apparences de raisonnement scientifique, en étant appliquées sans discernement, ont pu
mettre à mal l’économie elle-même.
Les différents épisodes, qui rythment l’évolution depuis presque un siècle, témoignent
de cette réalité. Dans les années 1920, si les Etats-Unis connaissent une explosion de
l’investissement et une croissance forte, les pays européens ne parviennent pas à solder
les conséquences économiques de la Grande Guerre et de la paix. C’est, pourtant, aux
Etats-Unis que l’euphorie va laisser la place à la Grande Dépression des années 30 qui a
mis à mal la croyance en l’efficacité de l’économie de marché, alors que l’Union
Soviétique semblait engranger les bénéfices de la planification centralisée. La crainte ou
l’espoir s’est répandu de voir cette économie de marché disparaître pour laisser la place
à une économie administrée. Cette issue fatale n’est pas advenue. Une nouvelle
économie de marché, régulée par l’Etat, est née de la crise et de la guerre qui l’a suivie. A
la question posée par Keynes [1939] qui était de savoir « si nous étions prêts à quitter
l’état de laisser-faire du XIXème siècle pour entrer dans une époque de socialisme
libéral, c’est-à-dire dans un système nous permettant d’agir en tant que communauté
organisée avec des buts communs, et disposés à promouvoir la justice sociale et
économique tout en respectant et protégeant l’individu », la réponse est venue : positive.
L’idée s’est imposée que le capitalisme pouvait bénéficier d’une croissance forte et
régulière, mais à la condition que l’Etat intervienne pour en amortir les fluctuations et
veiller à la cohésion sociale.
La croissance, forte et régulière, des années 1950 et 1960, a fini par laisser croire en la
possibilité d’un réglage fin de la conjoncture par les moyens du budget autour d’une
tendance longue largement inexpliquée. Cette croyance s’est brisée sur l’augmentation
simultanée de l’inflation et du chômage dans les années 1970. L’idée, mise en pratique,
qu’il suffisait de stimuler ou de freiner la demande pour tout résoudre n’a fait
qu’aggraver les choses.
L’échec des tentatives de réglage conjoncturel en réponse à la crise des années 1970 et,
en contrepoint, les performances réalisées, sur fond de révolution des idées, dans les
années 1990 par les Etats-Unis, la Grande Bretagne ou l’Irlande ont suscité une nouvelle
croyance : il suffirait de contrôler l’inflation par le moyen d’une politique monétaire
entièrement dédiée à cet objectif et de procéder à une libéralisation des marchés pour
retrouver une croissance un temps perturbée. De l’expérience des pays émergents il n’a