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La récurrence des crises économiques au 19
ème
siècle a longtemps attiré l’attention des
économistes. Clément Juglar (1860), fût l’un des premiers à analyser les crises économiques dans
son ouvrage intitulé «Des crises commerciales et de leur retour périodique en France, en
Angleterre et aux Etats Unis ». La première moitié du 20
ème
siècle verra se développer une
multitude d’études empiriques. Durant les années 1920, Kitchin, utilisant des séries financières et
des indices de gros, distinguera les cycles majeurs (d’une durée de 10 ans) et les cycles mineurs
d’une durée de 3 ans (cycle Kitchin). En 1925, Kondratieff mettra en évidence des cycles plus longs
de prix de gros (durée de 50 ans). Schumpeter, systématisera le phénomène cyclique en présentant
une synthèse des fluctuations en termes de cycles emboîtés : chaque cycle Kondratieff contenant 6
cycles majeurs (cycles Juglar ou cycle des affaires) et ce dernier se décomposant en 3 cycles
mineurs (cycles Kitchin). L’étude empirique des fluctuations atteindra son apogée avec les travaux
du National Bureau of Economic Research (NBER) auxquels sont associés le noms de Burn et
Mitchell. Pourtant l’analyse des fluctuations restera longtemps hors du champs de la théorie
économique (les cycles sont alors exogènes). Ce sera cependant le prolongement dynamique de
l’analyse keynésienne (Kalecki, Kaldor), initié par Samuelson et Hicks à la fin des années 40, qui
sera la base des théories contemporaines des fluctuations économiques (les cycles sont alors
endogènes). Ce sont les déséquilibres des marchés (c’est à dire le fait que les prix et les salaires
n’égalisent pas les offres et les demandes de biens et de travail) qui seront à l’origine des
fluctuations économiques.
L’accumulation du capital joue un rôle fondamental dans cette dynamique, puisque
l’investissement est à la fois une composante essentielle de l’offre et de la demande. La dynamique
des déséquilibres engendrés par l’accumulation du capital – multiplicateur et accélérateur –
constitue l’un des aspects les plus caractéristiques du cycle économique. La dynamique des prix, en
réponse aux déséquilibres des marchés, constitue la seconde composante du cycle, dans les modèles
où les déséquilibres des marchés constituent le cœur de la dynamique. Si nous considérons trois
marchés - biens, travail et financier (titres ou monnaie) -, trois dynamiques de type prix-quantité
vont interférer avec le multiplicateur-accélérateur :
- l’ajustement des prix en fonction des déséquilibres offre-demande du marché des biens (Cobweb).
- l’ajustement du salaire en fonction de déséquilibres du marché du travail (courbe de Phillips) et
l’impact des variations de la répartition des revenus sur l’accumulation du capital (modèle de
Godwin, 1967).
- l’ajustement du taux d’intérêt en fonction des déséquilibres des marchés financiers et sa
rétroaction sur les déséquilibres du marché des biens (modèles IS-LM dynamiques).
Tableau 1 : Cycles et déséquilibres
Investissement Prix Salaire Taux d’intérêt
Accumulation du capital Multiplicateur Accumulation
répartition
Modèle de Godwin
Accumulation
Taux d’intérêt
Biens Accélérateur
Modèle de Samuelson,
Hicks, Kalecki, Kaldor
Cobweb
dynamique
Prix-quantité
Modèle de Kaldor
Modèle IS
Travail Courbe de Phillips Substitution
Capital travail
Marchés financiers
Modèle LM
Source : P.A MUET (1993)