sous la paillotte, par une natte et une couverture, il l'abri des regards, de vieilles femmes font une premikre toilette mortuaire : au-dessus d'un trou creuse dans le sol de l'habitation, elles lavent B l'eau chaude tout le bas du corps, depuis les hanches. En m&me temps, un abri provisoire est construit au dehors prks de l'entrk de la paillotte, du c6te nord-est. Dans cet abri la vieille esclave de la famille qui proc&deraB la toilette mortuaire a creuse un trou qu'elle a recouvert de tiges de g? H i (Panicum turgidum). Un groupe de femmes est assis prks dela paillotte de l'autre c6t6 de l'entrk, au sud-est. Un paravent installe entre elles etle seuil de l'habitation masque les leur part, sont absents B operations B leursregards.Leshommes,pour l'exception de deux vieillards qui, prks d'une tente voisine, cousent le linceul de percale blanche ainsi que le gant utilise pour les dernikres ablutions. Les femmes qui prksident B la premiere toilette mortuaire enveloppent le corps de son vêtement puis d'une couverture et le portent dans l'abri au dehors. AussitGt une couverture est abaissee pudiquement sur l'entree de ce lieu où sont prodigues les derniers soins. Un savon, un canari d'eau chaude, le limceul et le gant de percde sont introduits dam l'abri. Le gant est nou$ B la main gauche de la morte pour qu'elle fasse ses ultimes ablutions (lavage du sexe et des fesses) puis il est jet6 dans le trou. Le corps est lave au savon et B l'eau chaude, parfumb, puis revCtu de v$tements propres. La tete est couverte d'un mouchoir de tete noue sous le menton. La depouille ainsi propre et v&ue est introduite dans le linceul, lequel est roule dans une natte. A l'ext6rieur de l'abri9 les hommes fabriquent un brancard de fortune B l'aide de trois poteaux et de cordes. Ilis placent dessus une natte rectangulaire prrCalabErlernent rnouillde et apportent cette civiere aupr&sde l'abri. Le coqs y est plac6. Les hommes prononcent la pri&re z e k e a puisemportent le cadavre en cort&gevers la tombe, suivis de trois femmes portant chacune un canari d'eau. Les autres femmes, qui restent sur glace, reprennent alors grand bruit leurs pleurs et leurs chants fun2bres. Di3 le depart des hommes, l'abri ayant servi B la toilette mortuaire est d6monte. A quelque distance de la tombe, les hommes posent le corps sur le sol dans le s e s nord-sud, la Gte vers le sud. Ils s'alignent il son c4t6, B I'ouest, et prononmnt h trois reprises, debout, la pri&rejenesz a . Le corps est ensuite porte pr&sde la tombe, côte est, et introduit au moyen de cordes dans la partie la plus profonde du trou, la t6te vers le sud. Les morceaux debois prt5alablement rassembles sont places lateralement dans la partie la moins creuse de la tombe, formant l'armature d'un toit au-dessus du corps. Cette armature est recouverte des deux nafies, celle dont etait emoul6 le cadavre et celle qui formait le brancard. Du sable mouill6 de l'eau des canaris est vers6 sur ces nattes, puis les tiges fraîches de g 'iX i (Panicum furgidum) et la paille grise #une vieille paillotte desaffect placees en attente au nord de la tombe, sont dispodes par dessus. Ces VC x, B leur tour,sont couverts de sable mouille pris du côte est de la tombe, puis de sable sec pris sur le cQt6 ouest. Le lettre musulman le plus reput6 s'accroupit au sud de la tombe tandis que Iles autres hommes font de meme tout autour. Le lettre sdsit une hache B deux m d m et la passe h son voisin vers l'est, laissant traîner le fer de la hache sur Ie sable. Passe$ ainsi de mains en mains, cette. premi&rehache fait trois fois le tour de la tombe, suivie d'une seconde. L'objectif de cette operation ger la s6pulmre des hyenes et des vautours. Dans le m & but, ~ cette dern2re est recouveae de branchages epineux par trois des assistants tandis que les autres hommes, toujours accroupis, prononcent lafatiha. Tous ensuitereviennent au campement OG des preparatifs culinaires ont d$j& cornmen@$. Les hommes s'accroupissent en groupe auprb de la tente voisine de puis viennent l'habitation de la morte. Ilsprononcentplusieurspri&res prksenter Beurs condol6ances aux parents les plus proches de la d6finte. La formule cormsacr$e est << i n a ...d i na>>.Puis chacun va de son côte. Une tr&s vieille femme, chez la morte, confectionne des boulettes B base de farine de mil m e et d'eau qu'elle donne ou fait porter B chaque femme prCsente dans le campement. Cette distribution est repetee lors desceremonies comm6rnoratives ult6rieures (s adaga). Elle rappelle celle qui se produit 2 l'occasion des mariages (Baroin 1985 : 314 et 318). ,. ' k- 191 Les visiteurs depuis le matin sont arrives de plus en plus nombreux. Ils se repartissent par groupes d'hommesou de femmes entre les diverses tentesdu campement.Commelescapacitesd'hebergement sont insuffisantes, une tente supplementaire est monb5e B leur intention. Regroupes ensemble, les lettres psalmodient des versets du Coran. Cependant les preparatifs du repas mortuaire vont bon train.La famille dela defunte y pourvoit .pour l'essentiel. Une chevre est kgorgee, des beignets de mil ( j ogora) sont preparks ainsi que les plats demil ( t i i ) habituels. Partout on boitle the. En fin d'aprh-midi un groupe d'hommes repart B cheval versun campement voisin tandis qu'un petit groupe de femmes venues de plus loin s'approche B dos d'tines. Les cris de deuil et les chants funebres reprennentB leur arrivee.A la tombee de la nuit, les hommes sont nombreux B se lieu demosqu6e, rassemblerpour prier dansl'enclosd'epineuxquitient lequel est vide d'habitude. . . Les visiteurs se suivent ainsi, par .groupes le plus souvent, pendant cinq jours et les quantites de nourritureprepareespoureuxsontenormes.A chaque nouvelle visite, les femmes. entonnent brievement des chants funkbres d'une grande beaute. Mais elles poussent surtout leurs cris rituels de deuil, tri% aigus, et sinistres B vous glacer les veines. Aussi, B mesure que les uns puis les autres repartent, ces cris se font plus rares et l'atmosph&repeu B peu se detend. Une premiere ceremonie cornmernorative ( s adaga) a lieu en principele septieme jour apres la mort.Dans le cas present, elle est avancee au quatrieme jour car le lettre qui preside la priere est presse de repartir. Un veau est tue, et B nouveau de nombreux plats de mil sont prepares pour les visiteurs, ainsi que des beignets demil (jO g o r a) et des boulettes de farine de mil sucree (bo € O 1 ow ) B l'attention des femmes et des enfants. Une troisieme c6rCmonie identique aura lieu quarante jours. apres la mort, puis une autre un an aprb le d6ci3.s. Lorsque c'est un homme qui meurt la ceremonie est identique mais ce sont des hommes, bien sOr, qui proc2dent B la toilette mortuaire. La veuve, en signe de deuil, change de coiffure. Ses deux grosses nattes medianes sont remplacees par une seule, comme dans le cas d'un divorce, les fines nattes laterales qui ceignent d'ordinaire le pourtour de la tete sont defaites et remplacees par d'autres, moins nombreuses et plus grossieres. Au bout de quarante jours la veuve reprend la coiffure habituelle des femmes mariees. En principe,.elle ne porte aucun bijou d'argent avant son remariage. Ces rites funeraires sont conformes aux preceptes de l'islam. En effet, le visage du mourant est tourne vers La Mecque, comme plus tard dans la tombe, son corps est lave, revetu de vetements et (ou) d'un linceul, l'enterrement a lieu le jour du deces ou le lendemain, des pri8res sont dites pr8s de la tombe, la terre n'est pas pressee sur le corps et un repas fun6raire est offert (Encyclopédie de l'Islam, art. Djanaza). Le rite malekite, qu'observent les Dazadu Niger, precise qu'il faut laverle cadavre un nombre de fois impair et l'envelopper dans un nombre impair de vetements. Il n'est pas certain, sur ce point, que la regle ait et6 respect&. I l convient aussi, selon ce rite, de pwfumer le mort (ce qui a et6 fait) et de le placer d m la tombe sur son c8t6 droit, le visage tourne vers La Mecque, ce qui revient iciB placer la tete vers le sud. Telle est bien l'orientation adoptee. Les .hn&ailles daza ne s'&atent du rite mal&ite que sur un seul point notable, celui des cris et lamentations qui sont en principe interdits (La Risala, ckap. 26). Chez les de la mQme region, oil j'eus l'occasion les chants de deuil et pleurs rituels n'ont d'assister h plusieurs enterrem pas toujours cours. 11 est vrai que l'influence des lettp$s musulmans est chez eux plus forte que chez leurs anciens maIres d a a . La r6ticence des lem& envers ces pratiques traditionnelles s'oppose B l'attitude plus conservatrice des f e m e s qui continuent, malgr6 cette d$sapprobation, B entonner pour quelques minutes leurs chants funkbres lorqu'elles arrivent en visite de COndol6mceS. La conformit6 des rites furahires dma avec I'islm ni'est pas surprenante, puisque ces pasteurs sont islamis&sdepuis plusieurs d6cennies. Cependant, s observations en 1972, les rkgles de l'islam n'&dent pas toutes avec la m&ne rigueur. Notamment, l'obligation de la prikre etait encore assez peu respect& par les femmes. Lorsqu'un groupe ethnique de culture non arabe se convertit B l'islam9les rites fun$raires musulmans bien &idemment tendent il supplanter les coutumes ant6rieures. Celles-ci resistent de façon variable selon les cas. On observe parfois une wIont.6 de dCmwcation des conceptions d'inhumation islamiques>),comme le note A. Holl dans les petites cites de la plaine au sud du lac Tchad B la p6riode dite <<islamique>> (XVe-XIXe si6clles) (Holl 1990 : 28) . Dans 16: cas des Teda-Bma (qu'on appelle aussi Toubou), les coutumes qui pr6valaient avant l'islam sont ton1Mes dans l'oubli. Elles ont $te, sembler cette nouvelle religion. De façon tr&s t-il, t&s rapidement gomm6es p significative, Jean Chapelle &rivait B cet egard en 1957 : "Si,pour ce gui touche B IQ vie, les Toubou ne suivent que de loin les P2gk.T de kl k?i ~ ~ 1 4 s u lil~Fnl'erL~ eStpi3.Y , de t&IW P O W la l?!.ol?.... '5% mol? appartient d Dieu et d l'lslamn, et si ceux qui l'ensevelissent s'6cartent parfiois des r$gles, c'est par ignorance. Les plus pieux les plus instruits dans la religion prennent possessiotz du cadavre" (1957 : 300). Les $l$ments de comparaison disponibles, pour l'ensemble ethnique toubou en $6neral, corroborent cette hypothkse. La conformite des rites fun6rdres il l'islam parait aussi gCn$rale qu'ancienne chez ces pasteurs s&aro-s&6liens. Les premieres observations sur ce sujet nous sont fournies par Charles et Marguerite Le "leur, ik propos des Teda du Tibesti en 1934 CWX 1950 : 166-167 et 202 ; Le Ceur 1955 : 199-206). Les pratiques fun6raires decrites par ces auteurs ne diff&rentguere de celles relate& cidessus, qui furent observees beaucoup plus au sud, chez les Daza du Niger, presque quarante ans plus tard. Il n'est pas jusqu'h la formule d'expression du deuil qui ne soit identique : les visiteurs dam qui pr6sentent leurs condoleances disent (< i ~1a .,.d i na>>tandis que selon Charles Le CEUT,au Tibesti, <<onquitte la tombe en disant : y i na d i na>>(Le Ceur 1950 : 167). Le sens pr6cis de cette expression n'a pas et&releve. Il ne semble pas qu'elle soit emprunt& B l'arabe, langue aussi ignor6edes Teda que des Dma. 193 Les Toubounesontpas la seule population saharo-sahelienne B avoir adopte d'emblee les pratiques funeraires musulmanes.II. en est de même des Touaregs, voisinsoccidentaux des Toubou et musulmans comme eux (Bernus 1981 :. 147). Les sedentaires des oasis, tels les Kanuri de Fachi, sont dans le mêmecas(Fuchs1989 : 272-277).Danstoute cette vaste region, l'islam a impose ses rites mortuairesdepuislongtemps. Au Wadaï, par exemple, ils etaient d6j8 respectes lors du passage de Nachtigal en 1873 (Nachtigal1971(4) : 194-195). Par contre, dhsqu'on sort du monde islamise, dans le temps (voir les donnks de l'archeologie) ou l'espace (ausud du lac Tchad), les rites funeraires sont trhs differents ainsi qu'en attestent de nombreuses communications du seminaire Mega-Tchad sur <<La Mort dans le bassin du lac Tchad>) publiees ici (voir textes de David, Dumas-Champion, Jouaux, Paris, van Beek, van Santen, Sterner) ou des travaux anterieurs des mêmes auteurs, pour ne citer qu'eux (cf. bibliographie). Penchons-nous pour finir sur l'interpretation que l'on peut donner des rites mortuaires islamiques tels qu'ils sont pratiques par les Daza. La mort &nt un passage par excellence, les rites mortuaires sont des ritesde passage et leur interpretation suit la grille de van Gennep, completde (pour ce qui concerne la mort) par L.V. Thomas dans son ouvrage Rites de mort: pour la paix des vivants (1985).Les rites funeraires islamiques (et daza) comportent donc les trois stades distingues par van Gennep .dans tout ritede passage : separation, marge, puis integration. Au stade de la separation s'ophre une sortede maternage du mort :veillee mortuaire et toilette.Mais ce maternage n'apour but que de mieux se separer du defunt. Ainsi la toilette mortuaire a-t-elle pour objectif d'eliminer la salete de la mort. Il s'agit de <<ritespurificatoires qui recouvrent des conduites d'evitement pour se protkger de la contagion de la mort>> (Thomas 1985 : 126). Le deuxihme stade, celui dela mise en marge du mwt, vise B le congedier de la communaute des vivants. Selon le schema g6nera1, ce deuxieme stade comprend en principe des rites de reclusion, des interdits et des sacrifices. Dans la ceremoniedaza,l'aspect sacrificiel est le plusmanifeste.Les sacrifices successifs, accompagnes de repas mortuaires pour les-visiteurs qui viennent presenter leurs condoleances, permettent une <<revitalisation collective compensatoire>>(Thomas 1985 : 127) des survivants. La th&tralisation- des emotions (chants et cris rituels de deuil) canalise les angoisses devant la mort et, par18, les allege.Aussi les manifestations spontanees non ritualisees de douleur sont-elles rapidement interdites : la fille de Wozina se fait gronder parce qu'elle pleure trop longtemps sa m&e. Les rites de reclusion, dans le rituel daza, sont peu marques. Le veuf doit simplement porterun turban, et la veuve adopte jusqu'8 la levk de deuil une coiffure particulihre.Leseul interdit mentionneci-dessus porte sur les bijouxd'argentde la veuve.Mais il enexisted'autresquin'ontpaset6 explicites tant ils sontCvidents :aucune rejouissance ne peut avoir lieu dans le cmprnent.frapp6 d'un d$c$s, jusqu'8 la %eV&du deuil. Les danses de jeunes filles n'auront pas cours et aucunmariage,bienentendu, ne sera ndant cette periode. Enfin, la c6~6mon.kcomm$morative qui prend place quarante jours ap&s l'enterrement, B la suite de laquelle la veuve reprend sa coiffure habituelle, correspond Ia phme finale des rites de passage, celle de I'intk permet P chacun de retrouver sa place. Cette c$r$monie est rCp6tke un an plus tard9 pour la demi&refois. La phase el'int6gration s'ophre donc dans le cas des sites mortuaires musulmans en plusieurs 6tapes. ue les %)amdu Niger, pour enterrer leursmorts, En bref, il qpar de l'islam adoptes depuis Pongtelnmps par toutes se.confsment aux la zone saharo-s&61iemea Ces rites tranchent les pspulatism pas ar leur ssbri6tB avec la richesse de ceux qui s'observent chez les ns mimistes du sud du bassin du Tchad. Pour les inteqr$ter, on ne se r6f6rer aux grilles classiques d'analyse desrites de passage. PARIS F., 1990. "Tombes d'Iwelen (Niger-Kir))",Journal des Africanistes, 60, 1 : 47-74. THOMAS, L.V., 1985. Rites de rzzsrt :pour la paix des Vivants,Paris, Fayard, 294 p.