BRÉSIL Danse liturgique à Mustardinha « Montrez-moi comment un peuple danse et je vous dirai si sa civilisation est malade ou en santé. » (Confucius) film, en abordant la question de la poursuite de la beauté comme rédemption d'une communauté appauvrie, pourrait évoquer, en fin de compte, la célèbre phrase de Nietzsche : « Je ne pourrais finalement croire qu’en un Dieu qui saurait danser ». Le professeur Gilbraz Aragão, du département de théologie de l’UNICAP, l’Université catholique de Pernambuco, à laquelle est rattaché également le jésuite d’origine québécoise Jacques Trudel, a publié un article sur un travail académique d’une de ses étudiantes, Angelica Souza. Il s’agissait en réalité d’une production vidéo présentant la vitalité de la danse liturgique dans la communauté paroissiale d’Angelica, celle de Mustardinha, où le père Trudel a œuvré durant de nombreuses années. De fait, c’est lui qui a introduit la danse liturgique à la fin des années 80. Voici quelques extraits de cet article. R Dans un cours de théologie de l’UNICAP, nous avons pu remarquer le sourire contagieux d'une fille belle et calme de Mustardinha : Angelica Souza. Angelica a présenté récemment un documentaire intitulé « Dança, Um Culto ao Sagrado » (La danse, un culte au Sacré), où elle met en lumière, par le biais de témoignages, le travail d’inculturation de la liturgie chrétienne animée par le père Jacques Trudel et d’autres intervenants, à la paroisse où elle vit, dans la périphérie pauvre de Recife. C’est une région riche pourtant en religiosité et culture afro, propre à Pernambuco. Le La vidéo d’Angelica révèle comment les gens du quartier, en liant le Sacré chrétien avec les traits de la culture « afrolatíndia », en apprenant à respecter et à assumer les valeurs « dansantes » qui courent dans leur sang, ont réussi à faire croître leur estime de soi et même à se découvrir aimés par Dieu dans leurs corps de Noirs et leurs mouvements rythmés d’afro-brésiliens. Le documentaire pose également la question de l’inculturation : une tradition religieuse réussit à s'incarner dans un groupe humain quand elle assume sa façon de vivre et de célébrer, en recréant son identité en dialogue avec les autres traditions, dans un processus que les spécialistes appellent le syncrétisme - et explique comment toutes les cultures du monde se développent. Le christianisme, qui nous est arrivé si blanc et hellénisé (malgré un Jésus qui « danse » dans les fêtes juives !) peut-il se refaire autour des tambours et des danses « noires » ? « Padre Jaime », comme il est connu et aimé dans le quartier de Mustardinha, est jésuite canadien et docteur en théologie. Sa thèse portait sur « Eucharistie et vie sociale ». Professeur dans plusieurs écoles théologiques de notre région, Jaime a été directeur du Département de théologie et de pastorale à l’UNICAP, président de 14 l'Association des liturgistes du Brésil et administrateur paroissial à Mustardinha, où il a été un pionnier dans l’instauration de la danse liturgique et l’incarnation de la messe dans la culture « brune » du peuple. Ce que les gens ont vécu à Mustardinha avec le P. Trudel – qui a les pieds bien plantés dans le sol de la périphérie de Recife et la tête au vent de l'Académie – fut un laboratoire d'expériences ecclésiales et spirituelles beaucoup plus large et complexe que ce qu'ils avaient eux-mêmes imaginé. Ils sont entrés dans leur histoire afin de rendre l'Eglise plus en mesure de rejoindre les gens, dans leur sensibilité culturelle, leur faisant sentir qu’ils sont touchés et aimés par Dieu dans leurs corps et leurs émotions. Le P. Jacques Trudel préside l’Eucharistie à Mustardinha. J’ai beaucoup d’estime pour l’expérience de Mustardinha, où j’ai beaucoup appris sur le mouvement d’évangélisation (…) un mouvement qui nous ouvre à un autre espace, celui d’un Sacré incarné. Gilbraz Aragão ■ Les photos sont de la journaliste Angelina Souza.