PELVI~ PÉRINÉOLOGIE S O M M A I R E VOLUME ISSN 1778-3712 ÉDITORIAL Délégation de compétence et pelvi-périnéologie ............................ 108 G. Amarenco ARTICLES SCIENTIFIQUES ARTICLES ORIGINAUX Modifications à court terme de la phase mictionnelle, induites par la bandelette sous-urétrale : TVT® vs TVT-O® ............ 110 A. Pigné, F.-A. Valentini, P.-P. Nelson La chirurgie des fistules anales n’a pas d’influence sur la latence distale anale motrice du nerf pudendal .................... 117 C. Thomas, F. Daniel, I. Etienney, P. Atienza Étude rétrospective portant sur 93 cas de prolapsus traités par plaque de Pelvicol® ............................................. 121 J. Mercky, A. Chami, V. Zerr, D. Collin CAS CLINIQUE Troubles sensitifs périnéaux par compression sacrée secondaire à un fécalome géant............................... 125 E. Guettard, P. Raibaut, C. Jacq, A. Terrier, G. Amarenco MISES AU POINT 2 • NUMÉRO Indications de l’opération de Malone ou dérivées chez le patient neurologique........................ 144 J.-H. Lefèvre, Y. Parc, R. Parc FORMATION MÉDICALE DOSSIER THÉMATIQUE Hormones et continences Incontinence urinaire et ménopause : données épidémiologiques................... 149 B. Fatton Estrogènes et fonction ano-rectale ....... 156 L. Siproudhis, A.-S. Thirouard, M. Eléouet Estrogènes et fonction vésicale ............ 159 X. Gamé, J.-F. Arnal, P. Rischmann, B. Malavaud Estrogènes et fonction urétrale ............ 164 F. Demaria, B. Boquet, J.-L. Benifla Vrais et faux bénéfices et risques des traitements hormonaux de la ménopause...................................... 168 C.-G. Jamin FOCUS La proctalgie fugace : restons zen... ..... 175 V. de Parades, I. Etienney, P. Bauer, P. Atienza 2 • JUIN 2007 PRATIQUE MÉDICALE Le bloc pudendal : technique d’analgésie postopératoire en chirurgie proctologique........................ 180 B. Vinson-Bonnet Traitement médical de l’hypoactivité vésicale .............................................. 184 M. de Sèze, P. Grise , M.P. de Sèze, J.-B. Roche, E. Shao , P.-A. Joseph RECOMMANDATIONS Recommandations pour le suivi des vessies neurologiques dans la sclérose en plaques ......................... 193 M. de Sèze, A. Ruffion, P. Denys , B. Perrouin-Verbe , les membres du Genulf PERSPECTIVES Les ballonnets ajustables (ACT®) périurétraux pour le traitement de l’incontinence de la femme ................. 198 L. Le Normand CONGRÈS L’essentiel du 100e Congrès de l’Association française d’urologie 29 novembre-2 décembre 2006 (Paris).. 203 J.-F. Hermieu Les dyssynergies urétrales ................... 128 J.-M. Soler Maladie de La Peyronie : connaissances validées et hypothèses en physiopathologie, épidémiologie, diagnostic et thérapeutique ................. 135 N. Morel Journel, A. Ruffion, J.-L. Campos-Fernandes, F. Grima, A. Leriche Les instructions aux auteurs de la revue PELVI~PÉRINÉOLOGIE sont désormais disponibles sur le site Springer à l’adresse suivante : www.springer.com/11608. De plus, à compter de ce numéro, les auteurs ne recevront plus de tirés-à-part gratuits de leur article, en revanche, un exemplaire de la revue leur sera adressé gracieusement. Pelv Perineol (2007) 2: 108–109 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0127-z ÉDITORIAL / EDITORIAL Délégation de compétence et pelvi-périnéologie G. Amarenco Service de rééducation neurologique et d’explorations périnéales, hôpital Rothschild, APHP, Paris, France Crise des vocations médicales (contexte économique oblige...), effet pervers (et attendu...) du numerus clausus, diminution du temps de travail, augmentation des files actives de patients, désaffection pour certaines spécialités peu lucratives, trop contraignantes ou trop risquées sur le plan juridico-financier, tout conduit à une diminution du temps médical et ainsi à une diminution de l’offre de soins. Qui plus est, les lourdeurs réglementaires de la profession médicale, l’importance grandissante de la gestion médico-administrative, la prise en compte d’éléments non médicaux (environnementaux) souvent nécessaires à la prise en charge, l’appréciation de la dimension sociale, sont autant de facteurs supplémentaires à la dispersion temporelle de nos activités spécifiquement médicales, et ce quels que soient nos modes d’exercice, privé ou public. La pelvi-périnéologie est tout particulièrement confrontée à ce problème en raison de l’absence de formation spécifique et d’un nombre de spécialistes limité, qu’ils soient médecins ou chirurgiens. La « délégation de compétence » est-elle dès lors une solution ? Sans équivoque, oui. Et cela fait bien longtemps que nous l’avons compris et expérimenté. Le travail collaboratif avec d’autres professionnels de santé, au premier rang desquels figurent kinésithérapeutes, infirmières, sages-femmes et psychologues, permet une meilleure répartition des tâches et in fine une meilleure prise en charge. Mais notre « science médicale » n’est pas déléguée à ces professionnels. Elle est simplement partagée, puisque dans leur cursus d’études, des éléments de diagnostic, d’évaluation et de traitement sont appris et sanctionnés par des examens spécifiques (diplôme d’État), gages de crédibilité, de sécurité et d’efficacité. Tout le monde connaı̂t en pelvi-périnéologie le rôle thérapeutique des kinésithérapeutes, l’apport diagnostique des sages-femmes, le rôle clé des infirmières dans l’évaluation globale du patient. Les nouvelles réformes augmentent encore le rôle de ces professionnels de santé (prescription des sondes par les infirmières, détermination des modalités de rééducation par les kinésithérapeutes...). Pourtant cela ne suffit pas, car d’une part nous fonctionnons déjà comme cela depuis des années et ce mode de fonctionnement n’a pas pour autant permis d’augmenter notre temps médical ; et d’autre part, car de réels et spécifiques domaines de nos activités médicales peuvent en effet être transférés sur ces professionnels de santé. Diagnostic des maladies, évaluation des conditions pathologiques, suivi de l’évolution clinique des affections chroniques, actions thérapeutiques et ajustement des traitements, dépistage des complications y compris iatrogènes, éducation du patient, toutes ces composantes de la prise en charge médicale peuvent être ainsi, en partie ou en totalité, déléguées. En matière de pelvi-périnéologie, de nombreux services hospitaliers ont déjà passé ce cap en confiant de véritables consultations d’incontinence à certaines infirmières triées sur le volet : – évaluation de l’incontinence et de son retentissement ; – mise en place de traitements (autosondages, stimulation périphérique) et contrôle de ceux-ci ; – éducation du patient ; – réalisation de bilans diagnostiques (urodynamique, neurophysiologique, radiologique) ; – formation de personnel. Bien évidemment, ce type d’activité se doit d’être extrêmement encadré tant sur le plan réglementaire qu’organisationnel, avec un contrôle médical permanent permis par un feedback constant de ces personnels, par une sélection de ces derniers et un travail fondé sur des guidelines très précis. Dans ces conditions, et seulement si celles-ci sont respectées, du temps médical pourra être récupéré et utilisé au mieux pour d’autres activités, notamment diagnostiques. 109 Mais il faut valoriser ce personnel : des valorisations financières et statutaires sont bien évidemment indispensables, mais une reconnaissance universitaire éventuelle pourrait être aussi une manière de mettre en exergue ces activités et de constituer un mode de validation aisée à mettre en place. Il faut nous engager dans ce processus et ce à toutes les étapes : expérimentation sur le terrain, formation de formateurs, validation des tâches proposées. La pelvi-périnéologie se prête idéalement à de telles expériences. Profitons-en. Ne laissons pas passer une chance d’optimiser nos activités de soins et d’améliorer ainsi la qualité de la prise en charge offerte aux patients. Pelv Perineol (2007) 2: 110–116 Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-128-y © ARTICLE ORIGINAL / ORIGINAL ARTICLE Modifications à court terme de la phase mictionnelle, induites par la bandelette sous-urétrale : TVT® vs TVT-O® A. Pigné 1 , F.-A. Valentini 2,3 , P.-P. Nelson 3 1 2 3 CEEG, Paris, France UMR S 731 Inserm-université Pierre-et-Marie-Curie, Paris-V, France Groupe hospitalier Charles-Foix-Jean-Rostand, 39-41, rue Jean-Le-Galleu, 94200 Ivry-sur-Seine, France Résumé : Objectif : Comparer les modifications de la phase mictionnelle induites par la pose d’une bandelette sousurétrale, TVT® ou TVT-O®, pour traitement d’une incontinence urinaire d’effort (IUE). Patientes et mé thodes : Parmi 44 patientes présentant une IUE, 22 ont bénéficié d’un TVT® et 22 d’un TVT-O®. Un examen clinique et un bilan urodynamique étaient réalisés en préopératoire et à un mois postopératoire. L’analyse modélisée des débitmétries libres était effectuée à l’aide du modèle de miction VBN® pour rechercher une obstruction constrictive ou une béance urétrale, caractérisée par le paramètre g, ou une compression locale, caractérisée par le paramètre g. Ré sultats : En postopératoire, le débit maximum décroı̂t de manière significative : groupe TVT® : 29 14 vs 35 10 mL/s, groupe TVT-O® : 23 12 vs 33 13 mL/s et des modifications notables de la forme de la courbe de débit sont observées, plus fréquentes après TVT-O®. En préopératoire, la mécanique urétrale était affectée par le paramètre g (constriction ou béance) ; en postopératoire, ce paramètre g reste inchangé, mais une compression était mise en évidence dans 18 dossiers TVT® (g = 11,0 6,7 cmH2O) et 12 dossiers TVT-O® (g = 15,2 10,1 cmH2O). Conclusion : Les bandelettes TVT® et TVT-O® produisent des effets comparables sur la mécanique de la phase mictionnelle. La modélisation permet, par simulation d’hypothèses physiopathologiques, d’identifier et de quantifier une compression urétrale induite par la bandelette. Ce phénomène est plus fréquent après TVT®, mais d’amplitude plus grande après TVT-O®. Cette différence pourrait être due à la différence des trajets ; une étude sur l’effet à plus long terme du TVT-O® est en cours. Mots clés : Débitmétrie – Bandelette sous-urétrale – Incontinence urinaire d’effort – Modèle mathématique Comparison of short-term changes induced by suburethral tapes (TVT® and TVT-O®) in the voiding phase Abstract: Objective: Our purpose was to compare changes in the voiding phase following the cure of stress urinary incontinence (SUI) with one of the two devices, TVT® and TVT-O®. Methods: Among 44 women presenting with SUI, 22 (mean age 56.4 y) underwent a TVT® and 22 (mean age 54.8 y) a TVT-O® procedure. They add physical examination and urodynamic tests before and at 1-month after surgery. A modelled analysis of free uroflow was performed using the VBN® micturition model. A constrictive obstruction or gaping urethra was characterized by parameter g and local compression by parameter g. Results: Maximum flow rate decreased significantly after surgery: TVT® group: 29 14 vs 35 10 mL/s, and TVT-O® group: 23 12 vs 33 13 mL/s. The shape of the flow curve was significantly changed; prolonged flow rate and polyphasic curves were more frequent after the TVT-O® procedure. Preoperatively, the urethra was affected by constrictive obstruction or gaping. Postoperatively, g remained unchanged; additional compression appeared in 18 TVT® files (g = 11.0 6.7 cmH2O) and 12 TVT-O® files (g = 15.2 10.1 cmH2O). Conclusion: TVT® and TVT-O® tapes appear to have similar effects on the mechanics of the voiding phase. By simulating pathophysiological hypotheses, modelling makes it possible to identify and quantify the occurrence of urethral compression induced by the tape. This phenomenon was more frequent in the TVT® group, while its magnitude was higher in the TVT-O® group. The reason for the difference could be the position and direction of the tape. Extended follow-up of TVT-O® patients is in process. Keywords: Free uroflow – Suburethral tape – Stress urinary incontinence – Mathematical model Introduction Les bandelettes sous-urétrales sont très largement utilisées pour le traitement chirurgical de l’incontinence urinaire d’effort. Les premières bandelettes, TVT® (tension-free vaginal tape), ont été mises en place par Ulmsten [1]. Pour Correspondance : E-mail : [email protected] ; Tél. : +33 1 49 59 71 33 ; Fax : +33 1 49 59 71 42 111 pallier les risques présentés par cette technique, Delorme a proposé une modification technique [2] ou TOT (transobturator tape) consistant à introduire la bandelette à travers les trous obturateurs (de dehors en dedans). Cette technique pouvant elle aussi occasionner des lésions vésicales et urétrales [3], de Leval [4] a développé une procédure, TVT-O® (de dedans en dehors), permettant d’éviter l’espace pelvien. Chacune de ces techniques conduit à un taux élevé de succès pour le traitement de l’incontinence urinaire d’effort (IUE) et a pour objectif de restaurer un point fixe à la jonction tiers moyen - tiers distal de l’urètre. Il est admis que la continence résulte alors des mouvements de rotation de l’urètre autour de ce point fixe [5] ; ces mouvements peuvent aussi avoir pour conséquence des modifications de la phase mictionnelle. Dans une étude récente [6], il a été montré que le TVT® induit une obstruction dynamique caractérisée par une compression de l’urètre sur la bandelette. Le but de cette étude est de comparer les modifications de la phase mictionnelle induites par les bandelettes TVT® et TVT-O® après traitement de l’IUE. Population et méthodes Population Quarante-quatre patientes ont bénéficié d’une cure d’IUE par pose d’une bandelette sous-urétrale (GynecareTM). Pour 22 patientes (âge moyen 56,4 10,9 ans), il s’agissait d’un TVT® ; pour les 22 autres (âge moyen 54,8 11,4 ans), il s’agissait d’un TVT-O®. Le geste opératoire était réalisé par le même chirurgien (AP). Étaient exclues de l’étude les patientes présentant un prolapsus de grade supérieur à II. Toutes les patientes ont eu une évaluation incluant examen clinique et bilan urodynamique (chaı̂ne Sedia®) en préopératoire et à un mois postopératoire (certaines, au moment de l’étude, avaient un suivi de trois à dix mois). La parité était comparable dans les deux groupes (2,0 1,2 vs 2,0 1,0). Cinq patientes du groupe TVT® et trois du groupe TVT-O® avaient un antécédent de chirurgie pelvienne. Mé thodes L’analyse modélisée des débitmétries libres (DL) a été réalisée à l’aide du logiciel VBN®. Ce logiciel permet l’utilisation avec un court temps de calcul du modèle mathématique VBN® de la miction [7] ; ce modèle est une description mathématique des phénomènes physiologiques ayant lieu pendant la miction. Le modèle permet de calculer des courbes mictionnelles théoriques : débit et pression détrusorienne en fonction du temps. Deux paramètres décrivent l’état de l’urètre chez la femme : le premier, g, caractérise la surface de section efficace de l’urètre : g = 1,0 chez un sujet normal, g < 1,0 s’il existe une obstruction constrictive (réduction de la surface de section) et g > 1,0 s’il existe une béance urétrale ; le second g (exprimé en cmH2O), permet de décrire une compression locale s’exerçant sur l’urètre. La force exercée par le detrusor est caractérisée par un paramètre de force k : un detrusor normal aura 1,0 pour valeur de ce paramètre. Chaque miction dépend des paramètres urétraux, du paramètre détrusorien et de paramètres circonstanciels (décroissance ou arrêt de l’excitation du detrusor, retard d’ouverture ou relaxation incomplète du sphincter...). L’analyse consiste à obtenir une superposition des courbes enregistrées (débit et pression du detrusor) et des courbes calculées avec une erreur quadratique inférieure à 2 %. Dans cette étude, seules les débitmétries libres étaient enregistrées, l’analyse a donc été réalisée en supposant un detrusor normal (k = 1,0). La Figure 1 décrit l’effet d’une obstruction urétrale (constriction ou compression) et d’une décroissance de l’excitation du detrusor sur la débitmétrie. La Figure 2 montre l’effet d’une obstruction urétrale sur la mécanique urétrale. Afin d’augmenter la précision des analyses, les deux versions du logiciel, version de base et version automatique, ont été utilisées. La version de base requiert une analyse pas à pas : l’investigateur teste successivement diverses hypothèses. La procédure d’analyse est décrite en Annexe ; un exemple est donné en Figure 3. La version automatique test, sans intervention de l’investigateur après initialisation des calculs, les diverses hypothèses concernant l’obstruction urétrale et donne les valeurs des paramètres urétraux conduisant à la meilleure concordance des courbes. Les critères d’exclusion des courbes pour l’analyse sont un volume mictionnel inférieur à 100 mL ou/et une interruption du débit. La présence d’artefacts peut également conduire à éliminer un certain nombre d’enregistrements. Analyse statistique Pour l’analyse statistique, le test t et le test paramétrique de Wilcoxon ont été utilisés. Une valeur de p inférieure ou égale à 0,05 était considérée comme significative. Résultats Le débit maximum Qmax décroı̂t de manière significative après chirurgie dans les deux groupes : 35 10 vs 29 14 mL/s dans le groupe TVT® (p = 0,05) et 33 13 vs 23 12 mL/s dans le groupe TVT-O® (p = 0,001) alors que les volumes urinés étaient semblables. Le volume résiduel Vr augmente en postopératoire mais seulement de manière significative dans le groupe TVT-O® (p = 0,029). Ni la pression de clôture pclot, ni la longueur fonctionnelle urétrale LFU ne sont modifiées par la chirurgie dans les deux groupes. Ces résultats sont regroupés dans le Tableau I. 112 OBSTRUCTION CONSTRICTIVE NORMAL Q mL/s Pcm H2O Q mL/s Pcm H2O 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 5 10 15 20 25 30 35 0 s OBSTRUCTION COMPRESSIVE 10 15 20 25 30 35 s 40 γ = 10 cm H2O cassure à tc = 5 s 30 30 20 20 10 10 5 5 Q mL/s Pcm H2O 40 0 0 CASSURE D'EXCITATION DU DETRUSOR Q mL/s Pcm H2O 0 g = 0.5 10 15 20 25 30 35 0 s 0 5 10 15 20 25 30 35 s Fig. 1. Calculs théoriques des courbes de débit (trait continu) et de la pression détrusorienne (tirets) pour un volume vésical initial de 300 mL (sujet féminin). En haut à gauche : cas normal ; en haut à droite : obstruction constrictive (réduction de la surface de section efficace de l’urètre) avec g = 0,5 ; en bas à gauche : obstruction compressive avec g = 10 cmH2O ; en bas à droite : cassure de l’excitation du détrusor après cinq secondes surface de section de l'urètre surface de section de l'urètre COMPRESSION CONSTRICTION pression d'ouverture g = 1.0 γ=0 g = 0.5 γ = 20 cm H2O 0 0 40 cm H2O 40 pression du detrusor 80 pression du detrusor Fig. 2. Effet d’une obstruction sur la mécanique urétrale. Une obstruction compressive (paramètre g) diminue la surface de section de l’urètre mais conserve la pression d’ouverture. Une obstruction compressive (paramètre g) ne modifie pas la surface de section mais augmente la pression d’ouverture Tableau I. Données urodynamiques avant et après mise en place d’une bandelette sous-urétrale, TVT® ou TVT-O®, pour traitement d’une incontinence urinaire. Une valeur de p inférieure ou égale à 0,05 est considérée comme significative Qmax mL/s Vu mL Vr mL pclot cmH2O LFU mm Avant TVT® Aprè s TVT® p Avant TVT-O® Aprè s TVT-O® p 35 10 446 197 44 107 51 26 35 12 29 14 397 210 64 91 46 17 34 9 0,05 0,33 0,46 0,17 0,91 33 13 373 223 49 59 48 24 38 11 23 12 363 192 132 195 41 9 40 9 0,001 0,96 0,029 0,14 0,82 La forme de la courbe de débit est notablement modifiée (augmentation de la durée du débit ou courbe quasipolyphasique) en postopératoire (Fig. 4), à l’exception de quatre dossiers du groupe TVT®. Un dossier du groupe TVT® et six dossiers du groupe TVT-O® n’ont pas permis d’obtenir une analyse fiable, soit en raison de courbes de débit polyphasiques, soit en raison d’une discordance entre l’analyse pas à pas et l’analyse 113 mL/s a E 40 d débitmétrie libre 30 4 20 excitation du sphincter 3 10 0 2 0 5 10 15 20 25 30 35 excitation du detrusor s mL/s 1 b débitmétrie calculée 40 0 30 g = 1.27 0 5 10 15 20 25 30 35 s mL/s Pcm H2O 20 10 40 0 0 5 15 10 20 25 30 35 pdet calculée s 30 mL/s c débitmétrie calculée 40 pabd.eff calculée 20 30 g = 1.27 10 20 10 0 0 0 5 10 15 20 25 30 35 0 5 10 15 20 25 30 35 s s Fig. 3. Analyse pas à pas d’une courbe de débitmétrie libre à un mois d’un TVT® ; l’analyse de la débitmétrie préopératoire a permis d’évaluer le paramètre urétral : g = 1,27. (a) courbe enregistrée ; (b) calcul théorique (trait gras) avec l’hypothèse d’une valeur du paramètre g identique à la valeur trouvée en préopératoire : superposition des courbes de débitmétrie (enregistrée et calculée) non obtenue ; (c) calcul théorique après addition d’une compression avec g = 10 cmH2O : restitution correcte de la partie initiale de la courbe ; (d) interprétation finale : cassure de l’excitation du détrusor au temps t = 7 secondes et addition d’une faible poussée abdominale efficace (i.e. n’agissant que sur la vessie) en fin de miction (pointillés). La courbe en tirets dans le registre bas représente la pression du détrusor. Le registre haut représente les excitations du sphincter (traits continus) et du détrusor (tirets) ; les excitations standard sont en traits fins Q mL/s Q mL/s TVT® TVT-O® 40 40 AVANT Vu(mes) = 466 mL APRÈS Vu(mes) = 576 mL AVANT Vu(mes) = 218 mL 30 30 20 20 10 10 APRÈS Vu(mes) = 734 mL 0 0 0 5 10 15 20 25 30 35 0 s ® 5 10 15 20 25 30 35 s ® Fig. 4. Débitmétries libres avant et après TVT à droite, avant et après TVT-O à gauche. On remarque les importantes modifications de la forme des courbes induites par la chirurgie automatique. Pour tous les autres dossiers, le critère requis pour la superposition des courbes enregistrées et calculées a été obtenu (erreur quadratique < 2 %). Lorsque plus d’une valeur du paramètre urétral était trouvée à partir de la débitmétrie préopératoire (cinq courbes du groupe TVT® et dix dossiers du groupe TVT-O®), le choix de la valeur la plus probable était réalisé à partir de la débitmétrie postopératoire (seule une obstruction peut apparaı̂tre). Avant chirurgie, l’urètre est trouvé normal chez cinq patientes, béant chez sept et présentant une obstruction constrictive (g < 1,0) chez neuf dans le groupe TVT® ; dans le groupe TVT-O®, l’urètre est normal chez deux patientes, béant chez sept, présentant une obstruction constrictive chez six et une obstruction compressive (g > 0) chez une. Cette analyse montre qu’il n’existe pas de différence significative du statut urétral préopératoire entre les deux groupes. 114 TVT® 1 MOIS PRÉOPÉRATOIRE 1 MOIS POSTOPÉRATOIRE Q mL/s Q mL/s 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 5 10 15 20 25 30 Vu(mes) = 202 Vu(cal) = 202 Vr(cal) = 0 g = 0.80 35 s 0 0 5 10 15 20 25 30 35 s Fig. 5. Analyse modélisée des courbes de débitmétrie avant et après TVT® : courbes enregistrées en trait fin, courbes calculées en trait épais. Le paramètre g reste inchangé (g = 0,8) à un mois postopératoire, mais une compression de g = 23 cmH2O est induite par la bandelette TVT-O® 2 MOIS PRÉOPÉRATOIRES 1 MOIS PRÉOPÉRATOIRE Q mL/s Q mL/s 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 5 10 15 20 25 30 35 S 0 0 5 10 15 20 25 30 35 S Vu(mes) = 322 Vu(cal) = 340 Vr(cal) = 0 g = 0.65 Fig. 6. Analyse modélisée des courbes de débitmétrie avant et après TVT-O® : courbes enregistrées en trait fin, courbes calculées en trait épais. Le paramètre g reste inchangé (g = 0,65) à un mois postopératoire, mais une compression de y = 22 cmH2O est induite par la bandelette Après chirurgie, le paramètre urétral g garde la même valeur (ou décroı̂t de manière non significative), mais la restitution des courbes implique l’intervention d’une compression chez 18 patientes après TVT® (81,2 %) (Fig. 5) et chez 12 patientes après TVT-O® (75,0 %) (Fig. 6). Les valeurs de cette compression sont g = 11,0 6,7 cmH2O dans le groupe TVT® et g = 15,2 10,1 cmH2O dans le groupe TVT-O®. Chez l’unique patiente pour laquelle était trouvée une compression préopératoire, la pose de la bandelette TVT-O® entraı̂ne une diminution de g de 16,3 à 10,0 cmH2O. Discussion En postopératoire précoce (un mois), la modification de la forme de la courbe de débit, traduisant une obstruction, est plus importante après TVT-O® qu’après TVT®. Une modification dans le même sens a été décrite chez des patientes ayant bénéficié de la pose d’un TVT® pour traitement d’incontinence [8]. En revanche, une étude récente [9] décrit l’absence de modification significative de la débitmétrie dans une population de 120 femmes ayant bénéficié d’un TOT, bien que 11 rétentions transitoires soient signalées... Les modifications rapportées dans notre étude pourraient être rattachées à un phénomène irritatif secondaire à la mise en place de la bandelette. Une diminution significative du Qmax a été décrite dans plusieurs études relatives au TVT® [8-10] et au TOT [11]. Une augmentation du résidu post-mictionnel a également été décrite après TVT® [8] et TOT [11] ; dans notre étude, seul le TVT-O® entraı̂ne une augmentation significative du résidu. 115 Les bandelettes sous-urétrales TVT® et TVT-O® semblent avoir des effets comparables sur la mécanique urétrale pendant la phase mictionnelle, puisqu’elles n’induisent pas une obstruction constrictive (diminution de la surface de section efficace de l’urètre) mais une compression locale. Il a été suggéré que le TVT® permet la continence par un effet compressif secondaire à la mobilité de l’urètre proximal. Cette étude met en évidence un plus grand pourcentage de patientes dont la phase mictionnelle est affectée par une compression dans le groupe TVT® alors que l’amplitude de la contrepression est plus importante dans le groupe TVT-O®. Les raisons de ces différences pourraient être la position et la direction de la bandelette. Les résultats d’une étude récente [12] permettent de proposer une explication. Dans cette étude, la position de la bandelette, TVT® ou TOT, a été étudiée par échographie introı̈tale. Au repos, l’aspect de chacune des bandelettes est un V ; l’angle d’ouverture de ce V augmente lors d’efforts de poussée. Comme le site de perforation du fascia est le même quelle que soit la bandelette, l’effort de poussée peut entraı̂ner un déplacement latéral expliquant l’ouverture du V et la compression de l’urètre. En raison de la direction de chacune des bandelettes après traversée du fascia, la résultante des forces est plus importante pour un TOT que pour un TVT ® ; ce résultat explique la plus importante amplitude de la compression secondaire à la mise en place du TVT-O®. Conclusion La modélisation permet par simulation d’hypothèses physiopathologiques d’identifier et de quantifier les conséquences sur la phase mictionnelle de la mise en place d’une bandelette sous-urétrale, TVT® ou TVT-O®, pour traitement de l’incontinence urinaire. Chacune des bandelettes implique la mise en jeu d’une compression externe sur l’urètre pour restaurer la continence. Pendant la miction, le TVT-O® provoque un effet compressif plus important, s’il se produit un effort de poussée, en raison de son trajet. Cette étude préliminaire doit être poursuivie afin de mieux préciser le mécanisme d’action et les conséquences à long terme du TVT-O®. Annexe : Procédure d’analyse des courbes de débitmétrie libre à l’aide du logiciel VBN® Nous envisageons ici le cas de figure présenté dans cet article, c’est-à-dire l’analyse de la seule débitmétrie libre. Dans ce cas, l’hypothèse posée a priori est que le detrusor est normal. E´tape 1 : entré e des donné es (Fig. 3-a) On entre la courbe de débitmétrie (format ICS, format csv, ou courbe scannée), le volume initial vésical (volume uriné + volume résiduel) et le sexe du patient. La mé connaissance du volume ré siduel entraıˆnera donc, pour des volumes ré siduels supé rieurs à 20 % du volume initial une incertitude notable sur les ré sultats. E´tape 2 : calcul pré liminaire (Fig. 3-b) Un premier calcul est effectué avec l’hypothèse que le sujet est normal. E´tape 3 : ajustement de la pente initiale de la courbe de dé bit (Fig. 3-c) Chez une femme, on a, en première intention, recherché une modification de l’urètre, obstruction (constrictive ou compressive) ou béance pouvant expliquer la différence entre courbe enregistrée et courbe calculée. Le paramètre g, sans dimension, caractérise une obstruction de type constrictif (réduction de la surface de section de l’urètre) g < 1,0 ou une béance g > 1,0 ; la valeur normale de ce paramètre est g = 1,0. Le paramètre g, en cmH2O, caractérise une obstruction de type compressif (s’exerçant à l’extérieur de l’urètre). Ce type d’obstruction est comparable à celle secondaire à l’hypertrophie bénigne de prostate chez l’homme. E´tape 4 : recherche d’une cassure d’excitation du detrusor (Fig. 3-d) Lorsque la courbe calculée à l’étape 3 retrouve bien la pente initiale de la courbe de débit mais reste ensuite supérieure à la courbe enregistrée, on peut évoquer une cassure (fading) de l’excitation du detrusor. Ce phénomène circonstanciel n’est pas constant et peut avoir une amplitude variable pour des mictions successives. E´tape 5 : recherche d’une poussé e abdominale efficace (Fig. 3-d) La poussée abdominale fait partie des phénomènes circonstanciels. Pour avoir une action sur le débit, elle ne doit s’exercer que sur la vessie. Nous appelons pression abdominale efficace une telle poussée. Pour une plus grande fiabilité de l’analyse, l’introduction d’une pression abdominale ne doit être réalisée que dans l’étape finale de l’analyse. E´tape 6 : comparaison de plusieurs dé bitmé tries (Fig. 7) La fiabilité d’une interprétation est accrue par la comparaison de deux débitmétries successives (réalisées lors de la même session urodynamique). Alors, les paramètres mécaniques d’urètre doivent être invariants. La comparaison de débitmétries successives permet d’identifier un autre type de phénomène circonstanciel se manifestant par un défaut de cette invariance ; il s’agit de l’ouverture retardée ou de la relaxation incomplète 116 mL/s mL/s a mL/s b 40 40 40 30 30 30 20 20 20 10 10 10 0 0 0 5 10 15 20 c 0 0 5 10 15 20 0 5 10 15 20 Première itération: Vini = 202 mL, g = 0,8 Fig. 7. Modification de la courbe de débit induite par (b) un retard d’ouverture du sphincter de 5 secondes, (c) une relaxation incomplète du sphincter pendant la phase mictionnelle. En (a) première itération de calcul pour un volume vésical initial de 202 mL et un paramètre urétral g = 0,8. En trait fin débitmétrie enregistrée, en trait gras débitmétrie calculée per-mictionnelle du sphincter. L’ouverture retardée conduit à une pente initiale de la courbe de débitmétrie très supérieure à ce que prévoit le calcul, la relaxation incomplète per-mictionnelle conduit à une apparente obstruction de type compressif. Références 1. Ulmsten U, Falconer C, Johnson P, et al. (1998) A multicenter study of tension-free vaginal tape (TVT®) for surgical treatment of stress urinary incontinence. Int J Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 9: 210-3 2. Delorme E (2001) La bandelette transobturatrice : un procédé mini-invasif pour traiter l’incontinence urinaire d’effort de la femme. Prog Urol 11(6): 1306-13 3. Delmas V, Hermieu J-F, Dompeyre P, et al. (2003) The transobturator slingtape uratape: Anatomical dangers. 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Atienza Service de proctologie médico-interventionnelle, groupe hospitalier Diaconesses-Croix-Saint-Simon, 18, rue du Sergent-Bauchat, F-75012 Paris, France Résumé : La chirurgie des fistules anales est reconnue comme un facteur de risque majeur d’incontinence anale. Le mécanisme de cette incontinence réside principalement dans les lésions sphinctériennes chirurgicales, cependant un mécanisme neurogène par atteinte du nerf pudendal n’est pas exclu. L’objectif de notre étude était d’évaluer l’influence de la chirurgie anale sur les latences distales anales motrices du nerf pudendal (LDANP). Maté riel et mé thode : Les LDANP ont été mesurées en pré- et postopératoire chez respectivement 33 patients (28 hommes et cinq femmes) opérés de suppuration anale et 34 patients (21 hommes et 13 femmes) opérés d’hémorroı̈dectomie pédiculaire selon la technique de Milligan et Morgan. Ré sultats : L’âge moyen était de 49,6 ans dans le groupe hémorroı̈des et 45 ans pour le groupe fistule (p = 0,19). Le sex-ratio n’était pas différent entre les deux groupes (p = 0,06). Dans le groupe fistule anale, la moyenne de la LDANP en préopératoire est de 2,42 ms (± 0,46) du côté infecté et de 2,40 ms (± 0,42) du côté sain, avec une différence significative avec les latences préopératoires ipsi-latérales du groupe témoin : 2,73 ms (± 0,60) [p = 0,02, p = 0,01]. Les variations de la LDANP en postopératoire du groupe fistule, aussi bien du côté sain (LDANP = 0,06 ± 0,42 ms) que du côté pathologique (LDANP = 0,03 ± 0,40 ms), sont comparables à celle du groupe hémorroı̈des (LDANP = 0,01 ± 0,48 ms, p = 0,63, p = 0,84). Conclusion : La conduction nerveuse des nerfs pudendaux ne semble pas être altérée par la présence d’un processus infectieux de la fosse ischiorectale, non plus que par le geste chirurgical. Cependant, une étude électrophysiologique plus fine paraı̂t nécessaire pour évaluer le retentissement sur l’innervation périnéale. Mots clés : Latence distale anale motrice nerf pudendal – Fistule anale Pudendal nerve terminal motor latency is not altered following anal fistula surgery Abstract: Anal fistula surgery presents a risk factor for anal incontinence. Surgical sphincter lesions are the main cause of this type of incontinence, although related damage to the pudendal nerve is possible. The aim of our study was to evaluate the influence of anal surgery on pudendal nerve terminal motor latency (PNTML). Material and method: PNTML values were measured pre- and postoperatively in 33 patients (28 men, five women) treated for anal suppurations and 34 patients (21 men, 13 women) undergoing haemorrhoidectomy using the Milligan-Morgan technique. Results: The average age was 49.6 in the haemorrhoid group and 45 in the fistula group (P = 0.19). There was no difference in the sex ratio between the two groups (P = 0.06). In the anal fistula group, the preoperative mean PNTML was 2.42 ms (± 0.46) on the infected side and 2.40 ms (± 0.42) on the healthy side, significantly differing from the control group’s preoperative ipsilateral latencies: 2.73 ms (± 0.60) [P = 0.02, P = 0.01]. The variations in postoperative PNTML in the fistula group, both on the healthy side (PNTML = 0.06 ± 0.42 ms) and infected side (PNTML = 0.03 ± 0.40 ms), are comparable to those in the haemorrhoid group (PNTML = 0.01 ± 0.48 ms; P = 0.63, P = 0.84). Conclusion: Nerve conduction in the pudendal nerves does not seem to be altered by the presence of an infectious process in the ischiorectal fossa or by the surgical procedure. However, a more refined electrophysiological study would be necessary to assess the repercussions for perineal innervation. Keywords: Pudendal nerve terminal motor latency – Anal fistula Introduction Le traitement chirurgical des fistules anales est délétère sur la fonction sphinctérienne anale. Selon les études, l’incontinence anale postopératoire survient chez 3 à 45 % des patients [1,2]. Le mécanisme de cette incontinence n’est pas parfaitement élucidé. Les fistules complexes, la hauteur du trajet fistuleux trans-sphinctérien, l’atteinte du sphincter interne apparaissent comme des facteurs prédictifs d’incontinence anale postopératoire [3]. 118 Cependant, les études fonctionnelles, manométrie anorectale et échographie endo-anale, ne permettent pas d’en déterminer le mécanisme précis. L’importance de l’innervation périnéale avait déjà été soulevée dans de précédentes études. En outre, dans une étude anatomique récente portant sur 28 cadavres, Schraffordt et al. révèlent l’existence d’un plexus nerveux périanal chez 17,9 % des cadavres étudiés [4]. Ce plexus est constitué à partir des branches du nerf pudendal. La mesure de la latence distale anale motrice du nerf pudendal (LDANP) est une technique validée et reproductible pour explorer la conduction nerveuse du nerf pudendal [5]. Le but de notre étude est d’évaluer les conséquences du processus infectieux de la fosse ischiorectale sur la conduction du nerf pudendal, et par ailleurs, l’influence de la chirurgie des fistules anales sur cette conduction. Matériel et méthode Trente-trois patients opérés pour fistule anale ont été inclus dans l’étude. Ont été exclus les patients porteurs d’une affection générale pouvant léser le système nerveux périphérique, les femmes enceintes, les patients contaminés par le VIH, et les patients opérés sous anesthésie générale. Tous les patients ont été opérés sous rachianesthésie, en position de la taille. L’intervention comportait un temps exploratoire, utilisant un écarteur anal bivalve et l’injection de bleu de méthylène par l’orifice secondaire, permettant de préciser le type de fistule anale : transsphinctérienne inférieure, supérieure, complexe en fer à cheval ou inter-sphinctérienne. Vingt-deux patients présentaient une fistule de la fosse ischiorectale droite ou gauche et 0nze patients étaient porteurs d’une fistule médiane postérieure ou intramurale, sans communication avec une fosse ischiorectale. Le traitement comportait la mise à plat du trajet, soit en un seul temps, soit en deux ou trois temps avec mise en place de sétons. Vingtcinq patients étaient ainsi opérés en deux temps pour une fistule trans-sphinctérienne supérieure. Le premier temps consistait à la mise à plat de l’abcès et le drainage de la fistule par un drain ; le second temps, un drain élastique pour tractions ultérieures était inséré dans le trajet. L’évaluation de la LDANP était réalisée lors du premier temps opératoire. Trente-quatre patients opérés d’hémorroı̈des, sans fistule associée, représentaient le groupe témoin. L’hémorroı̈dectomie comportait une résection pédiculaire ouverte réalisée selon la technique de Milligan et al. [6]. Cette technique ne nécessite pas le drainage des fosses ischiorectales ni la mise en place d’écarteur bivalve. Tous les patients étaient opérés sous rachianesthésie. La mesure de la LDANP était réalisée, selon la méthode précédemment décrite, immédiatement en pré- et postopératoire, patient anesthésié [7]. La mesure de la LDANP était réalisée avec l’électrode St Marks (DantecMedtronic, Keypoint software, Skovlunde, Danemark) disposée sur l’index d’une main gantée intra-rectale, permettant la stimulation des nerfs pudendaux droit et gauche au niveau de l’épine ischiatique. Le recueil de la réponse globale motrice se faisait par électrode de surface au niveau du sphincter externe anal. Les nerfs pudendaux étaient successivement stimulés à droite puis à gauche. Quatre à cinq réponses étaient étudiées de chaque côté. La LDNAP était mesurée depuis l’artefact de stimulation jusqu’au début de la réponse motrice. L’anesthésie réalisée chez tous les patients était une rachianesthésie, sans influence sur la conduction nerveuse et la réponse motrice. Les valeurs normales de LDA de notre laboratoire ont été précédemment rapportées [8]. Étude statistique L’analyse et le traitement des données ont été effectués en utilisant un logiciel Statview 5.0, version 1982-1987 (SAS Institute Inc., Cary, NC). Les comparaisons statistiques des caractéristiques des différents groupes, ainsi que les variations des LDANP en postopératoire (LDANP) ont été faites par le test t pour les séries appariées ou indépendantes selon les cas. Une différence significative était retenue pour une valeur de p inférieure à 0,05. Résultats Le groupe des fistules renfermait 28 hommes et cinq femmes. L’âge moyen était de 45 ans. Le groupe témoin était lui constitué de 21 hommes et de 13 femmes, opérés pour pathologie hémorroı̈daire (Fig. 1). L’âge moyen était de 49,6 ans. Il n’existait pas de différence significative entre les deux groupes en matière de sex-ratio (p = 0,06), et d’âge (p = 0,19). La distribution des différents trajets fistuleux était comme suit : 25 fistules trans-sphinctériennes hautes, six fistules trans-sphinctériennes basses, 11 diverticules intra- Fig. 1 Distribution hommes/femmes 119 Fig. 2 Distribution des trajets fistuleux (un patient peut en avoir plusieurs) Fig. 4 Moyenne des LDANP préopératoires côté infecté dans le sousgroupe fistules trans-sphinctériennes ischiorectales, dans le sousgroupe fistules intra-murales et médianes postérieures, et le groupe hémorroı̈des Fig. 3 Moyenne des LDANP préopératoires côtés sain et infecté dans le groupe fistules anales et côté correspondant dans le groupe hémorroı̈des muraux, sept trajets antéro-droits, dix trajets postéro-droits, cinq trajets antéro-gauches, sept trajets postéro-gauches, et 11 trajets médians postérieurs (Fig. 2). Dans le groupe fistule anale, la moyenne de la LDANP en préopératoire est de 2,42 ms (± 0,46) du côté infecté et de 2,40 ms (± 0,42) du côté sain, avec une différence significative avec les latences préopératoires ipsi-latérales du groupe témoin : 2,73 ms (± 0,60) [p = 0,02, p = 0,01] (Fig. 3). La moyenne de la LDANP préopératoire du côté pathologique du sous-groupe fistules de la fosse ischiorectale était de 2,44 ms (± 0,43), sans différence significative avec celle du sous-groupe fistules intramurales et médianes postérieures (2,40 ± 0,52 ms, p = 0,81), ni celle du groupe témoin (p = 0,06, p = 0,11) (Fig. 4). Les variations de la LDANP en postopératoire du groupe fistule, aussi bien du côté sain (LDANP = 0,06 ± 0,42 ms) que du côté pathologique (LDANP = 0,03 ± 0,40 ms) étaient comparables à celle du groupe hémorroı̈des (LDANP = 0,01 ± 0,48 ms, p = 0,63 et p = 0,84 respectivement) (Fig. 5). Discussion Le traitement chirurgical des fistules anales est reconnu délétère sur la fonction sphinctérienne anale. Deux études Fig. 5 Moyenne des LDANP préopératoires et postopératoires côtés sain et infecté dans le groupe fistules anales et côté correspondant dans le groupe hémorroı̈des ont montré une corrélation entre une diminution des pressions de repos en manométrie ano-rectale et incontinence anale postopératoire : ainsi, l’atteinte du sphincter interne anal paraı̂t être un facteur pronostique important [9,10]. Une troisième étude montre une diminution des pressions de repos et de la contraction volontaire [3]. L’incontinence anale postopératoire des fistules anales opérées paraı̂t donc être liée à une atteinte des sphincters interne et externe anaux. Cependant, cette atteinte n’est pas toujours due à une rupture sphinctérienne. Van Tets et Kuijpers avaient soulevé l’hypothèse de la responsabilité de l’innervation [10]. Notre étude ne montre pas de différence significative des LDNAP pré- et postopératoires. À notre connaissance, notre étude est la deuxième s’intéressant à l’influence de la chirurgie des fistules anales sur l’innervation périnéale : Lunniss et al. avaient déjà observé ce résultat [9]. Dans notre étude, les mesures ont été réalisées dans de très bonnes conditions d’examen : examens indolores 120 chez des patients dont les muscles périnéaux étaient relaxés. La technique de mesure est reconnue, validée et reproductible. Notre étude ne montre pas de différence entre les latences pré- et postopératoires dans le groupe des fistules. Ainsi, le geste chirurgical ne semble pas altérer la conduction nerveuse. De même, l’absence d’augmentation des latences entre côté sain et côté infecté dans le groupe fistule montre que le processus infectieux d’une fosse ischiorectale ne modifie pas la conduction nerveuse des nerfs pudendaux. Ces résultats paraissent surprenants si l’on considère la présence proche d’un plexus nerveux ; il est vrai que ce dernier ne semble exister que chez une minorité de patients. Par ailleurs, les latences préopératoires du groupe hémorroı̈des sont supérieures à celles du groupe fistules : ce résultat rappelle une précédente étude [11] ; nous n’avons pas d’explication précise à cela, peut-être est-ce lié à la dyschésie souvent présente en cas de pathologie hémorroı̈daire et donc à un étirement des nerfs pudendaux. Mais peut-on dire pour autant que la chirurgie est sans influence sur l’innervation périnéale ? La mesure de la LDANP évalue la conduction motrice du nerf pudendal par sa latence et non par l’amplitude des potentiels d’action recueillis : quelques fibres motrices non altérées suffisent pour maintenir une latence motrice normale. Par ailleurs, la conduction sensitive, souvent la première altérée, n’est pas explorée. Ainsi, récemment, la question de la valeur prédictive de cette mesure a été soulevée [12]. D’autres techniques électrophysiologiques, en particulier l’EMG quantifié, sont reconnues validées [13]. Pour évaluer la responsabilité de l’innervation périnéale dans l’incontinence postopératoire des fistules anales, il est nécessaire d’utiliser d’autres techniques électrophysiologiques complémentaires de la mesure de la LDNAP. Conclusion La conduction nerveuse des nerfs pudendaux ne semble pas être altérée par la présence d’un processus infectieux de la fosse ischiorectale, non plus que par le geste chirurgical. Cependant, une étude électrophysiologique prenant en compte non seulement le composant moteur, mais aussi les composants sensitif et autonome de l’innervation, paraı̂t nécessaire pour évaluer le retentissement sur l’innervation périnéale. Références 1. Garcia Aguilar J, Belmonte C, Wong D, et al. (1996) Anal fistula surgery: factors associated with recurrence and incontinence. 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Collin Fédération de gynécologie et d’obstétrique, centre hospitalier de Haguenau, 64, avenue Professeur-Leriche, F-67504 Haguenau cedex, France Résumé : L’objectif était d’évaluer l’efficacité et la tolérance à court et à long terme de la plaque de Pelvicol® dans le traitement du prolapsus uro-génital de la femme. L’étude rétrospective portait sur 93 cas de prolapsus urogénital traités par une pose de plaque de Pelvicol® de 2003 à 2005 dans notre département de chirurgie gynécologique. Nous rapportons les complications et les résultats fonctionnels avec un recul de 24 mois. L’âge moyen des patientes était de 60,6 ans. La parité moyenne était de 2,97. Les patientes présentaient une cystocèle dans 89,2 % des cas, une rectocèle dans 46,2 % des cas, une hystéroptose dans 44 % des cas et une élytrocèle dans 5,3 % des cas. La plaque de Pelvicol® a été posée en position antérieure dans 64,5 % des cas, en position postérieure dans 26,9 % des cas, en position antérieure et postérieure associées dans 5,3 % des cas. Nous n’avons pas observé de complication peropératoire. Avec un recul allant de six à vingt-quatre mois, nous avons relevé quatre récidives de cystocèle (4,3 %) et une récidive d’élytrocèle (1 %). Nous signalons quatre cas d’hématomes périnéaux (4,3 %) et quatre cas d’infections de plaie opératoire (4,3 %) avec un cas d’exposition de prothèse n’ayant pas nécessité son retrait. Aucun cas de rejet de prothèse n’a été observé. La plaque de Pelvicol® dans le traitement du prolapsus uro-génital de la femme est un matériel fiable et bien toléré. On observe un taux d’efficacité de 94,6 %. Le suivi clinique de ces patientes va continuer. Mots clés : Prolapsus – Cystocèle – Rectocèle – Xénogreffe – Biomatériaux Retrospective study of 93 cases of genital prolapse treated with the Pelvicol® implant Abstract: Our goal was to assess the effectiveness as well as short- and long-term tolerance of the Pelvicol® collagen matrix in the treatment of genital prolapse. We carried out a retrospective study of 93 women who received the Pelvicol® implant in our gynaecological surgery department from 2003 to 2005 for the treatment of genital prolapse. Here, we report the adverse effects and functional outcome after Correspondance : E-mail : [email protected] 24 months. The average age of the patients was 60.6, and the average number of children per patient was 2.97. The patients presented with cystocele in 89.2%, rectocele in 46.2%, hysteroptosis in 44%, and elytrocele in 5.3% of the cases. The Pelvicol® implant was used to repair the anterior wall in 64.5%, posterior wall in 26.9%, and both walls in 5.3% of the cases. No peroperative complications were observed. Six to 24 months after the procedures, we noted four recurrences of cystocele (4.3%) and one of elytrocele (1%). We also noted four cases of perineal haematoma (4.3%) and four of surgical site infection (4.3%), including one case of implant exposure that did not require its removal. No implant rejection was observed. The Pelvicol® collagen matrix is a reliable and well-tolerated implant for the treatment of genital prolapse in women. Its effectiveness rate was 94.6%. The clinical follow-up of these patients will continue. Keywords: Prolapse – Cystocele – Rectocele – Xenograft – Biomaterial Introduction Une femme sur trois, voire une sur deux, va développer des troubles de la statique pelvienne après 60 ans. Selon Handa, en 2004, 31,8 % des femmes en post-ménopause présentaient un prolapsus uro-génital [1]. Hendrix, en 2002, trouvait chez 16 616 femmes nonhystérectomisées incluses dans l’étude de la Woman Health Initiative 14,2 % d’hystéroptose, 34,3 % de cystocèle et 18,6 % de rectocèle [2]. De nombreuses techniques chirurgicales ont été décrites depuis 50 ans pour la cure de prolapsus urogénitaux. Certains auteurs décrivaient l’utilisation d’autogreffe de tissu conjonctif comme matériel de soutènement [3]. Plus tard sont apparus les matériaux prothétiques (Gore-Tex® [4], polypropylène [5]), puis la xénogreffe permettant l’utilisation de matériaux biologiques d’origine animale. La cure de prolapsus par matériel prothétique d’origine porcine Pelvicol® (Bard) est un 122 domaine où la littérature reste pauvre. En effet, ce matériau a initialement été conçu, entre autres, pour la chirurgie réparatrice maxillo-faciale et urologique. Objectif Nous avons évalué l’efficacité et la tolérance du Pelvicol® dans le traitement du prolapsus uro-génital. Matériel et méthode Maté riel Le Pelvicol® est composé de derme porcin acellulaire. Il est fabriqué à partir de peau de porc dont la couche épidermique a été retirée. Il est ensuite stabilisé par crosslinking au héxaméthylène–diisocyanate (HMDI) qui protège le matériau contre la résorption par les collagénases de l’organisme receveur, lui permettant de conserver sa structure intègre dans le temps. Il devient une matrice bio-compatible de collagène et d’élastine. Le matériau est ensuite stérilisé par irradiation gamma à faible dose, puis hydraté par solution saline. Après sa pose dans l’organisme receveur, la matrice de Pelvicol® est colonisée par les fibroblastes, créant une coque fibreuse augmentant la résistance du tissu environnant. Il se présente sous la forme d’un rectangle souple de 0,75 à 2 mm d’épaisseur. Notre département utilise principalement le Pelvicol® de 2 12 cm de surface. Mé thode Nous avons effectué une étude rétrospective portant sur 93 cas de patientes ayant présenté un prolapsus urogénital traité dans notre service de 2003 à 2005. On observait une cystocèle dans 89,2 % des cas, une rectocèle dans 46,2 % des cas, une hystéroptose dans 44 % des cas et une élytrocèle dans 5,3 % des cas. L’âge moyen des patientes était de 60,6 ans. La parité moyenne était de 2,97. La plaque de Pelvicol® a été posée en position antérieure dans 64,5 % des cas, en position postérieure dans 26,9 % des cas, en position antérieure et postérieure associées dans 5,3 % des cas. Les interventions ont été conduites par deux opérateurs principaux expérimentés dans le domaine de la chirurgie pelvienne. Notre protocole prévoyait une cure de métronidazole (Flagyl®) pendant trois jours avant l’intervention. Une irrigation vaginale à la Bétadine® était effectuée au bloc opératoire. Pour les cas de cystocèle, la procédure commence après sondage vésical à demeure par une colpotomie antérieure verticale sous-urétrale de 3 à 4 cm. On dissèque ensuite la vessie prolabée en la séparant de la paroi vaginale, après incision du fascia d’Halban, en progressant de chaque côté vers la fosse para-vésicale homo-latérale. La plaque de Pelvicol® était ensuite posée dans le sens transversal après l’avoir réduite à 10 cm, sachant que la distance entre les deux arcs tendineux du fascia pelvien est de 10 cm. Enfin, la plaque était fixée à l’aide d’un fil d’Ethicrin® 2/0 par trois points, le long de chaque arc tendineux. La colpotomie antérieure était suturée à l’aide de points séparés de fil résorbable. Pour les cas de rectocèle, on pratique une colpotomie postérieure triangulaire puis on disséquait le rectum de la paroi vaginale en progressant jusqu’à la fosse pararectale de chaque côté. On réalise une plicature du fascia prérectal avec pose d’une plaque de Pelvicol® de 2 12 cm rectangulaire étendue longitudinalement. Cette plaque était ensuite fixée par son bord supérieur aux ligaments utéro-sacrés et latéralement au fascia prérectal par un point d’Ethicrin® 2/0. On termine par une périnéorraphie. On posait systématiquement en fin de procédure une mèche vaginale vaselinée qui était retirée au bout de vingt-quatre heures. La sonde urinaire était retirée au deuxième jour. Résultats Nous n’avons pas observé de complications peropératoires. Toutes les patientes ont été examinées avant le retour à domicile. Avec un recul allant de six à vingt-quatre mois, nous avons un taux de suivi postopératoire de 82 %. Nous avons 17 cas suivis en ville par le gynécologue traitant, attaché au département de chirurgie, qui n’a pas rapporté de complications. Nous avons relevé quatre récidives de cystocèle (4,3 %) et une élytrocèle (1 %). Nous signalons quatre cas d’hématomes périnéaux (4,3 %) et quatre cas d’infections de plaie opératoire (4,3 %) dont l’évolution a été favorable sous antibiothérapie dans chaque cas. Deux cas de rétention urinaire aiguë sont à signaler. Ils sont en rapport avec la pose d’une bandelette sous-urétrale de type TOT®, dans le cas d’une incontinence urinaire d’effort associée. Nous notons un cas d’exposition de prothèse ayant nécessité une antibiothérapie de principe et une surveillance en ambulatoire plus fréquente. Il n’a pas été nécessaire de retirer la prothèse. Aucun cas de rejet de prothèse n’a été observé à vingt-quatre mois de suivi. Le taux d’efficacité globale de la procédure s’élève à 94,6 % (Tableau 1). Tableau 1. Selon les autres auteurs [6,7] Auteurs Complications Complications Taux de tardives succè s (%) pré coces Doumerc N, 0 11,3 % n = 132 David-Montefiore E, 1 plaie 8 cas n = 47 de vessie de récidive 1 plaie rectale 1 hématome 94 93,6 123 Discussion Nous observons dans la littérature des chiffres similaires en termes de succès et de complications. En effet, Doumerc, sur une série de 132 cas, ne décrit aucune complication précoce. Il révèle 11,3 % de complications tardives, comprenant notamment une exposition de prothèse d’évolution favorable, ce qui lui confère un taux de succès de 94 % [6]. De plus, David-Montefiore dans une série de 47 cas rapporte une plaie de vessie, une plaie rectale, un hématome et huit cas de récidive. Il observe un taux de succès de 93,6 % [7]. De nombreuses prothèses en polypropylène ont été mises sur le marché ces dernières années. Les premières prothèses disponibles étaient responsables de forts taux de complications locales. De Tayrac retrouvait, dans une étude menée de 1999 à 2002 et portant sur 63 cas de cystocèle, 5,5 % de rétraction prothétique et 9,1 % d’érosion vaginale [8]. On note dans la littérature des taux de succès très variés concernant le traitement du prolapsus uro-génital. Eglin, en 2006, rapporte une étude portant sur 221 cas de prolapsus génital traité par voie vaginale par prothèse en monofilament de polypropylène de type Ugytex® [9]. Il ne relève aucune infection de prothèse et obtient un taux de guérison anatomique de 93,2 %. Il conclut en un taux de récidive de cystocèle de 6 % et de rectocèle de 2,6 %. L’auteur décrit 16 cas d’érosion vaginale avec exposition de prothèse (7,2 %). Une autre complication inhérante à ce type de matériau est l’inflammation locale. Baessler évoque un phénomène d’inflammation aiguë avec infiltration de lymphocytes qui peut compromettre la cicatrisation vaginale après la pose d’une prothèse en polypropylène monofilament [10]. D’après Deprest, les prothèses en polypropylène multifilament génèrent une réaction inflammatoire aiguë moins intense que les prothèses en monofilament [11]. La phase inflammatoire chronique est cependant plus marquée dans ce cas. Il montre ensuite expérimentalement, chez le rat, que la réponse inflammatoire globale Tableau 2. Comparaison avec la prothèse Ugytex® en polypropylène AuteursComplications Polypropylène : Ugytex® Age moyen 62.9 ans [Eglin G. 2006] (9) Complications Infection : 0 précoces Exposition de prothèse : 7.2 % Complications Récidive de tardives cystocèles : 6 % Récidive de rectocèles : 2.6 % Taux de succès 93.2% Pelvicol® Age moyen 60.6 ans [Mercky, Chami 2006] Infection : 4.3 % Hématome : 4.3 % Cystocèles : 4.3 % Rectocèle : 0 % 94.6% semble être moins importante dans le cas du Pelvicol® comparé au Prolène® (Johnson et Johnson) qui est une prothèse en polypropylène monofilament macroporeux. Microscopiquement, moins de granulocytes et macrophages sont observés au niveau de la prothèse. Dans son étude, Deprest poursuit en évaluant la résistance de la prothèse trois mois après sa pose chez le lapin. En comparaison avec le Prolène®, le Pelvicol® perd de sa force tensiométrique alors que la prothèse synthétique la conserve. De plus, au bout d’un an, 50 % des prothèses de Pelvicol® posées chez le lapin montraient des signes de décomposition (Tableau 2). Le traitement du prolapsus par pose d’un implant de Pelvicol® nous paraı̂t être une technique efficace et reproductible, comme le montre la littérature. Le fait que le taux de satisfaction auprès des patientes en consultation soit élevé nous conforte dans notre sentiment. Nous n’avons pas relevé de dyspareunie à distance de l’intervention. L’impact sur la sexualité des patientes s’est révélé minime quoique difficile à évaluer. Nous estimons que le résultat fonctionnel de la cure de prolapsus par Pelvicol® sera pleinement évaluable après un recul de suivi de patientes de cinq ans. Conclusion Notre série de 93 cas de prolapsus uro-génital traités par plaque de Pelvicol® montre que ce matériel est fiable et bien toléré. On observe un taux d’efficacité de 94,6 %. Le suivi clinique de ces patientes va continuer. Références 1. Handa VL, Garrett E, Hendrix S, et al. (2004) Progression and remission of pelvic organ prolapse: a longitudinal study of menopausal women. Am J Obstet Gynecol 190(1): 27-32 2. Hendrix SL, Clark A, Nygaard I, et al. (2002) Pelvic organ prolapse in the Women’s Health Initiative: gravity and gravidity. Am J Obstet Gynecol 186(6): 1160-6 3. Ridley JH (1976) A composite vaginal vault suspension using fascia lata. Am J Obstet Gynecol 126(5): 590-6 4. Constantini E, Lombi R, Micheli C (1998) Colposacropexy with Gore-tex mesh in marked vaginal and uterovaginal prolapse. Eur Urol 34(2): 111-7 5. 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Baessler K, Maher CF (2006) Mesh augmentation during pelvic-floor reconstructive surgery: risks and benefits. Curr Opin Obstet Gynecol 18(5): 560-6 11. Deprest J, Zheng F, Konstantinovic M, et al. (2006) The biology behind fascial defects and the use of implants in pelvic organ prolapse repair. Int Urogynecol J Pelvic Floor Dysfunct 17 Suppl 1: S16-25 Pelv Perineol (2007) 2: 125–127 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0131-3 CAS CLINIQUE / CASE REPORT Troubles sensitifs périnéaux par compression sacrée secondaire à un fécalome géant E. Guettard, P. Raibaut, C. Jacq, A. Terrier, G. Amarenco Service de rééducation neurologique et d’explorations périnéales, hôpital Rothschild, APHP, Paris, France Résumé : Nous rapportons ici l’observation d’un patient de 36 ans ayant une hypoesthésie périnéale par compression sacrée secondaire à un volumineux fécalome. L’apport de l’IRM est discuté ainsi que les possibles étiologies. Mots clés : Fécalome – Compression sacrée Perineal anaesthesia secondary to sacral root compression caused by severe fecal impaction Abstract: We report a case of a 36-year-old patient presenting with perineal anaesthesia secondary to compression of the sacral roots by severe fecal impaction. The appropriateness of MRI and possible aetiologies are discussed. Keywords: Fecal impaction – Sacral root compression Observation Un homme de 36 ans sans antécédent notable consulte pour des troubles sensitifs périnéaux récurrents. Il s’agit d’épisodes d’hypoesthésie périnéale (touchant le pénis, les bourses, le périnée, la région anale, les fesses) survenue la première fois en mai 2005, et ce pendant trois semaines. Parallèlement, s’il ne semblait pas exister de trouble vésicosphinctérien avec une bonne perception du besoin d’uriner, du passage uréthral des urines et une absence de dysurie, il signalait la présence d’une constipation avec fécalome et une abolition des érections. Cette symptomatologie avait totalement régressé en trois semaines, l’IRM lombo-sacrée prescrite par son médecin généraliste s’étant avérée normale. La sérologie herpétique était positive mais la ponction lombaire n’avait mis en évidence aucun argument en faveur d’une méningoradiculite, il n’y avait pas eu de contage ou d’éruption suspecte. La symptomatologie récidivait trois mois plus tard pendant une semaine avec le même type de trouble. Deux mois plus tard, toujours à l’occasion d’une constipation majeure, apparition d’une nouvelle hypoesthésie périnéale persistante pendant un mois, associée cette fois-ci à une abolition de la perception du passage des selles dans le canal anal, à une dysurie et à une dysérection. À l’interrogatoire, on ne retrouvait aucun antécédent multifocal régressif dans l’hypothèse d’une éventuelle démyélinisation, aucun trouble associé des membres inférieurs (paresthésie, déficit moteur...) pendant les épisodes d’hypoesthésie périnéale dans l’hypothèse d’une lésion vasculaire du cône. L’examen neurologique était normal, notamment sans atteinte des nerfs crâniens, pyramidale ou cérébelleuse, sans ophtalmoplégie ; l’examen neuropérinéal retrouvait une hypoesthésie diffuse localisée dans les métamères S2, S3, S4, S5 sans modification des réflexes du cône (réflexe bulbo-anal, réflexe bulbocaverneux) ou de la tonicité du sphincter anal et de la commande analytique. Les sérologies herpétiques, de Lyme et VIH étaient négatives. L’examen de détection des muscles périnéaux s’avérait strictement normal, sans processus neurogène périphérique. Les latences du réflexe bulbocaverneux étaient normales, tant du côté gauche que du côté droit, ainsi que la vitesse de conduction sensitive du nerf dorsal de la verge et l’amplitude du potentiel sensitif distal. En revanche, si les potentiels évoqués somesthésiques cérébraux par stimulation des deux membres inférieurs (SPI gauche et droit à la cheville) étaient normaux, il existait un retard du complexe P40 lors de l’étude des potentiels évoqués cérébraux par stimulation du nerf pudendal. Lors du bilan urodynamique, l’étude débimétrique était normale tant sur le plan qualitatif que quantitatif. Il n’existait pas de résidu post-mictionnel significatif. En profilométrie, les pressions de clôture étaient normales. La cystomanométrie révélait une mégavessie avec une contenance de plus d’un litre associée à un retard à la perception consciente du besoin, témoin d’une hypoactivité vésicale. À l’interrogatoire, on retrouvait clairement depuis toujours un syndrome des mictions rares (ce patient pouvant uriner deux fois par jour seulement). La manométrie ano-rectale mettait en évidence une hypertonie du sphincter anal associé à une diminution de la sensibilité rectale avec un volume à la première sensation élevé. Les IRM lombo-sacrée et cérébrale étaient normales mais l’IRM pelvienne retrouvait un rectum très dilaté avec un fécalome important comblant l’espace présacré et comprimant les structures nerveuses (Figs 1-3). 126 Fig. 1. Aspects IRM d’un volumineux fécalome occupant l’espace présacré chez un patient de 36 ans avec troubles sensitifs périnéaux, dysurie, dysérection et mégarectum dans le cadre d’une possible dysautonomie Fig. 3. Aspects IRM d’un volumineux fécalome occupant l’espace présacré chez un patient de 36 ans avec troubles sensitifs périnéaux, dysurie, dysérection et mégarectum dans le cadre d’une possible dysautonomie Fig. 2. Aspects IRM d’un volumineux fécalome occupant l’espace présacré chez un patient de 36 ans avec troubles sensitifs périnéaux, dysurie, dysérection et mégarectum dans le cadre d’une possible dysautonomie Devant cette association de troubles ano-rectaux (mégarectum, trouble de la sensibilité rectale, trouble de la sensibilité vésicale, mégavessie), une dysrégulation du système nerveux autonome, dans le cadre d’une « dysautonomie primaire » avec une expression vésicosphinctérienne et ano-rectale isolée, était recherchée par des tests cardio-vasculaires de la fonction autonome, d’autant qu’il existait des manifestations de colopathie spasmodique, de mauvaise digestion, d’excès de transpiration post-prandiale, de possibles manifestations d’hypotension orthostatique, et un éblouissement visuel facile. Seule l’étude de la variabilité de l’espace RR au cours de la respiration ample dirigée s’avérait pathologique (test de la fonction parasympathique), les autres tests cardio-vasculaires (recherche d’hypotension orthostatique, étude de la variabilité RR au cours du Valsalva, du Cold Pressor Test, ratio 30-15) étant négatifs, de même que le test Schirmer et la débimétrie salivaire. En revanche, les potentiels cutanés sympathiques périnéaux étaient abolis, contrastant avec la présence des réponses électrodermiques aux membres supérieurs et inférieurs. Quant au test au sucre, il était partiellement positif puisque le sucre n’est pas totalement délité. Dans l’hypothèse d’une visceral myopathy, une manométrie œsophagienne était pratiquée, d’autant qu’il existait une dysphagie basse, manométrie retrouvant une hypotonie de repos du sphincter inférieur de l’œsophage et une motricité œsophagienne insuffisante. Si en définitive, selon les critères d’Ewing, on ne pouvait formellement affirmer une dysautonomie, une dysrégulation végétative globale pouvait néanmoins être évoquée chez ce patient continuant à se plaindre de troubles vésicosphinctériens (mégavessie, mictions rares, dysurie, pression abdominale, gouttes terminales, altération de la perception du passage uréthral des urines) ; de 127 troubles génito-sexuels (dysérection et dyséjaculation) ; de troubles ano-rectaux (dyschésie) ; coliques (ballonnements abdominaux...), gastriques (plénitude gastrique post-prandiale, difficultés à la digestion) et œsophagiens. Cette dysrégulation végétative étant de plus objectivée sur les examens paracliniques (perturbations de la cystomanométrie, des manométries ano-rectale et œsophagienne, du test au sucre, des potentiels cutanés sympathiques, de la variabilité RR au cours de la respiration profonde). Il notait enfin que l’impression d’hypoesthésie pénienne diminuait franchement lorsqu’il arrivait à évacuer en grande partie son rectum. Discussion L’absence d’antécédents familiaux, l’âge de début tardif (symptômes non apparus dans l’enfance ou l’adolescence), l’absence de dégradation de l’état général et de syndrome occlusif, l’absence de dilatation du grêle sont autant d’arguments contre une myopathie viscérale [1,2], bien que des formes sporadiques aient été décrites [3]. Il existe peu d’arguments pour une cytopathie mitochondriale (absence de lésion de la substance blanche en IRM) [4], pour un POLIP syndrome (polyneuropathy, ophthalmoplegia, leukoencephalopathy, and intestinal pseudoobstruction) [absence de pseudo-obstruction] [5], une atteinte lupique ou une maladie cœliaque. L’hypothèse d’une dysrégulation localisée du système nerveux autonome est la plus plausible [6]. Les complications des fécalomes géants sont rares [7-13]. Si des incontinences urinaires, des tamponnades cardiaques, des compressions urétérales et des hydronéphroses ont été décrites, une compression nerveuse n’a, à notre connaissance, jamais été signalée. L’IRM, en mettant en évidence les rapports du fécalome avec les structures nerveuses, permet d’étayer le diagnostic et d’éliminer les autres étiologies tumorales, bénignes ou malignes, pouvant envahir et comprimer l’espace sacré [14,15]. Les explorations neurophysiologiques périnéales peuvent apporter quelques arguments, comme dans notre observation où les potentiels somesthésiques du nerf pudendal étaient altérés. Références 1. Schuffler MD, Rohrmann CA, Chaffee RG, et al. (1981) Chronic intestinal pseudo-obstruction. A report of 27 cases and review of the literature. Medicine (Baltimore) 60 (3): 173-96 2. Wedel T, Tafazzoli K, Sollner S, et al. (2003) Mitochondrial myopathy (complex I deficiency) associated with chronic intestinal pseudo-obstruction. Eur J Pediatr Surg 13(3): 201-5 3. 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Two types of DSD have been described: detrusor-external sphincter dyssynergia and detrusorinternal sphincter dyssynergia. We present a review of these forms of DSD, including diagnostic strategies and urodynamic investigations. Keywords: Detrusor sphincter dyssynergia – Neurogenic bladder Introduction La fonction vésicosphinctérienne est soumise à une régulation comportementale, l’alternance des phases de continence et de réflexe mictionnel dépend de l’intégrité des circuits neurologiques impliqués. Les dyssynergies vésicosphinctériennes expriment l’altération de la synchronisation du réflexe mictionnel et les conflits vessie-sphincter strié et vessie-sphincter col lisse. Leurs définitions sont nombreuses, multipliant leur mode d’évaluation et les difficultés de leur recensement. Les dysfonctionnements vésicosphinctériens traduisent un dysfonctionnement du circuit neurologique Correspondance : E-mail : [email protected] médullaire impliqué dans le réflexe mictionnel ; la prise en charge consiste essentiellement à prévenir les risques de complications urologiques. Miction normale Le fonctionnement vésicosphinctérien est constitué d’une alternance de phases de continence et de réflexe mictionnel. Le remplissage progressif de la vessie active les afférences de la vessie et de l’urètre à l’origine des différents besoins d’uriner. La réalisation des mictions et la régulation comportementale sont dépendantes de multiples structures encéphaliques. La coordination du fonctionnement de la vessie et de l’urètre est assumée par des structures neurologiques pontiques. Le réflexe mictionnel est entièrement dépendant de centres médullaires sympathiques thoraciques (D10-L2), parasympathiques et somatiques sacrés (S2-S4). La miction normale, volontaire, aisée et complète, nécessite l’intégrité des différents centres et circuits impliqués dans le cycle continence-miction. Sa réalisation est synergique, la contraction du détrusor est précédée d’une ouverture du sphincter strié urétral et d’une relaxation du col vésical, ce qui permet une expulsion complète du contenu vésical à faible pression. L’altération de la synchronisation ouverture sphincter strié et contraction de vessie ou relaxation du col vésical et contraction du détrusor constitue les dyssynergies vésicostriée et vésico-lisse. Elles sont essentiellement décrites dans les lésions médullaires supra-sacrées et attribuées à la perte du contrôle des structures pontiques sur les centres dorsolombaires et sacrés impliqués dans le réflexe mictionnel. Il existe donc deux types de dyssynergie : une dyssynergie vésico-striée et une dyssynergie vésico-lisse (vésicocol). Dyssynergies vé sico-strié es La connaissance et la description de la dyssynergie vésicostriée datent du début du siècle [1]. Au cours du temps, l’incoordination entre l’activité vésicale et le fonctionnement du sphincter strié a été appréciée différemment selon les auteurs. 129 Définitions La définition la plus communément acceptée est celle de Blaivas : « présence de contractions involontaires du sphincter strié urétral enregistrées par EMG pendant la contraction du détrusor » [2]. Yalla définit la dyssynergie vésico-striée comme une perturbation du réflexe mictionnel, résultant d’une contraction involontaire ou d’une absence de relaxation des pressions du sphincter strié précédant ou accompagnant une contraction du détrusor [3,4]. Pour De Leval et Penders, la dyssynergie est définie comme une absence de relaxation urétrale et/ou une contraction sphinctérienne avant et/ou pendant la contraction du détrusor [5]. Ces trois définitions de la dyssynergie sont les références les plus utilisées pour l’évaluation de la dyssynergie, même s’il en existe de multiples nuances. Pour ces différents auteurs, la présence de la contraction du détrusor et une activité involontaire du sphincter strié sont essentielles pour affirmer une dyssynergie. Classifications Plusieurs classifications ont été proposées (Fig. 1) : Fig. 1. Schémas des classifications Classification de Yalla [3,4]. L’auteur décrit quatre fonctionnements différents vésicosphinctériens à partir d’une étude de 200 patients présentant une atteinte médullaire complète ou incomplète. Il réalise 300 urétrocystomanométries associées à un EMG du sphincter strié urétral, une débitmétrie, un contrôle radiologique et un test à l’eau glacée. Le grade 0 : les patients ont une miction synergique avec relaxation des pressions urétrales précédant la contraction du détrusor, tous ces patients ont un test à l’eau glacée négatif. Le grade I est défini comme un retard de la miction par absence de relaxation prémictionnelle urétrale avec persistance de l’activité électromyographique du sphincter strié au début de la contraction du détrusor. Le grade II est marqué par une activité intermittente du sphincter strié pendant la contraction du détrusor responsable de mictions en plusieurs jets. Le grade III est caractérisé par une augmentation de l’activité du sphincter strié urétral pendant la contraction du détrusor, rendant parfois la miction impossible. Pour ces trois derniers stades, le test à l’eau glacée est toujours positif. 41,5 % des patients ayant une lésion médullaire ont une dyssynergie de stade I, II et III. La dyssynergie vésicosphinctérienne est exclusivement liée à une lésion médullaire supra-sacrée. Classification de Blaivas [2]. Elle découle de l’exploration de troubles vésicosphinctériens de 550 patients dont 119 ont une lésion médullaire. Le bilan urodynamique comprend un enregistrement des pressions vésicales, rectales, une débitmétrie et un EMG du sphincter strié urétral. Le type I se manifeste par une augmentation de l’activité électromyographique du sphincter strié au début de la contraction du détrusor avec survenue tardive de la relaxation urétrale et miction différée. Le type II est caractérisé par une augmentation intermittente de l’activité électromyographique du sphincter strié, alternée avec des phases de relaxation urétrale pendant la contraction du détrusor occasionnant une miction en plusieurs jets. Le type III se manifeste par une activité permanente du sphincter strié, pendant la contraction du détrusor pouvant interdire la miction. 54 patients sur 119 ont une dyssynergie vésico-striée. Pour Blaivas, il s’agit d’une pathologie exclusivement liée aux lésions médullaires supra-sacrées. Si ces deux classifications sont les plus utilisées encore actuellement, de nombreux auteurs proposent des définitions et des classifications différentes. Classification d’Andersen et Bradley [6]. Ils réalisent une étude urodynamique et électrophysiologique de patients dyssynergiques. Ils considèrent l’augmentation de l’activité électromyographique du sphincter strié, induite par la distension de la vessie sans contraction du 130 détrusor, comme une forme de dyssynergie pour les patients neurologiques ne pouvant contrôler volontairement le sphincter strié. Ils introduisent le concept d’une dyssynergie vésico-striée sans contraction du détrusor. Ils évoquent le fait d’une inhibition de la contraction du détrusor par l’hyperactivité du sphincter strié. Classification de Siroky [7]. Pour cet auteur, la perte d’une guarding-réfexe pendant la phase de remplissage est considérée comme une forme de dyssynergie. Il définit également la pseudo-dyssynergie qui se caractérise par une contraction involontaire du sphincter strié, précédant et accompagnant la contraction du détrusor. Classification de Bary [8]. Elle distingue 3 formes de dyssynergie à partir d’une évaluation urodynamique complète de 42 blessés médullaires complets et incomplets : – 1re forme : persistance d’une activité du sphincter strié urétral pendant la miction associée à une hypo- ou une aréflexie du détrusor ; – 2e forme : elle est caractérisée par l’apparition d’une hyperactivité urétrale marquée par une augmentation de l’EMG du sphincter strié pendant la contraction du détrusor, c’est le prédétrusor kick. La présence de ce prédétrusor kick est considérée comme une forme de « dyssynergie non soutenue » ; – 3e forme : l’activité du sphincter strié urétral se prolonge pendant la contraction du détrusor : « c’est une dyssynergie soutenue ». Pour Bary, tous les blessés médullaires complets ou incomplets ont une dyssynergie vésico-striée, quelle que soit l’activité du détrusor. Classification de De Leval Chantraine et Penders [5]. Ils proposent une classification étiologique des dyssynergies vésico-striées. Ils définissent la dyssynergie neurologique comme l’absence de relaxation des pressions urétrales prémictionnelles et/ou la persistance d’activité urétrale pendant la contraction du détrusor (dyssynergie tonique). La dyssynergie clonique se manifeste par des contractions du sphincter strié urétral pendant la contraction du détrusor, associée ou non à une relaxation prémictionnelle des pressions urétrales. Ces auteurs retrouvent dans les atteintes médullaires 97,5 % de dyssynergies toniques. Ils décrivent également la dyssynergie non neurologique qui se caractérise par une relaxation des pressions du sphincter strié précédant la contraction du détrusor, mais accompagnée d’activité clonique. Caractéristiques Pour la majorité des auteurs, la dyssynergie vésico-striée épargne les lésions supraspinales (Blaivas, Siroky, Penders, De Leval, Yalla...). Endersen, Bradley, Tsuchida et Perrigot signalent la présence d’une incoordination vésicosphinctérienne dans les atteintes encéphaliques. Endersen et Bradley soulignent l’importance des circuits pyramidaux à l’origine de la dyssynergie vésico-striée et considèrent que toute désorganisation des circuits du contrôle de la miction peut entraı̂ner un trouble de la synergie vésicosphinctérienne. La fréquence des dyssynergies dans les atteintes médullaires est appréciée différemment selon les auteurs : 45 % pour Blaivas, 41,5 % pour Yalla, 97,5 % pour Penders et Delaval, 70 % pour Koyanagui, 100 % pour Bary. Une étude clinique, urodynamique et radiologique, intéressant 327 blessés vertébro-médullaires complets moteurs et sensitifs (ASIA A), confirme chez ces patients l’absence de relaxation des pressions urétrales associée à la persistance de l’activité électromyographique du sphincter strié pendant la phase prémictionnelle. À cette dyssynergie tonique était associée une activité clonique pendant la contraction du détrusor dans près d’un cas sur deux [9]. La même étude chez 80 patients présentant une atteinte complète motrice et incomplète sensitive (ASIA B) révélait dans 25 % des cas une véritable miction synergique. Plusieurs auteurs considèrent qu’il n’existe pas de relation entre l’existence de dyssynergie et le niveau de la lésion médullaire (Yalla, Blaivas), mais leurs résultats ne le prouvent pas. De même que Yalla et Siroky signalent que le degré de synergie est dépendant de l’importance de la lésion médullaire : les patients incomplets ayant toujours les dyssynergies les moins importantes. Malgré les résultats discordants de la littérature, on peut affirmer que la dyssynergie vésico-striée est essentiellement retrouvée dans les atteintes médullaires. Il existe cependant, dans 20 % des cas, une mauvaise synergie vésico-striée dans les atteintes encéphaliques. La prévalence des dyssynergies vésico-striées dans les atteintes médullaires est très dépendante des classifications utilisées. Cette dyssynergie ne semble pas corrélée au niveau lésionnel. Son évolution est peu connue. Ce dysfonctionnement est à l’origine de complications urologiques importantes. Moyens d’évaluation L’observation clinique, l’exploration échographique, la débitmétrie, même associées, ne permettent pas le diagnostic de dyssynergie. La définition et l’évaluation sont exclusivement urodynamiques. L’exploration urodynamique associant une prise de pressions vésicales et un EMG du sphincter strié paraı̂t suffisante pour affirmer la dyssynergie vésicosphinctérienne. La prise de pressions rectales permet d’éliminer la possibilité de pseudocontractions vésicales. L’enregistrement des pressions vésicales et urétrales associant un EMG du sphincter strié permet de mieux apprécier une éventuelle relaxation des pressions urétrales précédant la contraction du détrusor et accompagnant cette contraction [3,4,10-12]. L’enregistrement étagé des pressions de la vessie, du col, de l’urètre postérieur et du sphincter strié par multicapteurs offre la possibilité d’analyses du compor- 131 tement de tout l’appareil vésicosphinctérien pendant la miction et le remplissage. Il permet aussi la mise en évidence de l’association de la dyssynergie vésico-striée à la dyssynergie vésico-lisse. La lésion des circuits suprapontiques qui organisent la miction et contrôlent les structures neurologiques sousjacentes est susceptible de perturber l’action des centres pontiques responsables de la synergie vésico-urétrale. Discussion Conclusion Sous contrôle encéphalique, le centre pontique décrit par Barrington chez le chat coordonne l’activité des centres médullaires de la miction [13,14]. Les PET scanners ont permis de localiser chez l’animal et l’homme, dans la région pontique médiane et latérale, des structures qui ont un rôle similaire sur l’activité vésicale et urétrale. Des projections de ces zones sur les centres médullaires sympathiques dorsolombaires, parasympathiques sacrés et noyaux d’onuf ont également été mises en évidence [1,5,15-19,20-23]. La lésion médullaire supra-sacrée et sous-pontique interrompt les afférences et les efférences destinées à l’appareil vésicosphinctérien et le circuit ponto-médullaire contrôlant la synergie vésico-striée. Le cycle continencemictions n’est plus soumis à une régulation comportementale, il est réduit à un réflexe médullaire. La sensation de besoin et le contrôle volontaire de la miction disparaissent. Le remplissage progressif de la vessie n’entraı̂ne plus la mise en action des mécano-récepteurs de la musculeuse lisse. Les afférences vésicales sont véhiculées par des fibres C amyéliniques vraisemblablement responsables de l’hyperréflexie vésicale. Pour De Groat, le test à l’eau glacée stimule les récepteurs au froid de la vessie et de l’urètre, et confirme le rôle des fibres afférentes C dans l’hyperréflexie vésicale. La contraction involontaire du détrusor n’est plus associée à la relaxation du sphincter strié urétral et du sphincter lisse [19]. L’obstruction urétrale entraı̂ne souvent une augmentation de l’amplitude et de la durée de la contraction du détrusor. Cette opposition à haute pression des forces d’expulsion vésicale et des forces de résistance urétrale peut générer des complications urinaires : déformation vésicale, reflux vésico-urétéro-rénaux [21,24-28]. La majorité des auteurs considèrent que la dyssynergie vésicosphinctérienne est pathognomonique des lésions médullaires [2-5,7,8,29]. Cependant, des dyssynergies vésico-striées sont décrites dans certaines pathologies encéphaliques : Parkinson, MSA, hémiplégie, démence, traumatisme crânien, toujours associées à une hyperactivité du détrusor [6,17,30-32]. Cette hyperactivité détrusorienne est certainement résultante des modifications des afférences vésicales similaires à celles décrites dans les lésions médullaires comme en témoigne le test à l’eau glacée positif chez ces patients. Le test à l’eau glacée active les fibres C vésicales et urétrales. Il n’entraı̂ne qu’une sensation de besoin d’uriner chez le sujet témoin et une contraction involontaire du détrusor chez le blessé médullaire [16]. L’absence de synchronisme des activités vésicales et sphinctériennes définit la dyssynergie. La présence d’activités involontaires vésicale et sphinctérienne au cours d’une miction paraı̂t nécessaire pour définir une dyssynergie vésico-striée. Il appartient au praticien d’en faire la preuve en enregistrant les pressions vésicale et urétrale pendant le remplissage et la miction, ainsi que l’électromyogramme à l’aiguille du sphincter strié urétral. Les dyssynergies vésico-striées sont fréquentes dans les pathologies médullaires, leur présence dans les atteintes encéphaliques ne paraı̂t cependant pas incohérente. L’évaluation actuelle des dyssynergies ne permet pas leur quantification précise. Leur dépistage est indispensable car elles constituent un facteur de complications urinaires. Dyssynergies vésico-lisses La miction normale initiée par le besoin d’uriner est habituellement organisée en succession de phases bien établies chez l’animal et chez l’homme. La relaxation de l’urètre (arrêt de l’activité électromyographique du sphincter strié et ouverture du col vésical) précède et accompagne la contraction du détrusor et la miction. Dé finition La première définition est donnée vraisemblablement par Guyon, en 1889, qui décrit « le prostatisme sans prostate ». Marion, en 1933, définit « la maladie du col vésical » comme une modification du fonctionnement du col vésical sans lésion apparente. Elle est responsable d’une dysurie. Le diagnostic est radiologique. À la notion d’obstacle du col vésical succède le concept d’une obstruction fonctionnelle, et, dans les années 1960 à 1980, de nombreux auteurs signalent pour des patients neurologiques et non neurologiques la présence d’une dysectasie constatée au cours de clichés radiographiques mictionnels [33]. En 1967, Ascoli [34] propose une classification en cinq grades permettant d’apprécier l’ouverture du col vésical des blessés médullaires au cours de la miction. De nombreuses classifications diagnostiques radiologiques du même type sont proposées. La pathologie du col vésical est associée progressivement à une hypertonie ou une hyperactivité alphaadrénergique [33,35-39]. 132 L’utilisation d’alphabloquants en test conforte l’hypothèse d’une participation du système nerveux végétatif alphaadrénergique dans la pathologie du col vésical [22,40-47]. Les alphabloquants par voie intraveineuse entraı̂nent une chute des pressions urétrales, une amélioration de l’ouverture du col vésical et une amélioration clinique de la miction. Le diagnostic est alors essentiellement radiologique et pharmacologique, basé sur l’appréciation du fonctionnement du col vésical pendant le remplissage vésical et la miction, et sur la sensibilité aux alphabloquants. Dans les années 1980, l’enregistrement étagé des pressions urétrales au cours d’une cystomanométrie permet la mise en évidence d’une activité du col et de l’urètre postérieur concomitant de la contraction du détrusor pendant la miction [48]. En 1986, Rossier réalise chez le blessé médullaire, à l’aide d’une sonde à multicapteurs, un enregistrement étagé des pressions urétrales du col et du sphincter strié au cours d’une exploration urodynamique associée à un électromyogramme du sphincter strié, un contrôle radiologique et des tests pharmacologiques [49]. Il met en évidence une augmentation des pressions urétrales accompagnant la contraction du détrusor et la miction, notamment au niveau du col vésical. Il observe une dyssynergie vésicocol chez le blessé médullaire, indépendante de la dyssynergie striée. Schurch et Rossier [50], en 1994, avec la même méthodologie sur une série de 34 blessées vertébro-médullaires montrent l’importance des la dyssynergie lisse dans le fonctionnement vésicosphinctérien des blessés médullaires retrouvés dans 73,5 % des cas. La dyssynergie du détrusor-col est ainsi définie comme une contraction du col vésical accompagnant la contraction du détrusor pendant la miction. Cette dyssynergie peut accompagner la contraction du détrusor sur toute sa durée. La dyssynergie lisse est indépendante de la dyssynergie vésico-striée. Le diagnostic est urodynamique, radiologique et pharmacologique. E´valuation La cystomanométrie et la profilométrie traditionnelles ne permettent pas le diagnostic de dyssynergie vésicocol. Chez le blessé vertébro-médullaire, l’examen clinique végétatif basé sur l’étude de la sudation, du réflexe pilomoteur, de l’horripilation, permet de déterminer un fonctionnement végétatif réflexe persistant dans le territoire sous-lésionnel [51]. La persistance de réaction cutanée sympathique au niveau des membres inférieurs et du périnée est corrélée à une activité du col vésical. La destruction des myélomères sympathiques dorso-lombaires D10-L2 entraı̂ne une béance du col vésical associée à une perte des réflexes cutanés sympathiques des membres inférieurs. L’enregistrement des potentiels cutanés sympathiques réalisé pendant une cystomanométrie en zone sus et souslésionnelle confirme les données de l’examen clinique [52-54]. L’exploration végétative isolée ne permet pas cependant d’affirmer l’existence d’une dyssynergie vésicocol, mais seulement de suspecter une pathologie du col vésical. L’exploration radiologique a longtemps été le seul moyen d’appréciation du fonctionnement du col vésical. La cystographie avec cliché mictionnel permet de visualiser la fermeture complète du col vésical pendant le remplissage vésical ainsi que son ouverture harmonieuse et symétrique en entonnoir au cours de la miction. La cystographie avec clichés mictionnels peut révéler pendant la miction une ouverture incomplète et intermittente du col vésical et de l’urètre postérieur. Ces éléments, associés à l’analyse des paramètres cliniques urodynamiques, sont des arguments diagnostiques d’une pathologie du col vésical pouvant être assimilée à une dyssynergie vésicocol. Nous avons réalisé une étude sur 100 blessés vertébromédullaires supra-sacrés complets moteur et sensitif (ASIA A) [étude non publiée]. Le bilan comprenait une exploration radiologique avec enregistrement de la miction au magnétoscope, un examen clinique végétatif, un enregistrement de l’activité cutanée sympathique recueillie en zone sous-lésionnelle pendant le bilan urodynamique. Nos résultats corroborent ceux de Schurch : 75 % des blessés médullaires ont un dysfonctionnement du col vésical. L’association d’une évaluation urodynamique, radiologique et d’un enregistrement des potentiels cutanés sympathiques permet de mettre en évidence un dysfonctionnement du col vésical susceptible d’être une dyssynergie vésicocol. L’utilisation de sonde munie de quatre ou cinq capteurs permet l’analyse au cours de la cystomanométrie des modifications des pressions de la vessie, du col vésical, de l’urètre postérieur et de plusieurs points du sphincter strié urétral. Au cours d’une miction, l’enregistrement d’une augmentation de l’activité de la zone du col vésical et de l’urètre postérieur précédant ou accompagnant la contraction du détrusor permet le diagnostic d’une dyssynergie vésicocol. Le gradient de pression détrusor-col permet d’évaluer l’importance de cette dyssynergie. Le diagnostic de la dyssynergie vésicocol nécessite des moyens techniques aujourd’hui encore onéreux, mais la fréquence de cette pathologie et sa répercussion sur le fonctionnement vésicosphinctérien du blessé médullaire imposent son analyse quasi systématique (Fig. 2). Commentaires La dyssynergie vésicocol est vraisemblablement très fréquente et son rôle est essentiel dans le dysfonctionnement vésicosphinctérien. La pathologie du col vésical est actuellement mieux connue. L’interprétation des dysfonctionnements du col vésical est cependant différente selon les auteurs. Pour Rossier [48,49], il existe deux types 133 La dyssynergie vésicocol ne représente vraisemblablement qu’un aspect des dysfonctionnements du col vésical. La diversité des méthodologies utilisées dans la littérature explique les appréciations différentes du rôle de la dyssynergie vésicocol dans le dysfonctionnement vésicosphinctérien des patients. L’enregistrement des pressions étagées au niveau de l’urètre postérieur et du col vésical associé à l’enregistrement des pressions vésicales et du sphincter strié et couplé à des clichés radiologiques permet d’affirmer une réelle dyssynergie du col vésical. Conclusion Les dyssynergies vésico-lisses et vésico-striées sont fréquentes dans les pathologies médullaires. Leur évaluation est actuellement aisée. Les obstructions sous-vésicales sont à l’origine de nombreuses complications urinaires. Leur prise en charge thérapeutique médicale et chirurgicale est indispensable au rétablissement d’un équilibre vésicosphinctérien. Références Fig. 2. Dyssynergie vésicocol de dyssynergie lisse, une dyssynergie intéressant les atteintes médullaires supérieures à D5, sensibles aux alphabloquants, et une dyssynergie intéressant les patients ayant une atteinte médullaire inférieure à D5, insensible aux alphabloquants. Pour Schurch [50], la dyssynergie lisse est toujours présente, associée à la dyssynergie vésico-striée chez les blessés médullaires cervicaux et dorsaux hauts présentant des hyperréflexies autonomes. Elle est toujours absente dans les atteintes médullaires détruisant les centres sympathiques. Elle est souvent retrouvée dans les atteintes lombo-sacrées épargnant les centres sympathiques dorso-lombaires. Les patients présentant des atteintes médullaires incomplètes sensitives et motrices n’ont pas de dyssynergie vésicocol. On peut retrouver la dyssynergie lisse vésicocol chez tous les patients ayant une atteinte médullaire épargnant les centres sympathiques dorso-lombaires D10-L2. La pathologie du col vésical n’est cependant pas l’exclusivité des blessés médullaires. Elle est mentionnée par plusieurs auteurs dans d’autres pathologies neurologiques centrales ou périphériques. 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Leriche Centre hospitalier Lyon-Sud, F-69495 Pierre-Bénite Cedex, France Résumé : Objet : La maladie de La Peyronie est décrite depuis plus de deux cents ans, mais elle demeure encore mal comprise. Cela explique le foisonnement d’hypothèses étiopathogéniques, même si aujourd’hui un certain consensus émerge. Mé thodes : Les grandes études reconnues et les conférences sur le sujet ont servi de base pour décrire la maladie de La Peyronie. Une revue systématique et presque exhaustive de la littérature depuis 2004 a été réalisée et a permis, avec l’expérience du service, de dégager les tendances actuelles. Ré sultats : Sur le plan étiopathogénique, l’hypothèse des microtraumatismes reste d’actualité mais n’est pas suffisante et les hypothèses auto-immune, génétique et vasculaire semblent actuellement valables. Il n’y a pas d’examens complémentaires nécessaires en pratique courante. Les traitements médicaux sont très nombreux et ont surtout fait la preuve de leur efficacité sur la douleur. On retiendra la vitamine E, la colchicine ainsi que les injections intraplaques de corticoı̈des ou de vérapamil. Des traitements prometteurs par inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 ou par injection d’interféron B doivent être validés. Les traitements chirurgicaux de correction de la courbure et des troubles de l’érection ne seront proposés que si la courbure est stabilisée depuis six mois. La qualité des érections, la taille de la verge, l’importance de la courbure et les souhaits du patient seront les éléments permettant de prendre la bonne décision thérapeutique. La correction de la courbure par la technique de Nesbit reste la technique de référence. En cas de plaque très importante et de troubles de l’érection, la section de la plaque avec greffe veineuse et prothèse gonflable est actuellement la meilleure technique. On citera la technique de Leriche, la mise en place d’implants souples et la lithotritie extra-corporelle comme possibles techniques d’avenir. Peyronie’s disease: evidence-based knowledge and hypotheses in its pathophysiology, epidemiology, diagnosis and treatment Mots clés : La Peyronie – Chirurgie – Courbure – Verge – Douleur Keywords: La Peyronie’s Disease – Surgery – Curvature – Penis – Pain Correspondance : E-mail : [email protected] Abstract: Subject: Although still poorly understood, La Peyronie’s disease has been described for two hundred years. This lack of solid knowledge explains the existence of so many etiopathogenic hypotheses, despite the current emerging consensus. Method: We performed an exhaustive review of the major studies and conference reports on La Peyronie’s disease since 2004 to determine present thinking on this condition. Results: The microtrauma hypothesis remains valid today but is not comprehensive enough to fully explain aetiology; explanations touching on autoimmunity, genetics and the vascular system are necessary to better understand the disease. Clinical examination suffices for establishing diagnosis. Medical treatment has mostly succeeded in managing pain. Vitamin E, colchicine, steroid and intraplaque verapamil injections are now accepted treatments. Further studies are needed to determine the efficacy of treatment with phosphodiesterase type 5 or beta interferon intraplaque injection. Surgical treatments are appropriate only if the disease has stabilized after six months. Erection quality, penis size, degree of curvature and the patient’s wishes are the main factors to consider before choosing a surgical treatment. The reference for curvature correction is the Nesbit procedure. If the plaque is large and accompanied by impotence, plaque incision with vein graft and the insertion of an inflatable prosthesis is the usual treatment course. Leriche’s technique, soft prostheses, and extracorporeal shockwaves offer promising alternatives but require further investigations to prove their effectiveness. 136 Introduction La maladie de La Peyronie est une induration plastique des corps caverneux par un phénomène fibrotique se développant au niveau de la partie interne de l’albuginée. Elle se traduit cliniquement par des douleurs, une courbure de la verge pouvant gêner la pénétration, la perception de nodules péniens indurés et parfois des troubles de l’érection. On retrouve des écrits depuis Vésale et Fallopio, mais le premier à l’avoir décrite est le chirurgien du roi Louis XV, François Gigot de La Peyronie. Si la découverte de cette maladie est ancienne, elle reste encore très mal connue, notamment en termes de physiopathologie et de traitements. Il existe actuellement un très grand nombre d’hypothèses étiopathogéniques et il existe un très grand nombre de traitements tant médicaux que chirurgicaux. Cette « mise au point » va essayer de rendre compte de ce foisonnement tout en essayant de dégager quelques consensus utiles sur un plan pratique. Épidémiologie La prévalence dans la population générale varie de 0,4 % [1] à 3,2 % [2,3]. On retrouve même sur des séries autopsiques une prévalence de 23 % [4]. On retrouve une plus grande prévalence lorsque l’on s’intéresse à des sous-populations : – chez les diabétiques : 8 % [5] ; – chez les patients avec dysfonction érectile : 8 % [5]. L’incidence et la prévalence sont difficiles à établir car la maladie n’est pas toujours symptomatique ou pas toujours suffisamment symptomatique pour que les patients dépassent leurs inhibitions à parler de troubles de la sexualité. En fait, l’histoire même de la maladie qui peut régresser spontanément ne facilite pas le décompte. Enfin, peut-on comptabiliser ensemble les patients présentant une maladie symptomatique avec les patients chez qui un dépistage systématique a retrouvé cette maladie qui était non symptomatique ? Quoi qu’il en soit, tous les spécialistes s’accordent à dire que la prévalence est sous-évaluée [6]. vers l’albuginée et vers l’intérieur des corps caverneux. Les tissus fibrosés peuvent aussi se calcifier, s’ossifier. On retient quatre grandes hypothèses pouvant expliquer cette inflammation fibrosante de l’albuginée : – hypothèse traumatique qui explique l’apparition de cette inflammation par un micro- ou macro-traumatisme responsable d’un dépôt de fibrine qui va enclencher une réaction en chaı̂ne des fibroblastes [9-11]. Mais, une étude récente iranienne, qui a suivi sur sept ans 300 patients ayant eu une fracture de verge ou des micro-traumatismes, ne retrouve qu’un seul cas ayant développé une maladie de La Peyronie. Dans le même ordre d’idée, on peut s’étonner qu’il soit si rare que les injections intracaverneuses, le vacuum, voire la chirurgie des corps caverneux se compliquent d’une maladie de La Peyronie. Cela prouve qu’il existe certainement d’autres facteurs que le traumatisme pour expliquer cette maladie ; – hypothèse auto-immune soutenue par plusieurs équipes ayant retrouvé la présence d’anticorps antiélastine, antiproélastine ou des anticorps antinucléaires ou une augmentation des antigènes HLA B8 [12] ; – hypothèse du terrain « vasculaire » : la fréquence de la maladie suit l’âge des patients comme les maladies cardiovasculaires [13] et l’association à des troubles lipidiques, à la consommation de tabac et à l’HTA est très fréquente ; – hypothèse génétique relancée par une étude comparée entre la maladie de La Peyronie et celle de Dupuytren, qui montre beaucoup de similitudes dans l’expression génique par mRNA [14]. Une autre étude sur le rat montre qu’il est possible de faire régresser une plaque de La Peyronie par transfert génique [15]. Ces différentes hypothèses ne s’excluant pas, il s’agit probablement d’un phénomène multifactoriel. Clinique L’interrogatoire et l’examen clinique sont les deux éléments indispensables et suffisants pour faire le diagnostic de la maladie (Fig. 1). Physiopathologie On observe d’une part l’apparition d’un infiltrat inflammatoire lymphoplasmocytaire périvasculaire se développant à la zone de jonction du tissu conjonctif et aréolaire avec sécrétion de cytokines. On observe dans le même temps une destruction des fibres d’élastine et une hyperproduction de collagène de type 1 et 3. Ce système est auto-entretenu par une hypersécrétion de b1TGF par les fibroblastes [7], qui stimule les cellules de l’inflammation. Par ailleurs, dans le même temps, on observe une diminution du NO qui a un rôle protecteur en permettant la différenciation des fibroblastes en myofibroblastes [8]. Ce phénomène de fibrose s’étend Fig. 1. Maladie de La Peyronie : le diagnostic est « clinique » sur photographie 137 L’âge moyen du début de la maladie se situe vers 53 ans avec 2/3 des patients ayant entre 40 et 60 ans [16,17]. La courbure est presque toujours présente, mais pas tout le temps, notamment en cas de plaque circonférentielle, elle varie de 20 à plus de 90 . Les deux moyens utilisés préférentiellement pour l’évaluer sont les injections intracaverneuses et la photographie qui est devenue plus facile à réaliser pour le patient, grâce au numérique notamment. Elle est le plus souvent dorsale (43 à 72 %), parfois ventrale (11 à 20 %) ou latérale (10 à 48 %) ou parfois complexe, en sablier [16-18]. Cette courbure est responsable de difficultés lors de la pénétration et elle est le principal motif de consultation. La douleur est très fréquente à la phase initiale et elle est le deuxième motif de consultation. Il s’agit d’une douleur survenant lors de l’érection et elle disparaı̂t spontanément dans près de 100 % des cas [16,19]. Les troubles érectiles sont retrouvés dans 20 à 30 % des cas et sont dus à des troubles vasculaires pour une part, à la douleur ou aux perturbations psychologiques induites d’autre part [16,20,21]. Certaines études retrouvent un raccourcissement de verge pouvant atteindre 1 à 2 cm [16]. Diagnostic diffé rentiel Le principal diagnostic différentiel est la courbure congénitale de verge, qui est facilement éliminée par l’âge du consultant, l’évolution de la maladie et l’absence de plaque bien délimitée. Beaucoup plus rarement, on évoquera les tumeurs de type sarcome ou hémangioendothéliome épithélioı̈de des corps caverneux. E´volution et complication L’évolution naturelle de la maladie de La Peyronnie est très variable et on peut schématiquement distinguer trois évolutions : amélioration, stabilisation ou aggravation. Sur le plan de la douleur, l’ensemble des auteurs s’accorde pour dire que la douleur disparaı̂t dans près de 100 % des cas [16,19]. Pour la courbure, la littérature est beaucoup moins univoque, avec une amélioration dans 10 à 80 % des cas, surtout si la plaque mesure moins de 2 cm [16,19,22], une aggravation dans 30 à 50 % des cas lorsque la plaque mesure plus de 2 cm [16,22] ou une stabilisation [16,19]. Les complications de la maladie sont les troubles de l’érection vus plus haut et on retrouve quelques cas de fractures de verges [23]. Examens complémentaires La deuxième consultation internationale de Paris sur les dysfonctions sexuelles recommande de ne pas réaliser d’examens complémentaires en pratique courante. Elle émet même des doutes sur l’intérêt de l’utilisation d’examens complémentaires dans les études, arguant que la clinique permet une évaluation très bonne et très fiable [6]. L’écho-doppler avec injection intracaverneuse retrouve la plaque dans plus de 3/4 des cas, il peut mesurer la taille de la plaque et évaluer les flux vasculaires [18]. Il retrouve 30 % d’anomalies vasculaires en l’absence de troubles érectiles et 70 % d’anomalies vasculaires en cas de dysérection [24]. La réalisation d’une injection intracaverneuse (IIC) permet aussi de repérer les patients non ou peu répondeurs aux IIC, ce qui aidera au choix du traitement. L’IRM peut aussi être utilisée, mais son coût la rend peu intéressante, même pour la recherche, et dans notre expérience, l’interprétation des résultats varie énormément d’un radiologue à l’autre. Enfin, on citera la cavernométrie et la cavernographie qui seront utiles en recherche avant tout. Traitements L’absence de bases physiopathologiques bien claires et l’absence de traitements très efficaces expliquent le très grand nombre de traitements proposés. Indications thé rapeutiques Le premier traitement est bien souvent une information du patient avec une explication claire des évolutions possibles, des traitements disponibles et de leur efficacité. Il faut faire comprendre la nécessité d’attendre. Toutes les équipes attendent au moins six à douze mois et l’absence de douleur avant de proposer un traitement chirurgical, car il est nécessaire que la plaque soit stabilisée au moment de la chirurgie. Il est parfois nécessaire vis-à-vis de la douleur de proposer un traitement médical. Il paraı̂t tout à fait licite durant cette phase d’attente d’essayer des traitements médicaux pour tenter de réduire la courbure et la taille de la plaque, même si aujourd’hui les études réalisées ont du mal à faire la preuve de leur efficacité. Traitements médicaux Le but des traitements médicaux est d’inhiber la formation de la fibrose entraı̂nant la courbure ou de diminuer la réaction inflammatoire responsable de la douleur. Traitements par voie orale La Vitamine E Ce traitement est utilisé pour son activité anti-oxydante. C’est probablement le plus ancien traitement proposé, le moins cher et il n’a pas d’effet secondaire. Une étude randomisée, en double insu contre placebo, a établi un possible effet sur la douleur (niveau de preuve 2) [25]. Une étude rétrospective ne retrouve pas d’intérêt à prendre de la vitamine E [22]. 138 Le Potassium para-aminobenzoate (Potaba) Injection de calcium bloquant (vérapamil) Il aurait un effet réducteur sur la fibrinogenèse. Deux études randomisées, en double insu, ont montré des effets positifs, l’une sur la douleur avec 73 % d’amélioration de la douleur versus 43 % dans le groupe placebo (niveau de preuve 2) [26], l’autre montre des effets sur la taille de la plaque (p = 0,04) et réduit le risque d’aggravation de la courbure (p < 0,01) [27]. En revanche, plusieurs équipes ont décrit des effets secondaires pénibles de type intolérance gastrique, voire des lésions hépatiques mortelles [28] dont deux reportées par notre équipe. Il aurait une action anti-inflammatoire en réduisant l’action des cytokines et améliorerait la phase de cicatrisation. Une étude en simple insu retrouve une amélioration de la courbure et une diminution de taille de la plaque (niveau de preuve 2) [35]. La Colchicine Elle a une action anti-inflammatoire et réduirait la synthèse de collagène. Son efficacité a été prouvée lorsqu’elle était associée à la vitamine E [29]. Cette étude montre une efficacité significative sur la courbure et la taille de la plaque (niveau de preuve 2). Le principal effet secondaire est la diarrhée. Autres traitements On citera deux traitements abandonnés car n’ayant pas fait leurs preuves : la procarbazine et le tamoxifène. D’autres médicaments sont actuellement en évaluation, le sildénafil pour son action sur le NO qui aurait des activités antifibrotiques sur le rat [30] et aussi la carnitine-ester qui semble prometteuse [31]. Traitements mé dicamenteux locaux Les gels n’ont pour l’instant jamais montré d’efficacité mais de nouveaux procédés sont prometteurs. Les études sur les injections dans la plaque sont très anciennes mais ont presque toujours eu un niveau de preuve faible [32]. Gel à base de liposomes superoxyde dismutase Il s’agit d’un chélateur de radicaux libres afin de diminuer l’inflammation. L’étude est randomisée, en double insu, et les résultats montrent une très bonne efficacité sur la douleur (p = 0,017) et il n’y a plus de progression de la maladie dans le groupe traité [33]. Injections intraplaques de stéroı̈des L’action recherchée est anti-inflammatoire, mais on ne retrouve pas d’études avec un bon niveau de preuve qui prouve une certaine efficacité, même si des études rétrospectives récentes montrent une action positive sur la douleur [34]. Au contraire, une étude comparant une injection de stéroı̈des versus du sérum physiologique ne montre aucune différence, mais établit en revanche une bonne efficacité sur la douleur dans les deux cas. L’hypothèse avancée est qu’il existe un effet mécanique au moment de l’injection qui diminue les douleurs [6]. Injection d’interféron 2b Traitement plus récent utilisé depuis le milieu des années 1990 qui inhiberait la production de fibroblastes et de collagène. Deux études randomisées versus placebo retrouvent une différence significative au niveau de la courbure et de la douleur [36]. Autres traitements non invasifs Radiothérapie Il y a des résultats encourageants sur la douleur et parfois sur la courbure [37]. Mais des études ont montré l’absence d’effets de ce traitement [38]. Cette discordance entre les résultats rend souhaitable une étude randomisée contre groupe témoin. Lithotritie extra-corporelle Elle est réalisée de deux façons différentes, soit par un appareil de contact avec un impact direct sur la verge, soit un lithotripteur classique. La technique la plus évaluée est la lithotritie classique. Les résultats sont contradictoires selon les auteurs [39], mais on retrouve dans la période récente de plus en plus d’études prouvant une efficacité tant sur la douleur (amélioration chez 50 à 70 %) [22,40] que sur la courbure (amélioration chez 40 à 60 % des patients) [40]. Cette technique semble devoir être utilisée de manière privilégiée sur les petites plaques et les courbures modérées, une plus grande homogénéité dans le type de lithotripteur utilisé faciliterait l’interprétation des résultats (Fig. 2). Certaines techniques sont actuellement en cours d’évaluation comme la thermothérapie, mais demandent des études supplémentaires pour être validées. En conclusion, on peut dire qu’il n’y a pas de traitements médicaux pouvant être cités comme traitement de référence. L’avenir tiendra peut-être dans une association entre un traitement par voie orale, des injections intraplaques et/ou une lithotritie extracorporelle. Dans notre équipe, nous utilisons volontiers la vitamine E ou la colchicine par voie orale, les injections de corticoı̈des intraplaques et la lithotritie extra-corporelle. Mais il n’existe pas encore d’études permettant de hiérarchiser ces traitements et de proposer un algorithme de traitement. On peut espérer qu’avec le traitement des comorbidités associées, l’incidence de la maladie de La Peyronie diminue, puisqu’il semble exister un lien fort entre les facteurs de risques cardiovasculaires et les plaques de La Peyronie. 139 Fig. 2. Lithotritie de contact dans la maladie de La Peyronie Traitements chirurgicaux Il existe un très grand nombre de techniques chirurgicales et de très nombreux critères d’évaluation non standardisés, ce qui rend difficile un travail comparatif. Il faut bien prendre en compte l’extrême éclatement de la prise en charge thérapeutique comme l’a montré une étude allemande [41]. Six cents urologues ont été interrogés sur leurs pratiques. Ils disent traiter entre 3 et 15 patients par an, avec une moyenne de 10 par an. Cela ne facilite pas la diffusion des techniques et l’existence d’experts pouvant évaluer les différentes techniques. Les indications chirurgicales sont en revanche consensuelles et assez bien codifiées. Indications La plaque de La Peyronie ne doit être opérée qu’après un délai d’évolution de la maladie d’au moins six mois à un an depuis le début des symptômes [6,42]. Les lésions doivent être stables depuis au moins trois mois, six mois le plus souvent [6]. On peut déroger à cette règle lorsqu’on s’occupe de patients âgés présentant d’importants troubles de l’érection et qui consultent pour leur maladie de La Peyronie. On peut alors proposer une chirurgie avec pose de prothèse sans attendre un an, puisque le fait de mettre la prothèse stabilise la lésion et traite le trouble de l’érection. L’indication opératoire est posée devant des difficultés à avoir des rapports sexuels, un raccourcissement de la verge et des troubles de l’érection [6]. Dans un certain nombre de cas, des motivations esthétiques font poser l’indication chirurgicale, ce qui nécessite alors une information très exhaustive des risques chirurgicaux et des explications très précises sur ce qu’il est possible d’obtenir. Le type de chirurgie proposé dépend essentiellement de quatre données : angle de la courbure, taille de la verge, qualité des érections et priorités du patient. Certains proposent, en cas de courbure > 60 et de verge < 13 cm en érection, une incision de plaque accompagnée d’une greffe, et si la courbure est < 60 et la verge > 13 cm, un Nesbit ou une plicature simple [43]. Ce type d’algorithme pose le problème de la norme en terme de taille et de rectitude. Est-il préférable d’avoir une verge de 15 cm avec un risque de troubles de l’érection situé autour de 30 % ou une verge de 12 cm avec un risque de troubles de l’érection de 6 % ? Il faut donc toujours intégrer les souhaits et priorités du patient avant de prendre une décision thérapeutique. La fonction érectile doit être très soigneusement évaluée et, en cas de dysérection, il faut tester la réponse aux différents traitements afin de choisir la meilleure technique chirurgicale et prévenir le patient des risques encourus. Traitements sans geste sur la plaque Techniques de plasties caverneuses Cela reste la technique de référence pour la correction des courbures de verge, car elle obtient de très bons résultats avec un très long recul. Il existe essentiellement trois techniques avec de nombreuses variantes. Elles sont simples, reproductibles, ce qui explique aussi leur place de choix dans les techniques proposées. Technique de la plicature simple : elle consiste en la réalisation de points transfixiants en oméga dans l’albuginée sur la face convexe de la courbure, après avoir au besoin refoulé les bandelettes nerveuses dorsales ou en réclinant légèrement l’urètre. La technique est très simple et efficace (57 à 93 % de patients satisfaits), avec de rares troubles de l’érection, mais avec un taux important de récidives (15 à 47 %) [44,45]. Le taux de récidive vient peut-être du type de fil utilisé : résorbable ou non. Il semble préférable de réserver cette technique aux courbures inférieures à 60 . Technique de Nesbit : il s’agit d’une excision en losange, sur la convexité de la courbure, d’une pastille de corps caverneux et d’une suture bord à bord des deux 140 berges par du fil non résorbable souple. Un contrôle en fin de suture doit être réalisé avec injection intracaverneuse de sérum physiologique. Les résultats sont bons avec une correction de la courbure dans 83 à 92 % des cas, raccourcissement de verge dans 15 à 20 %, troubles de l’érection dans 3 à 13 % et récurrence dans 4 à 11 % [20,46,47]. Elle reste aujourd’hui la technique de référence. Techniques d’incision-suture : techniques décrites par Yachia et Lemberger qui proposent d’inciser en longitudinal et de suturer en transversal. Ces techniques sont équivalentes aux précédentes en termes de résultats, mais les séries reportées sont de moindre importance. Techniques comportant un geste sur la plaque sans greffes tissulaires Technique de Leriche : il s’agit d’une adaptation récente d’une technique chirurgicale utilisée en orthopédie pour traiter de manière percutanée les brides fibreuses dues à la maladie de Dupuytren. Adaptée à la maladie de La Peyronie, elle consiste en une ponction latérale du corps caverneux par une aiguille biseautée. Cette aiguille est alors insérée dans la plaque fibreuse et des mouvements latéraux de celleci permettent une dilacération de la plaque fibreuse. Il faut réaliser plusieurs points d’entrée dans la plaque et répéter ce geste de nombreuses fois jusqu’à ce que l’on perçoive plusieurs zones d’amincissement, voire de disparition de la plaque. Le patient devra par la suite utiliser une pompe à vide type Vacuum, dès le lendemain de l’intervention, à un rythme de 2 fois par jour pendant deux-trois mois. Il s’agit d’une technique simple, sans complications, à l’exception de quelques hématomes [48]. Cette technique semble particulièrement adaptée aux plaques longues et fines, elle est peu efficace sur les plaques très calcifiées. Le délai d’un an après le début de la maladie et la stabilisation depuis au moins trois mois qui sont requis avant chaque chirurgie n’est pas aussi nécessaire dans cette technique puisque l’on peut toujours réaliser d’autres traitements par la suite, sans compromettre les chirurgies ultérieures. Le seul élément qui plaide pour une attente est la possibilité de régression spontanée dans 10 à 15 % des cas. Les résultats sont encourageants et on retrouve 50 % de patients qui peuvent avoir un rapport sexuel après traitement et 50 % qui ont besoin d’un retraitement [49]. Cette technique demande à être réalisée sur un plus grand nombre de patients pour une meilleure évaluation (Fig. 3). Une technique dérivée de celle-ci, mais plus inspirée de la technique d’incision du canal carpien par voie endoscopique est en cours d’évaluation [50]. Après avoir déshabillé la verge et mobilisé sommairement la bandelette nerveuse dorsale, une incision est réalisée sur la face latérale du corps caverneux et un bistouri à lame rétractable, utilisé pour le traitement endoscopique des canaux carpiens, est introduit par incision latérale et glissé sous la plaque. La lame est ensuite sortie de quelque 1/10 de millimètre et va sectionner à plusieurs reprises la plaque fibreuse. Les Fig. 3. Dilacération de plaque à l’aiguille : technique de Leriche résultats sont très bons : 80 % de rapports sexuels possibles, 90 % de courbures corrigées. Ces très bons résultats s’expliquent aussi par le choix de ne traiter que les plaques de moins de 2 cm. Cette technique semble prometteuse mais reste assez lourde : déshabillage complet de la verge et libération des bandelettes vasculo-nerveuses, ce qui n’est pas sans risque et sans difficulté dans les plaques de La Peyronie. Une technique simplifiée est proposée par section de plaque à la serpette [49]. Techniques comportant un geste sur la plaque avec greffes tissulaires La plupart des équipes [6] ont aujourd’hui renoncé à l’excision complète de la plaque, car il s’agit d’une technique très délabrante qui emporte toujours du tissu érectile et qui nécessite de très grandes greffes ce qui majore les complications (troubles de l’érection 20 %, raccourcissement de verge, chirurgie complémentaire 17 % ...). La première étape consiste donc le plus souvent en une incision de la plaque au niveau de la concavité de façon transversale, en h ou encore selon des calculs géométriques [51], puis on réalise une greffe tissulaire après avoir fait un test d’érection avec du sérum physiologique pour évaluer la taille du défect à recouvrir. Cette technique est plus adaptée aux déformations majeures et aux plaques calcifiées même si la morbidité est importante (récidive de la déformation, dysérections et troubles de la sensibilité). De très nombreux patchs existent et seule une partie sera décrite ci-dessous. Avec patchs veineux Technique décrite par Lue, qui propose une incision de la plaque de La Peyronie puis la réalisation d’un patch veineux avec la veine dorsale de la verge ou avec la veine saphène. La correction de la courbure est présente dans 73 à 86 % des cas, des troubles de l’érection sont présents dans 8 à 30 % et un raccourcissement de verge dans 15 à 141 40 % [52-54]. Il s’agit de la technique avec le plus long recul et qui présente les meilleurs résultats. Avec sous-muqueuse d’intestin de porc (Surgisis, etc.) Les résultats sont très variables et les séries sont petites. Le taux de correction de la courbure est de 63 à 78 %, le taux de récidive est de 22 à 75 %, on retrouve de 0 à 7 % de dysérections et il existe un raccourcissement dans 28 % des cas [55,56]. Cette technique manque encore de recul et d’adaptations techniques : prévoir du tissu en excès lors de la pose du greffon pour éviter la rétraction. Autres types On citera des greffons prometteurs, mais dont les résultats méritent d’être contrôlés : muqueuse buccale [57] et matrices cellulaires [58]. On rappelle l’existence de greffes prépuciales ou de vaginale testiculaire. Prothèses et greffes La prothèse pénienne sera associée d’emblée à une chirurgie d’incision-greffe, lorsque le patient présente une dysérection en préopératoire et qu’il ne répond pas ou mal aux traitements par inhibiteurs de la PDE5 et aux injections intracaverneuses. Si le patient répond bien aux traitements de la dysérection, on discutera avec lui, en tenant compte de son âge et de ses comorbidités, de l’intérêt ou non de mettre une prothèse. Les résultats sont globalement bons avec les prothèses gonflables : 95 à 100 % de patients satisfaits, 4,4 % d’infections, 80 % qui utilisent leur prothèse [59,60]. La mise en place de prothèses gonflables semble actuellement la meilleure solution et donne les meilleurs résultats à condition de les activer plus systématiquement et plus précocement. Les prothèses semi-rigides peuvent être mises en place, mais les résultats sont moins bons : 48 % des patients seulement utilisent leur prothèse et seulement 42 % des partenaires en sont satisfaits [61]. Techniques par mise en place d’un tuteur Certaines équipes proposent la mise en place d’implants souples (cylindres fins en silicone qui permettent la conservation de tissu caverneux afin de permettre les érections spontanées tout en réalisant un effet tuteur) chez les patients porteurs d’une maladie de La Peyronie et sans troubles érectiles. Dans un cas, cette technique était associée à des incisions de la plaque et à des greffes de patchs veineux. Quatre-vingt-quinze pour cent des patients sont satisfaits, mais le nombre de perdus de vue est de 65 % ce qui rend les résultats beaucoup moins fiables [62]. Conclusion La maladie de La Peyronie est une pathologie dont l’incidence augmente. La physiopathologie reste encore mystérieuse et on retient actuellement quatre processus pouvant expliquer la formation des plaques de La Peyronie : un facteur génétique, un terrain vasculaire, un trouble auto-immun et l’existence de micro-traumatisme comme facteur déclenchant. Des études croisées, avec la maladie de Dupuytren notamment, devraient apporter un éclairage intéressant. Les examens complémentaires ne sont pas recommandés en pratique courante, mais des photos en érection sont indispensables avant une décision chirurgicale. Peu de traitements médicaux semblent pouvoir rendre service aux patients actuellement (aucun traitement médical n’a d’études ayant un niveau de preuve de 1). On retiendra la douleur comme indication de traitement médical. Tous les traitements n’ayant pas d’effets secondaires graves et ayant prouvé une bonne efficacité sur la douleur peuvent être essayés : vitamine E, colchicine per os, stéroı̈des, vérapamil et interféron B en injections dans la plaque. Par ailleurs, la lithotritie extra-corporelle semble avoir de bons résultats. Une meilleure compréhension de la physiopathologie devrait permettre d’améliorer les traitements médicaux. Il semble logique pour les traitements à visée antifibrose de commencer le traitement le plus tôt possible et de réaliser un dépistage. Mais on prend le risque de réaliser un surtraitement car une partie des patients aurait guéri spontanément. Par ailleurs si on réalise un dépistage, on découvrira peut-être de nombreuses plaques de La Peyronie qui n’auraient jamais été symptomatiques. Sur le plan chirurgical, la technique de référence pour les courbures < 70-80 reste la technique de Nesbit et pour les courbures > 80 et les grandes plaques, l’incision-greffe est indiquée. L’indication de prothèse de verge sera retenue si le patient présente des troubles érectiles qui répondent mal aux traitements de la dysérection. On notera des pistes intéressantes avec la technique de Leriche qui a une morbidité nulle et une bonne efficacité dans les plaques longues et fines. Autre piste intéressante : la mise en place d’implants souples pour corriger les courbures, étirer la plaque et aider les érections. Mais des études complémentaires sont nécessaires pour valider ces nouvelles techniques. Références 1. Lindsay MB, Schain DM, Grambsch P, et al. (1991) The incidence of La Peyronie’s disease in Rochester, Minnesota, 1950 through 1984 146: 1007-9 2. Cianco SJ, Kim ED (2000) Penile fibrotic changes after radical retropubic prostatectomy. BJU Int 85: 101-6 3. 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Parc 1,2 1 2 3 Département de chirurgie digestive, hôpital Saint-Antoine, AP-HP, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, F-75012 Paris, France Université Paris-VI (Pierre-et-Marie-Curie), Paris, France Service de chirurgie générale et digestive, hôpital Saint-Antoine, AP-HP, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, F-75571 Paris, France Résumé : Les étiologies neurologiques d’incontinence anale ou de constipation chronique sont variées. Les incontinences d’origine neurologiques sont principalement de type passif. Les traitements actuels sont peu efficaces étant donné l’absence de perception du besoin chez ces patients. L’alternative à la colostomie est le développement d’un accès au côlon pour permettre des lavements antérogrades afin de vider entièrement le côlon. L’intervention de Malone et ses alternatives permettent généralement d’obtenir un résultat fonctionnel bon ou excellent avec une amélioration de la qualité de vie et la disparition des pertes de selles ou de gaz. L’accès au tube digestif est rendu possible en utilisant soit l’appendice, l’iléon terminal, le cæcum, le côlon droit ou sigmoı̈de. Ces interventions ne traitent pas le problème organique de continence fécale et doivent être proposées aux patients avec un retentissement important : patients atteints d’une incontinence passive chez qui les thérapeutiques actuelles ne sont pas adaptées ou ont été inefficaces ; constipation intraitable ; enfants avec des troubles combinés de la continence urinaire et fécale. Les antécédents de chirurgie digestive, de maladie de Crohn et les affections empêchant la réalisation des lavements constituent les contre-indications de l’intervention de Malone ou de ses alternatives. Mots clés : Constipation – Incontinence anale – Intervention de Malone – Lavements antérogrades Indications for the Malone procedure or its equivalent in patients with neurological disorders Abstract: The neurological causes of fecal incontinence and chronic constipation are varied. Incontinence caused by neurological disorders is usually passive. Current treatment modalities are marginally effective given that patients generally do not recognize the need for them. The alternative to colostomies is the development of a method to access the colon to perform anterograde Correspondance : E-mail : [email protected] enemas, which would empty the entire colon. The Malone procedure and its variations usually result in good to excellent function, with improvement in quality of life and relief from the involuntary release of stool or gas. Access to the digestive tract is made possible by using the appendix, terminal ileum, cæcum, right colon or sigmoid colon. These interventions do not treat the underlying organic problem of fecal continence and must only be offered to patients affected by advanced disease: patients suffering from passive incontinence for whom current therapeutic measures fail to meet their needs or had been ineffective; intractable constipation; children with both urinary and fecal continence disorders. A history of gastrointestinal surgery, Crohn’s disease, or disorders that preclude the use of enemas contraindicates the Malone procedure and its alternatives. Keywords: Constipation – Fecal incontinence – Malone procedure – Antegrade enema Introduction La prévalence de l’incontinence fécale dans la population générale est d’environ 2 % [1]. La continence anale est sous la dépendance de plusieurs appareils : l’appareil digestif, l’appareil sphinctérien et le système nerveux. Chaque dysfonctionnement d’un ou plusieurs de ces appareils peut être responsable de troubles de la continence dont les étiologies peuvent être donc multiples (séquelles chirurgicales, obstétricales, troubles neurologiques, traumatismes pelviens, etc.). Les symptômes de l’incontinence fécale restent globalement identiques quelle que soit l’étiologie en cause. Deux grands types d’incontinence peuvent être distingués selon le caractère passif ou actif de celle-ci. L’incontinence active est définie par la perception du besoin mais l’impossibilité de contrôler l’exonération. En revanche, l’incontinence passive est caractérisée par 145 l’absence de perception du besoin d’exonérer et la découverte des fuites fécales après leur survenue. Les incontinences d’origine neurologiques sont principalement de type passif. Certaines affections neurologiques peuvent également être responsables d’une constipation chronique qui peut aggraver l’inconfort. Enfin, les étiologies peuvent être congénitales ou acquises : – congénitales : spina bidifa, myéloméningocèle, syndrome de Currarino,... – acquises : périphérique : traumatisme médullaire ou sacré, traumatisme obstétrical ou prolapsus associé à une neuropathie pudentale d’étirement... centrale : sclérose en plaques, accident vasculaire constitué, thrombose cérébrale, séquelles de méningite... Parmi toutes ces étiologies, seule la neuropathie d’étirement entraı̂ne une incontinence active principalement dominée par l’impériosité. Ce symptôme se caractérise par un délai entre la sensation de besoin et la nécessité d’évacuer les selles extrêmement court, rendant toute tentative de retenue impossible et dégradant considérablement la qualité de vie. Dans cette circonstance, l’appareil sphinctérien est normal et en modifiant les conditions de fonctionnement du périnée, il est possible d’améliorer la continence. La neuromodulation s’avère ici particulièrement efficace. Pour les autres étiologies, les traitements actuels (médicaux, sphinctérorraphie, neuromodulation, sphincter artificiel, gracyloplatie dynamisée) sont peu efficaces dans ces incontinences passives étant donné l’absence de perception du besoin. Les lavements évacuateurs rétrogrades ne sont pas usuellement aisés à réaliser et ne sont le plus souvent pas acceptés. Pour ces patients, la solution extrême est la colostomie définitive avec des conséquences psychologiques et physiques d’une importance variable. L’alternative à cette colostomie est le développement d’un accès au côlon pour permettre des lavements antérogrades afin de vider entièrement le côlon et de prévenir toute fuite, épisode d’incontinence ou écoulement. C’est le principe de l’intervention de Malone et al. [2]. Le principe dérive d’une intervention initialement décrite en 1980 par Mitrofanoff [3] pour traiter les troubles mictionnels chez l’enfant par la création d’un accès continent vésicale transabdominal. La technique a été transposée dix ans plus tard pour la gestion de l’incontinence fécale [2]. L’extériorisation de l’extrémité distale de l’appendice afin de réaliser les lavements au moyen d’un petit drain fut le premier procédé utilisé. Chez les patients appendicectomisés ou avec un appendice trop court, quatre solutions alternatives sont décrites : soit l’iléon terminal est mis à la peau après tubulisation et une anastomose terminolatérale entre l’iléon et le côlon est confectionnée afin de rétablir le circuit digestif [4], soit une cæcostomie continente [5] est réalisée, soit un conduit peut-être élaboré à partir d’une section transversale de la paroi colique pédiculisée sur une petite artère [6], soit enfin un conduit colique continent peut être réalisé en dérivation du cadre colique [7]. Principes chirurgicaux du Malone ou équivalent Sous anesthésie générale, on réalise une incision médiane péri-ombilicale. Après exploration abdominale, si l’appendice apparaı̂t utilisable, on procède à la confection d’un système antireflux au niveau de la base appendiculaire avant d’extérioriser sa pointe par une petite incision circulaire en fosse iliaque droite. La base appendiculaire est fixée à la paroi afin d’assurer un trajet direct de l’appendice indispensable pour son cathétérisme aisé (Fig. 1). Cette intervention chirurgicale peut être réalisée par laparoscopie [8]. Lorsque l’appendice n’est pas utilisable, il est le plus souvent réalisé une tubulisation de la dernière anse iléale. L’iléon est sectionné en amont de la valvule iléocæcale à une distance équivalente à l’épaisseur de la paroi abdominale. Un drain de 14 Fr est placé ensuite dans l’iléon afin de calibrer la lumière du conduit que l’on confectionne contre le mésentère par l’application de pince autosuture (Fig. 2). La partie antimésentérique du tube intestinal est réséquée. La partie du tube restant en continuité avec la valvule iléocæcale est extériorisée en fosse iliaque droite. Une anastomose iléocolique est ensuite confectionnée pour rétablir la continuité digestive (Fig. 3). La base du conduit est fixée à la paroi. Le cæcum peut être ourlé à la peau avec confection d’un mécanisme antireflux afin de permettre les irrigations [5] ou être tubulisé autour d’un drain (Fig. 4). La technique de Macedo-Malone [6] a été décrite pour raccourcir le temps des lavements qui sont introduits au niveau du côlon descendant. Les rapporteurs de cette technique la proposent chez les enfants pour plusieurs Fig. 1. Schéma final de l’intervention de Malone avec appendicostomie 146 3 cm de hauteur est ouvert au niveau du côlon gauche. Ce lambeau est tubulisé sur une sonde de Foley avec confection d’un mécanisme antireflux (Fig. 5). La technique de Williams et al. [7] utilise le côlon droit pour réaliser les lavements. Le côlon est sectionné au tiers droit du côlon transverse. L’extrémité en continuité avec le côlon gauche et le rectum est extériorisée à travers la paroi abdominale. La continuité digestive est assurée par une anastomose colocolique. Une valve antireflux identique à celle décrite par Koch [9] pour les iléostomies définitives est confectionnée afin d’assurer la continence de la stomie colique. Les principales complications de ces techniques sont la sténose de l’orifice cutané (moins fréquente après iléostomie) et le reflux par la stomie (plus fréquent après cæcostomie). Dans notre expérience [10], nous avons observé deux reflux (25 %) après Malone qui ont été responsable de l’arrêt des lavements et cinq sténoses (22 %) dont deux ont nécessité une reprise chirurgicale. Les autres complications décrites dans la littérature sont : nécrose de la stomie (surtout après cæcostomie), perforation de la stomie avec confection d’un faux trajet [11] et les complications relatives (abcès [12], péritonite), abcès de paroi, occlusion sur bride. Fig. 2. Vue peropératoire d’une iléo-néoappendicostomie. b Principes d’utilisation et résultats Le drain de 14 Fr est laissé en place dans la stomie (appendiculaire, iléale, cæcale ou colique) pendant trois semaines. À j + 15, des lavements quotidiens sont débutés avec 500-1 000 ml d’eau du robinet. Par la suite, les patients déterminent la fréquence des lavements pour rester propres. En moyenne, ils sont nécessaires tous les deux jours. Le patient place le cathéter dans la stomie, s’assit sur les toilettes et place la poche contenant 1,5 l d’eau du robinet en hauteur sur un crochet. La durée du lavement est en moyenne de quarante minutes. Il s’agit de soins simples pouvant être réalisés sans aide. Dans notre expérience, sur une série de 25 Malone (sept appendicostomies et 18 iléostomies), 72 % des patients (n = 18) a Fig. 3. Schéma final de l’iléo-néoappendicostomie (a) avec anastomose iléo-colique (b) raisons : réduction du temps des lavements, absence de recours au PEG avec utilisation simple d’eau du robinet, absence d’anastomose iléo-colique, éloignement de la stomie par rapport à celui d’un Mitrofanoff si un drainage vésical est également indiqué. Un volet de a b c Fig. 4. Schéma du « cæcal-flap ». (a) : tracé du volet cæcal ; (b) : volet cæcal sectionné, toujours vascularisé par son bord interne ; (c) : aspect final après suture du côlon et du volet autour du drain qui est extériorisé à la peau 147 b a c d Fig. 5. Schéma du Macedo-Malone. (a) : tracé du volet colique ; (b) : volet colique sectionné, toujours vascularisé par son bord interne, la sonde est posée ; (c) : début de la tubulisation par le volet colique ; (d) : aspect final avec extériorisation de la sonde utilisant leur stomie considéraient le résultat fonctionnel comme bon ou excellent [9]. Seul un patient avait besoin d’aide pour réaliser les lavements et un autre ajoutait du PEG pour les réaliser. La stomie était le plus souvent laissée à l’air chez quatre patients et sous un simple pansement chez les autres. Aucun patient ne présentait d’épisode de souillures par des selles ni d’évacuations intempestives de gaz. Seul un patient décrivait quelques épisodes de soiling, mais cela ne nécessitait pas de port d’une protection. Le retentissement sur la qualité de vie des patients est nettement bénéfique dans de nombreuses études [13-15]. Nos 18 patients utilisant leur stomie avaient un score SF-36 physique normal. En revanche, le score de bien-être mental restait inférieur à celui de la population normale probablement en rapport avec la chronicité de leur affection (le délai moyen entre le diagnostic de l’incontinence et la réalisation du Malone était de 18,5 années). La motivation du patient est donc fondamentale pour le succès de cette intervention. De plus, les complications (infections, sténose, incontinence, ...) sont plus fréquentes chez les patients ayant une mauvaise compliance [12]. Chez l’adulte, l’utilisation de l’iléon terminal est de plus en plus recommandée, l’appendice étant très souvent atrésique, mais aussi expose à un taux de complications moindre [16]. Indications Il faut bien comprendre que cette intervention ne traite pas le problème organique de continence fécale. Elle Tableau I. Étiologies des pathologies traitées par Malone ou équivalent Teichman et al. [19] Étiologies neurologiques Spina bifida 3 (43 %) Myéloméningocèle Paraplégie Traumatisme médullaire 4 (57 %) Agénésie sacrée Séquelles de méningite Syndrome de Currarino Syndrome de Vater Thrombose cérébrale Sclérose en plaque Étiologies non neurologiques Constipation intraitable Imperforation anale Cloaque Séquelles chirurgicales Traumatisme obstétrical Clarck et al. [12] Mor et al. [17] 23 (49 %) 6 (13 %) 5 (28 %) Yerkes et al. [20] Lefevre et al. Calado et al. Krogh et [10] [6] Laurberg [15] 58 (91 %) 2 (8 %) 3 (19 %) 7 (78 %) 1 (1,5 %) 7 (28 %) 7 (15 %) 4 (22 %) 2 (8 %) 1 (4 %) 2 (4 %) 1 (5 %) 2 (12 %) 1 (6 %) 5 (28 %) 1 (1,5 %) 4 (6 %) 6 (37 %) 7 (28 %) 2 (22 %) 2 (4 %) 4 (16 %) 2 (8 %) 4 (26 %) 148 traite les symptômes responsables de troubles physiques et psychiques parfois sévères. De ce fait, elle ne doit être proposée, comme l’ensemble des thérapeutiques luttant contre les troubles de la continence, qu’aux patients avec un retentissement important et en alternative à la colostomie terminale avec sa morbidité propre et les complications psychologiques communes à toute stomie productive définitive. L’intervention de Malone est une alternative satisfaisante pour les patients chez qui des lavements itératifs par le rectum n’ont pas permis d’obtenir un résultat fonctionnel satisfaisant. Les articles détaillant une expérience sur les lavements antérogrades sont résumés dans le Tableau I. Dans notre expérience, les patients neurologiques pouvant bénéficier d’une intervention de Malone ou équivalent sont : – patients atteints d’une incontinence passive chez qui les thérapeutiques actuelles (sphincterroraphie, neurostimulation, sphincters artificiels) ne sont pas adaptées ou ont été inefficaces ; – constipation intraitable ; – enfants avec des troubles combinés de la continence urinaire et fécale (spina bifida, myéloméningocèle, ...). L’opération de Malone ou équivalent peut être associée à un Mitrofanoff sans augmentation de la morbidité [17]. Dans une série récente [18], le Malone était un succès chez tous les patients avec une origine neurologique ou congénitale à leur incontinence par opposition aux autres étiologies (côlon irritable, mégarectum, séquelles chirurgicales). Les contre-indications au Malone : – antécédents digestifs : hémicolectomie droite (la technique du Macedo-Malone peut être alors envisagée), maladie de Crohn ; – patients ne pouvant pas réaliser les lavements : maladies neurologiques empêchant l’utilisation des membres supérieurs avec précision comme la maladie de Parkinson, hémiplégie, cécité, ... En revanche, les patients en chaise roulante pour une paraplégie des membres inférieurs peuvent bénéficier de l’intervention de Malone et réaliser eux-mêmes les lavements [6]. Conclusion L’intervention de Malone ou équivalent permet d’obtenir une propreté chez la majorité des patients avec des troubles de la continence fécale secondaire à une étiologie neurologique. Elle peut être associée à des interventions prenant en charge les troubles urinaires associés. Chez les patients atteints d’affection neurologique, le facteur limitant à l’indication des interventions de Malone ou équivalent est l’autonomie et la capacité à réaliser des gestes précis avec leurs membres supérieurs. Références 1. Nelson R, Norton N, Cautley E, Furner S (1995) Community-based prevalence of anal incontinence. JAMA 274: 559-61 2. Malone PS, Ransley PG, Kiely EM (1990) Preliminary report: the antegrade continence enema. Lancet 336: 1217-1218 3. Mitrofanoff P (1980) Transappendicular continent cystostomy in the management of the neurogenic bladder. Chir Pediatr 21(4): 297-305 4. Christensen P, Buntzen S, Kroh K, Laurberg S (2001) Ileal neoappendicostomy for anterograde colonic irrigation. Br J Surg 88: 1637-1638 5. Marsh PJ, Kiff ES (1996) Ileocaecostomy: an alternative surgical procedure for anterograde colonic enema. Br J Surg 83: 507-8 6. Calado Aa, et al. (2005) The Macedo-Malone Antegrade Continence Enema Procedure: Early Experience. J Urol 173: 1340-1344 7. 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Bien que la ménopause soit classiquement associée à l’IU, elle n’apparaı̂t pas toujours dans les enquêtes épidémiologiques comme un facteur de risque indépendant de l’IU féminine. En revanche, l’IU apparaı̂t bien corrélée à l’âge. La prévalence de l’IU augmente avec l’âge : estimée à 20-30 % dans une population d’adultes jeunes, elle est de 30-40 % en milieu de vie et atteint 30 à 50 % dans la population âgée. Si l’on s’intéresse aux différents types d’IU, la prévalence de l’incontinence urinaire d’effort (IUE) diminue avec l’âge et la prévalence de l’incontinence par urgences mictionnelles et de l’incontinence mixte augmente avec l’âge. L’estrogénothérapie ne semble pas prévenir ou corriger l’IUE. En revanche, elle semble être efficace pour soulager les symptômes de l’hyperactivité vésicale avec, notamment, une réduction du nombre des épisodes de fuites par urgences mictionnelles. Mots clés : Incontinence urinaire – Ménopause – Incontinence urinaire d’effort – Incontinence par urgences mictionnelles – Épidémiologie de l’incontinence urinaire féminine – Estrogénothérapie Urinary incontinence and menopause: epidemiological data Abstract: Menopausal status is associated with various urogenital symptoms, including urinary incontinence. The prevalence of urinary incontinence during the menopausal transition varies from 8 to 55%, depending on the definition of incontinence and the sample population. Although menopause has been shown to be associated with urinary incontinence, it doesn’t always appear as an independent risk factor in epidemiological surveys. Urinary incontinence is significantly associated with age. Its prevalence increases with age, estimated at 20-30% in young adults, 30-40% at middle-aged adults Correspondance : E-mail : [email protected] and 30-50% in the elderly population. When examining the various types of urinary incontinence, we find that the prevalence of stress urinary incontinence (SUI) decreases with age, while the prevalence of urge and mixed incontinence increases. Estrogen therapy seems ineffective in preventing or improving SUI, but it appears effective in alleviating the symptoms of overactive bladder, significantly decreasing the number of urge incontinence episodes. Keywords: Urinary incontinence – Menopause – Stress urinary incontinence – Urge incontinence – Epidemiology of female urinary incontinence – Estrogen therapy La ménopause s’accompagne de tout un cortège de symptômes uro-génitaux aux premiers rangs desquels on retrouve l’atrophie vulvo-vaginale, les infections du bas appareil urinaire et l’incontinence d’urine. Néanmoins, la ménopause n’apparaı̂t pas toujours dans les enquêtes épidémiologiques comme un facteur de risque indépendant de l’incontinence urinaire (IU). Par ailleurs, si la carence hormonale est reconnue comme responsable de tout ou partie des symptômes rapportés par les femmes en période de ménopause, l’effet du traitement hormonal supplétif sur l’IU reste controversé. Concernant la prévalence de l’IU dans la population générale, l’influence raciale et ethnique est actuellement bien documentée avec une prévalence abaissée chez les femmes noires, hispaniques et asiatiques en comparaison avec les femmes blanches [1]. Nous centrerons notre propos en grande partie sur la race caucasienne et plus précisément sur les résultats provenant des enquêtes européennes, plus en adéquation avec notre pratique quotidienne. Les données disponibles en Europe sont le plus souvent obtenues sous l’impulsion des équipes, scandinaves très actives dans le domaine, et nous nous inspirerons entre autre très largement pour la rédaction de cet article des nombreuses publications de S. Hunskaar, spécialiste unanimement reconnu de l’histoire naturelle et de l’épidémiologie de l’incontinence d’urine de la femme [1,2] et des données de l’étude EPINCONT [3]. 150 Pré valence en fonction de l’âge Prévalence de l’incontinence urinaire La prévalence de l’incontinence d’urine dans la population féminine varie considérablement selon les séries, dépendant entre autres du type d’étude, de la définition retenue pour l’incontinence (définition ICS, gêne sociale, port de garnitures...), de la population étudiée (race, population en institution...), de la classe d’âge considérée et du type d’incontinence concerné. L’International Continence Society (ICS) a défini l’incontinence comme « toute plainte pour perte d’urines involontaire ». Les enquêtes épidémiologiques font le plus souvent appel à des définitions qui incluent des critères de fréquence des fuites (par exemple « toute » fuite, ou de façon plus restrictive « dans le mois précédent l’enquête » ou « n fois » par période de temps défini etc.) ou de gravité (gêne sociale, atteinte de la qualité de vie). Cette variabilité dans les symptômes analysés rend compte de celle retrouvée à la comparaison des résultats disponibles dans la littérature (Tableau 1). Tableau 1. Prévalence de l’IU É tude Anné e Nombre  ge Pré valence (%) Yarnel [4] Holst [5] Sommer [6] Brocklehurst [7] Sandvik [8] Swithinbank [9] Hannestad [3] Temml [10] Bortolotti [11] Moller [12] Nygaard [13] Chen [14] Hunskaar [15] Melville [16] Kocak [17] Jackson [18] 1981 1988 1990 1993 1993 1999 2000 2000 2000 2000 2003 2003 2004 2005 2005 2006 1022 851 414 2124 1820 2075 27936 1262 2767 2860 5701 1253 17080 3536 1012 1017 17 18 20-79 30 20 18 20 20 40 40-60 50-69 20 18 30-90 18 55-75 44 31 40 14 29 69 25 26 11 72 16 53,7 35 42 23,9 66 La relation intime qui existe entre le facteur âge (et donc le processus de vieillissement) et la ménopause (et les variations hormonales qui l’entourent) explique qu’il reste difficile d’établir ce qui revient à l’un et à l’autre des mécanismes dans la survenue de l’incontinence d’urine. Ainsi, les symptômes urinaires classiquement attribués à la ménopause pourraient être, en fait, corrélés plus directement à l’âge [19]. Un travail récent a révélé que l’existence d’une nycturie chez la femme âgée était directement corrélée à l’âge et non au passage du statut pré-ménopausique à post-ménopausique [20]. La prévalence de l’incontinence d’urine augmente avec l’âge. Cependant, cette augmentation ne serait pas linéaire (Fig. 1) : il existe une augmentation graduelle de la prévalence jusqu’à 50 ans où elle atteint 30 %, puis on constate une stabilisation, voire même une discrète diminution jusqu’à l’âge de 70 ans, période où la prévalence augmente à nouveau [3]. L’âge apparaı̂t comme un facteur de risque, à la fois pour l’incontinence par urgences mictionnelles (IUM) et l’incontinence urinaire d’effort (IUE) dans certaines publications [1,21], alors qu’il n’est associé qu’à l’IUM dans d’autres [19,22]. Le Tableau 2 rapporte quelques chiffres disponibles dans la littérature en fonction de l’âge, en privilégiant les classes d’âge de 45 ans et plus qui concernent plus spécifiquement notre propos. La fréquence de l’IU dans la population âgée explique que l’IU soit souvent considérée comme une conséquence normale et inévitable du vieillissement [1]. Pourtant, si des modifications histochimiques surviennent avec l’âge au niveau des structures musculaires et conjonctives de la sphère urogénitale, elles interviennent le plus souvent avec d’autres facteurs tels que certaines pathologies plus fréquentes chez le sujet âgé (diabète, troubles cognitifs) pour expliquer la survenue d’une IU. Prévalence (%) inconnue légère modérée sévère inconnue légère modérée sévère Âge Fig. 1. Prévalence de l’IU selon l’âge d’après l’étude EPINCONT [3] 151 Tableau 2. Prévalence en fonction de l’âge Tableau 3. Prévalence en fonction du type d’incontinence Anné e Classe d’âge Pré valence (%) Yarnell [4] 1981 Reckers [23] 1992 Sandvik [8] 1993 Brocklehurst [7] 1993 Holtedahl [24] 1998 35-64 65-74 75 35-59 60-64 65-69 75-79 40-49 50-59 60-69 70-79 80 30-59 60 50-54 55-59 60-64 65-69 70-74 30-39 40-49 50-59 60-69 70 50-60 70 40 60 30-39 80-90 49 43 59 31 24 14 26 33 38 30 31 34 6 9 43 55 45 39 56 10,8 22,9 34,9 36,9 36 11 16 9 19 8 33 Auteurs Temml [10] 2000 Bortolotti [11] 2000 Eva [25] 2003 Melville [26] 2005 Pré valence en fonction du type d’incontinence La prévalence de l’incontinence varie en fonction du type d’incontinence concernée : IUE, IUM ou incontinence mixte (IMixte). De même, la prévalence des différents types d’incontinence varie en fonction de l’âge. L’IUE prédomine dans les enquêtes conduites chez les femmes jeunes ou en milieu de vie, alors que dans les cohortes de femmes âgées, l’IUM et l’IMixte sont prépondérantes [27]. Ces variations dans les proportions respectives des différents types d’IU au cours de la vie rendent plus complexes encore la lecture des données publiées. Le Tableau 3 rapporte la distribution des différents types d’incontinence selon les séries. Les résultats de l’enquête européenne conduite conjointement en France, en Espagne, en Allemagne et au Royaume-Uni sont colligés dans le Tableau 4 [15]. La prévalence de l’IUE, tous âges confondus, est la plus élevée. La prévalence de l’IMixte augmente régulièrement avec l’âge. La part de l’IUM reste la plus faible dans la plupart des classes d’âge concernées. On peut retenir, en synthèse, que l’IUM augmente avec l’âge alors que l’IUE diminue avec l’âge, peut être en partie à cause de la réduction des activités [27]. L’enquête américaine MESA de Diokno et al. [31], chez les patientes de 60 ans et plus, a rapporté la répartition sui- Auteurs Anné e N Yarnell [4] 1981 1000 Elving [28] 1989 2631 Hannestad [3] 2000 27936 Bortolotti [11] 2000 5488 Hunskaar [15] 2004 17080 Swanson [29] 2005 606 Oskay [30] 2005 500 Kocak [17] 2005 1012 IUE (%) IUM (%) I Mixte (%) 49 48 50 55 46 34,1 37,2 33,1 21 7 11 12 26 14,5 32,3 25,6 30 45 36 24 28 51,4 30,5 41,3 Tableau 4. Prevalence selon l’âge et le type d’incontinence dans 4 pays européens [15] Pays France Espagne Allemagne Royaune-Uni N Classe d’âge IUE (%) IUM (%) IMixte (%) I autre 698 617 399 582 273 600 564 478 534 461 441 329 18-44 45-59 60 18-44 45-59 60 18-44 45-59 60 18-44 45-59 60 29 33 29 41 55 30 47 41 31 44 42 35 31 24 25 21 11 24 14 14 19 18 11 19 26 38 41 17 21 37 27 40 46 25 39 40 15 5 4 21 13 9 12 4 4 13 7 6 vante : 55,5 % pour l’IMixte, 26,7 % pour l’IUE, 9 % pour l’IUM et 8,8 % pour les types autres et inclassables. Pré valence en fonction de la sé vé rité de l’incontinence La prévalence de l’incontinence sévère augmente avec l’âge [3]. L’étude EPINCONT a révélé que dans la cohorte des femmes de moins de 45 ans, l’IU était légère dans 57 % des cas, modérée dans 31 % des cas et sévère dans 12 % des cas. La répartition est respectivement de 46, 33 et 21 % dans la classe d’âge de 45 à 59 ans et de 24, 31 et 44 % chez les plus de 60 ans. La sévérité de l’incontinence varie aussi en fonction du type d’incontinence. Ainsi, la part de l’incontinence sévère est de 17 % chez les femmes souffrant d’IUE, de 28 % en cas d’IUM et de 38 % en cas d’IMixte. Pré valence en fonction de la population é tudié e En dehors de l’influence raciale et ethnique que nous avons déjà évoquée, la prévalence de l’IU dépend aussi du type de population étudiée. Plusieurs études ont trouvé une prévalence de l’IU augmentée chez les femmes vivant en institutions par rapport à celles vivant en communauté. L’impact précis de la vie en institution sur 152 la prévalence de l’IU est difficile à estimer car plusieurs autres facteurs interviennent aux premiers rangs desquels la perte de mobilité, la démence et la qualité de l’offre de soin de la structure de long séjour. Ainsi, les troubles des fonctions cognitives multiplieraient le risque d’IU par 3,6 dans les études en analyses multivariées [32]. Une corrélation forte a été démontrée entre la démence et la prévalence de l’IU chez les femmes âgées [33]. De même la dépression sévère serait corrélée au risque d’incontinence [13,16,33] : la prévalence de la dépression sévère atteint 3,7 % chez les femmes incontinentes contre 2,2 % chez les femmes continentes [16]. La ménopause est-elle un facteur de risque de l’incontinence urinaire ? Les nombreuses études cliniques et épidémiologiques ont permis de dégager de nombreux facteurs de risque de l’IU aux premiers rangs desquels on peut citer entre autre et de manière non exhaustive, l’âge, la parité, l’obésité, le diabète, la grossesse et les facteurs obstétricaux, l’hystérectomie, les pathologies du bas appareil urinaire, la ménopause, le tabagisme, l’atteinte des fonctions cognitives et la réduction de la mobilité. Néanmoins, si les rôles de l’âge ou de la parité par exemple ont fait l’objet de très nombreux travaux rigoureux et concordants, l’impact de la ménopause reste discuté et les données de la littérature parfois contradictoires. Plusieurs travaux n’ont pas retrouvé de différence en termes de prévalence ou de fréquence de l’IU chez les femmes ménopausées ou non [34-36]. Ainsi, Milsom et al. [37] dans une enquête publiée en 1993 ne constatent aucune différence de prévalence de l’IU entre les femmes de 46 ans (préménopause) et celles de 56 ans (ménopause), avec un taux de 12 % dans les deux cohortes. Dans une étude longitudinale de cohorte, Sherburn et al. [38] ne retrouvent aucune association entre IU et entrée en ménopause. Certains auteurs rapportent même une prévalence de l’IU augmentée chez les femmes non ménopausées en comparaison avec celles qui sont ménopausées [39,40]. Dans le travail de Kuh et al. [35], l’effet « protecteur » de la ménopause ne concerne que l’IUE. A contrario, une corrélation positive prévalence IU/ ménopause est rapportée par d’autres. Ainsi, l’enquête française conduite par le Centre de documentation et de recherche en médecine générale (CDRMG) a montré que, quelle que soit la définition de l’IU retenue, les femmes ménopausées étaient significativement plus incontinentes que les femmes non ménopausées, ce résultat étant aussi en relation avec l’âge [41]. Les conclusions sont similaires dans les enquêtes suédoises de Samuelsson et al. [42] et Simeonova et al. [43], pourtant réalisées en milieu rural pour la première et en milieu urbain pour la seconde. Le lien de causalité existe aussi, mais de manière incomplète pour Reckers et al. [23]. Les auteurs ont comparé un groupe de 355 femmes en préménopause et un groupe de 858 femmes ménopausées. La prévalence était comparable dans les deux groupes respectivement de 25 et 26 %, mais il existait une incontinence significativement plus sévère chez les patientes ménopausées (l’incontinence quotidienne étant deux fois plus fréquente dans ce groupe). Ce même auteur a cherché à analyser le délai entre la ménopause et le début de l’incontinence. Parmi les patientes ménopausées présentant une incontinence, le début des troubles précède la ménopause dans 28 % des cas, survient au moment de la ménopause dans 18 % des cas et survient après la ménopause chez 54 % des patientes. Dans l’étude turque de Oskay et al. [30], 75 % des femmes incontinentes rapportent un début de l’incontinence après la ménopause. Enfin, les patientes ayant subi une ménopause chirurgicale présenteraient un risque plus élevé d’incontinence (36 %) que celles ayant eu une ménopause naturelle (22 %) [23]. Un travail prospectif récent a enrôlé 1017 femmes ménopausées, âgées de 55 à 75 ans, qui ont été suivies sur une période de deux ans [18]. Parmi les 345 femmes continentes à l’entrée dans l’étude, 65 (18,8 %) rapportent une incontinence au contrôle à un an et 66 (19,1 %) au contrôle à deux ans. A contrario 13,7 et 14,3 % des femmes incontinentes à l’inclusion se déclarent sèches au contrôle à un et deux ans respectivement. Selon la revue de Hunskaar, l’incidence annuelle de l’IU est de 1 à 3 % chez les femmes de moins de 60 ans alors qu’elle atteint 5 à 11 % chez les 60 ans et plus [1]. Y a-t-il un effet du traitement hormonal sur l’incontinence urinaire ? Il n’était pas illogique de penser que le TSH puisse avoir un effet sur les troubles urinaires de la femme ménopausée. Des récepteurs aux estrogènes ont été identifiés au niveau de l’épithélium de l’urètre distal et proximal, du vagin et de la région trigonale. Par ailleurs, des études rapportent le caractère « estrogéno-sensible » de la musculature du plancher pelvien même si la présence de récepteurs à ce niveau n’est pas confirmée. Certains travaux ont précisé le rôle des estrogènes sur le tractus uro-génital [44] avec, notamment, une élévation de la pression de clôture urétrale (PCU) [45] et une amélioration de la transmission des pressions au niveau de l’urètre proximal, deux mécanismes qui favorisent la continence [46]. On sait aussi que les estrogènes améliorent la qualité du flux vasculaire au niveau de l’urètre et plus particulièrement de la zone sphinctérienne. La composante vasculaire agirait pour un tiers dans la valeur de la PCU au repos [47]. La composante musculaire striée, par ailleurs, et la composante musculaire lisse urétrale et péri-urétrale se partagent les deux tiers restants [47]. L’implication des plexus vasculaires sous-muqueux dans les mécanismes de continence passive a donc logiquement conduit à penser que l’hormonothérapie substitutive, chez les femmes méno- 153 pausées incontinentes pouvait avoir un effet urinaire favorable. Au niveau de la vessie, la carence estrogénique induit une atrophie épithéliale, une perte de l’élasticité vésicale et un renforcement du système parasympathique, autant de paramètres susceptibles de favoriser l’apparition d’un syndrome d’hyperactivité vésicale. Pourtant l’hormonothérapie substitutive serait sans effet, aussi bien dans la prévention que dans la correction des symptômes d’incontinence [48]. Plusieurs essais randomisés ont conclu à l’absence d’effets bénéfiques du traitement hormonal substitutif sur les symptômes urinaires, que les estrogènes soient prescrits seuls [49] ou en association avec un progestatif [50,51]. Une revue récente [52] rapportant les résultats de 14 études non randomisées, six études randomisées, quatre essais randomisés versus placebo dont deux méta-analyses n’a pas conclu au bénéfice de l’estrogénothérapie chez les femmes ménopausées présentant une IUE (une seule étude non randomisée a révélé une amélioration clinique et symptomatique sous traitement supplétif). Une large enquête australienne a révélé que ni le traitement, ni la durée de celui-ci n’était susceptible d’influencer l’IU [53]. Pour certains, le THS pourrait même augmenter le risque [51,54,55], et ce, quels que soient la voie d’administration, le type d’hormones ou la posologie employée [54]. Les études sur l’influence des estrogènes par voie orale sur les paramètres urodynamiques de patientes souffrant d’IUE pure sont contradictoires, le gain sur la pression urétrale maximale et l’amélioration clinique rapportés par certains n’étant pas confirmés par d’autres [55]. Les résultats concernant les symptômes d’hyperactivité vésicale sont plus optimistes. Selon une revue de Cardozo et al. [57] qui a identifié 11 études randomisées versus placebo incluant 430 patientes, l’estrogénothérapie améliorerait significativement tous les symptômes d’hyperactivité vésicale, notamment la pollakiurie (p = 0,0011), la nycturie (p = 0,0371), les urgences (0,0425) et les mictions impérieuses (p = 0,0002), la voie d’administration vaginale s’avérant la plus bénéfique [57]. Le mécanisme d’action serait davantage la conséquence d’une correction de l’atrophie plutôt qu’une action directe sur le bas appareil urinaire [58]. La distinction difficile des effets de l’âge et de ceux de l’hypo-estrogénie est un facteur limitant majeur dans les travaux de recherche sur la physiopathologie de l’IU. Certains auteurs ont évoqué l’hypothèse que la carence estrogénique pouvait être un des paramètres impliqués dans le processus de vieillissement et qu’à ce titre, elle n’interviendrait dans le développement de l’IU, non pas comme un facteur causal isolé, mais selon un schéma de « sommation » de facteurs. Conclusion La relation IU-ménopause reste encore mal connue. Si l’on peut citer (et encore cette association n’est pas admise par tous !) la ménopause comme un facteur de risque « classique » de l’IU, il n’est pas certain que celle-ci, étroitement corrélée à l’âge, soit un facteur de risque indépendant. Les résultats semblent plus concordants à propos de l’effet de l’estrogénothérapie substitutive sur l’incontinence d’urine : elle ne semble pas prévenir ou corriger l’IUE, mais elle améliore l’incontinence par urgences mictionnelles. Ces conclusions doivent bien évidemment être prises en compte dans nos pratiques cliniques. Elles impliquent la diffusion et l’utilisation d’outils diagnostiques validés et standardisés, seuls garants d’une évaluation et d’une prise en charge optimale de nos patientes. Cette conclusion prend tout son sens lorsqu’on sait, à la lumière des derniers travaux épidémiologiques, que seulement 24 à 40 % des femmes concernées consultent [3,14,15], et que ce taux ne dépasse pas 50 % quand l’incontinence est qualifiée de modérée à sévère. Références 1. Hunskaar S, Burgio K, Clark A, et al. (2005) Epidemiology of urinary and faecal incontinence and pelvic organ prolapse. In: Abrams P, Cardozo L, Khoury S, Wein A (eds) Incontinence 2nd International consultation on incontinence. Basics and Evaluation Health Publication Ldt, 257-80 2. Hunskaar S, Burgio K, Diokno A, et al. (2003) Epidemiology and natural history of urinary incontinence in women. Urology 62: 16-23 3. Hannestad YS, Rortveit G, Sandvik H, et al. 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Eléouet F-35000, Rennes, France Résumé : Les périodes de la vie génitale de la femme (menstruation, grossesse, ménopause) sont fréquemment associées à des troubles fonctionnels ano-rectaux ou du transit intestinal. Pour autant, la partie basse du tube digestif (anus, rectum et côlon) ne semble pas une cible privilégiée d’action des estrogènes et de la progestérone, ni sur le plan expérimental ni dans le cadre d’une prise en charge thérapeutique. Mots clés : Estrogènes – Progestatifs – Récepteurs – Traitement substitutif – Ménopause – Incontinence – Constipation – Dyschésie Estrogens and anorectal function Abstract: Functional disorders of the intestines, anus, and rectum frequently occur throughout the reproductive life cycle (menstruation, pregnancy and menopause) of women. However, sex steroid hormones (estrogens and progesterone) do not target the lower digestive tract (anus, rectum and colon), according to both experimental and therapeutic studies. Keywords: Estrogen – Progesterone – Receptors – Replacement therapy – Menopause – Incontinence – Constipation – Dyschezia Préambule Les troubles fonctionnels colo-rectaux et de l’anus représentent un motif fréquent de consultation, notamment chez les femmes. Des variations d’expression symptomatique à l’occasion des périodes de la vie génitale sont souvent rapportées spontanément par les patientes (période menstruelle, grossesse, préménopause), au point que l’hypothèse d’une influence hormonale sur le transit intestinal et la continence fécale est souvent discutée. Pour autant, les données scientifiques expérimentales actuellement disponibles sont peu nombreuses et ne sont pas unanimes dans leurs conclusions. Les perspectives thérapeutiques en sont encore lointaines et, de fait, assez aléatoires dans leurs objectifs et dans leurs résultats. Considérations épidémiologiques Les troubles fonctionnels ano-rectaux ont une prévalence élevée dans la population générale. Une enquête française par questionnaire auto-administré (31 items), adresse par voie postale, s’est attachée à préciser les principaux symptômes ano-rectaux survenus dans l’année qui a précédé l’envoi du questionnaire : 10 000 personnes de plus de 15 ans, représentatifs de la population française, ont été sollicitées en mai 2003 et 7196 questionnaires retournés ont pu être analysés. Les troubles fonctionnels ano-rectaux concernaient plus d’une personne sur quatre : les troubles de la continence étaient rapportés chez 17 % (n = 1208) et des troubles de l’évacuation chez 22 % (n = 1611) d’entre eux. Les éléments marquants des résultats concernent la fréquence des associations symptomatiques, le retentissement symptomatique sur la qualité de vie et le caractère limité de demande de prise en charge médicale. La prévalence des plaintes s’accentue dans les tranches d’âge les plus élevées [1]. Les troubles de la continence fécale ont donné lieu à des travaux épidémiologiques d’envergure, à la fois en termes de prévalence postobstétricale chez les primipares, mais aussi lors de l’évaluation des troubles fonctionnels intriqués chez les femmes souffrant de troubles de la statique pelvienne. Le lien entre les troubles de la continence fécale et la vie génitale n’a pas fait l’objet d’études scientifiques nombreuses. De façon quasi universelle, les troubles de la continence fécale sont élevés dans les enquêtes de population, et notamment dans les tranches d’âge les plus élevées et chez les femmes ménopausées [2-4]. Certains travaux épidémiologiques suggèrent une prévalence plus élevée de la constipation chez les femmes que chez les hommes, et notamment chez les personnes les plus âgées [5-8]. Les femmes, et particulièrement chez celles qui sont en préménopause, souffrent plus fréquemment de constipation que les hommes et leur temps de transit colique global et segmentaire est habituellement plus long [5,8]. Certains arguments épidémiologiques indirects suggèrent là que le niveau d’imprégnation hormonale pourrait influencer le transit intestinal, parce que les troubles du transit débutent habituellement au moment de la puberté, que les Correspondance : E-mail : [email protected] ; [email protected] ; [email protected] 157 Tableau I. Identification et quantification (0 à +++) des récepteurs des hormones sexuelles ont été effectuées par méthode immunohistochimique à partir des prélèvements tissulaires (fixés et inclus en paraffine) [d’après 14] Marquage cellulaire N 0 + ++ +++ Lymphoı̈de Épithéliale superficielle Périnerveux Musculaire vasculaire Endothéliale vasculaire De la musculaire muqueuse De la musculeuse propre Du sphincter anal interne 26 26 26 26 26 26 26 05 26 E ; 25 P 21 E ; 26 P 26 E ; 26 P 26 E ; 25 P 25 E ; 23 P 26 E ; 22 P 14 E ; 09 P 03 E ; 03 P 00 E ; 01 P 04 E ; 00 P 00 E ; 00 P 00 E ; 01 P 01 E ; 03 P 00 E ; 04 P 09 E ; 08 P 01 E ; 02 P 00 E ; 00 P 01 E ; 00 P 00 E ; 00 P 00 E ; 00 P 00 E ; 00 P 00 E ; 00 P 03 E ; 08 P 01 E ; 00 P 00 00 00 00 00 00 00 00 E E E E E E E E ; ; ; ; ; ; ; ; 00 P 00 P 00 P 00 P 00 P 00 P 01 P 00 P La quantification a tenu compte de l’intensité du marquage et du pourcentage de cellules positives. N : nombre de spécimens analysés. troubles du transit ou une modification de la consistance des selles est souvent rapportée en période permenstruelle et que la grossesse est un facteur documenté de constipation [7,9,10]. On ne dispose en revanche que d’assez peu de données épidémiologiques concernant les troubles de l’évacuation rectale. Une étude d’observation avec recueil symptomatique standardisé a analysé les paramètres de la défécation sur une période de deux cycles menstruels chez 58 femmes. La consistance des selles, leur fréquence et les paramètres de défécation n’étaient pas influencés par les phases du cycle, que les personnes interrogées aient ou n’aient pas de syndrome de l’intestin irritable [11]. Bases fondamentales On dispose aujourd’hui de plusieurs travaux ayant analysé les récepteurs hormonaux au niveau des muqueuses du bas rectum, du canal anal et des structures sphinctériennes [1214]. Un travail très structuré s’est attaché à analyser quantitativement et qualitativement les récepteurs aux androgènes, aux estrogènes et à la progestérone sur des échantillons tissulaires ano-rectaux humains (pièces d’amputation abdomino-périnéale) [12]. Les structures épithéliales cylindriques ne comportaient pas de récepteurs à la différence des structures malpighiennes du canal anal. Moins d’un tiers des cellules musculaires lisses du sphincter anal interne était pourvu de récepteurs hormonaux estrogéniques et androgéniques. Les cellules musculaires striées du sphincter anal externe n’avaient aucun récepteur hormonal, mais le tissu conjonctif de soutien était riche en récepteurs androgéniques. Faits importants, la répartition des récepteurs était comparable chez l’homme et la femme. En outre, les récepteurs à la progestérone n’étaient présents que lorsque coexistaient des récepteurs estrogéniques et dans l’ensemble, le volume et la répartition des récepteurs hormonaux étaient assez pauvres. Cette analyse confirmait des données préliminaires antérieures reposant sur une méthodologie similaire [13]. Un travail plus récent s’est attaché à l’identification et à la quantification (0 à +++) des récepteurs des hormones sexuelles par méthode immunohistochimique à partir des prélèvements tissulaires (fixés et inclus en paraffine) de résection rectale basse de 26 malades (âge moyen : 44 13 ans) opérés d’une maladie hémorroı̈daire ou d’un trouble de la statique pelvienne par section–agrafage circulaire mécanique. Les données de marquage étaient comparables chez les hommes et chez les femmes. En dépit d’un marquage quantitativement modeste, les récepteurs estrogéniques et progestatifs étaient présents au niveau de l’ano-rectum et principalement au niveau des structures musculaires lisses de la musculeuse propria (Tableau I). Ces données pourraient, à l’inverse des travaux précédents, faire considérer la paroi du bas rectum et de la partie haute du canal anal comme des cibles thérapeutiques potentielles des estrogènes et de la progestérone [14]. Lors d’études réalisées dans des modèles tissulaires isolés [15], la progestérone induit habituellement une inhibition de l’activité contractile des muscles lisses, et notamment des structures du tube digestif [16]. Les estrogènes n’ont pas d’effet direct, mais ils ont la capacité d’induire et de potentialiser les récepteurs à la progestérone [17]. Données cliniques disponibles Les études physiologiques suggèrent une diminution significative des pressions de repos du canal anal chez les femmes les plus âgées lorsqu’on les compare à des femmes plus jeunes ou des hommes appariés sur l’âge [18,19]. Cela pourrait être un argument direct suggérant le rôle potentiel trophique et fonctionnel de l’imprégnation hormonale tissulaire dans le maintien des pressions de repos du canal anal. Cependant, ces études physiologiques sont anciennes et elles ont été menées avant le développement de méthodes explorant les défects sphinctériens post-obstétricaux de façon sensible (endosonographie anale). Dans un travail contrôlé randomisé récent, la motricité colique a été analysée par méthode scintigraphique chez 49 patientes ménopausées n’ayant aucune plainte digestive et à qui un traitement hormonal substitutif était proposé [20]. L’étude a été menée sur groupes parallèles et le traitement hormonal dispensé en double insu était un estrogène (estradiol), un progestatif micronisé ou l’association des deux. Les progestatifs mais pas les estrogènes induisaient une diminution nette de la durée du transit intestinal. 158 Évaluations thérapeutiques Plusieurs études ont évalué l’impact du traitement estrogénique sur la fonction ano-rectale. Deux premières études pilotes reposant sur de petits effectifs n’ont pas montré de bénéfice symptomatique ou physiologique à court terme (trois à six mois) d’un traitement estrogénique substitutif chez des femmes ménopausées [21,22]. Dans le cadre d’une étude ouverte (n = 20), le maintien d’un traitement d’entretien estrogénique de six mois au moins a permis de faire disparaı̂tre les troubles de la continence fécale dans un quart des cas et d’améliorer les contrôles des gaz, des suintements et des impériosités chez deux tiers d’entre elles [23]. Dans ce travail, les pressions de repos et lors de la contraction volontaire anale étaient également favorablement modifiées par le traitement estrogénique. On ne dispose aujourd’hui d’aucun travail contrôlé randomisé évaluant le bénéfice d’un traitement hormonal substitutif sur les troubles de la continence fécale. Dans le travail randomisé précédemment cité [20], la fréquence des selles n’était pas significativement modifiée par le traitement hormonal substitutif. En revanche, il était noté une amélioration de la défécation et une modification de la consistance des selles (selles molles) après imprégnation estrogénique ou progestative. Conclusions et perspectives Alors qu’une approche intuitive de pratique clinique pourrait accorder un rôle vraisemblable aux stéroı̈des estroprogestatifs, à la fois dans la genèse et le traitement des troubles fonctionnels ano-rectaux chez la femme, les données scientifiques actuellement disponibles en donnent un paysage contrasté et contradictoire : les effets paradoxaux des hormones stéroı̈des sexuelles lorsqu’elles sont testées in vitro et in vivo ; la relative pauvreté des récepteurs hormonaux au sein des structures sphinctériennes ; leur apparence quantitative et qualitative comparable chez l’homme et la femme ; sont autant d’éléments qui limitent la pertinence actuelle d’une approche thérapeutique hormonale de la constipation d’évacuation ou des troubles de la continence chez la femme ménopausée. De fait, on dispose aujourd’hui d’essais thérapeutiques anecdotiques, anciens et de faible poids méthodologique qui n’entraı̂nent la conviction ni du praticien sensible à l’approche factuelle de sa discipline, ni des équipes de recherche en quête d’une thérapeutique rationnelle des troubles fonctionnels ano-rectaux. Références 1. Siproudhis L, Pigot F, Godeberge P, et al. (2006) Defecation disorders: a French population survey. Dis Colon Rectum 49: 219-27 2. Perry S, Shaw C, McGrother C, et al. (2002) Prevalence of faecal incontinence in adults aged 40 years or more living in the community. Gut 50: 480-4 3. Nelson RL, Norton N, Cautley E, Furner S (1995) Community-based prevalence of anal incontinence. JAMA 274: 559-62 4. Johannson JF, Laferty J (1996) Epidemiology of fecal incontinence: the silent affliction. Am J Gastroenterol 91: 33-6 5. Heaton KW, Radvan J, Cripps H, et al. (1992) Defecation frequency and timing, and stool form in the general population: a prospective study. 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L’estrogénothérapie entraı̂ne une hypertrophie musculaire, une augmentation du poids de la vessie, une néo-angiogenèse et une modification de la densité des récepteurs a-adrénergiques, muscariniques et purinergiques. Au niveau fonctionnel, ces modifications de structure sont responsables lors d’une déprivation estrogénique d’une hypocontractilité vésicale, et en cas de traitement estrogénique, d’une augmentation de la contractilité vésicale. Au niveau de l’innervation vésicale, les estrogènes semblent avoir une action prédominante au niveau de l’innervation afférente et en particulier au niveau des neurones vanilloı̈des. Mots clés : Vessie – Estrogènes – Physiologie Estrogens and bladder function Abstract: The objective of this study was to describe the role of estrogens in bladder function. Estrogen receptors have been shown to be expressed in the dome and trigone of the bladder and in the central and peripheral nervous systems. Estrogen deprivation is associated with smooth muscle atrophy of the bladder wall and an increase in collagen levels and the collagen-to-smooth muscle ratio. Estrogens induce muscular hypertrophy, increased bladder weight, angiogenesis and changes in muscarinic, a-adrenergic and purinergic receptor densities. Consequently, these structural changes, induce bladder hypocontractility in the case of estrogen deprivation; estrogen replacement improves bladder contractility. Concerning neurological control, estrogens seem to impact predominantly afferent nerve pathways, especially capsaicin-sensitive afferent fibres. Correspondance : E-mail : [email protected] Keywords: Bladder – Estrogens – Physiology Introduction Les estrogènes ont un effet physiologique important sur l’appareil génital féminin tout au long de la vie adulte. Ils sont responsables de changements histologiques et fonctionnels. L’origine embryologique commune entre l’appareil génital féminin et l’appareil urinaire, à partir du sinus uro-génital, plaide pour une sensibilité de ce dernier aux estrogènes. La mise en évidence de récepteurs aux estrogènes et à la progestérone au niveau du vagin, de l’urètre, de la vessie et des muscles du plancher pelvien a renforcé le concept d’un rôle des hormones sexuelles féminines sur la physiologie urétro-vésicale [1,2]. L’influence des hormones sexuelles féminines sur la miction a été rapportée pour la première fois en 1966 [3]. Depuis, de nombreuses études épidémiologiques ont montré la présence de liens entre les estrogènes, et en particulier le déficit estrogénique, et l’apparition de dysfonctionnements de l’appareil vésico-sphinctérien. Ainsi, les symptômes du bas appareil urinaire sont très fréquents chez la femme ménopausée. Vingt pour cent des femmes ménopausées ont une pollakiurie sévère et presque 50 % ont une incontinence urinaire d’effort [4-7]. En ce qui concerne l’incontinence urinaire par urgences, sa prévalence augmente après la ménopause [8]. De plus, elle augmente avec l’ancienneté du déficit estrogénique [8]. Enfin, il a été montré que les estrogènes permettaient de prévenir, après la ménopause, la survenue de cystites [9], d’atrophie de l’appareil urinaire [10] et d’une hyperactivité vésicale [11]. Le but de ce travail est de décrire l’impact des estrogènes sur la fonction vésicale. Récepteurs aux estrogènes Les estrogènes sont sécrétés majoritairement par l’ovaire. L’estrogène majeur, chez l’être humain, est l’estradiol. Toutefois, deux autres estrogènes sont également sécrétés : l’estriol et l’estrone. L’effet biologique des estrogènes 160 est médié par un récepteur protéique [12]. Il existe deux récepteurs aux estrogènes (ER) : le récepteur alpha (ERa) et le récepteur bêta (ERb). Tous deux sont des récepteurs intranucléaires agissant comme des facteurs d’activation de la transcription. L’ERa a été découvert en 1958, mais n’a pu être cloné qu’en 1986, à partir de tissu utérin [13,14]. En 1995, à partir de prostate de rat, a été mis en évidence l’ERb [15]. Ces deux récepteurs ont un haut degré de séquences similaires au niveau du domaine central de l’ADN et du domaine ligand C-terminal. De ce fait, ces deux récepteurs communiquent avec des éléments de réponse identiques et ont des profils d’affinité identiques pour l’ensemble des estrogènes endogènes, synthétiques ou naturels [16,17]. Ces récepteurs, et par conséquent l’action physiologique de chacun, diffèrent principalement par leur localisation [18]. L’ERa est le sous-type prédominant au niveau de la glande mammaire, de l’utérus, des vaisseaux et de l’os. L’ERb est exprimé principalement au niveau de l’ovaire, de la prostate, du testicule, du poumon, du thymus, de la rate et dans certaines régions du système nerveux central [19]. Enfin, ERb est impliqué dans la régulation de l’ovulation, dans certains comportements et dans la réponse immunitaire [20,21]. Il a également été décrit une interaction entre les deux types de récepteurs avec un effet inhibiteur d’ERb sur ERa [22]. Au niveau vésical, Iosif et al. sont les premiers à montrer la présence dans l’espèce humaine de récepteurs aux estrogènes [1]. Ils les ont identifiés au niveau du trigone et de la partie mobile de la vessie. Depuis, de nombreuses études ont étudié la distribution des différents types de récepteurs aux estrogènes au niveau vésical, et l’impact de l’imprégnation hormonale sur l’expression des récepteurs. Il apparaı̂t que les deux types de récepteurs sont présents au niveau de la vessie, au sein des cellules urothéliales et des cellules musculaires lisses [23]. La proportion de chaque type de récepteur au niveau vésical chez l’être humain est mal connue. En revanche, il a été montré chez la souris et le rat que le récepteur prédominant était l’ERb [24-26]. La localisation des récepteurs dans l’épaisseur de la paroi vésicale diffère toutefois entre le dôme vésical et le trigone. Ainsi, Blakeman et al. ont montré que les ER étaient exprimés au niveau de l’urothélium trigonal mais absent au niveau de l’urothélium du dôme vésical. En revanche, ils étaient présents de manière équivalente au niveau du sousurothélium dans les deux cas [27]. Aucune étude réalisée sur des échantillons humains ou animaux n’a montré de différence selon le sexe en termes d’expression ou de localisation des récepteurs aux estrogènes [23,25,26]. Enfin, il a été montré que le niveau d’imprégnation estrogénique n’influençait pas l’expression des ER au niveau vésical [27]. Les estrogènes ont également une action au niveau du système nerveux et par ce fait peuvent agir sur le contrôle de la fonction vésicale. Ainsi, des ER sont présents dans les neurones, dans différents centres de l’encéphale, du tronc cérébral et de la moelle épinière liés à la miction. Le principal ER exprimé au niveau cortical, du cervelet et de la protubérance est l’ERb [23]. Toutefois, chez le chat, des ERa ont été mis en évidence au niveau des neurones préganglionnaires parasympathiques innervant la vessie [28]. Enfin, il a été rapporté la présence d’ERa et b au niveau des cellules ganglionnaires des racines lombosacrées postérieures innervant la vessie [29]. Estrogènes et paroi vésicale À partir d’études réalisées chez la femme et chez l’animal, il a été montré que les variations de l’imprégnation estrogénique avaient des conséquences sur la trophicité et la vascularisation de la paroi vésicale et sur la densité en récepteurs a-adrénergiques et muscariniques [30-34]. La déprivation estrogénique est responsable, chez la femme, d’une altération de l’activité collagénase [35,36]. Cette dernière est responsable chez le lapin d’une augmentation du collagène au sein de la paroi vésicale après ovariectomie [37,38]. Parallèlement, il s’y associe une atrophie musculaire lisse [30,37,38]. Ces deux modifications sont responsables, comme cela a été montré chez le rat et le lapin, d’une augmentation du ratio collagène/fibres musculaires lisses au sein de la paroi vésicale [30,37]. Chez l’animal, ces modifications de structures sont réversibles après estrogénothérapie [30,38,39]. À l’inverse, après ovariectomie bilatérale ou à la naissance, lorsque le rat ou le lapin est traité d’emblée par estrogènes, apparaissent une hypertrophie de la paroi vésicale en rapport avec une augmentation des fibres musculaires lisses, une diminution de la teneur en collagène et une augmentation de la vascularisation de la vessie [33,34,37-41]. L’hypertrophie intéresse la partie mobile de la vessie. Elle s’accompagne d’une augmentation du poids de la vessie [31,37,38]. L’hypertrophie est probablement multifactorielle. Elle est liée, pour Lin et al., à une action des estrogènes sur la paroi vésicale et sur le muscle lisse [37]. Toutefois, nous ne pouvons pas éliminer un effet indirect secondaire à une obstruction sous-vésicale par augmentation des résistances urétrales liée au traitement estrogénique [42]. L’augmentation de la vascularisation de la vessie est liée, d’après les données expérimentales, à une induction de l’angiogenèse par les estrogènes [41]. Cette néovascularisation se fait au sein de la musculeuse au milieu des fibres musculaires. Dès 1980 ont été rapportées des variations de la densité des récepteurs a-adrénergiques, cholinergiques et purinergiques selon l’imprégnation hormonale [31,40]. Toutefois, les résultats sont contradictoires. Levin et al. ont rapporté, chez le lapin, une augmentation de la réponse aux agonistes a-adrénergiques, cholinergiques et purinergiques après traitement par estrogénothérapie [40]. Inversement, Batra, Iosif, et Shapiro ont rapporté, 161 également chez le lapin, une diminution de la densité des récepteurs muscariniques après castration et estrogénothérapie [2,31]. Dans ces deux études, aucune différence n’a été mise en évidence entre le groupe témoin et le groupe ovariectomisé. Il est à noter que la différence de résultats entre l’étude de Levin et al. et celle de Shapiro, Batra et Iosif peut s’expliquer par la dose d’estrogènes utilisée et surtout par la durée de traitement qui n’était que de quatre jours dans le premier cas. De plus, Levin et al. avaient utilisé comme modèle des lapins immatures. Enfin, Liang et al., chez le rat, ont rapporté l’absence de variations de l’affinité des récepteurs muscariniques selon le degré d’imprégnation estrogénique [32]. Estrogènes et fonction vésicale À partir d’études réalisées chez la femme et chez l’animal, il a été montré que les variations de l’imprégnation estrogénique avaient des conséquences sur la contractilité vésicale et sur la réponse inflammatoire au niveau vésical [27,37,38,43-49]. Les variations du cycle menstruel influencent la survenue de symptômes urinaires et la mise en évidence d’une hyperactivité détrusorienne à la cystomanométrie. Ces derniers sont ainsi plus fréquents au cours de la phase folliculaire [43]. De plus, chez la femme ménopausée, un mode de fonctionnement vésical fréquent est le syndrome « DHIC » (detrusor hyperreflexia – impaired contractility) caractérisé par l’association d’une hyperactivité vésicale et d’une réduction de la contractilité mictionnelle [50]. Chez le lapin, après ovariectomie, l’étude du calendrier mictionnel montre une pollakiurie [30]. Les études en bains d’organes isolés de vessie de lapin et de rat révèlent une hypocontractilité vésicale à toutes les formes de stimulation (stimulation électrique, ATP, carbachol, KCl) [33,37,44,51,52]. Cette hypocontractilité se corrige après traitement par estrogène. Cependant, ces effets n’étaient totalement réversibles que chez les animaux matures lors de la réalisation de l’ovariectomie [44]. Inversement, les lapins et rats traités par estrogènes après ovariectomie, ont une contractilité augmentée [33,37,44,51,52]. Parallèlement, il a été rapporté que les lapins traités par estrogènes avaient une augmentation de la relaxation médiée par les récepteurs b2- et b3adrénergiques, qui pourrait être liée à une augmentation de l’AMPc dans les cellules musculaires lisses du détrusor [53-55]. Le mécanisme d’action des estrogènes sur la contractilité vésicale est multifactorielle. Interviennent l’effet trophique des estrogènes et l’action sur la densité des récepteurs muscariniques, purinergiques et a-adrénergiques comme nous l’avons déjà vu. S’y ajoutent des modifications de concentrations intracytoplasmiques en calcium. Ainsi, chez le lapin ovariectomisé, le flux transmembranaire de calcium est diminué, entraı̂nant une baisse de la contractilité [51,52]. Nous avons vu que les estrogènes avaient une action sur la réponse immunitaire [21]. Au niveau vésical, chez le rat, la réponse inflammatoire à une agression est différente en fonction de la période du cycle menstruel, et ou en fonction du traitement ou non par des estrogènes après ovariectomie [46,47]. Intervient également le taux d’ER. Ainsi, les rats ayant un taux élevé d’ERb étaient moins sensibles à l’agression ou avaient un meilleur pronostic de guérison [47]. Estrogènes et commande neurologique de la vessie D’une manière générale, les variations de l’imprégnation estrogénique peuvent avoir un impact sur la fonction neuronale [56]. Au niveau des centres de la miction, leur effet est mal connu. Il a toutefois été rapporté que traiter des macaques femelles par des estrogènes augmentait la production de 5-hydroxytryptamine, neuromédiateur ayant une action inhibitrice sur le réflexe mictionnel, au niveau du système nerveux autonome [57]. Au niveau du système non adrénergique, non cholinergique, Ehren et al. ont montré que les estrogènes augmentaient l’activité de la monoxyde d’azote synthase calciumdépendante au niveau de la vessie du cochon d’Inde [58]. Il n’était en revanche pas précisé dans cette étude si l’augmentation d’activité était liée ou non à l’isoforme neuronal de la monoxyde d’azote synthase. Une étude réalisée chez des souris déficientes en ERa ou ERb montre en bains d’organes isolés et par cystomanométries chez l’animal vigil, un impact limité sur la contractilité vésicale de l’absence d’ER. En revanche, ces souris n’ont plus de réponse à l’instillation de capsaı̈cine. Cela suggère que les ER interviennent au niveau de la voie afférente, et en particulier sur la fonction des récepteurs vanilloı̈des [59]. Ces résultats sont corroborés par la localisation des ER au niveau des cellules ganglionnaires des racines postérieures lombosacrées innervant la vessie, où ils ne sont exprimés qu’au sein des neurones exprimant le VR1, marqueur des neurones sensibles à la capsaı̈cine [59]. Conclusion Le niveau d’imprégnation estrogénique a un impact sur la structure, la fonction et la commande neurologique vésicale. Les variations de l’imprégnation estrogénique ont des conséquences sur la trophicité, la vascularisation vésicale, la densité et la réponse des récepteurs a-adrénergiques, muscariniques et purinergiques, ce qui influe sur la contractilité vésicale. La réponse inflammatoire locale dépend aussi du degré d’imprégnation hormonale. 162 En l’état des connaissances actuelles, l’impact des estrogènes sur l’innervation vésicale semble prédominer au niveau de la voie afférente. Références 1. Iosif CS, Batra S, Ek A, Astedt B (1981) Estrogen receptors in the human female lower uninary tract. Am J Obstet Gynecol 141: 817-20 2. Batra SC and Iosif CS (1987) Progesterone receptors in the female lower urinary tract. J Urol 138: 1301-4 3. Tansy MF, Kaufman R (1966) Influence of sex hormones on frequency of micturition. Nature 211: 1184-5 4. Temml C, Haidinger G, Schmidbauer J, et al. (2000) Urinary incontinence in both sexes: prevalence rates and impact on quality of life and sexual life. 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Mots clés : Fonction urétrale – Récepteurs – Estrogènes – Traitement hormonal – Ménopause – Incontinence urinaire Estrogens and urethral function Abstract: Among the various medical treatments for female urinary incontinence, the use of estrogens is common because of the demonstrated responsiveness of the urogenital system. Do estrogens offer a real benefit in treating this type of disorder? The objective of this article is to review the literature on this subject. Keywords: Urethral function – Receptors – Estrogens – Hormone treatment – Menopause – Urinary incontinence Introduction L’incontinence urinaire est un problème fréquent et gênant pouvant affecter des personnes de tout âge. Elle est définie par l’International Continence Society (ICS) comme la plainte d’une perte involontaire d’urines. Cette incontinence urinaire peut se produire lors de la toux, l’éternuement ou lors d’efforts physiques et est appelée « incontinence urinaire à l’effort ». Si elle est accompagnée ou précédée d’une forte envie d’uriner, elle est dite impérieuse. Quand elle présente ces deux caractéristiques, elle est dite mixte [1]. Sa prévalence, quelle que soit sa forme, est d’environ 4 % entre 20 et 29 ans, et va atteindre jusqu’à 37 % au-delà de 70 ans. L’incontinence urinaire à l’effort est probablement la forme la plus fréquente puisqu’elle représente 92 % des patientes incontinentes, avec un réel impact sur la qualité de vie puisque plus de 65 % des patientes se disent affectées [2]. Un certain nombre de traitements sont disponibles, notamment la rééducation pelvi-périnéale avec ou sans stimulation électrique, différents types de médications et la chirurgie. Parmi les différentes médications possibles, dont l’effet escompté est l’augmentation du tonus du sphincter urétral, les estrogènes sont utilisés pour traiter l’incontinence urinaire depuis de nombreuses années, mais leur efficacité reste controversée et est, donc, le sujet de cet article. Données sur l’incontinence urinaire et les hormones féminines Les organes génitaux féminins et le tractus urinaire dérivent tous deux du sinus urogénital et se développent de façon très proche anatomiquement. Des récepteurs aux estrogènes ont été identifiés de façon ubiquitaire, aussi bien dans le tissu vaginal que dans la vessie ou l’urètre proximal et distal ou les muscles du plancher pelvien. Ces récepteurs sont présents de façon aussi fréquente quantitativement quel que soit le statut hormonal de la femme (ménopausée ou non) [3]. Les récepteurs à la progestérone sont présents, mais à une quantité moindre et dépendante de la concentration en estrogènes circulants [3]. Il est donc probable que les hormones sexuelles féminines aient une influence sur le tractus urinaire du point de vue macroscopique, histologique et symptomatique [4]. Des symptômes urinaires peuvent apparaı̂tre pendant les règles ou à des moments particuliers du cycle menstruel, pendant la grossesse [5] et surtout au moment de la ménopause [6], c’est-à-dire au moment de variations des concentrations plasmatiques en estrogènes. Ces données sont confirmées par des études urodynamiques [7]. Les tissus impliqués dans les mécanismes de continence sont estrogènes sensibles. Il est probable que l’insuffisance en estrogènes puisse être une des étiologies de l’apparition de l’incontinence urinaire. Des études épidémiologiques ont montré que le pic de prévalence de l’incontinence urinaire d’effort survenait aux alentours de l’âge de la ménopause (55 ans), notamment chez les multipares [8]. Certaines patientes ménopausées et incontinentes rapportent l’apparition de leurs symptômes urinaires au moment de la ménopause [9], alors que d’autres montrent un taux plus important de femmes incontinentes avant la ménopause qu’après, avec une prédominance de l’IUE après la ménopause [8]. Ces données sur le lien entre hormones sexuelles féminines et incontinence urinaire sont connues depuis longtemps. Des études anciennes évaluant l’effet des 165 estrogènes sur l’incontinence ont été réalisées, pour certaines avant même l’apparition des épreuves urodynamiques. Ainsi, ces études ont probablement inclus des populations simplement sur l’interrogatoire, donc hétérogènes et présentant différents troubles urinaires aussi bien à l’effort que par hyperactivité du détrusor ou encore des patientes dysuriques ou dyssynergiques. De plus, les estrogènes utilisés sont souvent différents, prescrits à différentes posologies, avec des voies d’absorption différentes, sur des durées variables, associés parfois à d’autres thérapeutiques et le plus souvent dans des études non randomisées, sans véritable recul, avec des effectifs assez faibles. Données sur les effets des estrogènes Quelques essais récents comparent un traitement aux estrogènes contre un placebo, avec différents types d’estrogènes, doses, voies d’administration, durées de traitement et de suivis. Les résultats sont différents en fonction des essais. Effets des estrogè nes par voie orale Jackson et al., sur 67 patientes, toutes incontinentes à l’effort pur, randomisées contre placebo (33 estrogènes per os versus 34 placebos), évaluées sur six mois de façon subjective (Bristol Female Lower Urinary Tract Symptoms [BFULTS]) et objective (SF-36, pad-test, calendrier mictionnel, urodynamique [pression de clôture, cystomanométrie]) ne montrent aucune différence entre les deux groupes [10]. Alors que pour Cardozo et al., selon la même méthodologie, mais dans une étude multicentrique de 64 patientes ménopausées randomisées, estrogènes par voie orale contre placebo et présentant toutes une incontinence urinaire par impériosités, montrent un bénéfice. En effet, il semble exister une amélioration subjective et objective dans le groupe estrogènes sans atteindre la significativité [11]. De façon identique, l’étude de Samsioe et al., réalisée en cross over, estrogènes per os puis placebo sur trois mois chez 34 patientes semble montrer une amélioration des symptômes d’urgence et d’incontinence urinaire mixte, mais aucun effet sur la composante à l’effort [12]. Ces différentes études ont été réalisées avec différents types d’estrogènes per os (estradiol, estriol). Les résultats semblent identiques quel que soit le type d’estrogènes. Effets des estrogè nes par voie vaginale Les estrogènes utilisés localement en crème contre un groupe témoin, utilisant une crème placebo dans une étude de 34 patientes (17 versus 17) sur quatre-vingt-dix jours, toutes incontinentes à l’effort avec une insuffisance sphinctérienne, montre une guérison de l’incontinence dans 17 % et une amélioration de 41 % [13]. En termes de dose d’estrogènes, Lose et al. rapportent dans une étude randomisée multicentrique de 251 patientes, dont 134 recevaient un traitement pendant vingt-quatre mois à l’aide d’un anneau vaginal délivrant 7,5 mg d’estradiol par jour et l’autre groupe de 117 patientes recevant 0,5 mg d’estradiol tous les deux jours à l’aide d’un pessaire pendant la même durée, une amélioration de tous les symptômes, sans réellement les mentionner et sans groupe contre placebo. Cependant, ils ne notent aucune différence significative subjective en termes de symptômes urinaires impérieux ou à l’effort, quelle que soit la dose employée. Dans cette étude, les patientes préfèrent l’anneau vaginal qui est changé tous les trois mois (p = 0,0001) [14]. Mé ta-analyse sur l’effet des estrogè nes Les faibles effectifs dans toutes ces études rendent l’interprétation difficile en termes d’efficacité. Moehrer et al., dans leur revue de la littérature sur l’efficacité des estrogènes, quelle que soit la voie d’absorption contre placebo, ont colligé 15 travaux sur ce sujet leur permettant de porter l’effectif de patientes à 374 dans le groupe estrogènes contre 344 dans le groupe placebo. Leurs conclusions semblent montrer une amélioration subjective de tous les types d’incontinence (RR = 1,61), notamment sur la composante impérieuse. Ces données suggèrent qu’environ 50 % des patientes traitées par des estrogènes sont guéries ou améliorées, comparées à 25 % pour celles traitées par le placebo [15]. Cependant, étant donné la faible durée de la prescription et le suivi réduit, aucune étude ne peut affirmer que ce bénéfice se poursuivra à long terme en cas d’arrêt du traitement. Aucun effet secondaire très important n’est rapporté en dehors des spottings, des tensions mammaires et des nausées. Données sur les effets des estrogènes associés à la progestérone Dans le cas d’une association d’estrogènes à la progestérone, les résultats semblent converger vers la non-efficacité de ce type de médications sur les symptômes urinaires, qu’ils soient présents à l’effort ou par impériosités. Fantl et al., dans une étude randomisée contre placebo pendant trois mois chez 87 patientes ménopausées montrent une absence de différences, qu’elles soient subjectives, objectives (nombre de mictions diurnes, nocturnes, de fuites, poids de pad-test, SF-36 Health Survey, Incontinence Impact Questionnaire-Revised [IIQ-R], Urogenital Distress Inventory [UDI]) ou urodynamiques entre les deux groupes (p = 0,435) [16]. Une autre, celle de Ouslander et al., réalisée selon une méthodologie proche, montre les mêmes résultats chez 32 patientes sur six mois, mais avec cependant un bénéfice en terme d’amélioration de la trophicité vaginale [17]. La pollakiurie nocturne est le seul paramètre amélioré dans le travail de Kok et al., en cas de prise de cette même bithérapie [18]. L’étude de Grady et al., semblant faire référence étant donné le nombre de 166 patientes incluses, montre, elle, un résultat pire en terme d’amélioration ou de guérison subjective (p = 0,001) chez 1 525 patientes randomisées sur trois ans [19]. Ces auteurs concluent que l’association de la progestérone rend l’action des estrogènes inefficace [19]. noter que ce type de médication à long terme présente des risques non négligeables pour les patientes. Il reste donc à développer des molécules plus efficaces et moins dangereuses que les traitements hormonaux. Références Effets secondaires et/ou indésirables et recommandations de prescription Les effets secondaires, rarement rapportés dans ces études, ne semblent pas très importants. Les plus fréquents sont les métrorragies (25 %) et les tensions mammaires (20 %) [15]. Cependant, il faut garder à l’esprit qu’utiliser des estrogènes seuls n’est pas une recommandation en gynécologie, notamment chez les patientes non hystérectomisées. L’Anaes indique dans son rapport sur les recommandations du traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause qu’il n’est pas démontré qu’il améliore les symptômes d’incontinence urinaire (niveau de preuve [NP] 2) [20]. De plus, il existerait un surrisque de cancer du sein chez les femmes utilisant un THS associant estrogènes et progestatifs (NP1). Ce surrisque augmenterait avec la durée du traitement (NP2), notamment pour une durée d’utilisation supérieure à cinq ans. Aucune différence n’est démontrée en fonction de la voie d’administration (orale ou extradigestive) (NP2), ni en fonction du schéma d’administration (séquentiel ou continu) (NP2). Les données des études ne permettent pas non plus de conclure si un THS par estrogènes seuls majore le risque de cancer du sein (NP1). Concernant le cancer de l’endomètre, le THS par estrogènes seuls augmente le risque d’hyperplasie de l’endomètre et ainsi le risque de cancer (NP1), notamment en cas d’utilisation prolongée. L’association d’un progestatif aux estrogènes diminue ce surrisque, notamment en cas d’administration séquentielle, et l’annule en cas de traitement continu (NP1). En cas d’antécédent d’hystérectomie, il est recommandé de ne pas prescrire de THS estroprogestatif, mais de prescrire un THS par estrogènes seuls (NP1). Ce THS estroprogestatif expose en effet à un surcroı̂t de risque de cancer du sein sans que l’on puisse attendre chez ces femmes un bénéfice sur le cancer de l’endomètre. Conclusion Le tractus urogénital féminin est dépendant des estrogènes. Leur absence ou leur diminution franche lors de la ménopause pourrait être une des étiologies de l’incontinence urinaire. Ceux-ci semblent avoir une relative efficacité, notamment sur l’incontinence urinaire par impériosité. Cependant, leur efficacité réelle et à long terme sur ce type de pathologie reste encore à démontrer avec des études comportant un suivi à long terme. Il faut 1. Abrams P, Cardozo L, Fall M, et al. (2003) Standardisation Sub-Committee of the International Continence Society (2003). The standardisation of terminology in lower urinary tract function: report from the standardisation sub-committee of the International Continence Society. Urology 61(1): 37-49 2. Temml C, Haidinger G, Schmidbauer J, et al. (2000) Urinary incontinence in both sexes: prevalence rates and impact on quality of life and sexual life. Neurourol Urodyn 19(3): 259-71 3. Blakeman PJ, Hilton P, Bulmer JN (1996) Mapping estrogen and progesterone receptors throughout the female lower urinary tract. Neurourology and urodynamics 15(4): 324-5 4. Iosif CS, Batra S, Ek A, Astedt B (1981) Estrogen receptors in the human female lower urinary tract. Am J Obstet Gynecol 141(7): 817-20 5. 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Le THM a sans conteste un effet bénéfique sur le syndrome climatérique et la qualité de vie en général, pourvu que ce syndrome climatérique existe. Le THM a un effet préventif sur la perte osseuse postménopausique et le risque fracturaire. Il prévient aussi le cancer du côlon et la survenue d’un diabète de type 2. L’augmentation du risque thromboembolique veineux dépend du terrain et ne se produit pas si l’on utilise des estrogènes par voie non digestive. Le risque coronarien n’apparaı̂t pas si le traitement est débuté en postménopause immédiate et il est possible que l’administration cutanée des estrogènes et de la progestérone naturelle le minimise alors. Dans ces conditions, le THM peut probablement encore revendiquer un effet préventif de l’athérogenèse. Le THM n’a pas de place en prévention coronarienne secondaire. Pour les AVC, l’âge est un facteur limitant à l’utilisation du THM (âge d’arrêt suivant les facteurs de risque d’AVC). Le cancer du sein voit son incidence augmenter lors de l’association d’estrogènes progestatifs artificiels surtout au-delà de 60 ans et pour une administration de plus de cinq ans. La tibolone et l’association estrogènes-progestérone naturelle-rétroprogestérone sont moins promoteurs des tumeurs préexistantes. Le THM donné à des femmes âgées aggrave les risques de pertes d’urines. Ainsi, il n’y a aujourd’hui aucune raison d’interdire, lorsqu’il est nécessaire et bien choisi, ce traitement en postménopause immédiate. True and false benefits and risks of hormonal therapy for menopause Mots clés : Ménopause – Traitement hormonal de substitution – Estrogènes – Progestérone Keywords: Menopause – Hormone replacement therapy – Estrogens – Progesterone Correspondance : E-mail : [email protected] Abstract: With many anticipated benefits, hormone replacement therapy (HRT) was widely prescribed until 2002. After the publication of two randomised, controlled studies, it ceased to be prescribed, although numerous authors contested the validity of those results, which argued to be evidence based. Five years after publication, and despite many lingering questions, we now know what has been proved and what has not. HRT clearly has a beneficial effect on climacteric syndrome, and more generally on quality of life in patients with the syndrome. HRT prevents postmenopausal bone loss and lowers the risk of fractures. It also prevents colon cancer and type 2 diabetes. There is no increase in the risk of venous thromboembolic disease when estrogens are administered orally. Moreover, there is no increase in coronary risk if treatment begins immediately after the onset of menopause, and the cutaneous administration of estrogens and natural progesterone is likely to further decrease that risk. Under these conditions, HRT can probably prevent coronary artery disease but does not play a part in secondary prevention of coronary artery disease. With regard to stroke, age limits the use of HRT (the time when treatment is stopped depends on stroke risk factors). There is an increase in breast cancer incidence when associating estrogens and progestogens, particularly in women over 60 and those who have received treatment for more than 5 years. Tibolone and the combination of estrogens and natural progesterone promote the growth of pre-existing tumours to a lesser extent. HRT administered to older women increase the risk of urinary incontinence. This treatment can, therefore, be prescribed when it is needed and appropriately indicated. 169 Le traitement hormonal de la ménopause (THM) après avoir été paré de toutes les vertus est à ce jour fortement décrié dans les revues scientifiques, les médias et par les pouvoirs publics. Il est à ce jour quasiment impossible, tant sont vives les polémiques, de se faire une opinion claire sur la réalité des bénéfices atteints et des risques encourus par les patientes qui poursuivent le THM malgré cette campagne de dénigrement. Cela est d’autant plus vrai que les études répondant aux critères de la médecine basée sur les preuves (MBP) se résument à deux essais américains [1,2] proposant des traitements non utilisés en France et appliqués à des patientes qui ne sont pas celles à qui ces traitements sont en principe destinés. De nombreux travaux, malheureusement non randomisés et ouverts, permettent de nuancer les craintes venues d’outre-Atlantique. Pourquoi ces études « basées sur les preuves » n’existent-elles pas ? Il existe deux raisons majeures pour expliquer cette carence et comprendre pourquoi nous n’aurons jamais la réponse idéale souhaitée par les monomaniaques de cette MBP. La première est purement technique. Les grandes complications de la ménopause : coronaropathies et ostéoporose surviennent en moyenne treize ans après la survenue de celle-ci. Pour mettre en évidence un effet bénéfique du THM, il faudrait faire une étude randomisée versus placebo sur une durée de quinze ans pour espérer voir un bénéfice clinique du THM, ce qui à l’évidence est impossible. Pour contourner cet obstacle insurmontable, les épidémiologistes ont eu l’idée de débuter les études à l’âge où surviennent les accidents ! (WHI [1] et HERS [2]), pour mettre en évidence un effet préventif, ils se sont mis en situation curative et de plus les femmes dans leur majorité ont débuté le traitement après quinze ans de carence. À partir des résultats, ils ont postulé que ce qui est vrai dans cette situation purement expérimentale, l’est chez des femmes saines de 50 ans récemment ménopausées ayant un syndrome climatérique. La seconde raison est beaucoup plus prosaı̈que. Les hormones sont des substances naturelles non brevetables donc aucune firme pharmaceutique ne financera les recherches. Signalons cependant que WHI [1] a été financé par l’état nord-américain. Avantages du THM Qualité de vie Il ne fait de doute pour personne que le THM améliore le syndrome climatérique avec un effet net sur les bouffées de chaleur, les sueurs nocturnes et la sécheresse vaginale. Ces effets sont dose-dépendants et l’utilisation des doses minimums efficaces sur la durée minimum nécessaire comme proposée par les autorités de santé est raisonnable, bien que les courtes durées et les faibles doses n’aient jamais démontré une plus grande innocuité que les doses standards, comme nous le verrons plus loin. Il s’agit des items majeurs entrant dans le plus vaste domaine de l’amélioration de la qualité de vie (QdV) démontrée avec le THM. Il semble acquis aussi que les bénéfices sur la QdV disparaissent chez les femmes plus âgées en l’absence de bouffées de chaleur [2]. Aucune étude ne permet de savoir si le THM en postménopause immédiate améliore la QdV de femmes dénuées de bouffées de chaleur. En terme de sexualité, il est prouvé que l’amélioration de la sécheresse vaginale améliore la qualité des rapports sexuels et par ce biais la libido. En revanche, pour obtenir un effet direct sur la libido, il faut soit ajouter des androgènes à doses pharmacologiques supraphysiologiques non dénuées d’effets secondaires et potentiellement délétères sur le sein [3] ou plus simplement donner de la tibolone. Pré vention de la perte osseuse et osté oporose postmé nopausique Le THM a sans conteste démontré son efficacité dans la prévention primaire et secondaire du risque de perte osseuse postménopausique ainsi que du risque fracturaire [1]. Le THM est le seul traitement ayant démontré une efficacité antifracturaire en prévention primaire dans une population non sélectionnée et qui plus est, à faible risque. Il a été démontré que les estrogènes administrés en début de ménopause prévenaient la perte osseuse postménopausique et qu’il s’agissait d’une prévention de la diminution du contenu minéral osseux et de l’altération de la structure osseuse (micro-architecture). Cet effet se poursuit tout au long de la prise du traitement et la perte osseuse reprend son rythme normal à l’arrêt de la substitution hormonale. Les femmes sous traitement ont un contenu minéral osseux supérieur à celles qui n’en ont jamais pris ou qui ont cessé d’en prendre. Il existe un effet-dose apparent des estrogènes sur la perte osseuse postménopausique. En réalité ce n’est pas tout à fait le cas : plus la dose d’estrogènes augmente, plus le pourcentage de femmes qui perdent de l’os diminue. Ainsi, si l’on prend l’administration par patch en postménopause immédiate, environ 80 % des femmes sous placebo perdent de l’os ; ce chiffre tombe à 50 % avec 25 microgrammes d’estradiol par jour, 25 % avec 50 microgrammes et moins de 10 % avec 100 microgrammes. Avec l’âge, au fur et à mesure que le remaniement osseux s’amenuise, les doses d’estrogènes peuvent peut-être être revues à la baisse. Le risque fracturaire est diminué chez les femmes en cours de traitement, que celui-ci ait été débuté tard ou tôt. La diminution du risque fracturaire est cependant plus importante chez les femmes ayant débuté le traitement tôt après la ménopause. L’efficacité préventive du THM s’observe quel que soit le groupe de femmes étudié, en particulier la diminution du risque relatif de 170 fracture est le même quels que soit l’âge, le poids, le statut tabagique, l’histoire des chutes et les antécédents personnels ou familiaux de fracture, la prise de calcium, l’utilisation d’un traitement hormonal substitutif antérieur et le poids. Bien évidemment, cela n’est vrai qu’en termes de risque relatif (RR) et en termes de risque attribuable, l’influence bénéfique du THM augmente avec les facteurs de risques de fracture classiques. Après l’arrêt du traitement, le bénéfice en termes de contenu minéral osseux de même qu’en termes de risque fracturaire, tant au niveau vertébral que périphérique, semble disparaı̂tre rapidement. La dose d’estrogène nécessaire à la diminution du risque fracturaire n’est pas aujourd’hui déterminée, cette baisse est prouvée avec les doses dites classiques, 50 microgrammes par patch ; pour les doses plus faibles rien n’est prouvé. En revanche, le type d’estrogène (en dehors de l’estriol) et sa voie d’administration sont sans importance. Pour conclure, on peut dire à ce jour que le bénéfice du THM en termes osseux est d’autant plus important que le traitement a été commencé plus tôt avant l’altération de la micro-architecture osseuse et poursuivi sur une longue durée. Cependant, le traitement reste efficace quel que soit l’âge auquel il a été débuté, y compris pour des débuts très tardifs [4-7]. Il existe par ailleurs des effets antifracturaires des traitements hormonaux de la ménopause, par d’autres biais que la structure osseuse ou son contenu en calcium comme l’équilibre et la force musculaire. La diminution du risque fracturaire à distance de la ménopause est en effet beaucoup trop rapide pour être expliquée par ces simples phénomènes structurels. Cancer du cô lon Depuis de nombreuses années, les études épidémiologiques étaient en faveur d’un effet préventif du THM sur le cancer colique. La récente étude WHI [1] randomisée versus placebo chez des femmes de 63 ans en moyenne confirme cet effet bénéfique avec une diminution de 40 % des cas sous traitement actif. Un résultat identique a été aussi observé dans une autre étude lors de l’administration cutanée de l’estradiol. Le mécanisme ne serait donc pas lié à une diminution de l’excrétion des sels biliaires, mais par un effet génomique. Dans le bras WHI par estrogènes seuls [8], cet effet semble moins net. Rappelons que la mortalité par cancer du côlon est de 50 % ; une baisse de ce cancer pèse donc lourd dans le rapport bénéfice/risque. Diabè te de type 2 Toutes les études concordent pour montrer que le THM prévient l’apparition du diabète de type 2. Cela est une bonne nouvelle quand on se souvient que cette pathologie est en constante augmentation et entraı̂ne une forte morbimortalité [9-11]. Risques annoncés du THM Les risques du traitement hormonal de la ménopause dépendent du terrain, de l’âge et de la durée de celui-ci. Ces trois notions sont extrêmement importantes. En effet comme nous le verrons ci-dessous, certains risques sont directement liés à la durée du traitement (lithiases biliaires) et ne seront donc pas à prendre en compte dans la balance bénéfice/risque de la grande majorité des traitements proposés pour la prise en charge du syndrome climatérique, en effet dans cette seule indication, les durées sont et ont toujours été de faible durée (inférieure à cinq ans). D’autres risques dépendent du terrain, le THM venant révéler (cancer du sein) ou déclencher un accident sur une pathologie sousjacente (infarctus du myocarde). L’âge étant en soi un facteur de risque (phlébite, pathologies coronariennes et vasculaires cérébrales), il est logique que les risques attribuables (nouveaux cas induits par le traitement) à la différence du risque relatif augmentent lui aussi avec l’âge. Certains enfin, comme probablement le cancer du sein, dépendent à la fois de la durée (temps nécessaire à l’apparition d’une tumeur détectable) et de l’âge (augmentation âge-dépendant du risque spontané), et il y a sommation de ces deux paramètres puisque, plus on a été traité longtemps, plus on est âgé ! Lithiases biliaires Il est connu depuis longtemps que la prise orale d’estrogènes modifie la composition de la bile vers un risque lithogène. Le risque a été confirmé, en particulier dans l’étude HERS [2] randomisée versus placebo OR = 1,38 (1,00-1,92). La modification de la bile n’est pas observée avec l’administration cutanée des estrogènes, ce qui, en l’absence d’étude, rend cependant optimiste sur ce risque avec cette voie d’administration. Risque thromboembolique veineux L’administration orale d’estrogènes s’accompagne de modifications des facteurs de coagulation veineuse vers un versant thrombogène [12]. Depuis de nombreuses années, il était craint par certains que cela ait une sanction clinique [13]. Cette sanction est confirmée dans les études HERS [2] et WHI [1,8] avec un OR de 2 à 3. Le risque d’embolies pulmonaires est augmenté dans les mêmes proportions. Le risque de thrombose veineuse est maximum en termes de RR en début de traitement, mais se poursuit tout au long de sa durée, pour peu qu’il soit administré par voie orale. Comme le risque spontané est relativement faible à l’âge de 50 ans, l’augmentation du risque attribuable en dehors des femmes à risque (thrombophilie, surpoids, immobilisation...) est modeste jusqu’à l’âge de 60 ans. Au-delà, l’augmentation du risque spontané rend l’augmentation du RR beaucoup moins acceptable. Le risque thromboembolique veineux 171 est très loin d’être négligeable chez les femmes au-delà de 60 ans puisque, en particulier dans l’étude WHI [1], il représente 44 % de surrisque induit par le traitement. La publication de Scarabin et al. [14] semble innocenter l’administration cutanée des estrogènes vis-à-vis de ce risque, comme le laissait présager l’absence d’activation de la coagulation sous cette voie d’administration de l’estrogène [12]. Scarabin innocente l’administration cutanée des estrogènes, y compris lorsqu’il existe un surpoids et une thrombophilie par mutation des facteurs V et II [15]. Ce même auteur évoque un possible effet thrombogène propre de certains progestatifs (les norprégnanes) en l’absence, il est vrai aujourd’hui, de plausibilité biologique [16]. Risque coronarien La prévention du risque coronarien a très longtemps été l’une des raisons principales de la diffusion du THM. Cependant, depuis toujours, quelques voix, françaises en particulier, s’élevaient contre cette assurance basée sur des études épidémiologiques redoutant l’effet « bonne santé », c’est-à-dire la prescription préférentielle de ces traitements à des femmes sélectionnées. De plus, si les propriétés pharmacologiques de l’estrogénothérapie orale montraient de nombreuses propriétés favorables (effets endothéliaux, élévation du HDL cholestérol, baisse du LDL cholestérol...), elles étaient aussi souvent en contradiction avec celles observées lors du fonctionnement ovarien préménopausique (élévation des triglycérides, modification des facteurs de coagulation et de la CRP...). De plus, très récemment, a été mis en évidence sous estrogénothérapie orale une élévation des matrix métalloprotéinases, facteur d’instabilité des plaques non observées sous estrogénothérapie cutanée. Enfin, on connaı̂t le rôle joué par l’insulinorésistance dans la régulation de la fibrinolyse en relation avec l’élévation du PAI1 et la totalité des progestatifs artificiels altère l’insulinosensibilité et certains, par leurs propriétés glucocorticoı̈des, augmentent la génération de récepteurs de la thrombine au niveau des muscles lisses endothéliaux [17]. Dans les études HERS [2] et WHI [1] le traitement associant estrogènes conjugués équins et MPA augmente le risque coronarien la première année OR = 1,8 puis le surrisque disparaı̂t rapidement faisant fortement suspecter un effet prothrombotique sur plaques d’athérome préexistantes. Il ne semble pas à ce jour que les bénéfices de l’estrogénothérapie sur l’athérogenèse tout au moins en début de carence hormonale soient remis en cause. La responsabilité du progestatif dans les accidents observés dans HERS et WHI est bien mise en exergue par l’absence de surrisque coronarien observé dans le bras estrogènes seuls de l’étude WHI [8]. Là encore, le risque spontané augmentant avec l’âge, le risque attribuable est relativement faible chez les femmes récemment ménopausées, mais devient préoccupant au- delà d’un certain âge, surtout lors de l’induction tardive des traitements. L’un des faits majeurs récents est la notion de fenêtre d’intervention. Le bénéfice coronarien du THM dépend de la précocité de sa mise en œuvre après la ménopause. Si le traitement est débuté en postménopause immédiate (moins de dix ans), il protège des maladies coronariennes [18]. En revanche, lorsqu’il est débuté à distance de la ménopause, il perd son effet protecteur comme dans HERS [2] et pourrait même devenir délétère comme dans WHI [1]. La réanalyse récente de la Nurse Health Study [19] et du bras estrogène seul de WHI [18] vient confirmer cette notion déjà largement évoquée dans le modèle de la guenon castrée. Par ailleurs, dans l’étude d’observation des infirmières américaines, le THM protège en moyenne des maladies coronariennes, car dans leur grande majorité, les femmes ont débuté le traitement en postménopause immédiate. Cependant, dans cette étude, un petit contingent de femmes a débuté tardivement le traitement, et dans ce sous-groupe, il n’y a pas de bénéfice coronarien comme dans HERS et WHI ; ainsi les études d’observations rejoignent les études d’intervention ! Accidents vasculaires cé ré braux Le risque d’AVC a été trouvé élevé dans les deux bras (estroprogestatifs et estrogènes seuls) de l’étude WHI [1,8] OR = 1,41 (0,86-2,31) et dans l’étude HERS [2]. Cette même augmentation est présente aussi chez les femmes âgées utilisant la tibolone (étude LIFT sous presse). L’augmentation en risque attribuable est faible : de 0,01 cas supplémentaire pour 100 femmes par an. Mais en fonction de l’âge, cette augmentation n’est pas homogène et le surrisque s’observe principalement chez les femmes de plus de 70 ans. Une élévation de la tension artérielle observée sous estrogènes conjugués équins per os dans ces études peut en partie être incriminée. Ici encore, les effets de la prise orale d’estrogène sur le foie, en stimulant le système rénine-angiotensine, ont pu jouer un rôle néfaste. Dé mences On attendait une diminution des risques de démence, en particulier de maladies d’Alzheimer sous THM et c’est une augmentation qui a été observée : + 0,02 cas pour 100 femmes par an dans WHI [1]. Les fonctions cognitives ont aussi été faiblement perturbées statistiquement par le traitement. Il n’est pas possible actuellement de se faire une idée sur la physiopathologie de cette mauvaise nouvelle. Ces résultats sont en opposition avec les effets pharmacologiques des estrogènes sur le cerveau. Il n’est surtout pas possible d’éliminer une composante vasculaire par les microthromboses induites par ce traitement à l’âge où il a été débuté (cf. supra) dans la genèse de ces détériorations intellectuelles. 172 Cancer du sein Jusqu’en 1997, il y a eu environ 60 études sur l’association potentielle entre THM et cancer du sein. Les résultats de ces études étaient tellement discordants qu’il était impossible de se faire une opinion. Ce qui différencie ces études des suivantes est qu’elles portaient sur des populations en postménopause immédiate et que la majorité des traitements ne comportaient que des estrogènes. La méta-analyse du Lancet [20] en les compilant trouva un RR de 1,26, ce qui était trop faible pour être affirmatif sur la réalité du risque, du fait des innombrables biais, en particulier d’inclusion et de surveillance inhérents à ces études d’observation. L’étude WHI [1] a, pour certains, levé le doute sur l’augmentation du risque de cancer du sein au-delà d’une durée de cinq ans d’utilisation. Il faut noter que le risque n’est augmenté que chez les femmes traitées avant l’étude par un THM ; dans le groupe non antérieurement traité, le risque n’est pas modifié : 1,06 (NS). Même si cette étude est ce que nous avons et aurons de mieux, elle ne permet cependant pas de lever toutes les incertitudes avec son RR de 1,26 (0,83-1,92), tant est faible cette augmentation non significative + 0,08 cas par an pour 100 femmes traitées [1,14,21]. Elle est cependant, concordante avec la méta-analyse du Lancet [20] et d’autres études publiées depuis. Mais, les mêmes biais ne sont-ils pas susceptibles de reproduire les mêmes résultats ? Il n’y a à ce jour pas de raison de penser que le risque est différent suivant l’estrogène utilisé et sa voie d’administration [22]. Le risque augmente avec la durée du traitement. Globalement le RR est faible, mais il semble que sur de longues durées de traitement (dix ou quinze ans), le RR devient élevé, induisant de ce fait un risque attribuable élevé. On manque de données sur l’influence des traitements sur de très longues durées. En effet, s’il s’agit d’un risque de promotion, il serait logique de constater une diminution après un certain temps. Cette diminution, possible d’après certains travaux, est cependant loin d’être prouvée. La rapidité d’apparition de surrisque, associée au fait que cette augmentation du risque disparaı̂t rapidement à l’arrêt du traitement [22] et associée à l’absence d’augmentation des cancers in situ, rend très probable le fait qu’il s’agisse d’un phénomène de promotion de cancers existants et non d’initiation. Ainsi, comme le risque spontané de cancer du sein augmente avec l’âge, la révélation de ces cancers par stimulation exogène augmente, elle aussi, logiquement avec l’âge. Le bras estrogène seul de l’étude WHI et de nombreuses autres études de cohorte ne montrent pas d’augmentation avec les estrogènes seuls (RR = 0,77 [0,57-1,06]) [8]. Enfin dans l’étude E3N [23], il n’est pas mis en évidence d’augmentation du risque sous l’association estrogènes-progestérone naturelle ou rétroprogestérone. En revanche, l’étude E3N trouve une élévation du risque sous estrogènes seuls après cinq ans de traitement et lors de l’association estrogènes-progestatifs de synthèse quels qu’ils soient : RR = 1,7 (S). Tous ces résultats sont en harmonie avec la mesure des rapports apoptose/prolifération mesurés ex vivo chez la femme qui montre une promotion maximum avec l’association estrogènes-MPA ou NETA (ce qui concorde avec l’étude MWS [22] dite du Million), intermédiaire avec les estrogènes seuls et minimum avec l’association estrogènes (rétro) progestérone [24] ou la tibolone. L’influence des traitements sur la mortalité globale par cancer du sein est aujourd’hui encore objet de débats. Il reste admis, malgré les récents résultats de l’étude WHI, que les cancers découverts seraient de forme histologique mieux différenciée comportant d’avantage de formes hormonosensibles (E3N) et de meilleur pronostic. Troubles urinaires Depuis toujours, le THM était considéré comme bénéfique sur les symptômes urinaires de la femme âgée [25]. Cette assertion était surtout basée sur des considérations théoriques (origine embryologique commune du tractus génito-urinaire, amélioration neuromusculaire, présence de récepteurs des stéroı̈des sexuels...). Les études cliniques montraient une amélioration subjective des symptômes, mais peu d’études avec mesures objectives confirmaient cette bonne impression [26]. Il faut noter que déjà dans la Nurse Health Study, quels que soient la voie d’administration (oral, transdermique), le type d’hormone, la présence ou non d’un progestatif et la dose, les THM augmentaient les incontinences urinaires [27]. Les deux grandes études HERS [28,29] et WHI [30] randomisées versus placebo ont, elles aussi, montré une aggravation des troubles urinaires, incontinences d’effort ou urgences mictionnelles, chez les femmes sous traitement. L’affaire est-elle entendue pour autant [31] ? – Des études continuent à trouver une amélioration des troubles urinaires sous THM, en particulier chez les femmes hystérectomisées [31] et sous tibolone [32] ; – Les femmes dont les troubles urinaires sont aggravés par le THM ont, dans les études randomisées, plus de 60 ans. Qu’en est-il des femmes plus jeunes ? Un traitement purement préventif est-il envisageable ? Les troubles n’étant aggravés que chez des femmes déjà atteintes ? – Qu’en est-il aussi de l’effet d’une administration locale des estrogènes ? – Existent-ils des sous-groupes à réponse différente ? Pour conclure, le THM a une efficacité prouvée vis-à-vis de l’amélioration de la qualité de vie, de la prévention du cancer du côlon, de la perte osseuse, du risque fracturaire et de l’apparition d’un diabète de type 2. Il se confirme que le traitement hormonal de la ménopause, pourvu qu’il soit débuté dès le début de la carence hormonale, ait un effet 173 protecteur vis-à-vis de l’athérogenèse et du risque coronarien. L’utilisation d’estradiol par voie cutanée permet d’éviter l’augmentation du risque thromboembolique veineux observé avec les estrogènes administrés par voie orale. De plus, cette voie d’administration permet d’éviter l’augmentation des marqueurs de fissuration de plaque observés sous estrogènes oraux. Enfin, pour ce qui est du risque de thrombose artérielle, l’association de progestérone naturelle à l’estrogénothérapie, contrairement au MPA, n’altère pas l’insulinosensibilité. Enfin, pour ce qui est du risque de cancer du sein, le THM a un effet promoteur sur des cancers préexistants, donc d’autant plus visible que les femmes sont plus âgées. Il semble que l’association estrogènes (rétro) progestérone n’ait pas cet effet promoteur. Y a-t-il d’autres stratégies ? La tibolone pourrait être proposée en début de ménopause à la place du traitement hormonal classique ou en relais de celui-ci. Elle est en effet efficace sur la symptomatologie ménopausique. La tibolone prévient la perte osseuse postménopausique et le risque fracturaire (étude LIFT sous presse) au même titre que les traitements estrogéniques. Certains arguments (biochimiques, expérimentation animale, rapport apoptose/ prolifération chez la femme) et des études suggèrent que ce traitement n’aurait pas les mêmes inconvénients mammaires que le traitement hormonal classique, ce qui permettrait de le poursuivre bien au-delà des durées admises aujourd’hui pour le THM. Les travaux disponibles sur le risque veineux ne nous donnent pas les mêmes inquiétudes qu’avec le THM oral. Nous manquons en revanche de résultats sur le risque coronarien. Pour le risque d’accident vasculaire cérébral, la tibolone a les mêmes inconvénients que le THM chez les femmes âgées. La prise en charge du syndrome climatérique par le THM (au mieux estradiol cutané + (rétro)progestérone ou tibolone) ne pose ainsi pas de réel problème tant en termes d’efficacité que de tolérance. La prise en charge préventive précoce du risque d’ostéoporose est aujourd’hui encore ouverte à discussion, mais le THM est dans cette indication le seul disponible. Ce traitement doit être débuté en postménopause immédiate (avant dix ans). Il doit être interrompu au fur et à mesure que les facteurs de risque vasculaire et mammaire apparaissent : un relais pour l’os est donc nécessaire, soit par le raloxifène, soit par le strontium, soit enfin par les bisphosphonates, sachant qu’aujourd’hui aucun d’entre eux ne représente de solution validée sur de très longues durées de traitement. Références 1. Writing group for the WHI (2002) Risk and benefits of estrogen plus progestin in healthy postmenopausal women: principal results from the WHI randomised controlled trial. JAMA 288, 321-3 2. Hulley S, Grady D, Bush T et al. (1998) Randomised trial of estrogen plus progestin for secondary prevention of coronary heart disease in postmenopausal women. JAMA 280: 605-13 3. Tamimi RM, Hankinson SE, Chen WY, et al. (2006) Combined estrogen and testosterone use and risk of breast cancer in postmenopausal women. Arch Int Med 166: 1483-9 4. 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L’âge moyen de survenue de la première crise douloureuse se situe entre 45 et 55 ans. Le diagnostic repose sur l’interrogatoire. Typiquement, la douleur est d’apparition brutale et inopinée sans facteur déclenchant. Elle semble survenir plus volontiers la nuit. Elle est d’emblée paroxystique et en général intense. Elle siège au niveau du canal anal et/ou du bas rectum, et n’irradie pas. Elle est décrite comme une crampe, un spasme ou un coup de poignard. Sa durée est variable, mais elle cesse complètement de façon spontanée. Les patients sont asymptomatiques entre les crises. L’examen clinique ainsi que les explorations complémentaires sont normaux. Le mécanisme n’est pas clair mais l’hypothèse d’un spasme du sphincter interne anal et/ou de la musculeuse rectale est le plus probable. Une simple explication sur la bénignité de leurs douleurs suffit à rassurer l’immense majorité des patients. sphincter or rectal musculature. A simple explanation of the benign nature of the pain is enough to reassure the large majority of patients. Keywords: Proctalgia fugax – Rectal pain « Une fois qu’on a pris connaissance de ce dont il s’agit, si le corps est resserré , il faut procé der à un relâchement » [1]. Introduction La proctalgie fugace est une algie ano-rectale intermittente évoluant en général de façon chronique. Son existence a été mentionnée pour la première fois il y a plus d’un siècle [2], mais c’est en 1935 qu’elle a été explicitement individualisée par le médecin danois T.E. Thaysen [3]. Depuis cette date, cette algie a été intégrée dans les douleurs ano-rectales des troubles fonctionnels intestinaux et fait désormais partie intégrante de la classification de Rome III (Tableau I) [4,5]. Mots clés : Proctalgie fugace – Algies ano-rectales Épidémiologie Proctalgia fugax: nothing to worry about Abstract: Proctalgia fugax is episodic rectal pain that generally develops into a chronic condition. Its prevalence in the general population is between 3 and 15 %, predominantly affecting women. The first bout of pain usually occurs between ages 45 and 55. Diagnosis is based on the patient interview. Typically, the pain occurs suddenly and unexpectedly without a triggering factor; it occurs most often at night and is paroxysmal and generally intense. The pain strikes the anal canal or lower rectum with no radiation from the point of origin. It is described as a cramp, spasm or stabbing pain that lasts for a variable length of time and completely subsides spontaneously. Patients are asymptomatic between bouts. Clinical examination and additional exploration produce normal results. The mechanism is not clear, but the most probable cause is spasm of the internal anal Correspondance : E-mail : [email protected] La prévalence de la proctalgie fugace dans la population générale varie entre 3 et 15 % [6-11]. Des prévalences plus élevées ont été rapportées au sein de populations spécifiques, notamment chez des patients ayant une incontinence urinaire (17 %) [9], un ulcère peptique (20 %), une maladie inflammatoire de l’intestin (29 %) [12], un prolapsus pelvien (36 %) [9] ou un syndrome de l’intestin irritable (50 %) [12]. Une prévalence de 25,5 % a également été rapportée au sein d’une population d’étudiants bien portants mexicains [13]. Il n’y a pas d’explication claire pour ces écarts de prévalence aussi importants. Cependant, le fait que plus de 80 % des patients ayant des proctalgies fugaces ne consultent pas un médecin pour ce seul motif pourrait expliquer que la prévalence soit plus importante, dès lors que cette pathologie est recherchée à l’interrogatoire systématique [8,11]. Une autre explication serait liée aux critères 176 Tableau I. Douleurs ano-rectales dans la classification des troubles fonctionnels intestinaux de Rome III [5] F2a. Douleurs ano-rectales chroniques : Douleur rectale chronique ou récidivante Épisodes durant moins de 20 minutes Exclusion des autres douleurs rectales comme l’ischémie, une maladie inflammatoire intestinale, une cryptite, un abcès intersphinctérien, une fissure, une maladie hémorroı̈daire, une prostatite et une coccygodynie F2a1. Syndrome du releveur : critères diagnostiques des douleurs ano-rectales chroniques avec une tension douloureuse du puborectal au toucher rectal F2a2. Douleurs ano-rectales fonctionnelles non spécifiques : critères diagnostiques des douleurs ano-rectales chroniques sans tension douloureuse du puborectal au toucher rectal F2b. Proctalgie fugace : Épisodes répétés de douleurs de l’anus et/ou du bas rectum Épisodes durant de quelques secondes à quelques minutes Absence de douleur ano-rectale entre les épisodes Fig. 1. Distribution du sexe et de l’âge des patients ayant des proctalgies fugaces dans la série de de Parades et al. [11] (hommes en blanc, femmes en gris) diagnostiques retenus et à certains problèmes de diagnostic différentiel. Ainsi, dans notre série, nous avions été gênés par certaines pathologies concomitantes (maladie hémorroı̈daire, fissure anale, endométriose pelvienne, fibromyalgie) dont les douleurs sont parfois trompeuses et difficiles à interpréter de façon formelle [11]. De même, les autres douleurs ano-rectales fonctionnelles peuvent induire en erreur (Tableau I). La proctalgie fugace est plus fréquente chez la femme que chez l’homme (Fig. 1) (Tableau II) [7,10-12,14-18]. Là encore, cette prédominance féminine reste inexpliquée. L’âge moyen de survenue de la première proctalgie fugace se situe entre 45 et 55 ans [11,15,16,18-20]. Cependant, dans notre série, la fourchette des âges était large (extrêmes de 18 à 87 ans) (Fig. 1) à l’instar de ce qui a déjà été rapporté [6,8,15-21] (Tableau II). La proctalgie fugace surviendrait plus volontiers chez des sujets stressés et/ou asthéniques [20,22]. En outre, dans une étude réalisée dans une université mexicaine, elle était significativement plus fréquente chez les étudiants que chez les enseignants ou les membres du personnel administratif [13]. Clinique Le diagnostic de proctalgie fugace repose sur le seul interrogatoire puisque les patients sont asymptomatiques entre les crises douloureuses et, de fait, lors de la consultation éventuelle pour ce problème. L’examen clinique ainsi que les éventuelles explorations complémentaires sont alors strictement normaux et n’ont pour seul intérêt que d’écarter les diagnostics différentiels [22-25]. Typiquement, la douleur est d’apparition brutale et inopinée, sans facteur déclenchant dans plus de 80 % des cas [11]. Lorsqu’ils existent, les facteurs déclenchants sont très variés : stress, défécation, menstruations, rapports sexuels, prise d’alcool, administration de suppositoire ou sclérothérapie hémorroı̈daire [6, 11, 12, 14, 15, 17, 19, 21]. La douleur semble survenir plus volontiers la nuit [6, 14-19, 21]. Cependant, elle survenait aussi bien le jour que la nuit dans notre série [11] ou plutôt le jour dans d’autres [7,12] (Tableau II). Cette discordance pourrait s’expliquer par le caractère probablement plus mémorable des crises nocturnes du fait du réveil brutal qu’elles provoquent. La douleur est d’emblée paroxystique et en général intense. Elle siège au niveau du canal anal et/ou du bas rectum. Elle était décrite comme une crampe, un spasme ou un coup de poignard par plus de 75 % des patients de notre série. Les autres décrivaient des sensations de piqûre, de brûlure, de broiement, de fourmillements, de gonflement, d’étirement ou de décharge électrique [11]. Cette variabilité est retrouvée dans la littérature. Elle s’explique probablement par le fait que la description de la douleur dépend surtout du contexte socioculturel et du vocabulaire du patient. La douleur n’a pas d’irradiation dans plus de 90 % des cas. Les rares irradiations peuvent se faire au niveau du scrotum, des fesses, du pelvis ou de l’abdomen (11). La douleur est isolée dans plus de 80 % des cas. Certains patients signalent parfois la survenue concomitante d’un ténesme, d’épreintes, de douleurs abdominales, ainsi que de signes neurovégétatifs comme une pâleur, des nausées, voire des vomissements, des sueurs ou des frissons, des palpitations et/ou un malaise lipothymique [6,14,19,21]. D’autres symptômes plus curieux ont été décrits comme une érection [19] ou un priapisme [6,21]. La douleur cesse de façon spontanée dans la majorité des cas [11]. Parfois, les patients ont recours à un expédient pour interrompre la crise, notamment la défécation, un toucher anal, l’administration d’un suppositoire ou d’un lavement, et/ou un bain de siège [11,25-27]. La douleur évolue par crises dont la durée semble variable (Tableau II). En effet, la durée moyenne d’une crise était de quinze minutes dans notre série [11], ainsi que dans celle de Gracia Solanas et al. [18]. Cependant, les crises 177 Tableau II. Principales séries de proctalgie fugace Premiers auteurs (ré fé rences) Anné es Nombre de patients Âge moyen (extrê mes) Femmes (%) Survenue le jour (%) Survenue Duré e de la la nuit crise (minute) (%) Nombre annuel maximal de crises Karras JD [19] McEwin R [21] Ibrahim H [6] Pilling LF [20] Thompson WG [7] Thompson WG [12] Lans WR [15] Eckardt VF [16] 1951 1956 1961 1965 1980 1984 1994 1996 12 10 24 48 60 49 12 18 47 (30-63) DM (30-70) DM (18-65) 55 (34-75) DM DM 51 (34-73) 57,5 (35-75) 42 0 37,5 50 DM 84 75 72 33 0 DM DM 66 63 8 DM 58 100 DM DM 12 6 75 83 Takano M [17] Gracia Solanas JA [18] Boyce PM [10] de Parades V [11] 2004 2005 2006 2007 68 15 50 54 DM (10-70) 46 (36-60) DM 51 (18-87) 60 73 58 69 DM DM DM 33 DM 73 DM 35 12 100 DM DM > 12 > 52 30 > 6 dans 67 % des cas 730 365 DM 180 5-30 5-60 10-90 DM DM 1-30 < 30 > 30 dans 78 % des cas < 120 5-20 DM < 90 DM : données manquantes. duraient moins de cinq minutes dans 90 % des cas de la série de Thompson et al. [22], et plus de trente minutes dans 78 % des cas de la série d’Eckardt et al. [16]. En outre, des extrêmes de quelques secondes à plus de 120 minutes ont été rapportés [11,12,15,17-21]. La périodicité des crises est également variable. Dans notre série, le nombre annuel moyen de crises était de 13, mais les extrêmes allaient de 1 à 180 crises par an [11]. Cette notion a également été rapportée par d’autres auteurs (Tableau II). En fait, il est probablement difficile pour les patients de faire une telle évaluation car les douleurs surviennent à des intervalles de temps aléatoires. Mécanisme Autant la sémiologie de la proctalgie fugace est clairement individualisée, autant son mécanisme reste hypothétique. Le caractère paroxystique et la durée brève de la douleur ont fait évoquer une pathologie neurologique [3], un spasme vasculaire entraı̂nant une ischémie transitoire (« angor » anorectal) [28,29], un spasme du sigmoı̈de [22,30] ou une contraction du sphincter externe et/ou du releveur de l’anus [14,31]. Toutefois, l’hypothèse qui prévaut actuellement est plutôt celle d’une contraction du muscle lisse (sphincter interne anal et/ou musculeuse rectale) [16,32]. Du reste, plusieurs équipes ont décrit le cas particulier et exceptionnel de familles de patients qui avaient des « myopathies » héréditaires de l’anus, se manifestant notamment par des proctalgies fugaces. Ces « myopathies » se caractérisaient par une hypertonie anale de repos en manométrie, un épaississement du sphincter interne en endosonographie (Fig. 2) et un aspect caractéristique du muscle en histologie (fibres hypertrophiques avec des vacuoles PAS positif). Le mode de transmission était autosomique dominant avec une pénétrance variable [33-37]. Traitement Dans l’immense majorité des cas, une simple explication sur la bénignité et le caractère stéréotypé de leurs douleurs suffit à rassurer les patients [11,22,25]. Toutefois, certains patients sont demandeurs d’un traitement spécifique en raison de douleurs particulièrement intenses, prolongées et/ou fréquentes. Il est alors délicat de leur faire des recommandations précises. En effet, la littérature sur ce sujet est pauvre, notamment, car le traitement de la proctalgie fugace est difficile à évaluer du fait de la survenue aléatoire et de la brièveté des crises. Traitement de la crise Le salbutamol en inhalation a fait l’objet de deux publications dont la seule étude contrôlée dans cette indication [38,39]. Dans cet essai, les auteurs ont démontré Fig. 2. Aspect endosonographique tridimensionnel d’un épaississement du sphincter interne (flèches blanches) [sonde Bruel & Kjaer] 178 la supériorité du salbutamol versus le placebo pour écourter la durée des crises dans une étude randomisée en double insu et en cross-over, réalisée chez 18 patients [39]. D’autres molécules ayant, pour la plupart, un effet relaxant sur le muscle lisse digestif pourraient également raccourcir la durée des crises douloureuses mais elles n’ont fait l’objet que de cas cliniques isolés. Il s’agit de la clonidine par voie orale [31], des inhibiteurs calciques par voie orale (ou mieux sublinguale) comme la nifédipine [34] ou le diltiazem [35], et de la trinitrine en applications locales [40] ou en patchs [35], ces deux modes d’administration ayant l’avantage de leur rapidité d’action. Traitement de fond En cas de crises douloureuses excessivement fréquentes, certains ont conseillé une prise en charge psychologique, voire l’administration d’anxiolytiques ou d’antidépresseurs [24]. D’autres ont proposé la prise orale au long cours de diltiazem [29,41], des injections de toxine botulique dans l’appareil sphinctérien anal [42,43] ou des perfusions intraveineuses de lidocaı̈ne [44]. En revanche, la chirurgie n’a aucune place dans le traitement de la proctalgie fugace. Conflits d’intérêts : aucun. Remerciements Le premier auteur remercie vivement Marie-Pierre Lang pour ses conseils avisés et Clara pour sa patience. Références 1. Rome et la Médecine (2004). In: Dachez R. Histoire de la Médecine. Tallandier, 181 2. Myrtle AS (1883) Some common afflictions of the anus often neglected by medical men and patients. BMJ 1: 1061-2 3. Thaysen TE (1935) Proctalgia fugax. Lancet 2: 243-6 4. Drossman DA, Corazziari E, Talley NJ, et al. (2000) Rome II. 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Vinson-Bonnet Service de chirurgie viscérale, centre hospitalier de Poissy-Saint-Germain-en-Laye, 10, rue du Champ-Gaillard, BP 3082, F-78303 Poissy Cedex, France Résumé : Le bloc pudendal consiste à infiltrer les branches périnéale et rectale inférieures du nerf pudendal avec une solution d’anesthésique local de longue durée d’action. L’injection bilatérale est précédée d’un repérage des troncs nerveux à l’aide d’un neurostimulateur qui provoque une contraction du sphincter anal. Elle est complétée par une infiltration de l’espace présacré. Le bloc pudendal permet une analgésie de plusieurs heures et améliore le confort des patients en évitant le recours aux opiacés associés à des effets secondaires (constipation – rétention d’urines) particulièrement gênant dans ce type de chirurgie. Mots clés : Anesthésiques locaux – Bloc pudendal – Chirurgie hémorroı̈daire – Chirurgie proctologique – Hémorroı̈des Pudendal block: postoperative analgesia after proctology surgery Abstract: The pudendal block consists in injecting a long-acting local anaesthetic into the area around the lower perineal and rectal branches of the pudendal nerve. The bilateral injection is preceded by the location of the nerve trunks using a nerve stimulator, which stimulates contraction of the anal sphincter. The procedure is then completed by infiltration of the presacral space. The pudendal block achieves pain relief for several hours and increases patient comfort by avoiding the use of opiates associated with adverse effects that are particularly troublesome in this type of surgery, such as constipation and urine retention. Keywords: Local anaesthetics – Pudendal block – Hemorrhoid surgery – Proctology surgery – Hemorrhoids L’intensité des douleurs postopératoires en chirurgie proctologique est corrélée à l’importance des plaies situées sur la jonction anocutanée et le canal anal dont l’épithélium Correspondance : E-mail : [email protected] est très riche en nocicepteurs. C’est pourquoi la chirurgie hémorroı̈daire classique, avec excision de trois, voire quatre paquets, a la réputation d’être si douloureuse. Après hémorroı̈dectomie, le niveau de la douleur est estimé supérieur à 5 sur 10 sur l’Échelle Visuelle Analogue (EVA) pendant les 24 premières heures et lors de la première selle. Jusqu’à très récemment, la prise en charge des douleurs postopératoires, établie selon les RPC sur le traitement de la maladie hémorroı̈daire [1], suivait, par accord professionnel, la proposition générale de la Société française d’anesthésie-réanimation. Le schéma thérapeutique associait l’administration systématique d’anti-inflammatoires non stéroı̈diens et de paracétamol et l’administration à la demande d’opiacés dès que l’EVA dépassait 5/10. Malheureusement, la nécessité de recourir à des doses élevées d’opiacés engendre des effets secondaires (nausées, vomissements, rétention d’urines, constipation) tout à fait délétères et particulièrement gênants, dans le cadre de cette chirurgie. Plusieurs équipes ont donc proposé l’infiltration des nerfs pudendaux avec comme objectifs d’assurer une analgésie de longue durée, de diminuer l’utilisation des morphiniques et d’améliorer le confort des opérés. Plusieurs études ont depuis validé l’intérêt du bloc pudendal, mais la réalisation de ces blocs, bien que simple et non dangereuse, reste encore trop peu diffusée. Principe du bloc pudendal analgésique Il s’agit de faire diffuser une solution d’un anesthésique de longue durée d’action, au contact des nerfs pudendaux, sensitivomoteurs droit et gauche (ancien nerf honteux) et plus précisément de leurs branches à visée anale. Ces branches sont le nerf rectal inférieur (ancien nerf hémorroı̈dal ou nerf anal) et les branches profondes du nerf périnéal. L’infiltration se poursuit vers le nerf sensitif ano-coccygien. Les agents anesthésiques de longue durée d’action qui sont actuellement commercialisés en France sont la bupivacaı̈ne à 0,5 % (Marcaine®), la ropivacaı̈ne à 0,75 % 181 Fig. 2. Orientation de l’aiguille pour stimulation du nerf pudendal Fig. 1. Repères du bloc pudendal Schéma : innervation du périnée postérieur : 1) nerf pudendal ; 2) nerf périnéal (rameau profond) ; 3) nerf rectal inférieur ; 4) nerf ano-coccygien ; 5) rameaux clunéaux du nerf cutané postérieur de cuisse ; 6) nerf dorsal du clitoris ou de la verge (Naropéine®) et la lévobupivacaı̈ne à 0,5 % (Chirocaı̈ne®). La durée d’action du bloc varie de 5 à 24 heures dans les différentes études, selon la définition donnée (par exemple EVA < 40 ou délai avant l’administration d’un antalgique de secours). L’adjonction d’un adjuvant des anesthésiques locaux comme la clonidine (Catapressan®) prolonge l’effet analgésique [2]. Une partie de la technique repose sur l’infiltration des tissus périanaux et de ce fait le volume injecté est relativement important pour atteindre tous les rameaux nerveux périanaux. Cependant, comme toutes les techniques d’anesthésie locorégionale, le bloc pudendal nécessite de respecter les doses maximales de l’anesthésique local utilisé (soit 225 mg pour la ropivacaı̈ne et 150 mg pour la bupivacaı̈ne) afin d’éviter les risques de toxicité neurologique (convulsions) et cardiaques (tachycardie ou fibrillation ventriculaire). Le volume maximum est donc de 30 ml pour la bupivacaı̈ne à 0,5 % (soit 150 mg) et la ropivacaı̈ne à 0,75 % (soit 225 mg). Technique du bloc pudendal Rappel anatomique de l’innervation anale : le nerf pudendal est issu des racines antérieures principalement de S4 et aussi de S2 et S4. La partie tronculaire traverse la grande puis la petite échancrure sciatique où le nerf chemine dans le canal d’Alcock accompagné par le pédicule vasculaire pudendal. Le nerf pudendal se divise rapidement, soit à l’intérieur de cette gaine, soit dès son entrée dans la fosse ischio-rectale. Le pédicule passe au bord inférieur de la tubérosité ischiatique tandis que le nerf se dirige en dedans de cette tubérosité. Le nerf pudendal se divise en trois branches, le nerf rectal inférieur, le nerf périnéal et le nerf dorsal du clitoris ou de la verge. Le point de repère clé (Fig. 1) de la réalisation du bloc pudendal est donc le bord interne de la tubérosité ischiatique. L’innervation sensitive de la marge anale et du canal anal ainsi que l’innervation motrice du sphincter externe est assurée essentiellement par le nerf rectal inférieur divisé en deux branches dans 75 % des cas (une seule ou trois branches dans les autres cas) et par les rameaux profonds du nerf périnéal sur sa moitié antérieure. L’innervation sensitive de la moitié postérieure de la marge anale est complétée par les rameaux anococcygiens. Les rameaux clunéaux du nerf cutané postérieur de la cuisse peuvent participer de façon variable à la sensibilité superficielle périanale antéro-latérale. En revanche, l’innervation du sphincter interne et du rectum dès la jonction ano-rectale dépend du système nerveux autonome avec les voies parasympathiques via le plexus sacré S2 à S4 et sympathiques via les nerfs hypogastriques jusqu’aux racines T10 à L1. Le bloc pudendal concerne les fibres sensitivomotrices et un très petit contingent de fibres parasympathiques contenues dans ce nerf. Certains auteurs infiltrent également l’espace présacré dans le but d’atteindre les voies présacrées, mais cette technique n’a donné lieu à aucune évaluation [3]. Les repères de l’infiltration sont donc les tubérosités ischiatiques et le coccyx. Points de ponction : le patient anesthésié est installé en position gynécologique puis badigeonné avec une solution antiseptique. Le bloc est réalisé avant tout geste sur l’anus afin d’éviter toute contamination et de façon à effectuer l’infiltration avant le traumatisme tissulaire. Cependant, l’analgésique s’installe dans un délai moyen de 20 minutes. 182 Fig. 3. Infiltration des rameaux ano-coccygiens Selon les descriptions qui en sont faites, les points de ponction varient, mais sont toujours en dehors du relief du sphincter externe signalé par les plis radiés de l’anus. Ils peuvent se situer aux quatre points cardinaux ou en deux points sur la fosse ischio-anale droite et gauche, l’un antéro-externe et l’autre franchement postérieur ou en un seul point de chaque côté en postéro-externe (schéma). Dans les deux derniers cas, il faut une aiguille de 10 cm. La technique utilisant deux points de pénétration dans chaque fosse ischio-rectale sera décrite ici. L’infiltration est débutée après avoir placé l’aiguille en dedans de la tubérosité ischiatique. Pour se faire, l’aiguille est avancée jusqu’à la perception du contact osseux, légèrement retirée et réenfoncée en dedans et en avant sur 10 à 20 mm. Une aspiration vérifie l’absence de reflux sanguin du pédicule vasculaire. À ce niveau, l’infiltration de 5 à 7 ml de produit anesthésique vise le nerf pudendal ou ses branches, soit le nerf rectal inférieur et le nerf périnéal (Fig. 2). L’aiguille est ensuite orientée en avant et plus superficiellement pour infiltrer 5 ml de façon traçante. L’aiguille est alors retirée afin de la réorienter par le même point d’entrée vers la pointe du coccyx en glissant juste en avant, presque à son contact pour ne pas pénétrer dans le rectum. Cinq millilitres sont infiltrés vers le raphé ano-coccygien de la profondeur vers la surface pour atteindre les rameaux ano-coccygiens sensitifs (Fig. 3). Quinze millilitres de la solution d’anesthésique local sont infiltrés de chaque côté, soit la quantité maximale autorisée. La précaution essentielle est d’aspirer systématiquement avant chaque injection pour éviter tout passage intra-vasculaire du produit anesthésique. L’utilisation d’un neurostimulateur, qui sert à la réalisation des blocs anesthésiques, facilite le geste et le rend encore plus fiable. En effet, la neurostimulation du nerf pudendal ou de ses branches déclenche une contraction du sphincter anal et permet ainsi son repérage précis. Après avoir placé une électrode en dehors du champ opératoire sur la fesse, on relie le fil de l’aiguille gainée (100 mm) au boı̂tier du neurostimulateur. Une seringue de 15 ml de la solution anesthésique est raccordée à l’aiguille que l’on purge. Une fois l’aiguille positionnée en dedans de la tubérosité ischiatique, on établit un courant de faible intensité (inférieur à 3 mA) afin de détecter le nerf par l’apparition d’une contraction franche du sphincter anal. Si la stimulation déclenche une contraction du muscle bulbocaverneux ou constricteur de la vulve, on est au contact du tronc pudendal ou de sa branche périnéale et il faut se repositionner plus en arrière. Il faut donc obtenir une contraction élective du sphincter anal et une fois qu’elle est obtenue l’intensité de la stimulation est progressivement abaissée jusqu’à 0,8 mA. Si l’on perd la réponse motrice, il faut affiner le positionnement de l’aiguille en augmentant à nouveau temporairement l’intensité. Si, au contraire, la réponse est maintenue en deçà de 0,4 mA, il faut retirer très légèrement l’aiguille pour ne pas risquer de léser le nerf. Après avoir fait le test d’aspiration, on infiltre 1 ml de la solution anesthésique. Aussitôt la contraction sphinctérienne disparaı̂t, ce qui confirme le bon positionnement de l’aiguille. On injecte alors 5 à 7 ml. L’infiltration est poursuivie selon les modalités précédentes sans stimulation, en particulier en présacrococcygien puisqu’il n’y a plus de branche nerveuse motrice. La même manœuvre est répétée du côté opposé. Cette technique simple et rapide (quelques minutes) nécessite la collaboration de l’anesthésiste et l’absence de curarisation du patient. Résultats Plusieurs études ont démontré que le bloc à visée analgésique permet une réduction significative de la douleur postopératoire et de la consommation de morphiniques sur les 12 à 24 heures après une hémorroı̈dectomie [4-7]. C’est également le cas après hémorroı̈dopexie (ou opération de Longo) [8, 9] même si le mécanisme de la douleur dans cette technique fait aussi probablement intervenir le système autonome par l’agrafage sur la jonction ano-rectale. Dans tous les cas, il faut prévenir le patient de la réalisation de ce geste. Il est prudent de le prévenir également du risque de diffusion temporaire de l’effet anesthésique sur le périnée antérieur et le sexe et de sa réversibilité en quelques heures. Il est nécessaire d’expliquer au patient et à l’équipe soignante que la sensibilité et la douleur apparaı̂tront à la levée du bloc, soit dans un délai variant entre 5 et 12 heures et de prescrire des antalgiques à la demande dès la perception de la disparition de l’anesthésie locale. L’adjonction de clonidine prolonge l’analgésie jusqu’à la première selle dans l’étude de Naja et al. [2]. Le caractère sélectif du bloc neurostimulé permet de diminuer le risque de dysurie postopératoire [2], à condition de l’associer aux autres mesures de prévention comme la miction préopératoire, la restriction des volumes perfusés et en cas de rachianesthésie la 183 limitation de la quantité d’anesthésique local utilisé et l’éviction de la morphine intrathécale [10]. 4. Conclusion La réalisation d’une infiltration ou mieux d’un bloc analgésique des branches anales du nerf pudendal est simple, rapide et peu risquée si l’on respecte la technique d’aspiration-injection. Elle s’applique à toutes les interventions proctologiques hormis les suppurations et les pathologies virales. Le bloc pudendal contribue à améliorer le confort postopératoire des patients et s’intègre donc dans le programme de réhabilitation postopératoire rapide, voire d’une chirurgie ambulatoire. Références 1. Recommandations pour la pratique clinique sur le traitement de la maladie hémorroı̈daire (2000), www. snfcp.org 2. Naja Z, Ziade MF, Lonnqvist PA (2005) Nerve stimulator guided pudendal block decrease posthemorroidectomy pain. Can J Anesth 1: 62-8 3. Niccolai P, Raucoules-Aimé M (2005) Anesthésie locale et locorégionale pour la chirurgie proctologique. EMC 5. 6. 7. 8. 9. 10. (Elsevier ASA, Paris), Techniques chirurgicales-Appareil digestif, pp 640-83 Vinson-Bonnet B, Coltat JC, Fingerhut A, et al. (2002) Local infiltration with ropivacaine improves immediate postoperative pain control after hemorrhoidal surgery. Dis Colon Rectum 45: 104-8 Morisaki H, Masuda J, Fukushima K, et al. (1996) Wound infiltration with lidocaine prolongs postoperative analgesia after haemorrhoidectomy with spinal anaesthesia. Can J Anaesth 43: 914-18 Luck AJ, Hewett PJ (2000) Ischiorectal fossa block decreases posthemorrhoidectomy pain: randomized prospective double-blind clinical trial. Dis Colon Rectum 43: 142-45 Brunat G, Pouzeratte Y, Mann C, et al. (2003) Posterior perineal block with ropivacaine 0.75% for pain control during and after hemorrhoidectomy. Reg Anesth Pain Med 28: 228-32 Gabrielli F, Chiarelli M, Cioffi U, et al. (2001) Day surgery for mucosal-hemorrhoidal prolapse using a circular stapler and modified regional anesthesia. Dis Colon Rectum 44: 842-44 Esser S, Khubchandani I, Rakhmanine M (2004) Stapled hemorrhoidectomy with local anesthesia can be performed safely and cost-efficiently. Dis Colon Rectum 47: 1164-169 Kim J, Lee DS, Jang SM, et al. (2005) The effect of pudendal block on voiding after hemorrhoidectomy. Dis Colon Rectum 48: 518-23 Pelv Perineol (2007) 2: 184–192 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0126-0 PRATIQUE MÉDICALE / MEDICAL PRACTICE Traitement médical de l’hypoactivité vésicale M. de Sèze 1 , P. Grise 2 , M.P. de Sèze 1 , J.-B. Roche 3 , E. Shao 1 , P.-A. Joseph 1 1 Équipe de recherche handicap et système nerveux, unité d’évaluation et de traitement du handicap urinaire, service de Médecine physique et de réadaptation, CHU Pellegrin, université Victor-Segalen-Bordeaux-II, place Amélie-Raba-Léon, F-33076 Bordeaux Cedex, France 2 Service d’urologie, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, F-76031 Rouen, France 3 Département d’urologie, CHU Pellegrin, université Victor-Segalen-Bordeaux-II, F-33076 Bordeaux Cedex, France Résumé : L’hypoactivité du détrusor, définie par l’existence d’une contraction détrusorienne, réduite en force ou en durée déterminant une vidange vésicale prolongée ou un défaut de vidange complète dans un temps habituel [1,2], demeure un problème thérapeutique imparfaitement résolu. Les différentes classes pharmacologiques ayant fait l’objet d’application thérapeutique dans l’hypoactivité du détrusor (HOD), agonistes cholinergiques, anticholinestérasiques et prostaglandines visent à renforcer les capacités contractiles cholinodépendantes du détrusor. La médiation non adrénocholinergique du réflexe mictionnel n’a pas fait l’objet de développement thérapeutique dans cette indication. Cette mise au point corrige les résultats des travaux cliniques contrôlés évaluant l’intérêt clinique et/ou urodynamiques des agents cholinomimétiques dans l’hypoactivité vésicale (HOV). Leur pertinence thérapeutique, préventive ou curative, en monothérapie n’apparaı̂t pas établie et l’intérêt de la combinaison d’agents pharmacologiques reste à confirmer. Mots clés : Vessie hypo-active – Acontractilité vésicale – Cholinergiques – Cholinomimétiques – Anticholinestérasiques – Prostaglandines Pharmacological treatment of underactive bladder Abstract: Detrusor underactivity, defined as contraction of reduced strength or duration resulting in prolonged bladder emptying or failure to achieve complete bladder emptying within a normal time frame [1,2], remains challenging for pharmacological management. Several pharmacological agents have been proposed in the treatment of this condition, all targeting the cholinergic component of detrusor contractility. These include direct and indirect cholinergic drugs, anticholinesterasic agents and prostaglandin. Non-adrenocholinergic control of the micturition reflex is given little importance in the medical treatment of detrusor underactivity. This literature review focuses on data from controlled studies Correspondance : E-mail : [email protected] evaluating its pharmacological treatment. The preventive or curative efficacy of cholinomimetic drugs has not been established, and the effectiveness of combined therapy remains to be proved. Keywords: Underactive bladder – Acontractile bladder – Cholinergics – Cholinomimetics – Anticholinesterasic – Prostaglandin Introduction L’hypoactivité du détrusor (HOD) est définie par l’existence d’une contraction détrusorienne réduite en force ou en durée déterminant une vidange vésicale prolongée ou un défaut de vidange complète dans un temps habituel [1,2]. L’hypoactivité vésicale (HOV) n’est pas définie dans la terminologie de l’Internationale Continence Society [1,2]. Par analogie à l’hyperactivité vésicale et du détrusor, on pourrait considérer que le terme « vésical » fasse référence à une situation clinique et le terme « détrusor » à une caractéristique urodynamique. Ces distinctions sémantiques n’ont cependant pas été prises en compte dans la littérature, et les travaux consacrés au traitement médical de l’HOV mêlent indifféremment caractéristiques cliniques et urodynamiques. Le traitement pharmacologique de l’HOV demeure un challenge thérapeutique en ce début du XXIe siècle. Si l’on dispose aujourd’hui de nombreux moyens oraux, endovésicaux ou intradétrusoriens efficaces pour réduire l’activité du détrusor lors d’HAD, peu d’agents apparaissent en revanche susceptibles de renforcer suffisamment le détrusor hypocontractile pour permettre une miction complète et sans effort. Afin d’éviter les conséquences uronéphrologhiques délétères des mictions par poussées abdominales ou par manœuvre de Crédé, la prise en charge thérapeutique de l’HOD repose majoritairement sur le cathétérisme vésical, et dès que possible sur l’autosondage intermittent. Des incapacités sensorimotrices, cognitives ou psychologiques peuvent limiter le 185 recours à ces derniers et conduire à une impasse pharmacologique imposant le recours à des moyens thérapeutiques chirurgicaux plus invasifs. L’objectif de cette mise au point sera de présenter les différentes classes pharmacologiques ayant fait l’objet d’études cliniques contrôlées dans l’HOV, et d’en exposer les principaux résultats en discutant leur pertinence thérapeutique. destinées à renforcer la contraction cholinodépendante du détrusor comprennent schématiquement des agents agonistes directs de l’Ach sur les récepteurs muscariniques, des agents agonistes indirects favorisant la disponibilité de l’Ach auprès des récepteurs muscariniques et des agents anticholinestérasiques visant à s’opposer à l’hydrolyse de l’Ach par l’acétylcholinestérase [7,8]. Méthodologie Support théorique du traitement médical de l’HOV La physiopathologie de l’HOV peut schématiquement impliquer deux mécanismes principaux : un défaut du versant afférent du réflexe mictionnel, intégrant toute perturbation du circuit impliqué dans la transduction du signal entre libération du neurotransmetteur procontractile et atteinte de la cible effectrice musculaire, et/ou une diminution des capacités de l’effecteur détrusorien à répondre à cette stimulation. Au sein des neurotransmetteurs impliqués dans la contraction du détrusor, l’acétylcholine (Ach) est le plus anciennement connu et a été la principale cible des essais pharmacologiques destinés à moduler la contractilité du détrusor. La fixation de l’Ach sur certains sous-types de récepteurs muscariniques, principalement M2 et M3 dans l’espèce humaine, est à l’origine d’une cascade biochimique menant à la contraction du détrusor [3,4]. La fixation de l’Ach sur les récepteurs M3 stimule la phospholipase C, engendrant successivement une hydrolyse de l’inositol phosphate, une augmentation du taux intracellulaire de calcium par ouverture des canaux membranaires et libération des stocks intracellulaires, une phosphorylation des filaments actine-myosine par une kinase Ca-dépendante et l’interaction de ces filaments menant à la contraction directe du détrusor [3,5]. La stimulation des récepteurs M2 renforce l’effet contractile direct de la stimulation du sous-type M3, par mise en jeu de l’adénylcyclase inhibant l’augmentation d’AMPc médiée par les récepteurs b-adrénergiques, et s’opposant ainsi à la relaxation adrénergique du détrusor [3,5]. Il est aujourd’hui parfaitement établi que la neurotransmission de la contraction du détrusor ne se limite pas à l’Ach, mais implique également nombre de médiateurs non adrénocholinergiques, au sein desquels l’ATP et les récepteurs purinergiques P2X jouent un rôle considérable à la fois à l’échelon muqueux et urothélial [3,4,6]. D’autres neurotransmetteurs tels que la sérotonine et les récepteurs 5-HT, le vaso intestinal peptide (VIP), la substance P (SP), l’histamine ou les prostaglandines participent également à la neurotransmission autonome intrinsèque de l’appareil vésicosphinctérien [4,6]. En dépit du rôle majeur accordé à la médiation non adrénocholinergique des voies afférentes et efférentes du réflexe mictionnel, la principale cible pharmacologique du traitement médical de l’HOV demeure aujourd’hui la voie cholinergique. Les approches pharmacologiques Notre recherche documentaire a reposé sur une interrogation systématique des banques de données Medline, Embase et Pascal dont l’indexation comprenait un ou plusieurs des mots clés « vessie hypoactive, acontractilité vésicale, pharmacologie et vessie hypoactive, [cholinergiques-anticholinestérasiques-cisapride-prostaglandines] » et de leur traduction anglo-saxonne. Elle était complétée par une analyse de la « littérature grise » représentée par les ouvrages et rapports de congrès abordant cette thématique. Parmi les études cliniques documentant l’intérêt curatif ou préventif de ces différents moyens pharmacologiques dans l’HOV, seuls les résultats des études contrôlées randomisées et des études de cohortes de grande échelle seront ici rapportés (Tableau I). Agents pharmacologiques de l’HOV Cholinergiques L’Ach étant peu sélective sur l’appareil urinaire et rapidement hydrolysée, le recours à ses agonistes a été préféré à fin thérapeutique [9]. Les agonistes directs de l’Ach comprennent essentiellement le carbachol et le bétanéchol chloride (BC). Si le premier possède in vitro l’effet procontractile le plus puissant, le second présente une meilleure sélectivité sur le détrusor et a été le plus étudié chez l’homme [9,10]. Le BC est une cholinester de synthèse dont les caractéristiques chimiques et pharmacologiques sont proches de l’Ach, mais qui résiste à la dégradation par l’acétylcholinestérase [8,9,11]. Son action principale s’exerce sur les récepteurs muscariniques des cellules effectrices parasympathiques postganglionnaires avec un faible effet nicotinique. Cette activité possède une sélectivité relative pour la vessie et l’appareil digestif avec un moindre tropisme cardiaque et ganglionnaire [11]. Au niveau vésical, le BC se lie principalement aux récepteurs M3, simulant l’effet procontractile de l’Ach sur ces derniers [8,9,11]. In vitro dans l’espèce humaine, le BC génère une augmentation dose-dépendante de la tension isométrique du détrusor et une majoration de l’amplitude et de la fréquence des contractions rythmiques spontanées du détrusor [7,9]. En application thérapeutique, la traduction clinique et/ou urodynamique de cet effet expérimental dans l’HOV reste néanmoins débattue, et les résultats des études cliniques contrôlées, évaluant l’intérêt curatif (6 études) 186 Tableau I. Revue des essais pharmacologiques contrôlés dans l’HOV Auteur, anné e [ré fé rence] (niveau de preuve) Moyens pharmacologiques Indication (I) et critè res d’é valuation (CE) Effectif Ré sultats Barett, 1981 [12], (2b) Bétanechol 25, 50 or 100 mg versus placebo Prise unique orale, une heure avant BUD 48 Aucune différence significative entre les groupes Burger, 1997 [13], (2b) 249 Aucune différence significative entre les groupes Gottesman, 1989 [14], (2b) Carbachol diazépam 2 mg chacun versus alfuzosin 2,5 mg versus placebo Prise unique orale Bétanéchol 10 mg et/ou midazolam versus placebo Injection unique SC 18 69 % reprise miction sous BC, avec ou sans midazolam versus 0 % sous placebo Riedl, 2002 [15], (1b) Bétanéchol 25 mg 4/j versus placebo Oral, 2 14 j, plan croisé 16 Hindley, 2004 [16], (1b) Bétanéchol 50 mg 4/j oral + PGE2 vés 1/sem versus placebo, 6 sem Bétanéchol 20 mg 3 ou distigmine 5 mg 3 versus urapidil 30 mg 2, versus combinaison des 2 Oral, 4 sem Bétanéchol 10 mg 3/j, et/ou cisapride 10 mg 3/j versus placebo Oral, 1 mois I : curative, rétention chronique ni neurogène ni obstructive CE : volume uriné, RPM, Qmax, PD I : curative, rétention aiguë post-op CE : vidange vésicale deux heures après traitement I : curative, rétention aiguë post-chir CE : pourcentage récupération mictions spontanées I : curative, rétention chronique neurogène CE : RPM, PD, Qmax I : curative, rétention urinaire chronique CE : RPM I : curative, rétention urinaire chronique CE : RPM, IPSS, Qmax–moy 119 I : préventive, rétention postopératoire. CE: RPM, CCM, Qmax–moy, PQ 79 I : préventive, rétention postopératoire. CE : durée drainage, hospitalisation, RPM I : préventive, rétention post-partum. CE : drainage, RPM I : curative, rétention postopératoire CE : drainage, Q I : préventive, rétention postopératoire CE : RPM 40 # Significtive RPM, Qmax " versus placebo Tendance " PD, 8/16 reprises mictions # Significative RPM sous BC et pas sous placebo, mais différence RPM à l’inclusion Aucune différence significative sous monothérapie par rapport à inclusion Bénéfice significatif du traitement combiné " RPM dans groupe placebo " CCM, # PD, # Q moins importante dans groupes traités Monothérapie = bithérapie Amélioration significative tous CE sous BC Yamanishi, 2004 [17], (2b) Madeiro, 2006 [18], (1b) Kemp, 1997 [19], (2b) Bétanéchol 50 mg 3, à partir j3 post-op, versus pas de traitement Flemming, 1957 [20], (2b) Bétanéchol 15 mg 6/j, 24 h versus pas de traitement Shah, 1983 [27], (2b) Savona-Ventura, 1991[28], (2b) Wyndaele, 1995 [32], (1b) Steele, 2001 [33], (2b) Wagner, 1985 [37], (1b) Distigmine, 0,5 mg/j versus placebo IM, 4 j Distigmine, 5 mg/j oral, versus phénoxybenzamine oral versus PGF i.v, versus placebo, 1 j. Cisapride, 10 mg4 vx placebo Oral, 4 sem Cisapride, 20 mg Prise unique orale PGE2, 0,5/2,25 mg, i.vés, versus placebo, 2 j Bergman ,1992 [38], (1b) PGE2, 10 mg, i.vés ou PGF2, 50 mg, rectal versus placebo i.vés Bergman, 1993 [39], (1b) PGE2 3 mg, vaginal versus PGF2 5 mg i.vés versus placebo i.vés jusqu’à reprise miction PGE2 1,5 mg, i.vés versus pas de traitement jusqu’à reprise miction Grignaffini, 1998 [40], (2b) I : curative, HOV médullaire CE : RPM, CCM, VR, PD I : volontaire saine CE : RPM, PQ I : curative, rétention postopératoire CE : RPM, CCM, compliance, PU I : préventive, rétention postopératoire CE : durée drainage I : curative, rétention postopératoire CE : durée drainage, morbidité péri-op I : curative, rétention postopératoire CE : pourcentage patients drainés, RPM, durée drainage, morbidité péri-op 19 1975 Aucune différence significative entre les groupes 93 Aucune différence significative entre les groupes " RPM dans groupe traité 100 21 20 28 Aucune différence significative entre les groupes Aucune différence significative entre les groupes Aucune différence significative entre les groupes 50 Aucune différence significative entre les groupes 24 Réduction durée drainage et moindre morbidité groupe PG vaginal Aucune différence significative entre les groupes, excepté # nombre de patients en rétention supérieur à 3 jours et de leur durée d’hospitalisation sous PGE2. 110 BUD : bilan urodynamique ; CE : critères d’évaluation ; CCM : capacité cystomanométrique maximale ; HOV : hypoactivité vésicale ; I : indication ; IM : intramusculaire ; i.vés : intravésical ; j : jour ; Q : débit urinaire ; max : maximum ; moy : moyen ; PD : pression du détrusor ; PG : prostaglandines ; PQ : PD à Qmax ; PU : pression urétrale ; RPM : résidu post-mictionnel ; sem : semaine ; VR : volume réflexe. Niveaux de preuve établis selon les recommandations d’Oxford Evidence-Based Medicine [49]. 187 [12-17] ou préventif (3 études) [18-20] du BC dans l’HOA, ne permettent pas d’établir sa pertinence thérapeutique (Tableau I). À visée curative et en prise unique, l’intérêt du BC oral, isolé ou en association, n’est pas démontré [12,13]. Barett ne rapporte aucun intérêt significatif d’une prise unique de BC oral (25, 50 ou 100 mg) par rapport au placebo sur la qualité clinique (volume uriné, résidu postmictionnel [RPM]) et urodynamique (pression du détrusor [PD] à 100 ml et PDmax, débits urinaires maximum et moyen [Qmax et moy], profilométrie urétrale) de la vidange vésicale dans les trois premières heures suivant sa prise chez 48 patientes en rétention chronique d’urine (RPM > 125 ml) par HOV non neurogène ni obstructive [12]. En association à du diazépam (2 mg), la prise unique de carbachol (2 mg) n’apparaı̂t pas influencer non plus davantage qu’un placebo la qualité de la miction dans les deux heures suivant la prise de 249 patients en postopératoire immédiat [13]. Par voie sous-cutanée (SC), un effet bénéfique significatif du BC par rapport au placebo sur la récupération des mictions après rétention aiguë d’urine postopératoire a été rapporté [14]. Dans ce travail réalisé chez 38 patients en rétention aiguë d’urine durant les 12 premières heures suivant une chirurgie anorectale recevant une à deux injections de 10 mg de BC ou un placebo, Gottesman et al. rapportent une reprise des possibilités de mictions spontanées dans l’heure suivant l’injection chez 69 % des 18 patients ayant reçu du BC, contre aucun des patients du groupe placebo qui nécessitèrent tous un drainage urinaire par cathétérisme [14]. À visée curative et en prise prolongée, les quelques travaux contrôlés comparant l’intérêt du BC oral, administré seul ou en association à des agents impactant la contractilité du détrusor ou les résistances urétrales à celui d’un placebo suggèrent la supériorité du BC, particulièrement en combinaison thérapeutique, mais il s’agit d’études menées sur de petits effectifs de patients dont les qualités méthodologiques sont souvent contestables [15-17]. En monothérapie, un travail contrôlé randomisé versus placebo et en plan croisé suggère que le BC oral puisse améliorer la vidange vésicale et favoriser la reprise des mictions spontanées dans l’HOA neurogène [15]. Dans cette étude, 16 patients neurologiques (neuf femmes, sept hommes), présentant une HOA définie par une PDmax au Qmax inférieure à 20 cm H2O, sans dyssynergie vésicosphinctérienne et drainant leur vessie par autosondages intermittents ou cathéter sus-pubien, ont été répartis entre un groupe recevant 25 4 mg de BC oral quotidien pendant deux semaines, puis deux semaines de placebo et un groupe recevant la séquence inverse. Les critères d’évaluation, mesurés en fin de deuxième et de quatrième semaine une heure après la prise de comprimés, associaient la mesure du RPM par sondage, le Qmax et la PD permictionnelle. Dix des 16 patients ont présenté une amélioration significative des paramètres mictionnels sous BC par rapport à la période placebo, permettant à huit d’entre eux de reprendre des mictions spontanées, les six autres n’ayant été améliorés par aucune des séquences thérapeutiques. Sur l’ensemble des patients, une réduction significative des RPM et une augmentation significative du Qmax étaient observées sous BC, associées à une augmentation des PD, sans bénéfice sous placebo [15]. En combinaison thérapeutique, deux travaux contrôlés plaident également en faveur de l’intérêt curatif du BC dans la rétention urinaire par HOV [16,17]. Le premier compare l’intérêt sur la rétention urinaire chronique (RPM > 300 ml) du BC oral combiné à des prostanglandines (PG) intravésicales par rapport au placebo [16]. Dix-neuf patients (17 hommes et deux femmes) étaient répartis en un groupe (neuf patients) recevant 50 4 mg de BC oral par jour et une instillation hebdomadaire de PGE2 (1,5 mg dans 20 ml de salé isotonique) pendant six semaines et un groupe (10 patients) recevant selon les mêmes modalités un placebo oral et des instillations de sérum salé. Le critère principal d’évaluation, sur lequel était basée la puissance statistique de l’étude, était la mesure des RPM par cathétérisme. Les autres critères d’évaluation comprenaient la qualité de vie, le Qmax et la PD au Qmax. Au terme du traitement, une diminution significative du RPM n’était notée que dans le groupe traité et quatre des neuf patients de ce groupe rapportaient une amélioration subjective de la vidange vésicale avec réduction de la fréquence des autosondages. L’amélioration des autres paramètres d’évaluation était également qualitativement plus marquée dans le groupe traité, mais ces critères n’étaient pas évalués statistiquement. L’interprétation de ces résultats mérite cependant prudence car les deux groupes différaient significativement à l’inclusion vis-à-vis du critère principal d’inclusion, avec un RPM plus important dans le groupe placebo, menant les auteurs euxmêmes à considérer que l’amélioration sous traitement n’était pas suffisamment pertinente cliniquement pour le recommander en pratique quotidienne [16]. Le second compare l’intérêt des cholinergiques et des alphabloquants, administrés en monothérapie ou en combinaison, sur la rétention urinaire chronique par HOV [17]. Cent dix-neuf patients présentant une dysurie et une rétention urinaire chronique par HOV sans obstacle fonctionnel ou organique à la miction ont été répartis en trois groupes, recevant respectivement pendant un mois un traitement cholinergique oral seul (BC 60 mg/j ou distigmine bromide 15 mg/j), alphabloquant seul (urapidil 60 mg/j) ou la combinaison des deux traitements. Les critères d’évaluation associaient le score total et les sous-scores vidange-stockage de l’International Prostate Symptom Score (IPSS), les débits urinaires et le RPM. Seule une réduction significative du pourcentage d’urines résiduelles, mais non du RPM était notée sous traitement cholinergique isolé, tandis que la combinaison des traitements était supérieure aux monothérapies permettant l’amélioration significative de l’ensemble des paramètres [17]. 188 À visée préventive de la rétention urinaire postopératoire, un travail contrôlé versus placebo, mené chez 79 patientes devant subir une hystérectomie pour néoplasie du col utérin, suggère que le BC oral associé ou non à du cisapride ait un intérêt dans l’HOV postopératoire précoce [18]. Les patientes étaient réparties en quatre groupes, recevant respectivement trois prises quotidiennes orales de 10 mg de BC, 10 mg de cisapride, l’association des deux ou un placebo durant le mois suivant leur intervention. Les critères d’évaluation associaient RPM et paramètres urodynamiques (capacité cystomanométrique maximale [CCM], volume de perception des besoins, Qmax-moy, étude pression débit et profilométrie) avant et au terme d’un mois de traitement. Alors que ces paramètres étaient identiques dans les quatre groupes à l’inclusion, le premier besoin était perçu à plus haut volume de remplissage dans le groupe placebo, et les groupes traités présentaient une moindre augmentation de la CCM postopératoire et de plus fortes PD mictionnelles que le groupe placebo à la seconde évaluation. La diminution des débits urinaires, présente dans tous les groupes, n’était significative que sous placebo et seules les patientes de ce groupe présentaient une augmentation significative du RPM. L’influence des traitements combinés était superposable à celle des monothérapies, excepté un taux majoré d’hyperactivité du détrusor plus marqué sous bithérapie [18]. Les deux autres études contrôlées, menées versus abstention thérapeutique et non versus placebo, rapportent des résultats divergeant sur l’intérêt préventif du BC dans la rétention urinaire postopératoire ou postobstétricale [19,20]. La première, menée chez 40 patientes ayant subi une chirurgie utérine pour néoplasie du col, suggère l’intérêt préventif d’un traitement oral précoce par BC [19]. Dans ce travail, les patientes étaient réparties entre un groupe « préventif » recevant au troisième jour postopératoire 150 mg/j de BC en trois prises (16 patientes) et un groupe « curatif » ne recevant de BC que s’il persistait au dixième jour postopératoire un RPM supérieur à 50 ml (24 patientes). Les critères d’évaluation, représentés par la durée du drainage urinaire postopératoire, de l’hospitalisation et de la disparition des RPM apparaissaient tous significativement plus améliorés dans le groupe « préventif » que « curatif », avec des valeurs moyennes respectives de 9,6 versus 13,3 jours, 15,5 versus 18,6 jours, et 8 versus 13 jours et 18,8 versus 25 % dans ces deux groupes [19]. La seconde est l’historique série de Flemming comprenant 1975 femmes en post-partum immédiat, dont 821 recevaient 15 mg de BC oral un quart d’heure après la délivrance, puis toutes les quatre heures pendant 24 heures, et 975 n’en recevaient pas, qui n’objectivaient aucune différence du taux de rétention urinaire nécessitant un sondage urinaire et des RPM entre les deux groupes à la vingt-quatrième heure [20]. Enfin, les quelques études cliniques comparant l’influence clinique ou urodynamique de différentes voies d’administration de BC rapportent des résultats divergents ne permettant pas de statuer sur la supériorité d’efficacité de l’une ou l’autre des voies [11,21]. Tout au plus, elles corroborent les données pharmacocinétiques d’un délai d’action plus rapide et bref de la voie souscutanée par rapport à la voie orale [11,21]. Anticholinesté rasiques Leur administration est destinée à s’opposer à l’hydrolyse de l’Ach induite par l’acétylcholinestérase pré- et postjonctionnelle et renforcer ainsi l’impact de l’Ach sur les récepteurs muscariniques pour favoriser la réponse contractile du détrusor [22]. Dans les conditions expérimentales, l’administration d’inhibiteurs de l’acétylcholinestérase s’est révélée susceptible d’augmenter in vitro les réponses contractiles de lambeaux de détrusor humains et animaux à la stimulation nerveuse et d’améliorer l’efficacité de la vidange vésicale chez l’animal anesthésié [23,24]. Quelques travaux ouverts supportent l’intérêt clinique (IPSS, qualité de vie, RPM) ou urodynamique (débits urinaires, contractilité du détrusor) de la distigmine orale (15 mg/j pendant un mois) chez les patients présentant une HOV symptomatique (dysurie, rétention, infections urinaires) sans obstruction sous-vésicale [25] ou après résection transurétrale de prostate [26]. Les rares études contrôlées, évaluant l’intérêt curatif ou préventif des anticholinestérasiques sur la rétention aiguë d’urine, ne plaident cependant pas pour cette modalité thérapeutique [27,28] (Tableau I). L’administration intramusculaire quotidienne pendant quatre jours de 0,5 mg de distigmine n’influence pas plus qu’un placebo les débits urinaires et la nécessité de recourir au drainage vésical après prostatectomie [27], et des effets paradoxaux à type de majoration du résidu postmictionnel, significativement plus importants que sous placebo, ont même été rapportés après administration préventive orale de distigmine (5 mg/j) chez 100 femmes opérées de prolapsus génital [28]. Cisapride Le cisapride est un agoniste des récepteurs 5-HT4 dénué d’effets cholinergiques directs, mais susceptible d’améliorer la contractilité musculaire lisse en favorisant d’une part la libération d’Ach par les terminaisons nerveuses cholinergiques postganglionnaires, et en activant le cycle de l’inositol phosphate et du diacylglycérol, favorisant la libération intracellulaire de calcium et la réponse contractile musculaire conséquente [29]. Longtemps proposée pour favoriser la reprise mictionnelle lors d’HOV, la validation clinique de son efficacité n’a jamais été établie. Si quelques études ouvertes mentionnent son intérêt [30,31], il n’est pas confirmé par les rares travaux contrôlés versus placebo 189 [32,33] (Tableau I). Wyndaele et Van Kerrebroeck ne rapportent ainsi aucune modification significative des paramètres cystomanométriques (CCM, sensibilité vésicale, compliance, volume réflexe, PDmax) ni des RPM chez 21 patients blessés médullaires complets, à distance du choc spinal, recevant de manière randomisée et en double insu 40 mg de cisapride oral (en 4 prises/jour) ou un placebo pendant quatre semaines [32]. Dans un travail en plan croisé mené chez 20 femmes volontaires, la prise unique de 20 mg de cisapride n’apparaı̂t pas influencer non plus davantage qu’un placebo la vidange vésicale (PD/Qmax, RPM) et seule une réduction intra-individuelle de la CCM était notée sous cisapride sans traduction clinique [33]. Enfin, outre l’absence de preuve de son efficacité, l’implication possible du cisapride dans la survenue d’effets cardiovasculaires plaide en la défaveur de sa recommandation en pratique quotidienne dans l’HOV [34]. Prostaglandines Trois types de prostaglandines apparaissent susceptibles d’influencer l’activité contractile du bas appareil urinaire chez l’animal, la PGE2 et la PGI2 exerçant majoritairement un effet contractile sur le détrusor et relaxant sur le col et l’urètre et la PGF2a contractant détrusor et urètre [4,35]. Les mécanismes de cette action contractile pourraient mettre en jeu un effet direct sur la musculature lisse vésicale, comme le suggère l’augmentation de l’inositol triphosphate et du calcium intracellulaire après stimulation des récepteurs EP1 par les PGE2, et une action indirecte sur la neurotransmission impliquant, notamment une augmentation de la libération urothéliale et sous-urothéliale de tachykinines initiant le réflexe mictionnel par interaction sur les récepteurs NK1 et NK2 [4,36]. Si ce profil de réponse favorable à la vidange vésicale a été rapporté chez l’animal, les résultats des rares études contrôlées évaluant l’intérêt des PG dans l’HOV chez l’homme sont globalement décevants (Tableau I). À visée curative, chez la femme (28 patientes) en rétention d’urine après colporaphie antérieure, les instillations endovésicales de PGE2 (0,75 à 2,25 mg) n’influencent pas davantage qu’un placebo les aspects cliniques et urodynamiques de la miction [37]. À titre préventif, l’administration rectale ou vésicale de prostaglandine (respectivement 10 mg de PGE2 et 50 mg de PGF2) en postopératoire immédiat de chirurgie vaginale (50 patientes) ne modifie pas plus qu’une instillation de sérum salé la durée de drainage urinaire postopératoire, maintenu dans cette étude jusqu’à ce que les RPM soient inférieurs à 50 ml [38]. Le même auteur rapporte en revanche chez 24 femmes en postopératoire immédiat d’hystérectomie basse, recevant chaque jour jusqu’à reprise des mictions des prostaglandines par voie vaginale (3 mg de PGE2), vésicale (5 mg de PGF2) ou une instillation vésicale de sérum salé, que la récupération des mictions complètes permettant l’arrêt du drainage urinaire était plus rapide dans le groupe traité par PGE2 vaginales et s’accompagnait d’une moindre morbidité périopératoire [39]. L’intérêt modeste des PGE2 sur la rétention d’urine postopératoire a également été rapporté, comparativement à l’absence de traitement, chez 110 femmes recevant (n = 50) ou non (n = 60), à partir du quatrième jour postchirurgie urogynécologique et jusqu’à ce que le RPM soit inférieur à 50 ml, une instillation de PGE2 [40]. Seule une réduction du pourcentage de patients, ayant une rétention supérieure à trois jours, et la durée d’hospitalisation de ces derniers apparaissait significativement différente en faveur du groupe traité (nombre d’instillations impécisé), sans différence significative des autres paramètres (prévalence RPM, comorbidité, durée d’hospitalisation) [40]. La supériorité de leur association au BC oral par rapport au placebo dans la rétention urinaire chronique par HOV a été évoquée plus haut sur une série limitée de patients et à court terme [16]. La faisabilité de ce traitement combiné, imposant des instillations hebdomadaires, et le caractère très inconstant du bénéfice limitent son intérêt fonctionnel. Discussion Au total, au vu des données actuellement disponibles, il apparaı̂t difficile de statuer sur la pertinence thérapeutique des agents cholinergiques et des prostaglandines, tout au moins en monothérapie, dans la rétention urinaire et la dysurie induite par une HOV. L’hétérogénéité des populations étudiées, au regard de l’étiopathogénie de l’HOV, de sa durée d’évolution et des critères cliniques ou urodynamiques retenus dans la définition de l’HOV participe probablement à la discordance des résultats sus-cités. Il est concevable que, si les cholinomimétiques sont dotés de capacité à renforcer la contractilité vésicale, cet effet dépende pour partie d’une augmentation de la contraction cholinodépendante d’un détrusor ayant conservé des possibilités de réponse contractile à une telle stimulation [24]. Il est ainsi possible que si l’HOA relève principalement d’un dysfonctionnement myogène, c’est-à-dire d’une difficulté du détrusor lui-même à répondre à une stimulation chimique ou mécanique, la surstimulation de la voie cholinergique est moins capable de renforcer la contractilité musculaire. La participation respective de ces deux composantes, défaut de stimulation cholinergique et facteur myogène, n’a quasiment pas été considérée dans les études sus-citées et apparaı̂t difficile à évaluer en pratique quotidienne. Certains auteurs ont cependant proposé des tests préthérapeutiques visant à évaluer la probabilité de réponse aux cholinergiques [41-43]. Les plus anciens, représentés par les tests de sensibilisation aux cholinergiques oraux et injectables, ne sont guère plus utilisés en 190 raison de leur faible reproductibilité et de leur médiocre tolérance [41]. Plus récemment, un test visant à graduer les capacités résiduelles de contraction du détrusor aréflexique a été proposé par Riedl et al., dans l’optique d’identifier les sous-populations de patients les plus susceptibles de tirer un bénéfice des agents cholinergiques oraux [42]. Il consiste à évaluer les modifications de pression du détrusor induite par une instillation intravésicale de BC (20 mg de BC dilué dans 150 ml salé 0,3) sous iontophorèse électromotivée [42]. Le test est considéré positif si une augmentation de la pression vésicale d’au moins 20 cm H2O est notée durant l’instillation [42]. L’auteur a appliqué cette procédure à 45 patients (25 femmes et 20 hommes) présentant une aréflexie du détrusor, dans un contexte neurogène (26 patients), de dilatation vésicale chronique (11 patients), de rétention aiguë d’urine (trois patients) ou d’HOV idiopathiques (cinq patients). Il rapporte, d’une part, la forte influence du contexte étiologique sur la typologie des réponses au test et, d’autre part, la valeur prédictive de ce test sur l’efficacité ultérieure d’un traitement oral par BC. Le taux de réponse positif au test vésical apparaissait ainsi maximal chez les patients neurologiques (92 % de tests positifs, gain moyen 34 cm H2O) et le groupe rétention aiguë-idiopathique (87,5 % de tests positifs, gain moyen de 28 et 38 cm H2O respectivement), tandis que seuls 27 % des patients aux antécédents de dilatation vésicale chronique avaient une augmentation des pressions du détrusor dont la valeur moyenne n’atteignait pas le seuil de positivité du test (3 cm H2O en moyenne). Lorsqu’il fut proposé à 15 patients de cette série, un traitement par BC oral (25 mg 4/j pendant six semaines), le pourcentage de patients présentant une amélioration de la vidange vésicale était significativement plus important dans le sous-groupe de patients ayant préalablement eu un test intravésical positif que négatif. Neuf des 11 patients (82 %) ayant eu un test intravésical positif ont recouvré des mictions volontaires sous traitement par BC oral contre aucun de ceux ayant eu un test intravésical négatif, conférant ainsi au test intravésical la possibilité de prédire la probabilité de succès chez 86,7 % des patients (13/15) avec une sensibilité de 100 % et une spécificité de 67 % [42]. L’auteur suggère que 1es profils de réponse au test traduise la participation de mécanismes physiopathologiques différents de l’HOV. Les réponses positives indiqueraient une préservation des mécanismes de transduction chimicomécanique entre les récepteurs et l’effecteur musculaire, et la forte probabilité de succès dans cette sous-population plaiderait pour le recours en première intention d’un traitement pharmacologique oral dans l’HOV. Les réponses négatives suggèreraient un dysfonctionnement musculaire ou intermusculaire rendant peu probable une restauration pharmacologique de la contractilité vésicale et incitant à proposer d’emblée des moyens thérapeutiques non pharmacologiques comme le cathétérisme urétral [42]. Un second test reposant sur une exploration de la sensibilité vésicale a été proposé par de Wachter dans l’optique de prédire l’intérêt thérapeutique du BC dans l’HOV [43]. Il s’appuie sur l’évaluation des seuils de perception de la distension vésicale et de la stimulation électrique intravésicale avant et après injection souscutanée de BC [43]. Une élévation du seuil de perception électrique après injection de BC augmenterait la probabilité de réponse à un traitement ultérieur par BC souscutané. Chez 18 patientes en rétention urinaire chronique par HOA, l’auteur rapporte que les 61 % de patientes dont la vidange vésicale s’améliorait sous traitement par BC injectable (5 mg/j pendant dix jours) présentaient de manière contemporaine une augmentation du seuil de perception électrique, tandis qu’il ne variait pas chez celles réfractaires au traitement par BC [43]. Il n’existait cependant pas de groupe témoin dans cette série, et l’influence des injections de placebo sur les seuils de sensibilité vésicale n’y est pas évoquée [43]. Il est possible que la plus large utilisation de ces tests avant l’initiation d’un traitement cholinergique améliore la sélection des indications et aide à préciser la place à accorder aux agents cholinomimétiques dans l’HOV. Ces tests nécessitent cependant un appareillage spécifique, limitant leur faisabilité en pratique quotidienne. L’intérêt des traitements combinés associant une potentialisation de la tension du détrusor et une diminution des résistances urétrales mérite d’être confirmé sur de plus grandes séries de patients dont on contrôlerait l’homogénéité des critères d’inclusion et d’évaluation. L’intérêt théorique d’une telle association est conforté par la démonstration de l’impact urétral des agents cholinomimétiques. Une augmentation des pressions urétrales dans les régions correspondant aux sphincters interne et externe de l’urètre a été rapportée après administration sous-cutanée de BC [2 7,44,45]. Elle est attribuée à l’impact des agonistes cholinergiques directs sur les récepteurs muscariniques urétraux, notamment de la couche circulaire de l’urètre [7,44,45]. Il est possible que cet effet procontractile urétral, opposé à la vidange vésicale, soit un des facteurs limitant l’intérêt clinique des cholinergiques dans l’HOV, mais l’influence de l’urètre sur la réponse au traitement cholinergique n’est qu’exceptionnellement notifiée dans les études sus-citées. En dépit de la reconnaissance du rôle majeur joué par des neurotransmetteurs non adrénocholinergiques dans la contraction du détrusor, la modulation pharmacologique des voies purinergiques, sérotoninergiques et peptidergiques, n’a pas fait l’objet de développement marquant dans l’HOV et reste confinée aujourd’hui à un stade préclinique. On pourrait concevoir qu’une modulation pharmacologique des myofibroblastes de la paroi vésicale, dont les capacités de conduction d’influx émanant du système nerveux central et d’activité de type pacemaker autonome de l’activité contractile du détrusor est mieux identifiée [46,47], soit une cible intéressante dans l’HOV. Une telle modulation des myofibroblastes pourrait être assurée par des agents tels 191 l’ATP, le NO ou des agents influençant le pH urinaire [47,48]. Il est probable que les cibles urothéliales et myofibroblastiques ouvriront de nouvelles perspectives thérapeutiques pour moduler la contractilité du détrusor dans les prochaines années. Conclusion La place des agents cholinergiques directs ou indirects dans l’arsenal thérapeutique de l’HOV reste aujourd’hui marginale. Il est possible que dans une population sélectionnée de patients présentant une HOA isolée, dont on maintiendrait parallèlement de faibles résistances urétrales par pharmacologie ou chirurgie et dont le détrusor conserverait des capacités contractiles, il soit possible de renforcer pharmacologiquement la contractilité du détrusor. Leur pertinence thérapeutique dans ces indications spécifiques n’est pas précisée aujourd’hui. Une alternative serait de renforcer les composantes non adrénocholinergiques de la contraction du détrusor. C’est peut-être un des challenges thérapeutiques de ces prochaines années. Références 1. Abrams P, Cardozo L, Fall M, et al. (2002) The standardisation of terminology of lower urinary tract function: report for the standardisation sub-committee of the International Continence Society. Neurourol Urodyn 21: 167-78 2. Haab F, Amarenco G, Coloby P, et al. (2006) Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire, adaptation française de la terminologie de l’International Continence Society. Pel Perineol 1: 196-206 3. Abrams P, Andersson KE, Buccafusco JJ, et al. (2006) Muscarinic receptors: their distribution and function in body systems, and the implications for treating overactive bladder. Br J Pharmacol 148: 565-78 4. Andersson KE, Arner A (2003) Urinary bladder contraction and relaxation: physiology and pathophysiology. Physiol Rev 84: 935-86 5. 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Perrouin-Verbe 4 , les membres du Genulf 5 1 Unité d’évaluation et de traitement du handicap urinaire, service de médecine physique et de réadaptation, CHU Pellegrin, place Amélie-Raba-Léon, F-33076 Bordeaux, France 2 Service d’urologie, CHU de Lyon-Sud, chemin du Grand-Revoyet, F-69310 Pierre-Bénite Cedex, France 3 Service de rééducation neurologique, hôpital Raymond-Poincaré, 104, boulevard Raymond-Poincaré F-92380 Garches Cedex, France ; UFR Paris, ı̂le-de-France ouest, université de Versailles-Saint-Quentin, France 4 Service de médecine physique et de réadaptation, hôpital Saint-Jacques, CHU de Nantes, 83, rue Saint-Jacques F-44093 Nantes Cedex, France 5 Groupe d’études neuro-urologique de langue française 6 Équipe de recherche handicap et système nerveux, université Victor-Segalen-Bordeaux-II, F-33076 Bordeaux Cedex, France Résumé : Les troubles vésico-sphinctériens sont extrêmement fréquents dans la sclérose en plaques (SEP). Leur impact fonctionnel lié aux conséquences des désordres mictionnels sur la qualité de vie a été largement souligné dans la littérature et ses modes de prises en charge sont aujourd’hui bien documentés. Le préjudice organique des neurovessies de la SEP reste en revanche sous-estimé, et s’il fut longtemps considéré modeste, l’analyse de la littérature révèle aujourd’hui que près d’un patient SEP sur dix est susceptible de présenter une complication uronéphrologique de sa neurovessie. Nous avions, dans un premier temps, rapporté les résultats d’une revue critique de la littérature consacrée à la morbi-mortalité uronéphrologique et à ses facteurs de risque dans la SEP réalisée selon la méthodologie préconisée par la Haute Autorité de Santé (HAS). Celle-ci suggérait que sept paramètres neuro-urologiques ou démographiques pouvaient être identifiés comme facteurs de risque de retentissement uronéphrologique dans la SEP, et envisageait, en fonction de la nature et du nombre de facteurs de risque présentés, la distinction de deux sous-populations de patients SEP, l’une à risque et l’autre sans risque de préjudice uronéphrologique. Dans cette seconde partie seront présentées les propositions de recommandations pour la surveillance à moyen et long terme des neurovessies dans la SEP, pondérées en fonction des facteurs de risque uronéphrologique des patients SEP, tels qu’ils ont été établis par le Groupe d’étude de neuro-urologie de langue française (Genulf) au terme de cette analyse critique de la littérature. Mots clés : Vessie neurologique – SEP – Pronostic uronéphrologique – Recommandations – Suivi Guidelines for the management of neurogenic bladder in multiple sclerosis patients Abstract: Micturition disorders are very frequent in multiple sclerosis (MS) patients and have functional repercussions that impact daily life and can lead to morphological damage to the upper urinary tract. The functional effects of bladder disorders and their management are widely documented, but their organic consequences remain underestimated, despite occurrence in as much as 10 % of MS patients. In the first section, we provide a critical review of the literature, focusing on identifying the risk factors of urinary tract complications in MS patients. In the second section, we discuss the recommendations for long-term urological follow-up, taking into account specific risk factors, as developed by the Francophone Study Group on NeuroUrology (Genulf) and according to the clinical guidelines set by French health authorities. Keywords: Neurogenic bladder – Multiple sclerosis – Upper urinary tract abnormalities – Recommendations – Follow-up Introduction La fréquence des troubles vésico-sphinctériens (TVS) dans la SEP et l’importance de leur retentissement fonctionnel sont aujourd’hui bien connues et ont favorisé la diffusion d’algorithme de prise en charge thérapeutique visant à limiter l’impact des dysfonctionnements vésicosphinctériens sur les différentes composantes de la qualité de vie [1-6]. Le retentissement organique des TVS dans la SEP reste en revanche grandement sous-estimé et, à Correspondance : E-mail : marianne.de-seze@chu-bordeaux-fr (M. de Sèze) ; www.Genulf.com (Genulf) 194 la différence d’autres pathologies neurologiques telles que les affections médullaires, il n’a pas fait l’objet d’une sensibilisation de la communauté médicale et des sociétés savantes à son dépistage et sa prise en charge. Aussi apparaissait-il important de réactualiser les connaissances en matière d’épidémiologie des TVS et de leurs complications uronéphrologiques dans la SEP, afin de favoriser l’identification des facteurs de risque uronéphrologiques dans cette population et de permettre l’élaboration de recommandations éclairées pour le suivi à moyen et long terme des neurovessies de la SEP. Le premier temps de ce travail, réalisé conjointement avec le groupe d’étude neurourologique de langue française (Genulf), fut consacré à une analyse exhaustive et critique de la littérature consacrée aux neurovessies et à leurs facteurs de risque de complications dans la SEP. La méthodologie et les principaux résultats de cette analyse documentaire ont été préalablement rapportés [7]. Cette revue de littérature soulignait, d’une part, que le retentissement uronéphrologique des TVS dans la SEP n’était pas exceptionnel, puisque plus d’un patient SEP sur dix était susceptible de présenter une complication du haut appareil urinaire dans les dix-huit premières années d’évolution de sa pathologie [7-14]. Elle suggérait, d’autre part, et ce, en tenant compte du caractère rétrospectif de la majorité des études analysées et de l’hétérogénéité des séries rapportées, qu’il soit possible de distinguer sept facteurs de risque démographiques ou neuro-urologiques de retentissement uronéphrologique des neurovessies dans la SEP [7]. La pondération de ces critères, selon la méthodologie basée sur les preuves préconisées par l’HAS [15] et le Groupe d’Evidence-Based Medicine d’Oxford [16], permettait d’attribuer à quatre de ces critères un niveau de preuve établie (NP1), dans la mesure où leur identification relevait d’études de bonnes qualités métrologiques et/ou était reconnue par la majorité des auteurs. Il s’agissait de la durée d’évolution de la SEP, du port d’une sonde à demeure, de la forte amplitude maximale des contractions non inhibées du détrusor en cystomanométrie et de l’existence de pression élevées du détrusor au cours du remplissage cystomanométrique [7]. Trois autres facteurs bénéficiaient d’un niveau de présomption de preuve (NP2), car fondés sur au moins une étude de bonne qualité métrologique, mais demeurant débattus dans la littérature : la dyssynergie vésico-sphinctérienne, l’âge supérieur à 50 ans, dont l’indépendance avec la durée d’évolution de la maladie n’était pas établie, et le genre masculin [17] via la présence d’indices urodynamiques péjoratifs [7]. Il apparaissait ainsi possible de distinguer deux souspopulations de patients SEP en fonction de leur exposition à des facteurs de risque uronéphrologiques : les patients sans risque, définis par l’absence de facteurs de risque établi NP1 et ne présentant pas plus d’un facteur de risque présagé NP2, et les patients à risque présentant au moins un facteur de risque établi NP1 et/ou au moins deux facteurs présumés NP2. Des recommandations pour le dépistage et le suivi à moyen et long terme des vessies neurologiques des patients SEP, considérant ces deux types de situations à risque, ont été proposées par le Genulf, groupe d’experts francophones multidisciplinaires regroupant des praticiens de médecine physique et de réadaptation, d’urologie et de neurologie, spécialisés en neuro-urologie. Ces recommandations, soumises pour aval par les sociétés savantes internationales pour accréditation, ont pour objectif d’aider le praticien dans la prise en charge diagnostique et préventive des complications neurourologiques dans la SEP. Recommandations pour le suivi des neurovessies dans la SEP (Fig. 1) Patients asymptomatiques sur le plan vé sico-sphincté rien En l’absence de symptôme vésico-sphinctérien, ces patients ne seront que rarement adressés à des praticiens spécialisés en neuro-urologie. Ce bilan minimal d’exploration devra ainsi être préconisé auprès des médecins généralistes, neurologues ou rééducateurs assurant le suivi des patients. Le bilan minimal d’exploration comprendra deux éléments : – un interrogatoire dirigé sur les symptômes vésicosphinctériens : données sur la miction (fréquence, nombre, volume estimé, facilité d’émission des urines, impression de miction complète), données sur la continence (occurrence, fréquence et volume estimé des fuites, nécessité de garnitures), dépistage de symptômes évocateurs d’infections urinaires et symptômes ano-rectaux ; – une mesure du ré sidu postmictionnel par échographie vésicale. La justification de cet examen repose sur la démonstration de la faible pertinence de l’interrogatoire pour l’estimation de l’existence d’un résidu postmictionnel [9,18]. Si ce bilan minimal d’exploration ne met pas en évidence de trouble vésico-sphinctérien, une simple surveillance basée sur ces deux éléments (interrogatoire dirigé et mesure du résidu postmictionnel) sera recommandée à chaque visite de suivi de la maladie neurologique et au rythme guidé par l’évolution de celle-ci. Si les données recueillies au bilan minimal d’exploration révèlent ou suggèrent l’existence de troubles vésico-sphinctériens, le patient sera alors considéré « symptomatique » et il sera recommandé de l’adresser à un praticien expérimenté en neuro-urologie. Patients symptomatiques sur le plan vé sico-sphincté rien Lorsque des troubles vésico-sphinctériens sont rapportés spontanément par le patient ou découverts par le bilan minimal d’exploration sus-cité, il sera conseillé d’adresser le patient au praticien référent en neuro-urologie, qui 195 PATIENT ASYMPTOMATIQUE VS Médecin traitant, Neurologue, MPR PATIENT SYMPTOMATIQUE VS Référent neuro-urologie Évaluation initiale Calendrier mict 72 h Échographie vésico-rénale ECBU Bilan urodynamique (BUD) Clairance créatinine Qualité de vie Évaluation minimale Interrogatoire dirigé Évaluation résidu PM (écho V) Symptômes vésico-sphinctériens ? Analyse des facteurs de risque Non Oui Patient sans risque Évaluation minimale (à chaque visite de suivi de la SEP) Interrogatoire dirigé Résidu PM (écho V) Évaluation annuelle Calendrier mict 72 h Débimétrie Résidu PM (écho V) Patient à risque Évaluation annuelle Calendrier mict 72h Résidu PM Echo vésico-rénale Clairance créatinine Qualité de vie BUD tous les 1 à 3 ans Évolution des facteurs de risque Non Oui BUD tous les 3 ans Nouveau BUD Risque de tumeur vésicale Cytologie urinaire + cystoscopie annuelle Altération haut appareil Concertation pluridisciplinaire Examens complémentaires Fig. 1. Recommandations pour le diagnostic et le suivi des neurovessies dans la SEP conduira un bilan d’évaluation initial comprenant six paramètres : – un calendrier mictionnel sur soixante-douze heures colligeant les horaires, volumes et nombre des fuites et mictions, la nécessité de garniture et la puissance du jet ; – une échographie vésico-rénale destinée à documenter l’existence d’un résidu postmictionnel et à dépister une cause locale favorisante et/ou un retentissement précoce sur l’appareil urinaire ; – un examen cytobactériologique des urines (ECBU), destiné à dépister une infection urinaire ; – un bilan urodynamique comprenant une cystomanométrie, une débimétrie chez les patients non cathétérisés et une profilométrie. La fréquence d’anomalies urodynamiques chez les patients asymptomatiques [2,14,19,20] et l’individualisation de facteurs de risque urodynamiques de retentissement uronéphrologique justifie la réalisation précoce de cet examen afin d’adopter au plus tôt une prise en charge préventive et/ou thérapeutique optimale [1,2,6,21]. La réalisation systématique d’un EMG du sphincter strié urétral couplé à la cystomanométrie n’est pas préconisée lors du bilan initial, car ses résultats n’ont, semble-t-il, que peu ou pas d’influence sur la prise en charge thérapeutique initiale et le devenir des patients à moyen terme [22]. L’opportunité de sa réalisation sera laissée au jugement du praticien neuro-urologue réalisant le bilan urodynamique ; – une mesure de la clairance de la créatinine sur les urines des vingt-quatre heures [23] ; – une évaluation de l’impact des troubles vésicosphinctériens sur la qualité de vie, qui pourrait relever 196 du questionnaire Qualiveen, outil d’évaluation validé pour cette indication, dans cette population et en langue française [24]. Le rythme et les modalités de surveillance ultérieure seront alors définis en fonction du nombre et de la nature des facteurs de risque de retentissement uronéphrologiques dépistés lors du bilan initial. Seront considérés comme facteurs de risque de niveau 1 (Tableau I) : – une durée d’évolution de la SEP supérieure à quinze ans ; – l’existence de hautes pressions vésicales permanentes ou de contractions non inhibées du détrusor de forte amplitude en cystomanométrie ; – le port d’une sonde à demeure. Seront considérés comme facteurs de risque de niveau 2 : – un âge supérieur à 50 ans ; – le genre masculin ; – l’existence d’une dyssynergie vésico-sphinctérienne. Deux sous-populations de patients seront considérées : – une population de patients sans risque caractérisée par l’absence de facteur de niveau 1 et la présence maximale d’un facteur de niveau 2 ; – une population de patients à risque, regroupant tous ceux présentant au moins un facteur de niveau 1 et/ou au moins deux facteurs de niveau 2 (Tableau I). Chez les patients sans risque, un bilan systématique annuel est préconisé, comprenant un calendrier mictionnel sur soixante-douze heures, une débimétrie (patients sans cathétérismes) et une mesure du résidu postmictionnel. Si la symptomatologie clinique et les facteurs de risque restent stables, le bilan urodynamique ne sera préconisé que tous les trois ans. Si les symptômes cliniques vésicosphinctériens ou les facteurs de risque évoluent, la réalisation d’un nouveau bilan urodynamique est alors recommandée, qui mènera en fonction de ses résultats à la poursuite de surveillance de type patient sans risque ou à l’adoption des recommandations pour les patients à risque. Chez les patients à risque, le bilan annuel d’évaluation comprendra : – un calendrier mictionnel sur soixante-douze heures ; – une mesure du résidu postmictionnel ; – une échographie de l’arbre urinaire ; – une mesure de la clairance de la créatinine sur les urines des vingt-quatre heures ; – une évaluation de l’impact des troubles vésicosphinctériens sur la qualité de vie. Un suivi urodynamique, dont la rythmicité sera guidée par la sévérité des facteurs de risque, sera systématique, incluant une cystomanométrie tous les un à trois ans. Un bilan morphologique de l’arbre urinaire pourra être requis pour l’exploration et le suivi d’une altération du haut appareil urinaire. Chez les patients présentant une altération connue du haut appareil urinaire ou à haut risque de préjudice uronéphrologique, une prise en charge multidisciplinaire incluant la concertation d’experts en neuro-urologie, de praticiens spécialisés en urologie, en médecine physique et de réadaptation, en neurologie, du médecin traitant et du patient sera préconisée, de manière à définir les options thérapeutiques optimales et personnalisées en fonction de la situation vésico-sphinctérienne, neurologique, générale et environnementale du patient. La nature et le rythme des examens complémentaires seront définis par cette concertation pluridisciplinaire et pourront comprendre des examens morphologiques (urétrocystographie, scanners abdominopelviens, cystoscopie...) ou fonctionnels (scintigraphie rénale...). Chez les patients présentant une situation à risque de tumeur vésicale, en particulier les patients en sondages permanents (sonde à demeure ou cathéter sus-pubien) [25], une cytologie urinaire et une cystoscopie annuelles seront préconisées. Conclusion Les complications neuro-urologiques des troubles vésicosphinctériens sont loin d’être exceptionnelles chez les patients SEP et méritent une sensibilisation à leur prise en charge. Une harmonisation des modes de surveillance des neurovessies dans la SEP, basée sur une utilisation raisonnée des examens de surveillance, pourra favoriser la définition et le dépistage des complications vésico-sphinctériennes, permettre ainsi l’amélioration de la qualité de soins et de vie des patients SEP et avoir un impact Tableau I. Facteurs de risque de complications uronéphrologique dans la SEP Facteurs de risque de retentissement uroné phrologique Situation à risque Niveau de preuve scientifique Niveau 1, preuve établie Niveau 2, présomption de preuve Nature des facteurs de risque Durée d’évolution de la maladie supérieure à 15 ans Port d’une sonde à demeure Hautes pressions vésicales permanentes en cystomanométrie Contractions non inhibées du détrusor de forte amplitude en cystomanométrie Dyssynergie vésicosphinctérienne Âge supérieur à 50 ans Sexe masculin Patient à risque : 1 facteur de niveau 1, et/ou 2 facteurs de niveau 2 Patient sans risque : Aucun facteur de niveau 1, 1 facteur de niveau 2 197 socio-économique favorable sur la santé publique. Une réévaluation régulière de ce schéma de surveillance pourra être adoptée en fonction des progrès technologiques et de l’évolution des pratiques médico-chirurgicales. 13. 14. Références 15. 1. 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J Urol 159: 1881-84 Pelv Perineol (2007) 2: 198–202 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0122-4 PERSPECTIVES / PROSPECTS Les ballonnets ajustables (ACT®) périurétraux pour le traitement de l’incontinence de la femme L. Le Normand Service d’urologie, CHU de Nantes, place Alexis-Ricordeau, F-44093 Nantes Cedex 01, France Résumé : Le traitement de l’incontinence urinaire d’effort par la mise en place de prothèses ajustables ACT® (Ajustable Continence Therapy, Uromedica, Inc., Plymouth, MN, États-Unis ; Medtronic, Mineapolis, MN, États-Unis) offre une technique nouvelle destinée à traiter les patientes présentant une insuffisance sphinctérienne et une situation clinique complexe ne permettant pas d’utiliser les thérapeutiques conventionnelles (colposuspension, bandelettes sous-urétrales, sphincter urinaire artificiel). Ses avantages sont : le caractère mini-invasif de la chirurgie, la possibilité d’ajuster le traitement par une simple injection en consultation, et sa réversibilité par ablation facile de la prothèse, sous anesthésie locale, en cas de complication ou d’inefficacité. Mots clés : Incontinence urinaire d’effort – Insuffisance sphinctérienne – Prothèse périurétrale ACT periurethral adjustable balloons for treating female stress urinary incontinence Abstract: Stress urinary incontinence treatment with the ACT® (Adjustable Continence Therapy, Uromedica, Inc., Plymouth, MN, United States; Medtronic, Minneapolis, MN, United States) adjustable prosthetic device is a new technique intended for women with sphincter insufficiency and complex clinical presentations that do not allow conventional treatments (colposuspension, slings, and artificial urinary sphincters). Its advantages are: miniinvasive surgery; the ability to adjust treatment using a simple injection on an outpatient basis; and its reversibility by easy ablation of the prosthesis under local anaesthesia, in the event of complications or ineffectiveness. Keywords: Stress urinary incontinence – Sphincter insufficiency – Periurethral prosthesis Introduction Les techniques chirurgicales pour le traitement de l’incontinence urinaire d’effort de la femme sont nombreuses, mais actuellement, elles se concentrent vers la mise en place de bandelettes sous-urétrales, compte tenu du caractère mini-invasif de la méthode et de sa simplicité. Les résultats sont à court et moyen termes comparables aux techniques plus anciennes de référence, notamment de la colpopexie de type Burch [1,2] avec un taux de succès de 80 à 90 % selon les séries [3]. Les échecs et complications fonctionnelles de la technique peuvent se résumer aux situations suivantes [4] : – hyperactivité vésicale de novo ou s’aggravant en cas d’incontinence mixte ; – dysurie, voire rétention urinaire chronique surtout si la vessie était hypoactive auparavant ; – incontinence urinaire d’effort récidivée soit due à une correction insuffisante, soit en rapport avec une insuffisance sphinctérienne. L’indication de la mise en place d’une bandelette sousurétrale doit être parfaitement posée en essayant d’évaluer le risque d’échec et surtout de dépister une situation à risque. Ces situations peuvent se résumer ainsi : – incontinence urinaire mixte avec le risque de majorer l’hyperactivité vésicale par l’intervention ; – dysurie ou hypotonie vésicale dépistée en préopératoire : miction polyphasique par poussées abdominales à la débitmétrie et sur la cystomanométrie. Le risque est celui d’une rétention chronique postopératoire imposant la pratique d’autosondages ; – incontinence urinaire récidivée par insuffisance sphinctérienne. L’insuffisance sphinctérienne est diagnostiquée par une pression de fuite basse (VLPP), ou surtout une pression de clôture uréthrale (PCmax) faible sur la profilométrie urétrale, ou la persistance de fuites d’effort à l’examen clinique avec absence de mobilité cervicouréthrale. Cette situation relève de la mise en place d’un sphincter artificiel avec un taux de succès de 90 % lorsque le sphincter est en place [5]. Cependant, il s’agit d’une intervention plus lourde, d’acceptation plus difficile pour la patiente, et qui peut difficilement être proposée chez les personnes très âgées ou à l’état général médiocre ; Correspondance : E-mail : [email protected] ; Tél. : +33 2 40 08 39 10 199 – situations difficiles complexes avec de nombreux échecs chirurgicaux, des délabrements urétraux rendant hasardeux la mise en place d’une bandelette sousurétrale ou la pose d’un sphincter artificiel. Pour toutes ces situations cliniques, une solution chirurgicale mini-invasive, facilement réversible et efficace serait d’un grand apport. La mise en place de prothèses ajustables de type ACT® peut être une réponse dans ces situations. Description de la prothèse et de son mode d’action présumé La prothèse est constituée d’un ballon en silicone pouvant contenir jusqu’à 8 ml de liquide isotonique, liée à une fine tubulure s’abouchant dans un port d’injection recouvert de titane. Dans cette tubulure, il existe un deuxième conduit dans lequel est glissé un mandrin permettant de rigidifier la prothèse afin d’en faciliter sa pose (Fig. 1). Deux prothèses sont placées de part et d’autre de l’urètre au niveau du col vésical, dans un plan se situant au-dessous de l’aponévrose pelvienne (Fig. 2). Elles assurent une compression de l’urètre, comme pourrait le faire une injection périurétrale, mais l’originalité de la technique réside en la possibilité d’ajuster en plus ou en moins le volume de la prothèse, par une simple injection Fig. 1. Schéma de la prothèse Fig. 2. Représentation schématique de la position des prothèses. Les ballonnets sont placés de part et d’autre de l’urètre, sous le col de la vessie, entre la paroi vaginale et l’aponévrose pelvienne Fig. 3. Principe opératoire. L’introduction de l’ancillaire de pose se fait sous contrôle digital et avec l’amplificateur de brillance transcutanée. La prothèse n’est pas positionnée en sousmuqueux contrairement aux ballons Urovive® [6] mais en latéro-urétral. Enfin, la technique est facilement réversible puisque les prothèses peuvent être facilement retirées sous anesthésie locale. Technique de pose (Fig. 3) L’intervention peut se faire sous anesthésie générale ou locale selon le souhait de la patiente et en fonction des éventuelles contre-indications anesthésiques. La préparation de la patiente doit être identique à celle de la pose d’un sphincter artificiel : vérification de l’absence d’infection urinaire, préparation cutanée rigoureuse, tonte des grandes lèvres. La patiente est positionnée en décubitus dorsal, jambes écartées et cuisses fléchies à 45 . La pose se fait sous contrôle de l’amplificateur de brillance et du palper digital par toucher vaginal. Une endoscopie préalable doit vérifier l’absence de lésion urétrale ou vésicale. Une sonde de Foley de 16 F est mise en place avec opacification du ballonnet à l’aide de produit de contraste. La vessie peut être également opacifiée avec une solution de contraste diluée. Une courte incision d’un centimètre du bord cutané latéral de la partie postérieure de chaque grande lèvre permet d’introduire l’ancillaire de pose (Fig. 4). Celui-ci doit passer au contact de la branche ischio-pubienne pour éviter une brèche vaginale, puis il franchit le culde-sac vaginal antérieur en direction du col vésical, sous contrôle digital et avec l’amplificateur de brillance. Il faut apprécier la mobilité de la paroi vaginale antérieure qui peut faire croire à un bon placement de l’ancillaire alors que la paroi vaginale et l’ancillaire avancent ensemble, ce qui provoque un placement trop distal de la prothèse. Il faut veiller également à ne pas franchir l’aponévrose pelvienne ni à pénétrer dans la vessie. Le bon positionnement de l’ancillaire peut être difficile et il est vivement conseillé d’être formé à la technique. L’extrémité doit se situer au contact de 200 souvent, une sonde de Foley est laissée en place jusqu’au lendemain de l’intervention. Soins postopératoires Fig. 4. Aspect des prothèses de l’ancillaire et la seringue munie de son aiguille spécifique la paroi latérale de l’urètre, au niveau du col vésical. La partie interne de l’ancillaire est retirée et la prothèse peut être insérée à l’intérieur. La longueur de la prothèse est choisie en fonction de la profondeur du trajet de l’ancillaire, mais il est préférable de mettre une prothèse longue, qui dépasse d’au moins trois centimètres de la peau. En pratique, les prothèses de neuf centimètres sont le plus souvent les mieux adaptées. La prothèse est purgée avec un liquide radio-opaque isotonique (identique à celui utilisé pour les sphincters artificiels, par exemple un mélange de 47 % d’eau et 53 % de Telebrix12®). C’est ce liquide qui servira à gonfler la prothèse. L’aiguille fournie avec le dispositif doit être la seule à être utilisée pour ne pas détériorer le port d’injection. La prothèse doit être totalement vidée, de manière à obtenir une forme de ballonnet en étoile à trois branches. La prothèse, après avoir été enduite de gel de Xylocaı̈ne®, est insérée dans l’ancillaire sous contrôle de l’amplificateur de brillance. Son extrémité est radio-opaque, ce qui permet de vérifier qu’elle arrive bien à l’extrémité de l’ancillaire. L’ancillaire est légèrement retiré en maintenant la prothèse. La prothèse est alors gonflée avec 1,5 à 2 ml de liquide de contraste isotonique. Le même geste est fait de l’autre côté. Le contrôle sous amplificateur de brillance doit montrer un aspect symétrique des ballons. Une endoscopie urétro-vésicale vérifie l’absence de brèche. Une brèche urétrale ou vésicale peut conduire en un repositionnement dans un trajet différent ou à abandonner la technique en fonction de l’importance des lésions. Une logette sous-cutanée, faite vers l’avant des grandes lèvres avec des ciseaux fins, permet de placer les ports d’injection. La fermeture cutanée doit être effectuée en deux plans afin d’éloigner la tubulure de l’incision. Le plus La sonde vésicale est retirée le lendemain. Avant la sortie de la patiente, il faut vérifier l’absence de résidu postmictionnel significatif. En cas de dysurie ou de rétention, il ne faut pas diminuer le volume des ballonnets car l’inflammation et un possible petit hématome postopératoire peuvent être à l’origine de cette rétention passagère. Il est préférable de réaliser un apprentissage d’autosondages ou le cas échéant d’hétérosondages si la patiente ne peut les réaliser plutôt que de laisser une sonde à demeure. Les plaies opératoires doivent être maintenues propres et sèches. La patiente sera revue six semaines plus tard, le temps que la prothèse soit encapsulée et que les grandes lèvres soient parfaitement cicatrisées pour un éventuel ajustement. Suivi et ajustements Le premier ajustement peut avoir lieu six semaines plus tard si la cicatrisation est obtenue et les grandes lèvres non douloureuses. Il n’est utile bien sûr que si une incontinence persiste et en l’absence de dysurie. Il faut, par l’examen clinique, vérifier que les prothèses sont restées en bonne position. En cas de doute, un contrôle radiographique peut être effectué et comparé avec les images peropératoires. L’ajustement se fait avec des aiguilles spécifiques ne lésant pas le port d’injection (les aiguilles microlance® 23 G, réf. 300700, sont validées par le constructeur) en utilisant le même mélange isotonique que pour la pose. L’injection se fait en immobilisant le port au niveau de la grande lèvre pour que l’aiguille soit introduite en son centre. Le volume d’ajustement ne doit pas dépasser 1 ml de chaque côté (en règle générale, 0,5 à 1 ml). Il faut vérifier l’absence de résidu postmictionnel une fois l’ajustement effectué. Le rythme des autres ajustements sera fonction de l’importance de l’incontinence résiduelle, mais il est préférable d’attendre au moins un mois entre deux ajustements, le temps que la coque périprothétique se reconstitue au besoin. Le volume des ballonnets peut atteindre 8 ml. Une fois la continence obtenue, un contrôle au moins annuel est souhaitable. Les complications et leur gestion Absence d’amé lioration Si aucune amélioration n’est constatée malgré plusieurs ajustements, il est souhaitable de vérifier la position des ballons cliniquement et radiologiquement. Il faut également vérifier l’absence d’érosion urétrale ou vésicale par une endoscopie (une fibroscopie permet en général de mieux visualiser l’urètre). Si un changement du ballon 201 est nécessaire, il est préférable de le dégonfler totalement quelques semaines avant l’intervention afin que la loge du ballonnet s’efface totalement, ce qui évitera que le nouveau ballonnet reprenne la même place. La mise en place d’un sphincter artificiel est possible après la mise en place de ballonnets. Dans ce cas, il ne faut pas dégonfler les ballonnets car ils serviront de repère pour la dissection péricervicale et ils seront retirés en même temps que la pose du sphincter. Il faut bien sûr vérifier que la persistance d’une incontinence ne soit pas due à une instabilité vésicale qui doit faire rechercher une obstruction et conduire éventuellement à un dégonflage des ballons parallèlement au traitement de l’hyperactivité vésicale. E´rosion et infection L’érosion de la prothèse peut se faire au niveau de la grande lèvre, au niveau vaginal, vésical ou urétral. Cliniquement, la lèvre est inflammatoire, douloureuse et peut laisser échapper un peu de pus. La prothèse peut parfois s’extérioriser par l’urètre. L’érosion ou l’infection d’une prothèse impose son ablation. Cette ablation se fait simplement sous anesthésie locale en incisant la peau en regard du port d’injection puis en dégonflant totalement la prothèse qui peut alors être extraite. En cas d’érosion urétrale ou vésicale, il est préférable de laisser une sonde de Foley pendant une huitaine de jours. La cicatrisation est le plus souvent rapidement obtenue à l’aide de quelques soins locaux au niveau de la grande lèvre. Il est possible de remettre la prothèse, mais il faut attendre au moins trois mois pour faire ce geste. publiées sur l’évaluation des résultats chez la femme car le procédé est récent et ne s’adresse qu’à une population spécifique d’incontinence urinaire. Une étude prospective multicentrique française, présentée au congrès de l’Association française d’urologie en 2004 [8], sera prochainement publiée [9]. Soixante-huit patientes présentant une incontinence urinaire d’effort avec insuffisance sphinctérienne (PCmax = 23 ± 11 cm d’eau) ont été traitées par ce dispositif. Dix-huit patientes ont été explantées pour des érosions, déplacements, infections, mais 6 ont pu être réimplantées par la suite. À deux ans, 39 patientes sont évaluables : 6 (21 %) étaient sèches et 19 (66 %) étant très améliorées. Les résultats de notre série sont présentés lors du congrès de la SIFUD-PP en juin 2007 [10]. Entre octobre 2001 et octobre 2005, nous avons traité 40 patientes âgées en moyenne de 71 ans, présentant une incontinence d’effort avec insuffisance sphinctérienne. Quarante-cinq pour cent d’entre elles avaient déjà eu une cure chirurgicale d’incontinence et 15 % avaient une pathologie neurologique ayant un retentissement sur l’équilibre vésicosphinctérien. Vingt-deux et demi pour cent avaient une incontinence mixte et 40 % avaient une acontractilité vésicale. La PCmax était en moyenne de 24 cm d’eau. Sept patientes ont été explantées en raison d’une complication et 6 ont été réimplantées. Trois patientes ont eu une explantation dans le même temps que la pose d’un sphincter artificiel du fait d’une inefficacité. Le nombre d’ajustements était en moyenne de 1,9 (± 1,1). Avec un recul moyen de 15,3 mois, 15 % sont sèches, 30 % ont des fuites minimes, 40 % ont des fuites modérées et se considèrent améliorées, et 15 % conservent des fuites sévères. Une patiente présente une instabilité vésicale de novo. Migration de la prothè se Même à distance, on peut constater une migration de la prothèse, le plus souvent distale, le ballonnet étant palpé sur la face latérale de la partie basse du vagin. Il est possible de le changer pour le mettre en bonne position. Il faut alors le dégonfler totalement quelques semaines avant la réintervention. Rétention persistante C’est une situation rare (que je n’ai personnellement jamais eu à traiter). Les ballonnets peuvent être dégonflés, mais il est préférable d’attendre six semaines avant d’effectuer ce geste. Résultats Les études sur ce type de prothèse concernent essentiellement l’homme [2,7] et l’HAS a récemment émis un avis favorable, estimant un service rendu important avec nécessité d’un suivi prospectif pour le traitement de l’incontinence urinaire masculine. Peu d’études ont été Discussion Ces résultats peuvent être considérés comme nettement inférieurs aux autres thérapeutiques, mais ils concernent une population dont le traitement s’avère difficile et ne relèvent en général pas de traitements standards. L’intervention est assez courte (en moyenne 30 minutes) mais la mise en place des ballonnets n’est pas toujours aisée et il est possible qu’une partie des échecs soit due à une mauvaise position des ballonnets. Une imagerie en 3D (scanner par exemple) pourrait fournir des données intéressantes, mais on devrait alors comparer la population des échecs avec celle des succès. Un défaut de compliance urétrale peut être également un élément péjoratif dans cette population déjà opérée (pour certaines plusieurs fois), mais ce paramètre est difficile à évaluer. Il s’agit d’une technique encore très récente, peu répandue, qui doit faire l’objet d’autres évaluations et d’un suivi à plus long terme, mais il offre l’avantage de répondre à un vide thérapeutique pour les incontinences urinaires par insuffisance sphinctérienne lorsque les autres thérapeutiques ne peuvent pas être utilisées. En 202 outre, son caractère mini-invasif, la possibilité d’ajuster le volume des ballons et de retirer facilement la prothèse en cas de nécessité en font une thérapeutique originale pouvant avoir un grand intérêt dans les situations d’incontinence urinaire d’effort complexes ou à risques. Il existe en effet peu d’alternatives thérapeutiques : le sphincter artificiel donne d’excellents résultats dans les incontinences par insuffisance sphinctérienne [5], mais il s’agit d’une technique plus lourde ; les injections périurétrales donnent des résultats peu satisfaisants dans cette population [11], les bandelettes ajustables de type Remeex® [12] n’ont pas l’avantage de la réversibilité qu’offrent les prothèses ACT®. Aucune patiente n’a manifesté à distance de douleur ou d’inconfort en rapport avec la prothèse. Le retentissement sur la fonction sexuelle était difficile à analyser dans cette population âgée. 3. 4. 5. 6. 7. 8. Conclusion Par ses caractères mini-invasif, ajustable et réversible, le traitement de l’incontinence urinaire d’effort par la mise en place de ballonnets ACT® semble être une technique prometteuse dans les situations complexes ou à risques. Il complète l’arsenal thérapeutique dans cette population pour laquelle il existe peu d’alternatives. Références 1. El-Barky E, El-Shazly A, El-Wahab OA, et al. (2005) Tension free vaginal tape versus Burch colposuspension for treatment of female stress urinary incontinence. Int Urol Nephrol 37: 277-81 2. Trigo-Rocha F, Gomes CM, Pompeo AC, et al. (2006) Prospective study evaluating efficacy and safety of 9. 10. 11. 12. Adjustable Continence Therapy (ProACT) for post-radical prostatectomy urinary incontinence. Urology 67: 965-969 Hermieu JF, Milcent S (2003) Les bandelettes sousurétrales synthétiques dans le traitement de l’incontinence urinaire d’effort féminine. Prog Urol 13: 636-47 Hermieu JF (2003) Complications de la technique TVT. Prog Urol 13: 459-65 Roupret M, Chartier-Kastler E, Richard F (2005) Remeex® : une option thérapeutique envisageable dans des cas sélectionnés d’insuffisance sphinctérienne. Prog Urol 15: 489-93 Pycha A, Klingler CH, Haitel A, et al. (1998) Implantable microballoons: an attractive alternative in the management of intrinsic sphincter deficiency. Eur Urol 33: 469-75 Hubner WA, Schlarp OM (2005) Treatment of incontinence after prostatectomy using a new minimally invasive device: adjustable continence therapy. BJU Int 96: 587-94 Chartier-Kastler E, Costa P, Le Normand L (2004) Étude prospective multicentrique française des résultats (médiane un an) du traitement de l’incontinence urinaire d’effort (IUE) de la femme par insuffisance sphinctérienne à l’aide des ballons ACT© (Adjustable Continence Therapy) [UROMEDICA ©, Minneapolis, États-Unis]. 98e congrès de l’AFU. Paris Chartier-Kastler E, Costa P, Ben Naoum B, et al. (2007) Étude française prospective multicentrique de l’utilisation des ballons ACT® (Uromedica, Inc., Plymouth, MN, ÉtatsUnis; Medtronic, Minneapolis, États-Unis) pour le traitement de l’incontinence urinaire d’effort chez la femme. Prog Urol (in Press) Thelu S, Rigaud J, Labat JJ, Le Normand L (2007) Complications et résultats fonctionnels à moyen terme des ballonnets périurétraux de type ACT® dans la prise en charge de l’incontinence urinaire de la femme. 30e congrès de la SIFUD-PP. Perpignan Chapple CR, Haab F, Cervigni M, et al. (2005) An open, multicenter study of NASHA/Dx Gel (Zuidex) for the treatment of stress urinary incontinence. Eur Urol 48: 488-94 Campos-fernandes JL, Timsit MO, Paparel P, et al., (2006) Remeex® : une option thérapeutique envisageable dans des cas sélectionnés d’insuffisance sphinctérienne. Prog Urol 16: 184-91 Pelv Perineol (2007) 2: 203–214 © Springer 2007 DOI 10.1007/s11608-007-0136-y CONGRÈS / CONGRESS L’essentiel du 100e Congrès de l’Association française d’urologie 29 novembre-2 décembre 2006 (Paris) J.-F. Hermieu Service d’urologie, CHU Bichat, 46, rue Henri-Huchard, F-75018 Paris, France Le 100e Congrès de l’Association française d’urologie s’est déroulé à Paris au Palais des Congrès, du 29 novembre au 2 décembre 2006, sous la présidence de François Richard. Cent ans après la création de cette réunion nationale par Félix Guyon, ce congrès a montré le dynamisme de l’urologie française. Invité d’honneur en 2006 : l’American Association of Urology, représentée par son président, le Dr Lawrence S. Ross. Ce dernier a insisté sur la place historique de l’urologie française, sur les liens unissant les deux associations, sur les récentes innovations françaises, en particulier en matière de laparoscopie et de robotique, sur l’intérêt d’établir des recommandations internationales opposables aux pouvoirs publics. L’urologue de demain doit maı̂triser toute la spécialité avant, éventuellement, de se « surspécialiser ». Ce 100e congrès a été dense sur le plan scientifique, dans une ambiance toujours très conviviale. Le rapport, présenté par Emmanuel Chartier-Kastler et Alain Ruffion, a porté sur la prise en charge urologique des vessies neurogènes. De nombreuses communications, tables rondes, forum, états de l’art ont porté sur des sujets touchant la pelvi-périnéologie. Incontinence urinaire : travaux fondamentaux Injection de cellules musculaires L’injection de cellules précurseurs musculaires (CPM) est peut-être une des voies du traitement futur de l’incontinence urinaire. La préparation des CPM n’est cependant pas standardisée et demeure complexe. Yiou (O9), comparant l’injection de cellules satellites versus cellules non cultivées versus cellules non extraites de leurs fibres musculaires (FM) parentales, estime que l’expansion cellulaire in vitro ou la séparation des CPM de leur FM ne semblent pas avoir d’intérêt par rapport à l’utilisation decellules non préparées. L’injection péri-urétrale de FM et de CPM conduit à la dégénérescence des FM et à l’activation des CPM qui prolifèrent et fusionnent pour Correspondance : E-mail : [email protected] remplacer les FM en respectant l’organisation initiale (O10). Mé canismes de la continence urinaire : une é tude expé rimentale Julia Guilloteau (O12) a étudié les mécanismes de la continence urinaire chez la chatte anesthésiée lors d’un éternuement provoqué. Elle conclut que l’augmentation de la pression abdominale lors d’un éternuement s’accompagne d’une augmentation de pression en regard du sphincter strié de l’urètre et d’une contraction mesurable de ce dernier. La lésion de l’innervation somatique et parasympathique pelvienne diminue cette réponse et conduit, lorsqu’elle est bilatérale, à une incontinence urinaire. Bandelettes sous-urétrales et incontinence urinaire féminine Ré sultats de la bandelette Aris® Saussine (O13) rapporte les résultats du registre multicentrique européen concernant la bandelette sous-urétrale transobturatrice Aris® (bandelette de polypropylène implantée de dehors en dedans). Sur 342 bandelettes implantées dans 13 centres, 26 complications (7,6 %) opératoires (saignements mineurs, plaies vaginale, vésicale, urétrale) et 55 complications (16 %) postopératoires (rétention urinaire, dysurie, retard de cicatrisation et érosion vaginale, urgenturie de novo) ont été observées. Cette morbidité per- et postopératoire n’a pas eu de conséquence grave ni d’influence sur les résultats à court et moyen terme (à trois mois : patientes guéries : 87,5 %, patientes améliorées : 9,2 %). Morbidité de la voie transobturatrice de dedans en dehors Collinet (O14) évalue la morbidité de la voie transobturatrice de dedans en dehors. Sur 984 bandelettes implantées 204 par 89 opérateurs (gynécologues ou urologues), les complications suivantes ont été notées : – plaie vésicale 0 % ; – plaie vaginale latérale 1,3 % ; – plaie urétrale 0,1 % ; – hématome paravésical nécessitant un drainage 0,1 % ; – rétentions vésicales nécessitant une réintervention 0,8 % ; – douleurs résiduelles 2,7 % ; – dysurie 17,3 % ; – impériosités de novo 5,3 % ; Six patientes (0,6 %) ont été réopérées à distance : – pour érosion vaginale (2) ; – section de bandelette pour rétention urinaire (2) ; – récidive de l’incontinence urinaire (2). À court terme (4 à 12 semaines), 90 % des patientes étaient guéries de leur incontinence, 8,7 % améliorées. Collinet conclut sur la supériorité, en termes de morbidité peropératoire de cette voie, d’abord par rapport à la voie rétropubienne. Ré tention urinaire aprè s pose de bandelette sous-uré trale : inté rê t de la reprise pré coce Landreat (O15) s’intéresse à la prise en charge chirurgicale précoce des rétentions aiguës d’urines après pose de bandelette sous-urétrale. Dans une étude rétrospective portant sur 951 bandelettes posées dans quatre centres, il rapporte 42 rétentions d’urines persistantes. Le relâchement chirurgical précoce de la bandelette avec un délai médian de cinq jours a permis la reprise immédiate des mictions sans récidive de l’incontinence urinaire alors que la section plus tardive de la bandelette (médiane 86 jours) a permis la reprise des mictions, mais avec récidive de l’incontinence urinaire pour près d’une patiente sur deux. Il conclut sur l’intérêt du relâchement chirurgical précoce dans cette situation. Cette étude est, cependant, malheureusement rétrospective et sans justification statistique. Incontinence urinaire après prostatectomie radicale L’incontinence urinaire après prostatectomie radicale est un handicap particulièrement gênant alors que cette chirurgie est pratiquée chez des hommes jeunes actifs et que le nombre d’interventions est en constante augmentation du fait d’un dépistage du cancer de prostate de plus en plus minutieux. La recherche d’éléments prédictifs de l’incontinence, d’artifices techniques ayant pour objectif de diminuer ce risque, et de solutions thérapeutiques si possibles mini-invasives – pour remédier à cette complication – a fait l’objet de nombreuses communications. Existe-t-il des facteurs urodynamiques pré dictifs de la continence urinaire aprè s prostatectomie radicale ? Hétet (O60) recherche des facteurs urodynamiques prédictifs de la continence postopératoire. Dans une étude prospective portant sur 602 patients opérés par 4 chirurgiens pratiquant la même technique de prostatectomie, il a mesuré la longueur urétrale fonctionnelle (LUF), la pression de clôture urétrale maximale (PCMU) et la PCMU lors d’un effort de contraction volontaire. Ces mesures sont effectuées avant l’intervention, à six mois, éventuellement à neuf et douze mois, et sont comparées à l’état de continence. Les taux de continence évoluaient de 15,1 % à un mois postopératoire, à 96,3 % à douze mois, le retour à la continence se faisant à 3,8 ± 2,2 mois. Il existait une différence statistiquement significative de ces trois paramètres urodynamiques entre patients continents et incontinents, avant ou après prostatectomie radicale, quelle que soit la période de réalisation du bilan urodynamique. La LUF est le seul paramètre restant toujours constant quelles que soient la durée et l’intensité de la rééducation postopératoire. La limite de 9 ± 0,8 mm est avancée comme valeur observée chez les patients récupérant tardivement leur continence ou ne la récupérant pas. L’auteur conclut sur l’intérêt de réaliser un bilan urodynamique avant une prostatectomie radicale. Une discussion s’ouvre sur la difficulté de mesurer la pression urétrale, sur les nombreux paramètres susceptibles de la faire varier, sur sa reproductibilité pas toujours bonne. Haute pression dans l’urètre n’est pas synonyme de structure contractile efficace, mais peut témoigner d’un trouble de la compliance urétrale. En ces temps de restrictions de budget de santé, le bilan urodynamique systématique avant prostatectomie radicale peut-il être préconisé ? Dispositif de suture automatique pour anastomose vé sico-uré trale ! Gaillet (O61) propose l’utilisation d’un dispositif de suture automatique (Capio®) pour faciliter l’anastomose vésico-urétrale après prostatectomie radicale. Sur une courte série de 15 patients, elle conclut à la simplicité d’utilisation de ce dispositif pour des résultats fonctionnels équivalents à une anastomose manuelle. La discussion de la communication porte sur le rapport coût/ efficacité de ce dispositif qui n’apparaı̂t pas évident, en tout cas pour une chirurgie à ciel ouvert. L’adaptation de ce dernier pour la prostatectomie laparoscopique sera peut-être intéressante. Quelques artifices chirurgicaux pour amé liorer la continence urinaire postopé ratoire : suspendre le né ocol vé sical ou utiliser le robot ? Hervé (O62) évalue l’intérêt, en terme de continence urinaire, de fixer à l’aide de fils résorbables, le néocol 205 vésical à la portion pubo-périnéale des muscles releveurs de l’anus, de part et d’autre de l’urètre, lors de la prostatectomie radicale laparoscopique. Sur une courte série de 18 patients, 33 % des patients « fixés » étaient totalement continents à j + 8 et M + 1 versus aucun dans le groupe « non fixé ». Ces résultats nécessitent confirmation à trois et six mois et sur une série plus importante. Bruyère (O63) rapporte les résultats fonctionnels à un an de la prostatectomie radicale robotisée. Sur une série prospective de 139 patients évaluables, il signale un taux de continence postopératoire de 94,3 % et d’érection de 34 %. Ces résultats sont proches de la prostatectomie radicale non robotisée. Utilisation d’une bandelette sous-uré trale pour traiter l’incontinence urinaire aprè s une prostatectomie radicale est-elle un choix judicieux ? Fassi-Fehri (O66) évalue le dispositif Invance® sur une des séries publiées les plus importantes, tant sur le nombre de bandelettes implantées que sur le recul du suivi. Cinquante-sept bandelettes ont été posées chez des patients incontinents après chirurgie prostatique, sans antécédent de radiothérapie pelvienne. Le recul moyen était de treize mois (3-32 mois). La morbidité comportait deux hématomes périnéaux, huit rétentions urinaires transitoires, deux infections cutanées, un abcès périnéal, trois infections de bandelette, 8 douleurs postopératoires régressives. 37,5 % des patients étaient totalement continents en postopératoire, 34 % améliorés, 28,5 % inchangés. Le taux de succès était proportionnel à la sévérité de l’incontinence (90 % en cas d’incontinence faible, 70,5 % en cas d’incontinence modérée, 50 % en cas d’incontinence sévère). Ces résultats sont comparables à ceux publiés par Chauveau (O65) en termes de morbidité et de résultats à court terme. Chauveau insiste cependant sur la dégradation des résultats avec le temps, le taux de patients totalement continents passant de 93 % à un mois, à 62 % à six mois. Une des explications de cette altération des résultats pourrait être la désinsertion des vis d’ancrage osseux. Ces difficultés de mise en place sont signalées par Saussine (O64) qui, sur une série de 20 patients, montre que 60 % des patients opérés ont une ou plusieurs vis d’ancrage, non au contact de l’os, soit par mauvaise fixation initiale, soit par désinsertion. Les explications avancées sont une mauvaise technique de pose en début d’expérience, mais aussi un matériel peutêtre mal adapté (vis conique de trop petite taille) ou un os de qualité insuffisante au niveau ischio-pubien. Ces séries ne permettent certainement pas d’avancer aujourd’hui que cette technique est la technique de référence du traitement de l’incontinence urinaire modérée après chirurgie prostatique. La morbidité est loin d’être négligeable, le recul encore insuffisant. Sur le plan physiopathologique, l’échec des techniques de compression décrites il y a plusieurs dizaines d’années, les complications de l’ancrage osseux proposé il y a quelques années dans le traitement de l’incontinence urinaire féminine (Vesica®), amènent à modérer pour le moment l’enthousiasme des firmes commercialisant ce type de produit. Incontinence aprè s prostatectomie radicale : les recommandations du Comité des troubles mictionnels Animé par Alexandre de la Taille, le Comité des troubles mictionnels émet en 2006 des recommandations pour la prise en charge de l’incontinence urinaire après prostatectomie radicale : – à la phase de prévention. En préopératoire : amélioration de la connaissance de la topographie des lésions par imagerie pour guider l’indication et la technique opératoire, kinésithérapie systématique. En peropératoire : préservation, de principe, de l’anatomie périprostatique, mais avec comme premier objectif la sécurité carcinologique (avoir une marge négative). Adaptation du geste à la topographie des lésions. Importance de l’expérience du chirurgien. – à la phase de diagnostic : interrogatoire par des questionnaires validés (SF36, ICIQ), pad test, fibroscopie en cas de doute de sténose, bilan urodynamique ; – à la phase de traitement : la rééducation par un kinésithérapeute est essentielle et doit débuter dans les semaines qui suivent l’intervention. Le traitement par anticholinergique ou oxybutinine n’a pas prouvé son efficacité. Le traitement par injection de macroplastique semble n’avoir qu’un effet limité dans le temps. De nouvelles approches chirurgicales semblent prometteuses et sont en cours d’évaluation : ballons périurétraux et bandelettes sous-urétrales. Le sphincter artificiel est le traitement ayant prouvé son efficacité, mais aussi sa nécessité de réintervention sur le moyen et long terme. La thérapie cellulaire est peut-être la solution de demain. Dysfonction érectile et traitement du cancer localisé de la prostate Ré sultats de l’é tude REPAIR Plusieurs communications (O67, O68, O163) donnent les résultats de l’étude REPAIR conduite par l’AFU et le laboratoire Schwartz-Pharma portant sur les troubles fonctionnels après prostatectomie radicale. Quarantedeux pour cent (535) des urologues français ont participé à cette étude analysant 2644 patients. Les fuites urinaires sont considérées comme les plus gênantes dans les trois premiers mois postopératoires. Au-delà de trois mois, les 206 difficultés d’érection passent au premier plan. Cet aspect est volontiers sous-estimé par les urologues qui ne proposent une prise en charge active qu’à moins d’1 patient sur 2 alors que 3 patients sur 4 souhaiteraient un traitement efficace (O68). Néanmoins, 80 % des urologues évaluent en préopératoire la vie sexuelle de leurs patients. La prise en charge de la dysfonction érectile (DE), quand elle a été effectuée, l’a été à quelques jours après l’intervention (9 % des patients), à un à trois mois (70 %), à trois à six mois (15 %). Les protocoles thérapeutiques utilisés en première intention sont assez hétérogènes et comportaient : des injections intracaverneuses (IIC) régulières et répétées avec l’objectif d’une « rééducation » (39 %), des IIC à la demande (30 %), des inhibiteurs de la phosphodiestérase 5 (IPDE5) de manière régulière et répétée (16 %), des IPDE5 à la demande (8 %), l’association IIC et IPDE5 (7 %). La durée de prise en charge préconisée par les urologues était de six mois pour 20 % d’entre eux, un an pour 38 %, deux ans pour 33 %, plus de deux ans pour 5 %. Ré cupé ration de la fonction é rectile aprè s prostatectomie radicale avec pré servation nerveuse Dans une population de 146 patients ayant subi une prostatectomie radicale rétropubienne avec préservation nerveuse (bilatérale 128, unilatérale 18) pour cancer localisé de la prostate, Thoulouzan (O164) s’intéresse à la récupération de la fonction érectile. Tous les patients ont réalisé un protocole d’injections intracaverneuses de prostaglandine précoce et rempli des questionnaires IIEF-5 avant l’intervention et à trois, six, neuf, douze mois. La reprise des rapports sexuels sans aide pharmacologique a eu lieu à trois mois (13,5 %), six mois (42,8 %), un an (70 %). À un an, 70,6 % des patients n’ont plus de DE ou ont une DE légère. Cathala (O165) s’intéresse à la même problématique dans une série prospective de 1078 patients ayant subi une prostatectomie radicale avec conservation uni- ou bilatérale des bandelettes vasculo-nerveuses. Un traitement par Tadalafil un jour sur deux dès j + 5 postopératoire et IIC à trois ou six mois postopératoire a été proposé. Des questionnaires IIEF5 ont été remplis. Sous réserve de 609 patients évaluables, l’auteur conclut à une dégradation considérable de la fonction érectile après prostatectomie radicale, malgré une prise en charge pharmacologique, et à une amélioration de l’érection à deux ans, sous réserve d’une préservation bilatérale et d’un traitement médical prolongé. AblathermTM et fonction é rectile L’utilisation d’ultrasons focalisés de haute intensité (HIFU) [AblathermTM] fait partie des alternatives thérapeutiques possibles du cancer localisé de la prostate. Dans une étude prospective monocentrique, Chevallier (O165b) évalue 45 patients porteurs d’un cancer prostatique à faible risque d’évolutivité, ayant un statut érectile préopératoire normal, sans facteur de comorbidité et ayant une partenaire stable depuis plus d’un an, soumis à un HIFU avec préservation bilatérale d’une marge capsulaire de sécurité. Cette évaluation réalisée avant l’intervention puis pendant un an comportait une évaluation de la fonction érectile (IIEF5, pharmacoécho-doppler, pléthysmographie nocturne) et une évaluation carcinologique (PSA, biopsies prostatiques). Aucune différence significative de la fonction érectile n’était constatée pour 70 % des patients qui conservaient des érections et une sexualité satisfaisante sans aide pharmacologique avant le sixième mois. Trente pour cent des patients présentaient une dégradation de la fonction érectile à trois mois, récupérant totalement à sept mois et demi avec un protocole de « relance pharmacologique » de l’érection (inhibiteur de la phosphodiestérase 5 quotidien pendant un mois puis à la demande). Sous réserve d’un court délai de suivi (un an), la maladie était considérée comme contrôlée pour tous les patients (PSA moyen 1,2 ng/ml, biopsies prostatiques négatives). L’auteur conclut à l’intérêt thérapeutique de la technique HIFU, tout en permettant de conserver une fonction érectile normale. Influence de la diffé rence d’âge entre le patient et sa partenaire sur la fonction é rectile aprè s prostatectomie radicale De nombreux paramètres souvent mal identifiés influencent la qualité des érections. Parmi ceux-ci, le rôle de la partenaire, pourtant essentielle à la qualité de la relation sexuelle, est rarement signalé dans les études portant sur la DE. Descazeaud (O166) s’intéresse à l’influence de la différence d’âge entre le patient soumis à une prostatectomie radicale et sa partenaire sur sa fonction érectile. Dans une cohorte de 240 patients opérés, 189 étaient sexuellement actifs en préopératoire. Le taux d’érection postopératoire avec un recul minimum d’un an était de 59 %. En analyse multivariée, la différence d’âge était un facteur prédictif d’érection postopératoire, indépendamment de l’âge du patient. L’auteur suggère que ce paramètre soit précisé dans les séries publiées de prostatectomie radicale et pourrait utiliser ce paramètre pour conseiller les patients en préopératoire... Place de l’implant pé nien dans la dysfonction é rectile aprè s prostatectomie radicale Alors que la mise en place d’implants péniens est relativement peu pratiquée pour traiter la DE après prostatectomie radicale, Menard (O167) se propose d’étudier les résultats de cette intervention dans cette indication. Quarante-neuf prothèses péniennes sont implantées pour traiter une DE avec un délai moyen de 207 28,7 mois après prostatectomie radicale et un suivi moyen de 28,8 mois. Les résultats sont évalués sur la satisfaction subjective, les scores IIEF, la morbidité et ils sont comparés à une série non contemporaine de 233 implantations de prothèses péniennes pour d’autres étiologies. Quatre-vingt-quinze pour cent des prothèses implantées sont gonflables. Le risque de sepsis (2 %), de dysfonction mécanique (4,1 %), de révision chirurgicale (8,2 %) n’est pas significativement augmenté dans le groupe « prostatectomie radicale ». Malgré une satisfaction subjective de 95,3 %, les scores IIEF moyens pré- et postopératoires sont significativement plus bas dans le groupe prostatectomie, ce que l’auteur tente d’expliquer par la brutalité de la perte de la fonction érectile après prostatectomie. Dysfonction érectile Quel bilan biologique devant une dysfonction é rectile ? La deuxième consultation sur les DE recommande, face à une DE, d’évaluer la glycémie et le profil lipidique, si cela n’a pas été effectué depuis un an, ainsi que la testostéronémie bio, disponible en cas de risque ou de suspicion d’hypogonadisme. Delavierre (O89) a évalué la pertinence de cette recommandation pendant un an. Face à une DE, ce dépistage a permis de déceler une dyslipidémie pour 36,4 % des patients, un hypogonadisme pour 20,5 % (principalement après 50 ans, ou avant 50 ans alors qu’avait été constatée une altération du désir sexuel et/ou une hypotrophie testiculaire). En revanche, un diabète n’a été détecté que pour 0,9 % des patients. Dysfonction é rectile : un marqueur de la cardiopathie isché mique ? L’association DE et cardiopathie ischémique (CI) est soutenue par une physiopathologie commune (atteinte des voies neuromusculaires dépendantes de la sécrétion de NO et dysfonction endothéliale). La DE pourrait ainsi être considérée comme un marqueur de CI silencieuse. Afin de démontrer cette hypothèse, Dubosq (O90) a sélectionné dans une étude prospective 31 patients âgés de 45 à 70 ans, consultant pour DE non psychogène, non organique pure, évoluant depuis plus de six mois, ayant au maximum deux facteurs de risque cardio-vasculaires et n’ayant pas de CI symptomatique. Cette population a été explorée sur le plan urologique, andrologique et cardiologique (examen cardio-vasculaire, ECG, scintigraphie myocardique avec épreuve d’effort). Neuf patients (29 %) présentaient une hypofixation scintigraphique témoignant d’une ischémie myocardique silencieuse. La DE pourrait donc être un facteur révélateur de coronaropathie justifiant un bilan cardiologique systématique. La dysfonction é rectile est-elle correctement prise en charge chez le diabé tique ? Alors que la DE est fréquente chez le diabétique sévère, il semble que cette pathologie soit rarement systématiquement recherchée par les médecins traitants ou les diabétologues. À l’aide de questionnaires, Godeau (O91) a interrogé 164 patients consultant en diabétologie pour connaı̂tre la prise en charge de la DE et les souhaits du patient. La DE existait pour 74,5 % des patients et était considérée comme un moyen ou gros problème pour 42 % d’entre eux, justifiant un traitement pour près de neuf patients sur dix. Pourtant ce problème n’avait été spontanément abordé que par 29 % des médecins traitants hommes et 13 % des médecins femmes, le patient abordant le plus souvent lui-même ce sujet. En cas de DE, une prescription a été effectuée par 48 % des médecins traitants et seulement 18 % des endocrinologues. Le recours à un médecin spécialiste de la DE a concerné 12 % des médecins traitants et 28 % des endocrinologues. Il reste encore de l’information et de la formation à faire... Dysfonction é rectile, blessé mé dullaire et inhibiteur de la phosphodiesté rase 5 La DE est fréquente chez le blessé médullaire. Giuliano (O97), dans une étude internationale, multicentrique, randomisée en double insu, contrôlée versus placebo, a étudié l’efficacité et la tolérance du tadalafil administré dans une population de blessés médullaires souffrant de DE. Cette étude était financée par le laboratoire Lilly. L’efficacité était évaluée par le score IIEF et le carnet journalier des rapports sexuels. Le Tadalafil a amélioré significativement, par rapport au placebo, tous les paramètres de l’érection. Il améliorait significativement l’éjaculation et l’orgasme. Les événements indésirables les plus fréquents étaient les céphalées (8,5 versus 4,5 %) et les infections urinaires (7,7 versus 6,8 %). Quelle influence entre le dé lai de prise d’un inhibiteur de la phosphodiesté rase 5 et le rapport sexuel ? Si les trois inhibiteurs de la IPDE5 ont le même mécanisme d’action, ils ont des propriétés pharmacocinétiques différentes justifiant des modalités de prise différentes. Dans une étude observationnelle, prospective, réalisée en médecine générale, Giuliano (O98) a recruté 1402 patients souffrant de DE et traités par IPDE5. Pour les 5842 rapports sexuels documentés, le délai médian entre la prise médicamenteuse et le rapport sexuel était d’une heure pour le Sildénafil et le Vardénafil et de 1,5 heure pour le Tadalafil. Il conclut que malgré les recommandations de prise du traitement, le délai entre la prise du médicament et le rapport sexuel a peu d’influence dans la vie réelle. 208 Existe-t-il encore une place pour l’implant pé nien dans la dysfonction é rectile ? Table ronde entre François Giuliano (FG), Antoine Faix (AF) et Thierry Lebret pour répondre à cette question un peu polémique. Un patient de 66 ans présentant une DE sévère avec libido conservée, ayant des antécédents cardio-vasculaires bien traités et pour lequel traitement oral et injections intracaverneuses ont été des échecs, doit-il se voir proposer un implant pénien ? Non pour FG, qui préfère augmenter par palier les IIC jusqu’à 60 mg par injection – comme cela est bien documenté dans la littérature –, mais cette dose est au-delà de la dose autorisée dans l’AMM, ou associer IPDE5 et IIC pour agir sur deux systèmes enzymatiques de relaxation musculaire. Pourquoi détruire définitivement les corps caverneux de ce patient alors que les nombreuses molécules en développement pourront peut-être demain lui proposer la solution pharmacologique idéale ? Oui pour AF, pour lequel cette situation clinique est idéale pour l’implantation de prothèse (contexte cardiologique, bon contexte psychologique et conjugal, libido conservée). La DE est réfractaire aux doses maximales autorisées par les AMM. Il ne reste donc que ce choix avec 75 % de chance de succès et un taux de complications faible avec les améliorations du matériel et des techniques de pose. Une récente étude française rapporte un taux de 86 % de satisfaction postopératoire après pose d’implant pénien ! Prothè se pé nienne aprè s 65 ans : une option raisonnable ? Staerman (O145) compare les résultats de 79 implantations de prothèses péniennes chez des hommes de plus de 65 ans aux données issues d’une banque de données nationales concernant des hommes de moins de 65 ans. Les prothèses implantées étaient : gonflables deux pièces (46 %) ou gonflables trois pièces (46 %). La morbidité (sepsis 3,8 %, dysfonction mécanique 5,1 %, migrationérosion-auto insufflation-hématomes-douleurs 6,3 %) et les scores IIEF n’étaient pas significativement différents dans les deux groupes. L’auteur estime ainsi que l’âge n’est pas un critère restrictif à la pose d’une prothèse. E´valuation multicentrique des implantations de prothè ses pé niennes La banque de données du Club des implanteurs de prothèses péniennes permet une évaluation multicentrique des pratiques d’implantation (O146). Deux cent quatre-vingt-deux prothèses péniennes ont été implantées dans trois centres entre 1996 et 2005, en moyenne après 39,2 mois de DE, chez des patients d’un âge moyen de 58,6 ans. Les étiologies principales de la DE étaient artérielles (35,3 %), le diabète (22,8 %), la prostatectomie radicale (16,5 %). Les prothèses implantées étaient semirigides (2,1 %), gonflables une pièce (5,7 %), deux pièces (33,7 %), ou trois pièces (58,5 %). Le taux de sepsis était de 2,2 % (1re pose), 3,8 % (poses itératives), de dysfonctions mécaniques de 7,5 % (1 r e pose), 9,4 % (poses itératives). Le risque septique est augmenté significativement en cas de diabète (7,6 %). La satisfaction globale postopératoire était de 86,7 % et le score IIEF évoluait de 20,5 ± 11,8 en préopératoire à 68,9 ± 5,4 en postopératoire. Ces résultats sont conformes aux grandes séries internationales et montrent les bons résultats de cette technique. Andrologie-sexologie (dysfonction érectile exclue) Coude de verge : le mieux est l’ennemi du bien Camerlo compare les résultats de la plicature d’albuginée à la résection d’albuginée-greffe pour corriger une courbure de verge. Si la plicature d’albuginée satisfait 88,6 % des patients au prix d’un raccourcissement significatif de verge pour 52 % d’entre eux, le taux de satisfaction est seulement de 29 % après résection-greffe, avec 57 % de courbure résiduelle et 15 % de dysérection postopératoire. Même si ces résultats descriptifs n’ont pas de valeur statistique, l’auteur préfère la plicature d’albuginée pour sa simplicité et sa faible morbidité. E´pidé miologie des troubles de l’é jaculation chez le jeune sportif Cent quatre-vingt-onze questionnaires évaluant les habitudes sexuelles, l’éjaculation ou la qualité de vie ont été remplis par une population d’hommes jeunes en bonne santé (O139). L’âge moyen était de 36 ans. Près d’un tiers de ces hommes décrivaient un trouble de l’éjaculation, mais seulement 10 % d’entre eux souhaitaient une prise en charge médicale. La DE n’est ainsi pas le seul trouble de la sexualité. L’auteur estime qu’une meilleure information sur les différents troubles de la sexualité et leurs possibilités thérapeutiques est nécessaire. Chirurgie du prépuce : le point de vue de l’UNCAM Soixante-seize mille interventions dont 56 000 posthectomies ont été réalisées en 2006 sur le prépuce. Cette chirurgie représenterait un coût de l’ordre de neuf millions d’euros et serait réalisée chez l’enfant de moins de 7 ans pour 65 % des cas ; dans la région Îlede-France 4 fois sur 10, plus de 9 fois sur 10 sous anesthésie générale et 7 fois sur 10 par un chirurgien urologue. 209 Le remboursement de cette intervention est normalement lié à l’existence d’une cause médicale, la circoncision de convenance n’étant pas prise en charge par les organismes sociaux qui s’interrogent cependant sur l’intérêt prophylactique de la circoncision et les risques de sa réalisation en milieu non médicalisé. Affaire à suivre... La pratique de circoncision pour raison non médicale peut donner lieu à des risques médico-légaux particuliers. Mieux vaut obtenir l’accord des deux parents et de l’enfant, s’il est en âge de le faire, et de son assureur... Hyperactivité détrusorienne réfractaire Ré sultats de la neuromodulation sacré e La neuromodulation est une des modalités de prise en charge thérapeutique des troubles urinaires réfractaires. Dans une étude rétrospective, Gignoux (O100) rapporte les résultats de l’équipe de Nantes. Sur 79 patients testés, 41 (52 %) [88 % de femmes, âge moyen : 54,6 ans, moyenne de l’ancienneté des troubles : 12,3 ans] ont été implantés. À six mois, 63 % des patients ont une amélioration clinique et subjective de plus de 50 %, ce taux diminuant à 53 % à 24 mois. Sept patients sur 10 ont présenté des complications : douleurs 61 %, infections 9,8 % (nécessitant une explantation pour un patient), problèmes techniques 24 dont 17 % de révision (repositionnements d’électrodes pour inefficacité, déplacement du boı̂tier). Ces résultats, moins bons que ceux publiés dans la littérature, amènent à proposer de comparer la neuromodulation sacrée à d’autres modalités thérapeutiques (injection de toxine botulique, neuromodulation pudendale). Cystectomie avec dé rivation urinaire pour troubles mictionnels ré fractaires : laparotomie ou laparoscopie ? La cystectomie avec dérivation urinaire est parfois nécessaire dans la prise en charge de troubles mictionnels chez le patient neurologique. Le développement de la laparoscopie amène à proposer cette nouvelle voie d’abord dans cette indication. Guillotreau (O103) a pour objectif de comparer la morbidité de la cystectomie par laparotomie versus laparoscopie. Quarante-cinq patients (24 femmes, 21 hommes) présentant des troubles vésicosphinctériens d’origine neurologique ont subi une cystectomie par laparoscopie (30) ou par laparotomie (15). Une dérivation de type Bricker a été réalisée pour 36 cas et une néovessie iléale pour huit cas. La voie laparoscopique a conduit à un saignement significativement moins important, une morbidité majeure et mineure plus faible, une reprise plus rapide du transit intestinal, une réduction de la durée de l’hospitalisation et des complications tardives. Cette étude est très discutable sur le plan méthodologique. Par ailleurs, si les chiffres de morbidité cités pour la voie laparoscopique sont conformes à ceux décrits à ce jour dans la littérature, on est frappé par la morbidité tout à fait inhabituelle de la voie laparotomique (complications majeures : 86,7 %, complications mineures : 73,3 %, durée d’hospitalisation en soins intensifs : 22,1 ± 36,4 jours, complications tardives : 66,7 %). Injections dé trusoriennes de toxine botulique A et ré duction de l’incidence des infections urinaires symptomatiques dans les hyperactivité s dé trusoriennes neurologiques Game (O105) réalise des injections intra-détrusoriennes de 300 UI de toxine botulique A chez 30 patients (18 hommes, 12 femmes) présentant une hyperactivité détrusorienne d’origine neurologique (sclérose en plaques : 15 cas, traumatisme médullaire : 14 cas, myélite : 1 cas). Vingt-deux patients présentaient une incontinence urinaire. Des explorations urodynamiques étaient réalisées avant et six semaines après l’injection. Le nombre d’infections urinaires symptomatiques était noté dans les six mois précédant et suivant l’injection. L’auteur constate une réduction significative du nombre moyen d’infections urinaires symptomatiques 0,2 ± 0,41 contre 1,75 ± 1,87. Il attribue cette réduction à l’amélioration des paramètres urodynamiques témoignant d’une amélioration des capacités vésicales de réplétion à basse pression. Inté rê t des injections trigonales de toxine botulique A dans l’hyperactivité vé sicale idiopathique Il est classique de ne pas réaliser d’injections intradétrusoriennes de toxine botulique dans le trigone, région pourtant souvent impliquée dans la survenue d’impériosités mictionnelles. Afin d’étudier la morbidité et l’efficacité de ces injections, Karsenty (O107) réalise des injections trigonales de 200 UI de toxine botulique A chez 11 patientes présentant une hyperactivité vésicale idiopathique réfractaire, y compris à la neuromodulation. Il n’y a eu aucun reflux vésico-rénal induit. Il a été constaté une amélioration significative des scores symptomatiques, une diminution significative du nombre de mictions quotidiennes, une augmentation significative de la capacité vésicale cystomanométrique. L’auteur conclut à l’intérêt de ces injections trigonales, résultats à confirmer dans de plus importantes séries, si possibles comparatives à des protocoles classiques excluant le trigone. Effets des injections intradé trusoriennes de toxine botulique A sur la sensibilité vé sicale et la stimulation é lectrique endové sicale Afin de mieux comprendre les mécanismes possibles d’action de la toxine botulique A dans l’hyperactivité 210 vésicale, Karsenty (O106) compare les volumes, sur neuf patients présentant une hyperactivité vésicale réfractaire (neurogène pour six patients), aux différentes sensations de besoin, ainsi que les seuils de perception pour quatre protocoles de stimulation électrique endovésicale. Il constate une augmentation significative des volumes et des seuils de perception de stimulation électrique. Il suggère en effet des injections de toxine botulique sur les voies afférentes d’origine vésicale. Risque de ré tention urinaire aprè s injection intradé trusorienne de toxine botulique A dans l’hyperactivité vé sicale non neurologique ré fractaire Boillot (O108) rapporte une série rétrospective de 30 patients, présentant une hyperactivité détrusorienne non neurologique rebelle, traités par 30 UI de toxine botulique A intradétrusorienne. L’évaluation était clinique et par scores symptomatiques ou de qualité de vie. À trois mois, 90 % des patients ont une amélioration de leur score MHU (4 contre 18-21 en préopératoire), cette amélioration persistant à six mois. Un trouble de l’évacuation vésicale a concerné 17 % des patients, 10 % des patients étant toujours aux autosondages à six mois ! L’auteur conclut à l’efficacité du traitement, mais aussi à sa morbidité, en particulier lorsqu’il existe une dysurie préopératoire, un antécédent de chirurgie d’incontinence à l’effort, un âge supérieur à 70 ans. Les raisons du choix d’une dose de 300 UI, habituellement utilisée chez le neurologique pour lequel le risque de rétention est accessoire en raison de la pratique habituelle de l’autosondage, ne sont pas précisées. Urologue et la grossesse Le forum du Comité d’urologie et de pelvi-périnéologie de la femme, animé par Jean-François Hermieu, a porté cette année sur les particularités de la prise en charge urologique au cours de la grossesse. Imagerie au cours de la grossesse Grenier et Lapray ont fait le point sur l’imagerie urologique au cours de la grossesse. Pendant la grossesse, les techniques irradiantes ciblées sur l’abdomen et surtout sur le pelvis doivent être évitées, en particulier au cours du premier trimestre. Les techniques ultrasonores et IRM doivent toujours être privilégiées, mais cette dernière reste contre-indiquée au premier trimestre, par principe de précaution plus que du fait d’une nocivité démontrée. De même, l’injection de gadolinium est contre-indiquée en cas de grossesse, par principe de précaution. Néanmoins, si un examen radiologique s’avère nécessaire sur le plan médical, le risque encouru par la mère peut être plus grand que celui du préjudice potentiel pour le fœtus. Il faut savoir que le risque de mort fœtale, de malformation ou de retard mental est faible, même si le fœtus se trouve dans le faisceau direct. Dans ce cas, l’estimation de la dose fœtale sera nécessaire. Dans la mesure où cette dose est presque toujours inférieure à 100 mGy (seuil minimum pour les malformations radioinduites), l’interruption de grossesse n’est quasiment jamais justifiée. En cas d’évaluation d’une hydronéphrose douloureuse, qui intéresse presque toujours les deuxième et troisième trimestres, l’échographie-doppler et l’uro-IRM (sans injection) peuvent régler pratiquement tous les problèmes en faisant la part entre une obstruction « physiologique » et un obstacle surajouté, de type lithiasique le plus souvent. Le recours à un examen TDM spiralé, en basses doses et sans injection, peut même être envisagé au troisième trimestre. En cas de pyélonéphrite, aucun examen n’est nécessaire en dehors de l’échographie, le diagnostic reposant sur la clinique et la bactériologie. L’analyse d’un obstacle éventuel, comme dans le cas précédent, ou d’une complication de type abcédation, pourra justifier un recours à l’IRM. En ce qui concerne la pathologie vésicale, les ultrasons et la cystoscopie permettent en général de se passer d’exploration à risque. Complications urologiques au cours de la grossesse Hermieu a insisté sur les complications urologiques de la grossesse. En raison de modifications anatomiques, physiologiques et fonctionnelles des voies urinaires, la grossesse peut être responsable de nombreuses pathologies urologiques s’exprimant parfois dans un contexte d’urgence et dont certaines peuvent menacer le pronostic vital materno-fœtal. L’état de grossesse rend le diagnostic souvent plus difficile car de nombreuses investigations, dont certaines radiologiques, sont déconseillées chez la femme enceinte. Les possibilités thérapeutiques sont limitées, de nombreuses molécules ou certaines procédures chirurgicales étant contre-indiquées, ou présentant le risque de déclencher le travail ou d’être délétères pour le fœtus. Entre le confort de la patiente et le développement normal du fœtus, des compromis sont parfois nécessaires. Le rapport bénéfice/risque doit être particulièrement bien analysé, ce qui nécessite une parfaite connaissance des particularités des pathologies urologiques chez la femme enceinte. L’incidence de la lithiase urinaire au cours de la grossesse est de l’ordre de 1/1500. Elle survient préférentiellement au deuxième et troisième trimestre se manifestant surtout par une lombalgie et/ou une hématurie, mais la symptomatologie est parfois trompeuse. Si sept à huit calculs s’éliminent spontanément, un geste urologique est parfois nécessaire, l’attitude classique étant d’assurer le libre écoulement des urines, le traitement 211 définitif du calcul étant réalisé après l’accouchement. Les indications, avantages et inconvénients des différents modes de drainage urinaire et traitements, seront développés durant le forum. La rupture rénale spontanée est une complication rare au cours de la grossesse. Elle peut survenir dans trois circonstances : rupture spontanée sans cause, rupture de la voie excrétrice liée à une obstruction ou enfin, rupture secondaire à une tumeur (angiomyolipome). L’échographie est essentielle au diagnostic. La prise en charge va de la simple surveillance au drainage des urines et/ou de la collection périrénale. Le recours à une néphrectomie en urgence est exceptionnel. Le placenta percreta envahissant la vessie est une variante exceptionnelle du placenta accreta. Il est favorisé par l’existence de cicatrices utérines favorisant la pénétration de villosités placentaires dans le myomètre et le détrusor. Une hématurie n’est notée pendant la grossesse qu’une fois sur trois. La cystoscopie est souvent peu contributive. Lorsque ce diagnostic est évoqué, la biopsie endoscopique de la lésion doit être absolument évitée en raison du risque hémorragique. Le diagnostic est malheureusement fait deux fois sur trois tardivement, en salle d’opération, devant une hémorragie préoccupante pour laquelle le seul objectif chirurgical est de contrôler le saignement, ce qui nécessite parfois une hystérectomie d’hémostase avec cystectomie partielle. Infections urinaires et grossesse Une mise au point a été réalisée par Leport et Laurichesse. Les infections urinaires sont fréquentes au cours de la grossesse, pouvant atteindre jusqu’à 8 % des femmes. La prévalence augmente avec l’âge, la parité, le diabète et les conditions sociales défavorables. Les raisons associées à ce risque majoré d’infection urinaire sont plurielles, anatomiques et physiologiques : dilatation urétérale physiologique, tonus urétéral diminué favorisant la stase urinaire et le reflux vésico-urétéral, modifications hormonales favorisant la colonisation bactérienne. L’infection peut prendre diverses formes, dont l’expression clinique est à peu près la même que chez la femme non enceinte : une bactériurie asymptomatique en est une des formes les plus fréquentes, tandis que dans d’autres cas, elle se traduit par une cystite aiguë ou une pyélonéphrite aiguë. Compte tenu du risque de retentissement sur la grossesse et du risque d’évolution vers une forme symptomatique, la bactériurie doit être systématiquement dépistée par bandelettes urinaires, en début de grossesse, et à chaque consultation. La bactériurie peut se compliquer de septicémie, avec parfois des localisations secondaires à distance, et de choc septique, pouvant mettre en jeu le pronostic vital de la mère et de l’enfant. Les bactéries les plus fréquemment en cause sont les bacilles à Gram négatif : Escherichia coli, dans 80 à 90 % des infections, Proteus mirabilis et Klebsiella pneumoniae. Les autres micro-organismes sont plus rares : entérocoques, Gardnerella vaginalis, Ureaplasma urealyticum, Staphylococcus saprophyticus et streptocoques du groupe B. La base du traitement est l’antibiothérapie, adaptée, autant que possible, à la bactérie responsable de l’infection. Ce traitement est impératif, car toute infection urinaire, même bactériurie asymptomatique, peut évoluer vers une morbidité obstétricale importante, menace d’accouchement, prématurité, petit poids à la naissance. Il doit être débuté après avoir réalisé un examen cytobactériologique des urines (ECBU), avec numération des bactéries urinaires (NBU). Le choix des antibiotiques doit prendre en compte plusieurs facteurs : outre la bactérie responsable, le profil de résistance aux antibiotiques et autres facteurs de choix habituels, il faut, dans cette circonstance, prendre en compte la nécessité d’éviter, autant que possible, tout effet secondaire pour le fœtus. Il est utile de rappeler que 70 % des E. coli, en ville, sont résistants à l’amoxicilline, et que les fluoroquinolones, les aminosides sont à éviter durant la grossesse. Cela restreint le nombre de familles d’antibiotiques utilisables : amoxicilline, triméthoprime-sulfaméthoxazole (à réserver, si besoin), nitrofurantoı̈ne, per os en cas de bactériurie asymptomatique ou de cystite aiguë pour une durée de sept à dix jours, et céphalosporine de troisième génération en cas de pyélonéphrite aiguë, par voie veineuse au début et pour une durée de quatorze jours. Il est nécessaire de contrôler l’ECBU, quarante-huit heures après la mise en route du traitement pour vérifier la stérilisation des urines, critère d’efficacité du traitement prescrit, puis une semaine après l’arrêt des antibiotiques, et mensuellement jusqu’au terme. Les explorations morphologiques se résument à l’échographie rénale, les autres imageries étant contre-indiquées au cours de la grossesse, sauf nécessité absolue. L’évolution est le plus souvent favorable. La persistance de la fièvre et/ou des douleurs après quarante-huit heures d’antibiothérapie, invite à rechercher un autre facteur favorisant : local, type lithiase, ou général, tel un diabète ou une infection par le VIH. Ces spécificités des infections urinaires au cours de la grossesse soulignent l’intérêt des recommandations visant à prévenir leur survenue : boissons abondantes, hygiène périnéale, traitement d’une constipation. Traumatisme obsté trical et incontinence urinaire Sergent rapporte les données récentes sur traumatisme obstétrical et incontinence urinaire. Les données de la littérature concernant les conséquences de la grossesse sur la statique pelvienne, en particulier sur l’incontinence urinaire sont nombreuses et parfois contradictoires. Certaines données font référence à des études non exemptes de critiques méthodologiques par la faiblesse des effectifs ou la sélection des populations. Même s’il existe des points incontestables entre grossesse et statique 212 pelvienne, le bon sens doit prévaloir dans l’intérêt de la mère comme dans celui de son enfant. La grossesse, passée vingt semaines d’aménorrhée (SA), est un facteur de risque établi d’incontinence chez les femmes jeunes. Sont surtout concernées l’incontinence urinaire d’effort et l’incontinence urinaire mixte, moins l’incontinence par hyperactivité vésicale. Ainsi, la césarienne augmente le risque d’incontinence comparée à l’état d’une nullipare avec un odds ratio (OR) de 2,5 [1]. L’accouchement par voie naturelle augmente ce risque (OR : 3,4) et l’extraction instrumentale plus encore (OR : 4,3), sans connaı̂tre précisément à l’heure actuelle l’instrument le moins délétère (forceps ou ventouse). Tout se joue en fait lors de la première grossesse, le degré de parité ne semblant pas aggraver la situation. D’autres facteurs de risque obstétricaux sont incriminés. Ce sont le terme de l’accouchement, le type de présentation (défléchie, postérieure, pelvienne), la durée de la seconde phase du travail, le poids et le périmètre céphalique du nouveau-né. Leur implication réelle reste controversée. Les mesures préventives vis-à-vis de la survenue d’une incontinence ne peuvent certainement pas reposer sur la césarienne programmée. Plusieurs arguments plaident en défaveur d’une telle attitude. Il faudrait pratiquer en moyenne sept césariennes pour prévenir une seule incontinence. La césarienne est un acte chirurgical avec une morbidité et une mortalité propre. Les risques anesthésiques (syndrome de Mendelson), peropératoires (plaies vésicale, digestive, vasculaire, urétérale) et postopératoires (accident thromboembolique, embolie amniotique, syndrome occlusif ou d’Ogilvie, abcès ou hématome pariétal) ne sont jamais nuls. Les risques à distance d’un utérus cicatriciel, pour les grossesses ultérieures, sont de mieux en mieux connus. Plus que la rupture utérine, ce sont les anomalies d’insertion placentaire qu’il faudra redouter (placenta praevia et placenta accreta). Le risque d’être confronté à un accreta en cas de placenta antérieur sur un utérus bicicatriciel est évalué à 40 %. Pour limiter les possibilités de césarienne en cours de travail, puisque dans ce cas le risque d’incontinence serait identique à celui d’un accouchement par voie naturelle, il faudrait programmer la césarienne à 38 (SA). À ce terme, il n’est pas exclu d’avoir un syndrome de détresse respiratoire pour le nouveau-né. Enfin, il faut intégrer le fait que dans la population la plus handicapée par l’incontinence, c’est-à-dire la population des femmes ménopausées, le poids des facteurs de risques obstétricaux est très nettement diminué, au profit d’autres facteurs de risque comme l’âge de la patiente, l’obésité ou la présence d’une toux chronique. Dès lors, le bénéfice de la césarienne réalisée plusieurs années auparavant n’apparaı̂t plus nécessairement intéressant. Lors d’un accouchement par voie naturelle, l’épisiotomie, qu’elle soit médiane ou médiolatérale, n’a pas fait la preuve de son efficacité en terme de prévention de l’incontinence urinaire. En revanche, la kinésithérapie des muscles releveurs pendant et après la grossesse semble bénéfique. Bandelettes sous-uré trales et grossesse Avec plus d’un million de bandelettes posées dans le monde, parfois chez des femmes en période d’activité génitale, la question de la grossesse et de l’accouchement après mise en place de bandelette sous-urétrale (BSU) se pose de plus en plus régulièrement. Quelques publications rapportent quelques cas de grossesse sans morbidité particulière. De Tayrac, sous l’égide de la Société de chirurgie gynécologique et pelvienne, rapporte les résultats d’une enquête auprès des gynécologues-obstétriciens français. Trois mille quatre cents gynécologues ont été contactés. Quinze praticiens ont rapporté 17 cas de grossesse après BSU. Le taux de récidive de l’IUE était de 11,8 % pendant la grossesse et 13,3 % dans le postpartum. Sur les 15 femmes ayant accouché, sept ont subi une césarienne pour différentes raisons (antécédent de cure de l’IUE, antécédent d’accouchement dystocique, gémellité) et huit ont accouché par voie basse. Aucune patiente ayant accouché par césarienne n’a récidivé une IUE contre deux sur les huit patientes ayant accouché par voie basse. Même si cette petite série ne permet pas d’apporter de données statistiquement significatives, elle est la première à tenter d’apporter une réponse au mode d’accouchement à privilégier. Prolapsus génito-urinaires Si la cure de prolapsus génital par voie haute est relativement bien standardisée, il n’en est pas de même pour la voie basse, tant pour la technique proprement dite que pour l’utilisation et le choix de l’implant de renfort idéal. Ré sultats à court terme du Prolift® Fatton (O194) rapporte les résultats à court terme du traitement du prolapsus génital par voie basse par le dispositif Prolift®. Cent dix patientes, d’âge moyen 62,3 ans, opérées dans trois centres et présentant au moins un élément de prolapsus de degré 3, ont été suivies de manière rétrospective. L’implant utilisé était total (antérieur et postérieur) dans 53,6 % des cas, antérieur dans 20 %, et postérieur dans 26,3 % des cas restants. La durée opératoire moyenne était de 89,8 minutes. Lorsque l’utérus était encore en place, celui-ci était conservé pour 81 % des patientes. La morbidité opératoire a comporté une plaie de vessie ne modifiant pas la stratégie opératoire. À trois mois, 106 patientes sont contrôlées. Le taux 213 d’exposition de plaque est de 4,7 % et de rétraction de 17 %. L’exposition de plaque a été traitée trois fois sur cinq par un traitement local en consultation et une estrogénothérapie locale, deux fois sur cinq par une exérèse partielle de la prothèse au bloc opératoire. À trois mois, le taux d’échec défini par la récidive d’un prolapsus symptomatique et/ou de degré supérieur ou égal à 3 est de 4,7 %. L’analyse des récidives de prolapsus fait apparaı̂tre des hystérocèles extériorisées entre un soutien antérieur et postérieur, une cystocèle après réparation postérieure isolée, des cystocèles atypiques sous-trigonales après rétraction d’un Prolift® antérieur. L’auteur conclut à la faisabilité et à la faible morbidité immédiate de cette technique avec des chiffres d’exposition prothétique proches de la promontofixation. Il faut noter, néanmoins le faible recul (trois mois) de cette série. Pelvicol® et cure de cystocè le Plutôt que d’employer un implant de renfort synthétique, Rouache (O195) préfère utiliser un implant de collagène fixé par voie transobturatrice. Quarante-six patientes, porteuses d’une cystocèle de degré 1 à 4, ont subi une dissection de la cystocèle par voie vaginale avec mise en place d’une prothèse de collagène (Pelvicol®) fixée en avant par voie transobturatrice et en arrière à l’isthme utérin ou aux ligaments utérosacrés. La durée opératoire spécifique moyenne de mise en place de la plaque était de vingt-cinq minutes, la durée moyenne d’hospitalisation de quatre jours, le recul moyen de vingt-cinq mois (12-36). Un cas d’expulsion de plaque a été observé à quinze jours. La cystocèle a été complètement corrigée pour 93,5 % des patientes. Les récidives ont eu lieu à trois, six et douze mois. Un cas d’impériosités de novo persistant a été observé. L’auteur conclut à la simplicité de la technique et à ses bons résultats à moyen terme. Chirurgie des prolapsus gé nito-urinaires en 2006 Richard Villet réalise un état de l’art sur la chirurgie actuelle des prolapsus génito-urinaires. Les prolapsus génito-urinaires doivent être opérés lorsqu’ils entraı̂nent des troubles fonctionnels. Leur prise en charge nécessite une analyse sémiologique soigneuse des dégradations anatomiques au niveau des trois compartiments du périnée (antérieur urologique, moyen gynécologique, postérieur digestif) que celles-ci intéressent les niveaux haut, moyen ou bas du vagin. Les dégradations basses concernent : – en avant, la région sous-urétrale, et sont traitées lorsqu’il existe une incontinence urinaire d’effort, par un soutènement sous-urétral mis en place par voie rétropubienne ou transobturatrice ; – en arrière, le noyau fibreux central qui doit être réparé avec une colpopérinéorraphie associée à une myorraphie basse des élévateurs, surtout lorsqu’il existe une diastasis de ces derniers. Cette myorraphie des élévateurs ne doit pas être « remontée » car elle ne peut ni traiter ni prévenir les colpocèles postérieures secondaires. Les dégradations moyennes ou hautes doivent être réparées par une voie vaginale ou abdominale. Au vu de l’analyse de la littérature, la voie abdominale, avec mise en place d’une et/ou deux prothèses pré- et/ou rétrovaginales, donne de meilleurs résultats que la voie vaginale. Cette intervention par voie abdominale peut être réalisée par laparotomie ou laparoscopie. Cette dernière doit permettre d’effectuer la même technique que par laparotomie et nécessite un apprentissage sérieux. Il est admis qu’une hystérectomie est logique lors de la voie abdominale. Celle-ci sera non conservatrice, à plus forte raison après la ménopause, et subtotale, car la conservation du col utérin diminue par quatre ou cinq le risque d’exposition prothétique (2 à 3 versus 12 à 15 %). En cas de laparoscopie, l’extraction de l’utérus pose problème si on ne possède pas un morcellateur, car bien évidemment l’ouverture vaginale n’est pas logique pour extraire l’utérus. Les techniques par voie abdominale sont parfaitement réglées. Par voie vaginale, les techniques sont beaucoup moins standardisées. La dissection des éléments prolabés est sans doute aussi importante que la réparation, car cette dernière ne peut se faire correctement que si la dissection a été parfaite. Classiquement, cette dissection large comprend une hystérectomie. Les différents ligaments utérins conservés servent à la réparation. En avant, les ligaments ronds et les pédicules annexiels, associés à une plicature au fil non résorbable du fascia sous-vésical, assureront le maintien de la vessie. En arrière, le fond vaginal sera maintenu par les utéro-sacrés et la face antérieure du rectum par une plicature du fascia prérecti, là encore au fil non résorbable. En l’absence d’utéro-sacrés corrects, une fixation du fond vaginal pourra être faite aux ligaments sacro-épineux. Cette technique bien réalisée donne, à moyen terme, d’excellents résultats, mais il est clair que dans la littérature les résultats par voie vaginale sont très disparates et semblent moins fiables à long terme, d’autant plus que le succès sur un compartiment dépend largement des gestes effectués sur les compartiments adjacents. C’est pourquoi, au vu de la bonne tolérance des bandelettes sous-urétrales de polypropylène, de nombreuses techniques de mise en place de prothèses par voie vaginale ont été décrites. Une étude prospective randomisée conclut qu’à six mois, les résultats sont meilleurs avec l’utilisation de prothèses. Mais, la mise en place de prothèses n’est pas exempte de complications : érosion, infection, rétraction source de douleurs avec dysurie, dyspareunie, dyschésie. Pour standardiser la mise en place des prothèses par voie vaginale, trois kits sont proposés sur le marché : Prolift® (Ethicon Women Health Urology), Apogée et Périgée (AMS) et Avaulta (Bard). Des premières publications faites avec le Prolift®, 214 il ressort que la conservation utérine diminue le risque d’érosion. Cela pose donc à nouveau le problème de la conservation utérine par voie vaginale. Dans la littérature, il n’existe aucun argument pour ou contre la conservation utérine sur le plan fonctionnel urinaire, sexuel, digestif ou en termes de statique pelvienne. Il existe en revanche quelques indications incontournables d’hystérectomie. En cas de conservation, un bilan préopératoire correct est indispensable. En conclusion, l’intervention de référence dans la chirurgie du prolapsus est la promontofixation avec prothèses par laparotomie ou laparoscopie. Cette intervention devrait constituer un bras de référence dans toutes les études randomisées. Les techniques de mise en place de prothèses par voie vaginale sont parfaitement standardisées grâce aux kits commercialisés, mais la prothèse idéale reste sans doute encore à découvrir... Divers Comparaison de la dé bitmé trie de l’instantané mictionnel et de la dé bitmé trie libre chez la femme Peu d’études portent sur l’influence de la présence d’un cathéter urétral lors de la débitmétrie de l’instantané mictionnel. Valentini (O198), chez 217 femmes consultant pour troubles du bas appareil urinaire (vessie neurologique, diabète et prolapsus de grade au moins deux exclus), réalise en position assise, des débitmétries libres et des débitmétries lors d’instantanés mictionnels en présence d’un cathéter urétral CH 10. Le volume uriné devait être d’au moins 100 ml et la miction continue. Elle constate une diminution significative du débit maximum, une augmentation significative du temps de miction et du pourcentage de volume résiduel. Ces modifications lui semblent imputables à la présence du cathéter urétral. Les grandes différences observées entre débitmétrie libre et débitmétrie lors de l’instantané mictionnel doivent être prises en compte lors de l’interprétation des données des examens. Existe-t-il encore une place pour l’UIV dans le bilan des infections urinaires ré cidivantes de la femme ? Nohra (O199) analyse une série de 613 femmes prises en charge au centre thermal de La Preste de 1974 à 1997 pour infections urinaires récidivantes. Les patientes avaient eu, en moyenne, 5,6 crises. L’UIV était considérée comme normale ou révélait des anomalies anatomiques mineures pour 90,1 % des patientes. Les anomalies potentiellement en relation avec les infections urinaires récidivantes, qui ont été visualisées chez les 9,9 % de femmes restantes, auraient pu être diagnostiquées sur une échographie. L’auteur conclut à l’inutilité de l’UIV dans le bilan d’infections urinaires récidivantes de la femme. Référence 1. Résumés du 100e Congrès français d’urologie. Prog Urol 16, 6 (Suppl 1), 1A-58A